Régularisation de tous les sans papiers!
Par France Arets le Mardi, 08 Avril 2008 PDF Imprimer Envoyer

Après l’accord gouvernemental intervenu sur la politique de migration, la lutte pour la régularisation des sans papiers reste à l’ordre du jour ! L’accord sur la politique d’immigration est bien loin de correspondre aux attentes des sans papiers, en particulier de ceux qui sont détenus dans nos "camps de la honte" que sont les centres fermés pour étrangers… Mais le contenu de l’accord a quand même été influencé par 2 ans de lutte ininterrompue des sans papiers et de leurs soutiens (occupations, manifestations multiples, grèves de la faim…), cela apparaît dans plusieurs avancées, à condition qu’elles soient pleinement mises en œuvre !

 

Toujours pas de commission de régularisation…

Rappelons que l’UDEP, Union pour la Défense des sans papiers, revendiquait une commission indépendante et permanente ainsi que des critères clairs de régularisation. Dans l’accord il est prévu d’ étudier l’opportunité de mettre en place une telle commission. En attendant le Ministre de l’Intérieur et sa nouvelle Ministre de l’Immigration restent seuls compétents. On reste donc dans l’arbitraire… Tant que cette commission n’est pas mise en place, on peut craindre que l’on continue à travailler au "quota": en 2007, il y a eu 40% de réponses positives aux demandes de régularisation introduites avec l’article 9.3, donc moins de la moitié. Ces 40% se décomposent comme suit : 16% des réponses octroient un titre de séjour définitif et 34% un titre provisoire. Mais il faut savoir que ces chiffres témoignent d’une augmentation inhabituelle. En effet, cela est lié à un grand nombre de régularisations pour procédures anormalement longues (résorption de l’arriéré de l’Office) [1].

 

Critères de régularisation : des avancées à clarifier et à concrétiser !

Une circulaire (pas une loi…) précisera les critères de régularisation relatifs aux circonstances exceptionnelles : longue procédure, maladie et motif humanitaire urgent, qui peut être démontré par l’ancrage social durable. La période prise en compte pour les longues procédures comprend maintenant le recours au Conseil d’Etat, ce qui inclut un certain nombre de personnes.

Cette notion d’ancrage social durable est la formulation de la notion d’attaches sociales durables. On tiendra compte de l’avis des autorités locales, de la scolarisation des enfants, du passé professionnel, des qualifications… Tout cela peut être positif si l’on précise bien comment ces demandes pourront être introduites, le type de "preuves" exigées (difficultés d’attester d’un travail en noir !). C’est notamment à propos de ce point que l’on peut parler d’avancées, puisque la notion d’attaches durables était dans la proposition de loi UDEP.

Mais il faut que ce point soit réellement exécuté, or le texte parle du fait que l’on "peut" (pas on "doit") tenir compte de l’ancrage social durable…

Immigration et régularisation économique : des bras et des têtes, ou des êtres humains à part entière?

 

Le gouvernement crée la possibilité d’une immigration économique, après que soient prises en compte la situation actuelle du marché du travail et la suppression imminente des dernières barrières à la libre circulation des travailleurs issus de pays membres de l’UE.

Ceci correspond bien à la volonté exprimée par la Commission de l’Union Européenne d’ouvrir les frontières aux plus qualifiés, et aussi si besoin est, pour des périodes limitées, à de moins qualifiés dans des secteurs comme l’Horeca, l’agriculture ou la construction (travail saisonnier)[2]. Ce qui est très inquiétant dans ces dispositions, c’est que les migrants ne sont plus pris en compte que comme force de travail fluctuant au gré de nos conjonctures économiques. En même temps, les frontières de l’UE sont de plus en plus sécurisées ; et le droit d’asile passe à la trappe[3].

 

D’autre part, ce volet de l’accord prévoit que les sans papiers résidant en Belgique depuis le 31 mars 2007 au moins, disposant d’une proposition de travail ferme ou d’un statut de travailleur indépendant peuvent obtenir permis de travail et de séjour "de façon exceptionnelle". Ceci correspond également à un des critères "udep": projet d’insertion socio - professionnelle ; mais de nouveau il va falloir concrétiser cela et faire attention à ce que peuvent signifier ces termes "de façon exceptionnelle"! (Privilège du Prince ?) Autre question : sera-t-il tenu compte de tout ce potentiel présent sur notre territoire avant de faire appel à une immigration économique extérieure nouvelle ?

 

Les centres fermés et la politique d’expulsion sont toujours bien là, déni des Droits Humains…

 

Rien ne change en ce qui concerne les centre fermés pour étrangers et les expulsions : la politique d’éloignement sera effective, avec en dernier ressort, des retours forcés et humains ( ?!). Humains ? On sait que la violence est aujourd’hui institutionnalisée dès la 2e ou la 3e tentative d’expulsion, la gradation de celle-ci (les étapes…) est filmée et présentée aux détenus des centres fermés dans un DVD réalisé par l’Office des Etrangers avant leur tentative de rapatriement. Vous avez dit "torture"?

Pour ce qui est des familles et des enfants, on parle d’accueil spécifique, de laps de temps plus court, de possibilité de scolarisation. Mais il n’est pas question de leur laisser la liberté ! Ils seront dans d’autres centres, spécialisés… toujours enfermés, au mépris de la Convention des Droits de l’Enfant.

 

L’accord fait impose la collaboration des bourgmestres et chefs de zones de police concernant l’éloignement d’illégaux. Or il faut savoir que certains bourgmestres ont pris l’engagement de ne plus procéder à des arrestations en vue d’expulsions ! Il s’agit de briser cette résistance.

Notons que tout ceci s’inscrit dans le cadre de la réforme de la procédure d’asile votée en juillet 2006 et appliquée depuis avril 2007, réforme qui prévoit une procédure plus rapide. Plus rapide pour expulser aussi!

L’exigence d’un moratoire

Parmi les personnes qui se trouvent aujourd’hui dans les centres fermés pour étrangers, détenues en vue d’une expulsion se trouvent des personnes qui rentrent en fait dans les critères définis dans cet accord, par exemple des personnes qui ont un ancrage social durable ou un projet de travail ; beaucoup sont d’ailleurs arrêtés sur un lieu de travail lors de visites de l’Inspection Sociale (lieu de travail que l’on demandera à d’autres bientôt de prouver pour obtenir leur régularisation économique) ! Un minimum serait un moratoire complet sur les arrestations, les détentions en centre fermés et les expulsions tant que les dispositions pratiques découlant de l’accord ne sont pas mises en oeuvre et accessibles à tous !

Perspectives

 

Les mobilisations s’avèrent indispensables pour faire en sorte que cet accord ne reste pas à l’état de promesses et débouche réellement sur des régularisations ; pour avancer aussi vers une commission indépendante et permanente !

Mais c’est la politique d’asile et d’immigration qui doit changer dans son ensemble. Dans des articles parus antérieurement dans La Gauche, nous avons pu voir que les mouvements migratoires sont inéluctables dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, celui des guerres, des persécutions, de la mondialisation de l’économie, des destructions écologiques… Les gens continueront de venir en Belgique comme de se rendre dans d’autres pays européens, ou du continent américain… Même si on leur ferme officiellement les portes ! Ce qui en témoigne, malheureusement, ce sont les 11.00 morts de l’Europe Forteresse depuis 1988, dans de frêles embarcations au large des côtes africaines, italiennes, espagnoles… sous les essieux des poids lourds… dans les trains d’atterrissage… [4]. Tant que nos gouvernements mèneront une politique d’accueil restrictive, il y aura des régularisations à opérer au bout d’un temps, c’est un cercle vicieux. Rappelons quand même que cette politique restrictive n’est pas innocente. En refusant aux personnes un titre de séjour, elle les plonge dans la précarité et/ ou l’exploitation par des réseaux de travail clandestins dans les secteurs économiques suivants : la construction, l’agriculture, l’horeca, les services domestiques et aux personnes, le nettoyage, les ateliers textiles…. Il s'agit d'une politique hypocrite, qui a en fait pour effet de fabriquer des "sans papiers" et d’alimenter des pans entiers de l’économie "souterraine"! De tout temps, les hommes ont circulé sur la planète, à la recherche d’un mieux-être. De nombreux Européens encore aujourd’hui partent eux aussi à la recherche d’une situation plus favorable sur d’autres continents… La LCR se bat pour la liberté de circulation et d’établissement !


[1] Question parlementaire posée au Ministre de l’Intérieur le 17 JANVIER 2008 ; pour l’année 2003, on avait une réponse positive sur 5…
[2] Programme d’action relatif à l’immigration légale, Communication de la Commission des Communautés Européennes le 21.12.[3] En Belgique, environ 9 demandes d’asile sur 10 sont rejetées (il y a eu une petite amélioration en 2005-2006, environ 15% de réponses positives, parce qu’on a commencé à apurer l’arriéré…) (source : différentes questions parlementaires) [4] Voir htpp://fortresseurope.blogspot.com

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