Le Hamas cherche un compromis
Par Michel Warschawski le Jeudi, 23 Février 2006 PDF Imprimer Envoyer

Après la victoire du Hamas aux élections, États-Unis, Europe et Israël menacent l’Autorité palestinienne de sanctions économiques. De son côté, le Premier ministre palestinien, Ismaïl Haniyeh (Hamas), doit trouver un compromis avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (Fatah), pour gérer la nouvelle situation.

Les plus hautes autorités du monde sécuritaire israélien se sont réunies pour décider des mesures à prendre pour faire payer aux Palestiniens le fait d’avoir voté massivement pour le Hamas. « On va les faire maigrir, mais pas mourir de faim », a annoncé, avec un cynisme rare, l’un des conseillers du Premier ministre israélien, résumant en cela la méthode israélienne de punition collective et le style propre à tout État colonialiste. Sous la pression internationale, Israël ne coupera pas l’électricité et l’eau (eau qui est volée depuis 35 ans des réserves aquifères palestiniennes), mais l’État juif ne rendra pas aux Palestiniens les millions de dollars mensuels provenant des taxes douanières qu’il prélève au nom de l’Autorité palestinienne. Là où les dirigeants israéliens se trompent, une fois de plus, c’est quand ils croient que la politique coloniale de la trique va réussir aujourd’hui, alors qu’elle a lamentablement échoué, après cinq ans de terreur de masse, près de 5000 morts et des dizaines de milliers de blessés.

Cette opération de pacification a, entre autres, fait élire le Hamas à la tête de la population palestinienne de Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Le succès du Hamas est, certes, la conséquence de la gestion désastreuse de la direction du Fatah, voire de la corruption de certains membres importants de cette direction. Le scrutin a pris l’aspect d’un vote sanction contre ceux qui sont tenus responsables de la situation économique désastreuse et de la poursuite de l’occupation, suite au choix de proclamer une trêve unilatérale face à un pouvoir colonial qui n’avait pas l’intention de mettre fin à son entreprise. Mais le vote du 25 janvier est aussi un défi lancé à Israël et à la communauté internationale, en proclamant haut et fort que, si les modérés se heurtaient à l’arrogance coloniale, ils n’hésiteraient pas à élire à leur tête ceux qui sont perçus par la communauté internationale comme des extrémistes. Et ce, malgré les menaces de l’administration américaine et de certains gouvernements européens.

Comme le veut la Constitution, le président Abbas a demandé au dirigeant du Hamas, Ismaïl Haniyeh, de former le prochain gouvernement. Ce dernier voudrait un gouvernement d’union nationale, entre autres pour montrer à la communauté internationale qu’il y aura une continuité dans la gestion des relations avec Israël. La gauche palestinienne qui, en rangs éclatés, a récolté 15 % des voix (mais 7 % des élus), n’est pas contre.

Que va faire la direction sortante, le Fatah ? Elle est divisée en trois tendances. Une minorité refuse le choix des électeurs et se déclare prête à renverser par la force le nouveau pouvoir, pour sauver ses intérêts, souvent maffieux. Une solution à l’algérienne en quelque sorte, qui a le soutien de certains courants de l’appareil sécuritaire israélien. À l’autre extrême de la formation créée par Yasser Arafat, certains veulent une démocratisation du parti - un grand coup de balai. Au milieu, autour du président Abbas, ceux qui voudraient que leur parti réponde favorablement à la proposition faite par le Hamas de constituer un gouvernement d’union nationale.

Quelle que soit la décision des instances dirigeantes du Fatah, les territoires palestiniens vont vivre à l’heure de la cohabitation, puisqu’aux côtés d’un Parlement (et donc d’un gouvernement) à majorité Hamas, la présidence reste aux mains du Fatah. Et, comme en France, le président de l’Autorité palestinienne jouit de pouvoirs très importants, y compris celui de gouverner par décrets. Ce qui laisse supposer que la victoire du Hamas ne sera pas, dans les faits, la rupture que certains craignent et que d’autres espèrent.

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