Ecologie: Socialisme ou Barbarie
Par Jean-Pierre Déléage le Vendredi, 27 Octobre 2000 PDF Imprimer Envoyer
La récente crise du pétrole met à nouveau au premier plan diverses interrogations sur le sens de l'expansion et de la croissance économique. Certains idéologues bourgeois abordent ces questions et le pessimisme angoissé de leurs déclarations traduit à sa manière la faillite de l'impérialisme. Cette faillite renvoie à l'alternative posée par Marx: socialisme ou barbarie.

 

Le rapport Meadows publié en 1971 par le M.I.T. dans le cadre des travaux du Club de Rome (1), ainsi que beaucoup d'autres études donnent une caution scientifique aux thèses de certains capitalistes "éclairés" face aux menaces que la production croissante de biens matériels ferait peser sur l'humanité. Les menaces d'épuisement des ressources naturelles, énergétiques, agricoles.... comparées à une croissance exponentielle de la population constituent la trame théorique de ces travaux. Le rapport du M.I.T., en dépit d'erreurs méthodologiques fondamentales sur lesquelles nous reviendrons, a mis l'accent sur des problèmes essentiels pour la survie de l'humanité.  Nous devons examiner ces problèmes avec sérieux, non pour agiter le spectre de la "grande peur de l'an 2000", mais pour esquisser une réponse dans le cadre d'une stratégie révolutionnaire.

 

Le texte qui suit n'est qu'un premier essai qui s'efforce, à partir de l'évocation d'exemples choisis parmi des dizaines d'autres (2) d'intégrer quelques axes de réflexion méritant d'être développés à la lumière du marxisme révolutionnaire.

 

I - LA CRISE DE L'ENVIRONNEMENT

 

1. Les problèmes posés par l'homme et son environnement ne sont pas nouveaux. Avec l'homo sapiens apparut, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, la première espèce animale dont l'existence constituait une source potentielle de déséquilibre de la biosphère. Le feu, premier acquis technique de l'humanité, a permis la première rupture entre l'homme et la nature; les chasseurs paléolithiques ont dégradé de vastes surfaces végétales et sensiblement appauvri la composition de la grande faune de vertébrés qui peuplait diverses régions du globe. Au début du néolithique, l'impact de l'homme s'accrut brutalement avec la découverte de l'agriculture et l'accroissement démographique qui en résulta: c'est la deuxième révolution technologique qui a conditionné toutes les structures sociales qui se succédèrent depuis cette époque et qui a exercé une influence catastrophique sur de nombreux écosystèmes terrestres: la déforestation massive, la destruction de communautés végétales naturelles créèrent souvent les conditions de l'aridification de régions entières. (3).

 

Mais, jusqu'au début du XIXème siècle, l'impact de l'homme sur la nature est resté fondamentalement identique dans son essence. Dans aucune des sociétés antérieures à l'essor du mode de production capitaliste, il n'y a eu de modifications irréversibles dans les cycles de la matière et de l'énergie dans la biosphère, jusqu'au début du XIXème siècle, l'écosystème humain était surtout fondé sur l'exploitation de l'espace rural, avec un artisanat employant surtout  des  matériaux  d'origine végétale,  donc biodégradable.

 

2. C'est au XVIIIe siècle que s'accumulent les transformations qui créent les conditions de l'essor du mode de production capitaliste. C'est au milieu du XIX ème siècle que s'affirme un changement radical dans l'écosystème humain. En termes écologiques, l'essor du capitalisme fait apparaître trois sources de perturbations majeures:

 

• la diversité des biocoenoses (c'est-à-dire l'ensemble des êtres vivants habitant un même biotope) qui peuplent les milieux exploités par l'homme, se réduit de plus en plus.

 

• le cycle de la matière est rompu, car les déchets produits par l'homme ne sont plus dégradés, minéralisés par les décomposeurs pour deux raisons essentielles: l'action des micro-organismes des sols et des eaux est inhibée par la contamination de polluants toxiques et l'industrie produit une quantité croissante de substances non bio-dégradables. Ainsi, par exemple, l'usage massif de combustibles fossiles a déjà perturbé de façon considérable les cycles du carbone et du soufre.

 

• le flux d'énergie est totalement modifié, avec en particulier une consommation frénétique dans les pays capitalistes développés (par exemple, les Etats-Unis, qui ne représentent que 7% de la population mondiale, ont consommé en 1970, le tiers de la production énergétique de l'ensemble du monde). La production agricole elle-même est impliquée dans les déséquilibres énergétiques, puisque l'apport d'énergie non photosynthétique à la culture s'effectue au travers des instruments de travail du sol, de l'usage des engrais chimiques, de pesticides, également synthétisés grâce à l'énergie de combustibles fossiles.

 

3 Depuis la fin des années 60, les problèmes de l'environnement ont pris une importance énorme, la crise écologique est présentée comme une menace pour la survie même de l'humanité. Le problème est le plus souvent présenté comme un problème mondial, concernant au même titre les divers continents, l'ensemble des pays et des classes sociales. Il y a là une première mystification qui tend à réduire l'écologie à l'étude des relations entre un système vivant (ici l'humanité) et son environnement, en déconnectant la science écologique de l'analyse scientifique de l'économie des sociétés humaines. Il s'agit pour nous de réhabiliter une approche dialectique dans l'étude des sociétés humaines et de l'environnement terrestre. Une approche partielle de la crise de l'environnement conduit le plus souvent à des solutions techniques inaptes à la résoudre. Une analyse "écologiste" au sens étroit du terme, coupée de la critique marxiste du mode de production capitaliste, court le risque de tomber dans une nouvelle utopie.

 

Un siècle d'idéologie positiviste a répandu l'idée que l'essor de la science et de la technologie, le développement industriel, avaient pour conséquences un mieux être pour l'ensemble de l'humanité, inspirant même les conceptions gradualistes d'un Bernstein ou les diverses variantes du réformisme contemporain. Les idéologues bourgeois des années d'après-guerre se firent les chantres de l'expansion d'un capitalisme sans crise qui "avait sur-monté ses contradictions". Les mêmes, tirant aujourd'hui argument de la crise de l'environnement, crient à la catastrophe, mais s'appuyant sur la thèse implicite qu'aucun autre système social que le capitalisme n'est possible.

 

Nous pensons au contraire que l'économie capitaliste est le premier responsable de la crise actuelle de l'environnement, les relations entre l'homme et son environnement, dans toutes les époques passées ont largement été la conséquence directe des lois de fonctionnement de la société. Dans une lettre à F. Engels, (25 mars 1868), K. Marx écrit: "Mais dans l'histoire des modes de production, aucune classe n'a exploité, n'a détruit le cadre de vie de la majorité de l'humanité aussi brutalement que la bourgeoisie."

 

- la tâche actuelle du prolétariat doit partir de la nécessité historique suivante: pas plus qu'il n'est possible de laisser une classe sociale exploiter férocement la force de travail de l'immense majorité de l'humanité, il n'est possible de laisser cette classe sociale compromettre l'avenir de l'ensemble de l'humanité en pillant systématiquement les ressources naturelles de la terre.

 

II - QUELQUES FACTEURS DE LA CRISE

 

1. L'épuisement des ressources naturelles: notre planète est un système clos pour la matière: l'écosphère. La quantité de matériaux disponibles y est donc exactement déterminée. De ce point de vue, la production de marchandises a pour conséquence de transférer les matériaux de la sphère "Ressources naturelles" à la sphère "déchets" (4). Ainsi, les estimations les plus optimistes prévoient l'épuisement de certains métaux non ferreux d'ici un siècle. Epuisement à un pôle, engorgement à un autre sont inéluctables, dans le cadre d'une économie de marché. Pour plusieurs raisons:

 

• Dans une économie de marché, une fois réalisée la valeur d'échange de la marchandise, celle-ci cesse pour l'essentiel d'être un objet intervenant dans la réalisation de la plus-value. Toute prolongation de sa valeur d'usage au-delà de certaines limites planifiées dans les bureaux d'études (c'est bien connu en ce qui concerne l'industrie automobile, par exemple) compromet l'écoulement de produits finis nouveaux.

 

• D'une façon analogue, la réintroduction dans le processus de production de matériaux (métaux par exemple) tend à s'opposer à la rente tirée de la possession de gisements en cours d'exploitation. C'est ce qui permet de comprendre l'absurdité de la circulation de la matière dans une économie de profit : seuls présentent un intérêt les processus situés en amont de la fabrication de la marchandise: les seuls produits recyclés sont les sous-produits qui apparaissent dans le processus de production lui-même.

 

• Paradoxalement, le développement technologique pousse à l'extrême ce gaspillage: la diminution de la valeur d'usage est systématiquement recherchée, par réduction de la résistance et de la durée d'utilisation. En effet, l'accroissement du taux de renouvellement des marchandises est un gaspillage qui, du point de vue de l'écologie, accélère le transfert ressources-déchets, mais qui, du point de vue du système capitaliste, s'oppose à la baisse tendancielle du taux de profit.

 

• Le phénomène de gaspillage est plus évident encore en ce qui concerne la production d'armements, grande consommatrice de métaux rares et dont l'obsolescence est particulièrement rapide.

 

Il est clair que seul un système productif où la valeur d'usage est recherchée, peut permettre à terme d'éviter l'épuisement des ressources naturelles, notamment en recyclant avec une haute efficacité les matériaux usuels. Pour les métaux par exemple, il y a seulement utilisation et dispersion, non consommation. Pour les matières organiques, le problème est plus complexe, puisqu'il y a souvent' consommation partielle.

 

Les techniques de recyclage sont déjà utilisées en économie capitaliste. Ainsi, par exemple, aux Etats-Unis, 52% du plomb consommé est récupéré, 80% des automobiles au rebut sont utilisés par l'industrie de la ferraille.(5) Mais ces techniques ne sont utilisées que dans deux cas: lorsqu'elles apportent un surplus de profit à une entreprise, lorsqu'elles sont moins coûteuses que d'autres procédés d'anti-pollution que l'entreprise devrait de toute façon mettre en place.             Elles sont fondamentalement limitées aujourd'hui car dans une économie de profit, les prix du marché ne reflètent pas l'ensemble des coûts, notamment ceux relatifs à l'environnement, parce que la rentabilité sociale s'oppose le plus souvent à la rentabilité des firmes privées.

 

2. Déséquilibre énergétique: le problème de l'énergie se pose en des termes sensiblement différents, parce que deux types distincts de sources d'énergie peuvent être utilisés par l'homme.

 

• Les premières, non renouvelables comprennent les divers combustibles fossiles (charbons,  pétrole,  schistes bitumineux, gaz naturel) et les matières fissiles (uranium, thorium).

 

• Les secondes inépuisables à l'échelle de l'espèce humaine: marée, géothermisme, flux solaire. Toutes les activités humaines dépendent de cette Forme d'énergie: captée par les végétaux, elle est transformée par eux en énergie chimique avant d'être libérée dans l'organisme lors de la combustion des aliments.

 

C'est l'énergie solaire qui permet l'évaporation des océans, la formation des nuages, la pluie et donc le fonctionnement des centrales hydrauliques par exemple. Même les combustibles fossiles proviennent de l'énergie solaire, transformée en énergie chimique par les végétaux, puis stockée dans des molécules organiques où le carbone est réduit.

 

Or, la consommation énergétique mondiale est essentiellement fondée sur l'emploi de combustibles fossiles (plus de 90% en 1970). Ce qui est une absurdité. A cause de leur épuisement inévitable d'abord, mais surtout à cause des perturbations drastiques que leur utilisation entraîne sur l'ensemble des êtres vivants. Outre les phénomènes de pollution, une des limitations essentielles de la consommation d'énergie non renouvelable est de nature thermodynamique. Elle découle du rejet dans l'atmosphère et les eaux de la chaleur non convertie en énergie utilisable : au rythme actuel de la consommation de ressources énergétiques fossiles, la caléfaction des fleuves dans un premier temps, les modifications climatiques locales, dans un second temps seraient prohibitives pour les Etats-Unis, des physiciens ont calculé qu'une croissance de la production d'électricité (à partir des combustibles fossiles ou nucléaires) au rythme actuel élèverait de 25 degrés (!) en l'an 2000 la température moyenne de tous les cours d'eau de ce pays.

 

La seule solution écologique à l'approvisionnement en énergie n'est donc pas à long terme de recourir aux combustibles fossiles ou nucléaires, non renouvelables, ce qui modifie la balance énergétique de notre écosphère, mais bien de faire appel aux sources naturelles et en particulier au rayonnement solaire. Mais cela implique un renversement des finalités de l'économie capitaliste, ne serait-ce qu'en raison des intérêts privés aujourd'hui attachés au développement de l'utilisation des ressources fossiles d'énergie (pétrole nucléaire...).

 

3. Limitation des ressources alimentaires: (6) en 1963, la FAO estimait que 20% des habitants des régions non développées étaient sous-alimentés et que 60% d'entre eux souffraient d'une malnutrition liée à une carence de protéines animales.

 

Plus d'un milliard d'êtres humains ne disposent pas aujourd'hui d'une alimentation suffisante. Cette année même en Afrique sévit une famine qui a déjà fait des centaines de milliers de morts...

 

La croissance démographique prévue pour les vingt années à venir exige la mise en culture, dès avant l'an 2000, de la totalité des terres cultivables du globe. La pénurie actuelle et à venir des ressources alimentaires appelle les remarques suivantes:

 

• Cette pénurie est inégalement répartie sur les hommes. Les pays non développés ne disposent que de 20% du poisson péché dans le monde. Les Nord Américains et les Européens à eux seuls, s'en approprient plus de la moitié. Et près de la moitié de la pèche mondiale est utilisée pour l'alimentation de leur bétail et de leurs volailles. La principale source de farine de poisson est l'Amérique latine (Pérou) qui manque cruellement de protéines. C'est par ce biais que l'abondance d'aliments comme la viande dans les pays capitalistes développés est fondée sur la malnutrition du reste du monde. C'est là une des conséquences de l'échange inégal, caractéristique du système impérialiste.

 

• Les techniques industrielles de culture ont accéléré dans les vingt dernières années les ravages commis déjà depuis un siècle (7). Par exemple, l'apport massif des engrais azotés entraîne dans un premier temps un accroissement spectaculaire des rendements. Mais les engrais ne polluent pas seulement les rivières et les océans: l'azote inorganique apporté au sol inhibe les micro-organismes, provoque leur régression ou leur mutation et détruit ainsi le cycle naturel de l'azote. L'apport de quantités croissantes d engrais industriels pour maintenir la fertilité des sols ne résout à terme aucun problème. B. Commoner (The Closing Circle 1972) a fourni la preuve irréfutable du caractère néfaste des méthodes actuelles de surfertilisation. Mais ses investigations n'ont suscité que peu d'enthousiasme dans les milieux agronomiques américains pas plus qu'au sein de la puissante association des producteurs de fertilisants US; une violente campagne a été lancée contre B. Commoner, cherchant même à faire interdire la publication de ses résultats dans les revues de l'A.A.A.S. (8). "Cette attitude de la part d'une association dont le but est de promouvoir la commercialisation d'engrais chimiques est compréhensible lorsqu'il s agit d'une industrie qui rapporte deux milliards de dollars par an". (B. Commoner, The Closing Circle).

 

• Dès le début du XIXème siècle, Marx et Engels ont montre comment la production capitaliste devait fatalement épuiser en même temps les deux sources dont jaillit toute richesse: la terre et le travailleur... car chaque progrès de l'agriculture est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter les travailleurs, mais encore dans l'art de dépouiller le sol; chaque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité (9). Mais qu'importent pour les gros propriétaires fonciers ces avertissements repris aujourd'hui par de nombreux scientifiques: c'est la course au profit qui les pousse à incendier des forêts entières et à livrer les terres ainsi récupérées à une exploitation déprédatrice (Brésil Madagascar) en les soumettant à des monocultures épuisantes (canne a sucre, caféier) qui les transforment en quelques années en vastes étendues stériles (10).

 

4. La pollution: le transfert des matériaux au compartiment déchets correspond aussi à un déplacement et à une dispersion, à un transfert écologique d'une zone de l'écosphère à une autre. Ainsi, en quelques semaines, le strontium 90 libéré par une explosion nucléaire peut faire le tour du monde. Le DDT peut séjourner en moyenne 5 ans dans le sol, 3 ans 1 /2 dans l'atmosphère avant d'être précipité par la pluie.

 

L'écologie montre que la pérénité des systèmes naturels est due a l'existence de cycles biogéochimiques; cela est possible grâce aux végétaux qui captent l'énergie solaire et la transforment en énergie chimique dont l'utilisation peut être différée.

 

• L'économie capitaliste fonctionne au contraire sur le mode linéaire, en interrompant le cycle de la matière. Par exemple en France, l'activité économique qui se développe le plus rapidement est la production de déchets avec un taux d'expansion de 17% par an (11). De plus. ces déchets peuvent être toxiques pour les êtres vivants. Tel est le cas du plomb tétraéthyle du mercure... Les êtres vivants ont évolué dans un système aux caractéristiques précises. Ainsi, de nombreuses réactions chimiques ne peuvent pas normalement se produire dans l'écosphère parce que leurs températures de réaction sont supérieures aux températures régnant à la surface de la terre. Comme les composés produits par ces réactions n'existent pas naturellement dans l'atmosphère, les êtres vivants n'ont pas développé de mécanismes de protection contre eux. Ces composés n'ont pas été des facteurs de sélection, aucune espèce n'est donc adaptée à leur présence. Leur libération par l'homme est toxique.

 

• Ces phénomènes de pollution sont considérablement aggravés par le développement de zones urbaines monstrueuses. Par exemple, la consommation de nourriture se fait essentiellement dans les villes, hors des écosystèmes où les produits organiques correspondants ont été élaborés, ce qui entraîne des perturbations locales dans la circulation de la matière. K. Marx explique dans le Capital comment "avec la prépondérance toujours croissante de la population des villes qu'elle agglomère dans les grands centres, la production capitaliste trouble la circulation matérielle entre l'homme et la terre, en rendant de plus en plus difficile la restitution de ses éléments de fertilité, des ingrédients chimiques qui lui sont enlevés et sont usés sous forme d'aliments, de vêtements".

 

Les quelques exemples que nous venons d'évoquer illustrent une idée simple: la manière dont les hommes sont organisés pour produire, les rapports sociaux de production jouent un rôle fondamental dans la relation qui s'établit entre l'homme et son environnement. La grandeur relative de la plus-value soustraite aux travailleurs s'exprime par rapport au capital constant engagé dans le procès de production. Or, le capital constant inclut les matières, l'énergie, qui seront transformées par le travail vivant qui, lui seul, engendre la plus-value. L'accumulation du capital implique donc une recherche systématique des éléments naturels dont la production a besoin, au plus bas prix: pour cette première raison, le capitalisme a pour conséquence inéluctable le pillage de la nature.

 

Economiser la matière au cours du processus de production, tenter de récupérer les déchets suppose encore une augmentation du capital constant, nécessite, le cas échéant, l'existence d'une main d'oeuvre affectée à la récupération des matières premières, dont la réduction éventuelle de la part de travail considérée comme productive. Une quantité importante est donc rejetée dans l'écosphère. La pollution de l'environnement est donc aussi la conséquence inéluctable du capitalisme. Tel est le cadre général de notre compréhension des phénomènes actuels de dégradation de l'environnement.

 

III - LIMITER LA CROISSANCE ? (12)

 

C'est à juste titre que les travaux du Club de Rome et notamment le rapport de Meadows sont très souvent invoqués dans les polémiques actuelles sur les limites de la croissance. Il s'agit là, en effet, de l'effort le plus systématique de la pensée bourgeoise contemporaine pour aborder ce problème. C'est donc des travaux du Club de Rome que nous allons d'abord discuter.

 

Le débat sur les limites de la croissance n'est pas nouveau, il remonte à la fin du XVIIIème siècle. Les modèles de dynamique du monde développés par Jay Forrester et des limites de la croissance développés par Meadows témoignent en fait d'un regain d'intérêt pour les théories de Malthus.

 

1) Du point de vue méthodologique, les modèles de Forrester et de Meadows relèvent de la même démarche que celui de Malthus. Il s'agit d'une approche de l'économie mondiale considérée comme une boîte noire avec des entrées positives et des sorties négatives. Pour Malthus, l'entrée positive est constituée par la production agricole, la sortie négative par la population. Sa thèse centrale, développée dans son "Essai sur le principe de population", oppose une augmentation de la population en progression   géométrique  à   une  progression   seulement arithmétique des moyens de subsistance. Selon Malthus, seule l'entrée en jeu de certains facteurs pouvait mettre des limites à la pression démographique ; dans la version corrigée de son livre (1803) l'idée d'une contrainte morale avait été ajoutée aux limitations initiales: guerre, famine et maladie.

 

Les modèles de Forrester apportent seulement deux éléments nouveaux au travail de Malthus, mais qui ne sont en rien une innovation théorique:

 

a- le nombre d'entrées (capital industriel) et de sorties (pollution et épuisement des ressources) passe de deux à cinq ;

b- les modèles actuels introduisent des systèmes de rétroaction (feedback) à plusieurs boucles, qui peuvent être traités par ordinateur.

 

La contrainte morale qui faisait référence chez Malthus à l'abstinence sexuelle (relation homme/femme) se double aujourd'hui de l'abstinence dans les relations homme/nature.

 

2) Du point de vue politique, ensuite, nous portons des critiques fondamentales au modèle du monde du MIT: les catastrophes prévues par le rapport du MIT, si les tendances actuelles restent inchangées, apparaissent seulement comme l'interaction des cinq facteurs cités. Il est significatif, par exemple, que la production d'armements, l'impérialisme comme système politique dominant, ne soient pas retenus comme facteurs pertinents dans l'analyse. Que la répartition inégale des ressources entre les zones différentes du monde, entre classes sociales à l'intérieur d'une nation, ne soient pas prises en compte dans l'analyse (13).

 

Les auteurs présentent leur modèle comme "a-politique" alors qu'il exclut précisément les facteurs déterminants dans l'explication des maux dont souffre aujourd'hui la majorité de l'humanité; c'est ce qui explique le succès de ces modèles dans certaines couches des classes dirigeantes, car ils n'impliquent aucun conflit dans un monde pourtant plus que jamais dominé par les conflits de classes.

 

Un modèle qui repose implicitement, et d'abord, sur un statu quo inchangé à l'échelle mondiale s'inscrit totalement dans une perspective bourgeoise, qui s'efforce de contenir la poussée de la révolution mondiale par tous les moyens, y compris la barbarie des guerres impérialistes comme en Indochine.

 

3) Du point de vue économique (14), les implications de l'étude du M.I.T., sont compatibles avec le système capitaliste: pour le modèle de M.I.T., puisque les entrées sont limitées (capital industriel, disponibilités alimentaires) et insuffisantes pour équilibrer les sorties, c'est au niveau des sorties qu'il faut attaquer le problème.

 

Lutte contre l'épuisement de ressources, lutte contre la pollution et régulation des naissances sont les moyens qui découlent logiquement du modèle. Pour chaque unité de production polluante, une unité de production dépolluante ; pour chaque matière qui risque de manquer, une unité de recyclage. Cela offre évidemment des possibilités de développement à de nouveaux secteurs du capitalisme, comme l'ont montré de nombreux économistes.

 

Ainsi, aux USA, le marché des équipements anti-pollution est évalué à 26 milliards de dollars pour la période 1970-1980. Aux USA encore, le taux de croissance des équipements anti-pollution est de 20% par an, soit le triple de la plupart des autres branches (Le Monde du 21 mai 74 rappelle que 6,2% des investissements industriels américains sont consacrés à la lutte contre la pollution; cette proportion passera à 7% d'ici 1977). Au Japon, ce taux reste sensiblement de 50  depuis une dizaine d'années et ce secteur industriel est un secteur pilote de l'industrie japonaise (15). J.-P. Céron(16) rappelle que " deux douzaines de firmes de l'anti-pollution sont des filiales des départements les plus pollueurs du pays... Pour le pétrole, la Standard Oil of New Jersey, Guif Oil... Pour l'industrie chimique, Dupont, Daw Chemical, Carborundum".

 

4) C'est pour le problème de la pression démographique que les thèses néo-malthusiennes apparaissent le plus clairement pour tenter de résoudre, dans le cadre de la société capitaliste, la crise de l'environnement (17). C'est dans ce domaine que l'écho rencontré semble le plus important.

 

Même le "Blue Print for Survival" par ailleurs intéressant, proclame: "Il est peu vraisemblable que la population optimale du monde puisse être supérieure à 3.500 millions d'habitants et il est probable qu'elle y est bien inférieure" (18). Ce type de conclusion débouche sur une démarche cyniquement impérialiste de la part de spécialistes anglo-saxons comme W. et P. Paddock qui proposent: "Les États-Unis doivent décider à quels pays ils expédient des aliments, à quels pays ils ne le feront pas " et cela à partir d'un ensemble de règles qui doivent permettre le tri...(19).

 

De ce point de vue, la politique de la bourgeoisie impérialiste, en particulier à l'égard du prolétariat du capitalisme de la périphérie ou des travailleurs immigrés dans les métropoles impérialistes est dans le droit fil de la tradition malthusienne. Dans une période d'essor du capitalisme peu marquée par des crises profondes, la bourgeoisie fait tout pour développer une sur-population ouvrière. Que pointe une menace de crise et le malthusianisme le plus traditionnel revient au premier plan (voir les campagnes de racisme en Europe occidentale à rencontre des travailleurs immigrés...) (20).

 

La thèse centrale développée par le World Dynamic fait finalement dépendre la pression écologique de la pression démographique. B. Commoner a démontré avec vigueur que cette relation n'est pas justifiée en s'appuyant sur l'exemple des Etats-Unis (21).

 

Mais surtout, il semble qu'une loi historique peut être tirée de l'analyse de la dynamique des populations: c'est le développement économique qui conditionne et précède la baisse du taux de natalité. Or les modèles de Forrester projettent dans le futur une loi qui contredit cette loi historique: le développement conduit, dans ses modèles, à une explosion démographique. Ainsi, pour lui, le doublement de la ration alimentaire moyenne se traduirait par une explosion démographique: le taux de croissance de la population passerait de 1,2% à 3,8%. Cet exemple suffit à condamner une boucle développement-population, fondamentale dans l'élaboration du modèle du monde de Forrester; et cela d'autant plus qu'il ne conclut pas à la nécessité d'un développement accéléré des régions non développées, mais à une action anti-nataliste et à une baisse du niveau de vie moyen! (22) 

 

Finalement, le trait commun à la plupart des thèmes développés par les idéologues bourgeois est la négation du caractère de classe des rapports hommes/environnement. La problématique de l'environnement est traitée comme une problématique  mondiale:  on  rejette  sur  l'accroissement démographique et singulièrement sur les masses populaires, la responsabilité de la crise actuelle. A travers l'idéologie inter-classiste du "Nous sommes tous embarqués sur la même galère" est masquée la question essentielle: les différences et les antagonismes entre oppresseurs et opprimés, exploiteurs et exploités. Pour comprendre la dimension véritable des problèmes posés, il faut s'attaquer à l'image du globe acquise à l'école primaire : une carte du monde qui privilégie la division en continents, en pays, ne permet de comprendre ni les racines actuelles de la crise de l'environnement, ni le fonctionnement du système économique mondial.

 

IV - L'ECOLOGIE IDEOLOGIE DES NOUVELLES COUCHES MOYENNES ?

 

1) Surpeuplement et pollution excessive, épuisement des ressources sont les termes des catastrophes qui apparaissent dans les modèles du MIT. Mais si l'on se réfère aux travaux de Villermé, S. Mercier (24) ou Marx et Engels (25) par exemple, on découvre que ces trois facteurs caractérisent déjà la situation de la classe ouvrière à l'époque du capitalisme naissant. Dès 1839, la Wupper déversait "tantôt rapidement, tantôt d'un cours hésitant, ses flots pourpres entre des rangées de fabriques aux murs noircis de fumée" (26). Et faut-il se référer à la misère qui règne dans les grandes villes du sous-continent indien, en Amérique Latine ou à la périphérie des grandes villes d'Europe occidentale pour rappeler que les éléments de la catastrophe prévue par les experts du Club de Rome constituent simplement les conditions de vie actuelles de la majorité du prolétariat et du sous-prolétariat sous domination impérialiste ?

 

Mais tout cela intéressait peu la bourgeoisie jusqu'à une période récente. Il restait suffisamment d'oasis pour qu'elle puisse s'y réfugier, assez de force de travail à intégrer au processus de production. Aujourd'hui, par contre, une approche sensiblement nouvelle des problèmes d'environnement s'avère indispensable à la sauvegarde et à la réalisation des objectifs de profit et de pouvoir des classes dominantes:

 

- les conditions de la mise en valeur du capital se transforment: nous avons vu que les substances naturelles (traitement des eaux, de l'air...) et l'entretien de la force de travail deviennent plus coûteux;

 

- la situation de l'environnement des classes dominantes elle-même se détériore.

 

C'est pour ces raisons que la bourgeoisie tente d'éveiller l'intérêt de l'ensemble des classes sociales pour la protection de l'environnement, et trouve un certain écho dans les nouvelles couches moyennes des pays capitalistes développés (Etats-Unis, Europe occidentale). Le fait que certaines caractéristiques des conditions de vie du prolétariat s'appliquent aujourd'hui à la vie de ces nouvelles couches moyennes donne une certaine efficacité à la propagande bourgeoise.

 

2) Le mécanisme de cette propagande est simple: le glissement s'opère du "Nous sommes tous victimes", au "Nous sommes tous coupables", pour conclure "Nous devons tous être payeurs" (27). Parmi les mouvements écologiques, nombreux sont ceux qui reprennent à leur compte cette idéologie unanimiste. qui insiste sur la morale personnelle du recyclage, d'un retour à la "vie naturelle", de la non consommation.

 

Ce qui aboutit dans le meilleur des cas à une tactique de diversion par rapport aux problèmes réels. C'est cette morale que l'on retrouve souvent dans l'idéologie du "ras-le-bol" dont l'impact est considérable aujourd'hui dans la jeunesse occidentale, en particulier dans la jeunesse scolarisée (28). Une possibilité s'offrirait à nous, qui serait la contestation la plus radicale du système: en sortir. Elever des moutons sur le Larzac, manier des technologies douées dans des communautés à dimension humaine. Bien qu'elles traduisent un refus massif de la société capitaliste, ces expériences (à supposer qu'elles puissent se généraliser) sont idéologiquement intégrées au système capitaliste, ravalées au rang de spectacles. Et la démarche, en tant qu'alternative générale à la société bourgeoise, est sympathique, mais bien fragile, incapable de résister à une remise en ordre de l'Etat. Vivre doucement l'utopie dans un monde miraculeusement autogéré n'oblige ni les patrons ni les flics à quitter la place !

 

Ces "idéologies écologiques" renvoient à  un cycle économique d'une simplicité qui évoque la vie de Robinson sur son île: équilibre écologique, accumulation égale; c'est la négation purement utopique et morale de la société capitaliste qui, au contraire, suppose un déséquilibre écologique et une accumulation inégale autour des pôles de croissance.

 

Il n'est pas intégré à une stratégie révolutionnaire qui s'articule autour des intérêts historiques du prolétariat, le "mouvement écologique" a toute chance de sombrer dans un nouveau millénarisme, une sorte de scoutisme naturiste et apolitique. Dans le pire des cas, les thèmes développés sont une simple variante de l'idéologie bourgeoise, les mesures suggérées sont totalement compatibles avec le capitalisme. Ainsi par exemple les auteurs du "Blue Print for Survival" qui proposent une organisation sociale en unités réduites, après avoir décrit avec émotion l'organisation des communautés primitives démographiquement stables, en arrivent à des conclusions tout simplement réactionnaires: "Notre culture particulière fondée sur la science n'est en aucune manière supérieure à celle des sociétés plus primitives... (29). Il faut retrouver le rôle de la religion dans notre culture puisqu'il ne saurait y avoir de contradiction entre les commandements de Dieu et de la Nature, et que pour survivre l'homme, comme toute autre créature, doit respecter celle-ci" (29 b).

 

Même René Dumont, dans son livre par ailleurs fort intéressant, propose, pour limiter les naissances dans les pays riches, la suppression de primes aux familles nombreuses, ce qui aurait comme conséquence d'aggraver les conditions de vie des travailleurs.

 

On distingue bien les écueils qui guettent la "protestation écologique" si seules les couches moyennes s'en emparent. Pour les plus exploités, elle ne pourra prendre que l'allure d'une sinistre plaisanterie. Ceux qui luttent pour leur survie luttent d'abord pour une nourriture suffisante et un abri sommaire! Tant que les richesses mondiales resteront la propriété de firmes impérialistes, la lutte pour la préservation de l'environnement restera en dernière instance une justification de la sous-consommation des classes populaires, une justification de la tentative de prolonger la dépendance des peuples colonisés.

 

V - SOCIALISME OU BARBARIE: (30)

 

La politique capitaliste de l'environnement (exploitation des ressources naturelles, habitat, transports, cadre de vie...) va à l'encontre des intérêts présents et à venir des masses laborieuses. C'est que les choix effectués dans cette société ne correspondent pas au coût social le plus faible. L'acharnement des classes dominantes à compromettre l'avenir de l'humanité en dégradant l'écosphère, en contaminant la population humaine, provient de l'essence même du système établi, pour lequel la nature, comme l'homme, sont d'abord l'objet d'une exploitation profitable. Telle est aussi la limite interne de toute écologie qui ne débouche pas sur un combat militant contre le système capitaliste lui-même. Telle est enfin la limite de la pensée politique d'un S. Mansholt (31) qui ne propose en définitive qu'une rationalisation du capitalisme.

 

B. Commoner, après une analyse serrée des problèmes de l'environnement, arrive à cette conclusion, que nous reprenons à notre compte: "La technologie moderne, qui est propriété privée, ne peut pas survivre plus longtemps si elle détruit le bien social dont elle dépend: l'écosphère. Ainsi, un système économique fondamentalement basé subies transactions privées au lieu d'objectifs sociaux n'est plus adapté et est de plus en plus inefficace dans l'aménagement de ce bien social vital... Il n'y a pas d'alternative apparente entre la barbarie et les conséquences économiques de l'impératif écologique". (32).

 

Notre compréhension toujours mieux élaborée des lois de la nature peut nous permettre d'explorer avec précision différentes solutions possibles à la crise actuelle. Commoner en énumère un certain nombre dans le dernier chapitre de son ouvrage, montrant ainsi que la science peut être une arme dans le combat révolutionnaire. Elle ouvre des perspectives nouvelles pour le transport des hommes et du fret, pour le stockage et le transport de l'énergie et de l'information. Ces possibilités nouvelles libèrent les implantations industrielles et l'habitat de nombreuses contraintes, elles rendent objectivement possible l'harmonie des rapports ville/campagne, permettant d'envisager la suppression de ces mégalopolis à propos desquelles Engels écrivait déjà dans l'Anti-Dühring: "Notre civilisation nous a laissé, avec les grandes villes, un héritage qu'il faudra beaucoup de temps et de peine pour éliminer. Mais il faudra les éliminer, môme s'il s'agit d'un phénomène de longue durée" (33)

 

Il reste que la mise en œuvre de ces objectifs suppose réunies plusieurs conditions économiques:

 

- la planification mondiale des ressources et des lignes essentielles de développement de la production agricole et industrielle.

- la globalisation des coûts é l'échelle de l'ensemble de la société, ce qui est contradictoire avec la logique capitaliste où l'évaluation des coûts est opérée à l'échelle de l'entreprise ou du trust.

- la suppression des gaspillages monstrueux engendrés par l'anarchie capitaliste (production d'armements...).

- la socialisation des moyens de production et d'échange.

 

Mais la solution à la crise actuelle suppose surtout que soit remplie une condition politique fondamentale : la prise en mains, par les producteurs eux-mêmes, de leurs propres affaires. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle couche de fonctionnaires et technocrates du capital qui seraient des "experts en pollution". Il s'agit très précisément d'utiliser, au service de l'ensemble des producteurs, les moyens que la science contemporaine met à notre disposition :

 

- en abaissant massivement la durée de la journée de travail, par la suppression des productions inutiles ou carrément nuisibles (armement), pour donner aux travailleurs le temps de gérer leurs affaires (34).

- En choisissant, par exemple, le développement d'un réseau de télévision multiplex, plutôt que le développement de transports polluants pour favoriser la mise en place d'une planification démocratique, qui résulte d'une consultation mutuelle des travailleurs autogérant leurs propres entreprises (35).

 

Seules ces conditions sociales et politiques peuvent permettre un fonctionnement de la société écologiquement sain. Elles supposent non pas la rationalisation du capitalisme, mais la révolution socialiste. "Il ne s'agit pas de rendre belle l'abomination, de cacher la misère, de désodoriser la puanteur, de fleurir les prisons, les banques, les usines; il ne s'agit pas de purifier la société existante, mais de la remplacer". (H. Marcuse) (36).

 

Pour conclure, rappelons, une fois de plus, que pour nous: "La croissance économique n'est pas un but en soi. Le but de l'homme, c'est l'homme et non. toujours plus de choses matérielles (de moins en moins utiles). L'épanouissement de toutes les capacités et potentialités de l'homme a comme pré-condition la satisfaction assurée des besoins matériels de base; mais il ne se confond nullement avec cette satisfaction. Et il n'a rien à voir avec la thèse stalinienne, héritée des économistes bourgeois "des besoins sans cesse croissants des hommes pour les biens matériels", thèse qui ne peut fonder qu'une seule chose: l'impossibilité du communisme " (E. Mandel) (37)

 

Oui, la révolution socialiste est nécessaire et urgente. Nous avons donné quelques illustrations "écologiques" de cette urgence et de cette nécessité. Ce ne sont pas les seules. Elles confirment seulement la brûlante actualité de l'alternative: socialisme ou barbarie, car toute vie sur notre planète est menacée.

 

Quatrième Internationale n°15, juin 1974

 

NOTES ET REFERENCES:

(1) Halte à la croissance? Le Club de Rome, rapport Meadows 1972, ED. Fayard.

(2) Nous n'abordons pas, par exemple, les problèmes du cadre de vie, de l'habitat, des transports. Pas plus que l'analyse de la récente crise du pétrole qui s'avère aujourd'hui avoir été suscitée par les grandes compagnies pétrolières pour augmenter leurs super-bénéfices et encouragée par le gouvernement américain pour réassoir plus solidement y l'hégémonie de l'impérialisme US à l'échelle mondiale. Pour cet aspect A du problème, lire le dossier paru dans " Rouge " N° 238, 18 janvier 1974. Enfin, nous n'abordons à aucun moment le problème pourtant fondamental de l'environnement dans les sociétés de transition.

(3) Voir notamment F. Ramade: Eléments d'écologie appliquée. Ediscience/McGraw Hill, Pans 1974 - E.P. Odum : Fundamentals of Ecology. Saunders éd. 1959. Ainsi que l'ensemble des dossiers parus dans "La Brèche", publication de nos camarades suisses.

(4) V. Labeyrie : Idéologie technocratique et crise de l'environnement. Institut Maurice Thorez, Paris 8.3.73.

(5) I. Sachs: Croissance et environnement, 1972 (P.195) et F.Feldman: Growth, Technology and human survival, in International socialist review (Sept.72)

(6) Voir R. Dumont: L'utopie ou la mort, Seuil 1973

(7) B. Commoner: The Closing circle, l'encerclement: Seuil 1972.

(8) A.A.A.S.: Association américaine pour l'avancement de la science, qui publie la revue Science.

(9) K. Marx: Le Capital. Livre I, tome 2, p. 180.182. Ed. Sociales.

(10) J.Dorst: La nature dénaturée, Delachaux et Niestlé, Pans 1965

(11) V. Labeyrie, op. cit.

(12) Voir pour une critique complète du rapport du M.I.T., la très inté-ressante étude rédigée par un groupe de chercheurs de l'Université du Sussex: " Thinking about thé future, a critic of " Limits to Growth". Traduit on français sous le titre: "L'anti Malthus", Seuil ". 1974

(13) Voir les critiques des jeunes scientifiques du "Oil Committee international" formulées notamment lors de la conférence sur la population et la crise de l'environnement organisée par l'U.N.E.S.C.O. à Paris du 2 au 4 mai 1972. Il faut remarquer, par ailleurs, que le modèle du M.I.T. utilise de façon indifférente des données provenant de l'Inde et de la Chine!

(14) J. Galtung : Les limites de la croissance et la politique de classe. Espaces et sociétés, n° 1011 (Oct. 73-Fév. 74).

(15)  Problèmes économiques, n°1270

(16)  J.P. Ceron: A qui profite l'antipollution 7 "Les temps modernes" n° 316

(17) V. Labeyrie: Malthusianisme et Ecologie, "La pensée" n° 167 (Fév.73)

(18)  Blue Print for Survival, (Changer ou disparaitre. Coll. Ecologie, Fayard 1972)

(19)  Voir l'article de V. Labeyrie dans "La Pensée", p. 5

(20) Marx a très bien expliqué la politique du capital en matière de population: "L'accroissement des moyens de production implique l'augmentation de la population ouvrière ; la création d'une population d'ouvriers qui corresponde à ce surplus de capital et même, qui, en gros déborde sans cesse des besoins ; il implique donc une surpopulation ouvrière". Le Capital, Ed; Sociales 1965, T. 6 (P. 232)

(21) B. Commoner, L'encerclement, p. 211

(22) I. Sachs, op. cit.

(23) Pour ce paragraphe, voir J. Galtung, op. cit.

(24) S. Mercier

(25) On peut dire que l'ouvrage d'Engels sur La situation de la classe laborieuse en Angleterre est le premier grand classique du genre.

(26) F. Engels: Lettres de la vallée de la Wupper

(27) R. Poujade, lors de la présentation du budget de l'Environnement en 1973, déclarait: "Nous sommes tous responsables. Nous sommes tous des pollueurs". Pogo, petit personnage d'une bande dessinée américaine, appréciée des intellectuels, déclare: "Nous voilà face à l'ennemi, et cet ennemi c'est nous".

(28) Voir le succès en France de publications comme Charlie-Hebdo la Gueule ouverte, (ou LE Sauvage pour les jeunes cadres "de gauche").

(29) p.114 (29 bis) p.70

(30) Pour l'ensemble du paragraphe consulter le dossier: Pénurie, chômage, gaspillage, croissance zéro ?, paru dans " Rouge " N° 236,- 4 janvier 74.

(31) La lettre Mansholt, éd. J.J. Pauvert, Pans 1972.

(32) B. Commoner, op. cit. (p. 285)

(33) Voir l'article paru dans "International socialist review " (Juin 73): Cities in decay

(34) V. Labeyrie: A propos de quelques conséquences écologiques de l'organisation des transports. Espace Géographique ?1, 1973: "L'utilisation d'un réseau de télévision multiplex permet de plus en plus les confrontations sans transfert des personnes... Un tel procédé favorise d'ailleurs une élaboration collégiale plus vaste... La (crédibilité des décisions, n'ayant pas à être suspendue au retour des {délégués auprès de leurs mandants pour consultation complémentaire, "est par ailleurs accrue..."

(35) Voir le "Programme d'action de Rouge". 1974

(36) H. Marcuse. "Le Nouvel observateur" 19 juin 1972 P. 8

(37) E. Mandel : Ecologie et lutte de classe "Rouge"

Voir ci-dessus