Union européenne et les droits: Le "monstre" antisocial
Par Dominique Mezzi le Mardi, 27 Juillet 2004 PDF Imprimer Envoyer

Les droits sociaux, au sein de l'Union européenne, sont placés sous la stricte dépendance des "grandes orientations de politique économique".

Depuis le traité de Rome (1957), le "social" fait partie des thèmes dont parlent les dirigeants de l'Union européenne (UE). Mais depuis le tournant libéral de l'Acte unique de 1986, avec la proclamation et la mise en oeuvre des "quatre libertés" fondamentales (libre circulation des marchandises, des capitaux, du travail et des services), puis le traité de Maastricht et ses disciplines macroéconomiques, l'UE sociale s'est métamorphosée en mise en concurrence des acquis sociaux. Il ne s'agit pas d'une harmonisation vers le haut, d'une "égalisation dans le progrès", mais d'une sorte de lubrifiant dans une machine à raboter les droits. Bref, un vrai monstre destructeur.

L'histoire sociale des Etats est le résultat de rapports des forces et des traditions populaires. Chaque pays a dû admettre (Constitutions, codes du travail, libertés syndicales reconnues au plan interprofessionnel, par branche ou décentralisées) le poids et le résultat de la lutte sociale. L'UE vise à déconstruire cette histoire, les repères collectifs, les organisations. Elle peut être aussi, par réaction, un accélérateur de projets internationalistes, à condition de reprendre l'initiative à la bourgeoisie et aux Etats. C'est tout l'enjeu du Forum social européen ou des luttes transnationales.

L'extension de l'UE de quinze à vingt-cinq pays, notamment à l'Est où règne la loi de la jungle, pourrait déstabiliser trop vite l'édifice d'ensemble, critiqué par les citoyens et les travailleurs. D'où les tentatives de cimenter les murs fragiles par une Charte sociale minimale (adoptée à Nice en 2000), devenue un chapitre de la future Constitution.

Quel est son contenu ? Elle se distingue par son domaine d'application et par sa conception du droit. Son domaine se veut limité, en vertu du principe de subsidiarité. Après avoir énuméré les droits reconnus, la Charte explique "qu'elle ne créé aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour la Communauté" (art. 51).

Les "compétences" de l'Union étant, elles, précisément définies (libre marché), la Charte ne créé pas d'obligations sociales, lesquelles pourraient entrer en conflit (par exemple devant les tribunaux) avec le marché. L'UE ne définit pas un droit social réel (à l'emploi, à la sécurité sociale, au logement, etc.), mais seulement la liberté d'accéder à des droits.

Par exemple, selon l'article 15-1, "Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie", ou selon l'article 34-1, "L'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale". Ce qui peut se faire par le marché de l'emploi et par l'industrie de l'assurance. En d'autres termes, par le libre arbitre de l'acheteur et du vendeur de prestations. Lesquelles, à la rigueur, peuvent être publiques si les Etats l'ont voulu. Mais pour combien de temps?

Voir ci-dessus