Sans démocratie syndicale, pas de combat anticapitaliste
Par La Gauche le Mardi, 18 Juillet 2000 PDF Imprimer Envoyer

L'absence ou le peu de démocratie dans les organisations syndicales ne date pas d'aujourd'hui. Mais aujourd'hui, ce problème revêt et va revêtir, une dimension de première importance pour la classe ouvrière. La raison en est simple : elle est liée à la nature même de la crise que le capitalisme traverse. Celui-ci ne peut survivre aujourd'hui qu'en intensifiant son exploitation de la majorité de la population.

C'est ainsi qu'en Belgique, comme ailleurs, la bourgeoisie met tout en oeuvre pour reconquérir ce qu'elle a dû céder durant la longue période d'expansion économique. Attaque globale contre les acquis, les droits des chômeurs(euses), de la sécurité sociale, du pouvoir d'achat etc..., telle est la tâche entreprise par les gouvernements Martens, avec la caution du parti socialiste et du Mouvement Ouvrier Chrétien. Mais en quoi cela peut-il concerner la démocratie syndicale ?

Pour faire passer la politique de régression sociale dans la classe ouvrière, classe qui s'est renforcée numériquement, syndicalement et culturellement ces 20 dernières années, le patronat et le gouvernement ont besoin de la collaboration des directions ouvrières. La bourgeoisie compte avant tout sur les directions syndicales. Et c'est un appui sérieux. La bureaucratie syndicale, tant à la FGTB qu'à fortiori à la CSC, n'est pas là pour mettre en cause le fonctionnement même du système, de l'économie du profit. Cela, essentiellement pour deux raisons.

La première, c'est que la bureaucratie est le porte-parole de plus de 2 millions de syndiqué(e)s et qu'à ce titre, elle jouit de nombreux privilèges dans cette société. La deuxième : la FGTB est liée, par toutes ses fibres, au courant social-démocrate et la CSC (surtout à travers son aile flamande) est en contact étroit et régulier avec le PSC-CVP, qui est, ne l'oublions pas, le premier parti de la bourgeoisie belge. Dès lors, on comprend aisément que ces deux appareils syndicaux, à quelques différences près, prônent et pratiquent un syndicalisme de concertation permanente, de paix sociale, de collaboration de classe.

Face à un système en crise, qui ne peut plus se permettre de céder aux revendications ouvrières, la bureaucratie syndicale prouve lamentablement qu'elle n'a d'autres alternatives que la capitulation à petits pas, que la multiplication des gestes de collaboration «loyale», que l'acceptation de l'austérité... «raisonnable». La note du Front commun syndical en est la dernière manifestation la plus éloquente et lourde de conséquences pour les travailleurs.

MAINTENIR LA PASSIVITE DES TRAVAILLEURS: UN OBJECTIF COMMUN DE TOUS LES BUREAUCRATES

Mais les appareils syndicaux savent eux-mêmes, que leur ligne d'intégration ne peut passer qu'à une condition: que la classe ouvrière reste passive ou que ses luttes restent partielles, dispersées, inorganisées. Des centaines, des milliers de militants syndicaux peuvent aujourd'hui se rendre compte d'une chose : tous les appareils bureaucratiques, de gauche ou de droite, ont une caractéristique commune et cela malgré leurs attitudes et tactiques différentes: ils prennent bien garde de donner l'initiative organisationnelle à la classe ouvrière et d'ouvrir la porte à une véritable démocratie s'exerçant à tous les niveaux.

Des dizaines, des centaines de militants syndicaux combatifs sont, aujourd'hui, systématiquement confrontés, dans leurs organisations syndicales, à des intimidations, des manipulations de toutes sortes, les coups de force bureaucratiques : c'est soit l'absence d'informations ou leur déformation, soit la sélection arbitraire des mandats et la mise à l'écart de délégués trop remuants, ou encore le blocage de motions, leur déformation et leur non respect par les directions syndicales etc...

LA LUTTE POUR LA DEMOCRATIE SYNDICALE EST FONDAMENTALEMENT POLITIQUE

Tout cela n'est pas l'effet du hasard ou de la turpitude de bureaucrates syndicaux. C'est au contraire la preuve que la bureaucratie en tant que couche sociale a une peur bleue de la démocratie syndicale. Tout cela montre également que la lutte contre l'intégration du syndicalisme passe obligatoirement par une lutte pour la démocratie syndicale et contre le bureaucratie à tous les échelons.

La lutte pour la démocratie syndicale est donc une lutte fondamentalement politique qui se situe bien dans la perspective du combat anticapitaliste pour l'instauration d'une société socialiste. A cet égard, la lutte exemplaire des travailleurs polonais, que les directions syndicales de la FGTB comme de la CSC, n'ont pas manqué de saluer, est pour nous pleine d'enseignements précieux, non pas seulement à contempler, mais à suivre.

1 - C'est seulement dans te cadre d'une véritable démocratie syndicale, d'assemblées générales des travailleurs, de comités élus, man-datés et contrôlés que les travailleurs peuvent et ont la capacité d'élaborer leur programme de lutte, en permettant à chaque courant du mouvement ouvrier d'exprimer et de défendre son point de vue;

2 - C'est à travers la prise en charge de la lutte par les travail-leurs eux-mêmes, l'élection de comités de coordination, de commissions sous le contrôle permanent des travailleurs que la lutte devient une arme redoutable.

Mais c'est aussi l'élection des comités de grève, leur coordination à tous les niveaux, jusqu'au niveau national qui préfigurent pour nous lé pouvoir des travail-leurs et annoncent l'autogestion socialiste.

DES OBJECTIFS ACTUELS

C'est à ce triple titre que les militant(e)s de la LRT tiennent à la démocratie syndicale comme à la prunelle de leurs yeux et sont, dans le mouvement syndical au premier rang dans la lutte pour les revendications qui s'y rattachent :

- les assemblées générales du personnel, pendant les heures de travail et payées par le patron; le respect des décisions prises en assemblée;

- l'élection démocratique et la révocabilité de tous les délégués, à tous les niveaux, par les syndiqués eux-mêmes;

- les statuts syndicaux débattus et votés en assemblée générale.

- droit de tendance : tout militant ou groupe de militants doit pouvoir défendre en assemblée, dans les congrès, voir même le journal syndical, ses revendications, propositions d'action..., et déposer des motions, les défendre, les faire voter.

- élection de comités de grève et leur coordination, centralisation dans les luttes qui dépassent les entreprises.

- assemblées d'entreprise, con-grès sectoriels, interprofessionnels pour déterminer les programmes de revendications et d'action lors de conventions sectorielles, interprofessionnelles etc...

- non à toute limitation de droit de grève et des libertés syndicales

- indépendance organisationnelle des syndicats vis-à-vis des partis.

Des dizaines de milliers de militants syndicaux sont certainement d'accord avec ces objectifs. Mais la question qu'ils se posent est réelle: comment se battre pour cela ? La bureaucratie syndicale tient sa force de sa centralisation. L'avant-garde syndicale tient sa faiblesse de sa dispersion, de l'isolement, du cloisonnement des militants combatifs. Au niveau d'une centrale, d'un secteur, sur le plan inter-professionnel, les permanents syndicaux se réunissent régulière-ment. Pourquoi les syndicalistes de combat ne pourraient-ils pas en faire autant pour échanger leurs informations, confronter leurs expériences et coordonner leurs interventions dans le mouvement syndical ?

La LRT se bat dans les structures syndicales pour la mise en place de telles réunions de coordination au niveau des travailleurs, des délégations syndicales. Mais face au cloisonnement syndical actuel, elle estime que les militants syndicaux doivent pou-voir se rencontrer et défendre ensemble leur point de vue dans les assemblées, les congrès.

La mise en place de la démocratie syndicale sera l'oeuvre d'une avant-garde large, appuyée par les travailleurs, entraînant ceux-ci dans l'action et se soumettant systématiquement au vote de l'ensemble des travailleurs.

La Gauche, 27/11/1980

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