« Ay Carmela! »: la Bataille de l'Ebre
Par Fernando Del Corro le Lundi, 17 Juillet 2000 PDF Imprimer Envoyer

La Bataille de l'Ebre fut l’une des plus longues de l’histoire, elle a duré 114 jours à partir du mois de juillet 1938. Elle s'est soldée par la mort de 100.000 soldats des deux camps et a laissé littéralement exsangue l'armée populaire républicaine qui menait alors sa dernière offensive. Cet événement épique fut en effet la tentative ultime de la République pour freiner l'avance des armées de la coalition d’extrême droite dirigée par le général Franco, qui s'était soulevée deux ans plus tôt, le 17 juillet 1936.

« El Ejército del Ebro,

rumba, la rumba, la rumba, ba,

el Ejército del Ebro,

rumba, la rumba, la rumba, ba,

una noche el río pasó, ¡Ay Carmela!, ¡Ay Carmela!,

una noche el río pasó, ¡Ay Carmela!, ¡Ay Carmela!,

y a las tropas invasoras,

rumba, la rumba, la rumba, ba,

y a las tropas invasoras,

rumba, la rumba, la rumba, ba,

buena paliza les dio, ¡Ay Carmela!, ¡Ay Carmela!,

buena paliza les dio, Ay Carmela!, ¡Ay Carmela!'.

Malheureusement, la vieille chanson des guérilleros espagnols, composée en 1808 dans la lutte contre Napoléon Ier et actualisée 130 années plus tard par les soldats républicains pendant la Guerre Civile espagnole (1936-1939) pêchait d'un optimisme exagéré.

La Bataille de l'Ebre fut l’une des plus longues de l’histoire, elle a duré 114 jours à partir du mois de juillet 1938. Elle s'est soldée par la mort de 100.000 soldats des deux camps et a laissé littéralement exsangue l'armée populaire républicaine qui menait alors sa dernière offensive. Cet événement épique fut en effet la tentative ultime de la République pour freiner l'avance des armées de la coalition d’extrême droite dirigée par le général Franco, qui s'était soulevée deux ans plus tôt, le 17 juillet 1936.

La Bataille de l'Ebre avait connu son prologue un mois plus tôt lorsque, le 23 juin, lorsque les troupes franquistes sont parvenues à prendre Castellon de la Plana, dans la région de Valence. Avec la prise de cette ville, elles obtenaient une victoire décisive: couper le territoire républicain en deux avec d'une part la Catalogne et de l'autre les territoires sous le contrôle de Madrid. L’immense fleuvre de l’Ebre séparait ces deux parties, traçant ainsi la nouvelle ligne de front .

De plus, à partir de leur nouvelle position conquise, l'armée franquiste pouvait raisonnablement espérer prendre Valence elle-même, la troisième grande ville qui était encore aux mains des autorités légales du Front Populaire. C'est à ce moment là que les Républicains ont commencé à élaborer les plans d'une puissante contre-offensive destinée à changer le cours des événements. Et c'est ainsi que, comme le dit la chanson, «L'Armée de l'Ebre, une nuit, a traversé le fleuve. »

Ce fut à 00h15 le 25 juillet 1938. Quelques 80.000 soldats aux ordres du général Juan Modesto, appuyés par une centaine d'avions de chasse d'origine soviétique et à bord d'embarcations de tous types, ont traversé l'Ebre en trois points distincts sur un front de 65 Km, donnant ainsi le coup d'envoi d'une des plus importantes batailles de l'histoire.

Sur le flanc nord de l’offensive républicaine se trouvaient les troupes de la 42e Division qui sont parvenues à progresser jusqu'au premier août, jour où débuta une violente une contre-attaque fasciste qui obligea, le 6 août, 3.500 républicains à retraverser le fleuve en sens inverse. Au sud, les franquistes ont résisté avec succès dès le début, forçant les républicains à se replier, sans pouvoir se maintenir sur la rive opposée du fleuve.

Le grand succès de la phase initiale de l'offensive des troupes républicaines s'est donc seulement produit dans la zone centrale du front. En deux jours à peine, elles allaient effectuer une percée de 50 Km en territoire ennemi, à prendre 7 agglomérations et furent à deux doigts d'en libérer trois autres. Dans l'une de ces dernières, Gandesa, les franquistes ont lancé une grande contre-attaque appuyée par l'aviation allemande envoyée par Hitler à Franco. Cette contre-attaque provoqua un dramatique repli, rendu encore plus difficile par la rupture des écluses du fleuve provoquant l'inondation de plusieurs secteurs du front. L'offensive républicaine était stoppée, une dure lutte pour maintenir les positions occupées a alors commencé.

Les combats furent féroces, se prolongeant sur plusieurs journées. Le 10 août débuta l'un d'eux à Pinell de Brai où les Républicains, aux ordres du général Enrique Lister (qui participa par la suite à d'importantes batailles de la Seconde guerre mondiale, dont Stalingrad), ont lutté sans arrêt pendant 5 jours jusqu'à épuisement mutuel. Le 19 août, une nouvelle contre-attaque franquiste était brisée. Après avoir amené de nouvelles réserves, les franquistes reviennent à la charge le 20 août et parviennent finalement à atteindre leur objectif. A partir de ce moment et jusqu'en septembre et octobre, les combats se sont essentiellement concentrés autour de Gandesa, Villalba de los Arcos et Corbera d'Ebre. Les Républicains ont résisté de pied ferme malgré l’artillerie et l’aviation franquiste supérieures à la leur et qui leur déversait des milliers de tonnes de bombes.

Ce fut le 15 novembre seulement, près de 4 mois après le succès initial de la percée qui donna naissance à l'optimiste « Ay Carmela! » que les derniers restes de la XVe Armée Républicaine ont retraversé définitivement l'Ebre en sens inverse à celui du 25 juillet. La suite des événements ne fut plus qu'une longue et pénible retraite vers Barcelone, jusqu'à la chute de la Catalogne et la défaite finale. Mais l'héroïsme de l'Armée de l'Ebre est resté à tout jamais gravé dans les annales. Personne ne pensait, à ce moment là, après deux épuisantes années de guerre, que la RépubliqueLa Bataille de l'Ebre fut le Chant du Cygne d'une lutte épique. pouvait encore tenter un semblable effort face à l'ancienne armée espagnole insurgée, aux troupes italiennes envoyées par Mussolini et à la puissante aviation hitlérienne.

Aujourd'hui, 65 ans après les faits, plusieurs survivants républicains de la Bataille, parfois nonagénaires, se sont rassemblés à Corbera d'Ebre, un village du sud de la Catalogne qui est resté en ruine depuis l'époque, pour commémorer leur épopée.

On a pu y voir les vieux combattants des Brigades Internationales; les italiens de la Brigade «Garibaldi »; les étasuniens de la Brigade « Abraham Lincoln »; les britanniques de la «Connoly Column »; les français de la Brigade « Marseillaise », de toutes les nationalités encore qui furent regroupés dans la XVe Brigade Internationale. C'est là que Lise London, brigadiste de 86 ans, attendait des hommes et des femmes tels que René Landrieux, Goerges Sossenko, Theo Francos, Lola González, Jorge Pasha, Kosta Grecos... et tant d'autres qui ne viendront plus.

D'après un article de Fernando Del Corro (Rebelion.org)

Traduction: LCR-Web

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