Après l'Octobre rouge et vert : Continuer la lutte!
Par LCR le Samedi, 29 Octobre 2005 PDF Imprimer Envoyer

La grève et la manifestation nationale en front commun du 28 octobre ont été une formidable démonstration de force de la part des travailleurs/euses. C'est la force du "tous ensemble" qui s'est exprimée avec détermination en rassemblant dans les rues bruxelloises plus de 100.000 manifestant/es: FGTB et CSC; ouvriers et employés; privé et public; jeunes et plus âgés; flamands, francophones, immigrés et sans papiers...

Le 28 octobre a largement confirmé la combativité qui s'était déjà illustrée lors de la grève du 7 octobre menée par la seule FGTB. Si, dans certains secteurs et entreprises, des dirigeants et cadres intermédiaires syndicaux avaient initié de manière déterminée le combat, le succès de cette grève était avant tout dû à la base syndicale qui a finalement poussé les directions à l'action commune. Après l'imposition aux forceps par Verhofstadt du (pseudo) "Pacte de solidarité entre générations", c'est une vague de grèves et d'arrêts de travail qui n'a cessé de croître pour déboucher sur la marée humaine du 28 octobre.

C'est dès les 11 et 12 octobre que des débrayages ont eu lieu dans les entreprises: Sabca (Gosselies), FN-Hestal, Caterpillar, ... Le lundi 16 octobre, les travailleurs de l'équipe de nuit de VW-Forest ont spontanément arrêté le travail. Le lendemain, plusieurs arrêts de travail ont eu lieu sur différents sites de Glaverbel tandis qu'à Caterpillar, une grève de 24 heures était menée en front commun. L'une après l'autre, les centrales FGTB et CSC de tout le pays rejetaient avec force le plan gouvernemental.

Le mardi 18 octobre, plusieurs centaines de métallos FGTB-CSC manifestaient à Seraing. A partir de ce jour-là, les grèves et les arrêts de travail se sont multipliés: Carmeuse (Aisemont), Dolomies (Marche-les-Dames), Saint-Gobin (Auvelais), VW de nouveau, Alcatel-Etca, TechSpace Aéro (Herstal), MTS Bénélux (Floreffe), Logisma (Namur), Norma (Malonne), TEC (dépôt de Montignies-sur-Sambre). Le lundi 24 octobre, enfin, la grève était générale ou partielle à Charleroi (avec une manifestation de 15.000 travailleurs/euses), à Namur et dans le Centre.

Pour les directions FGTB-CSC, il n'était dès lors plus question de tergiverser. Outre la pression de la base, c'est également la perte de leurs marges de manœuvre qui inquiète les bureaucraties syndicales et cela pour deux raisons, à deux niveaux. Premièrement, sur le plan fédéral, le gouvernement impose de plus en plus son agenda politico-social sans chercher jusqu'au bout l'adhésion des directions syndicales (imposition de l'Accord Interprofessionnel, mesures pour répondre à la hausse des prix pétroliers, etc.). Ensuite, pour les dirigeants syndicaux qui ne visent qu'à négocier coûte que coûte de "bons plans sociaux" plutôt que de lutter pour le maintien et l'extension de l'emploi, la suppression graduelle des prépensions réduit également les marges de manœuvre en cas de licenciements dans les entreprises. Faute de pouvoir se poser en "interlocuteurs incontournables de la concertation sociale", les directions syndicales perdent toute position crédible face au patronat et à leur propre base.

Provocations

Soutenues par une partie de la presse (La Libre Belgique et De Morgen étant toujours en pointe), les provocations patronales et politiques contre le droit de grève et les libertés syndicales, loin de démobiliser les travailleurs/euses, n'ont fait que renforcer leur combativité et leur résolution. La FEB avait menacé d'utiliser "tous les moyens légaux possibles" en vue de briser les piquets de grève et les barrages routiers. Une permanence patronale a été organisée afin de faire intervenir les tribunaux de manière unilatérale et d'user systématiquement des astreintes contre les actions syndicales. Ces provocations ont été jusqu'au grotesque le plus risible avec le survol de la manifestation du 28 octobre en hélicoptère par Olivier Willocx, directeur de la Chambre du commerce bruxelloise, "afin de repérer les infractions commises dans le cadre de la grève"… Le patronat joue donc maintenant le rôle de la police!

Répondant à la voix de ses maîtres, le gouvernement, par son Ministre de l'Intérieur VLD Patrick Dewael, a voulu intimider les grévistes en agitant sa matraque. Des parlementaires libéraux ont déposé un projet de loi visant à "défendre le droit au travail" et à instaurer un "service minimum". Les interventions des tribunaux dans les conflits sociaux, la criminalisation de ces derniers et les restrictions du droit de grève sont inacceptables ! C'est au contraire à la FEB et au gouvernement qu'il faut envoyer des huissiers afin de constater que les patrons refusent de faire travailler les 600.000 chômeurs/euses de ce pays et que Verhofstadt ne respecte pas sa promesse de créer 200.000 emplois!

Poursuivre, unifier et amplifier la lutte!

La manifestation du 28 octobre a également illustré le caractère généralisé et multiforme de la colère sociale. A travers leurs déclarations aux médias, leurs slogans, calicots et pancartes, les manifestant/es ont clairement exprimé leur ras-le-bol et leur révolte contre la précarisation et la dégradation de leurs conditions de travail, les restructurations et les licenciements sans fin, la privatisation des services publics, le chômage massif permanent, la perte de pouvoir d'achat, le blocage des salaires et la hausse du coût de la vie.

Il est ainsi significatif que des secteurs non directement touchés par le "Pacte" (du moins pour l'instant), s'étaient également mobilisés de manière importante: enseignants, non-marchand, etc. Il faut également souligner la forte mobilisation des jeunes travailleurs/euses, dont la présence était déjà notable dans les piquets de grève du 7 octobre. Une nouvelle génération syndicale est en train de naître dans le feu de la lutte, une génération qui n'a pas connu les défaites des luttes contre le Plan Global en 1993 ou contre le Pacte Social en 1995. Une génération enfin qui n'aura connu, tout au long de sa vie, que la crise, le chômage de masse et la précarité de l'emploi.

Malgré cette imposante démonstration de force et ses multiples motivations, les sommets syndicaux n'offrent aucune perspective claire d'action et se limitent à la seule question des prépensions. Les sommets syndicaux craignent -avec raison- que des revendications plus larges ouvrent la porte à un mouvement dont l'ampleur et la radicalité risqueraient de lui échapper. Elles espèrent donc que le gouvernement lâchera un peu de lest en acceptant de nouvelles négociations devant déboucher sur quelques amendements du plan initial afin de crier "victoire" et de sonner la fin du mouvement.

Ainsi, face au refus méprisant de Verhofstadt pour lequel seules les modalités d'application sont à discuter, les sommets FGTB-CSC se mettent de nouveau à souffler le chaud et le froid en évoquant à la fois d'hypothétiques nouvelles actions tout en préparant parallèlement la démobilisation et la retraite. La FGTB a tenté de trouver une issue et un accord avec le PS à la veille même de la mobilisation du 28 octobre. Vandermeeren semble être prêt à accepter la négociation, même sur une base ultra-minimaliste. Quant à Cortebeek, il déclare carrément qu'"on ne peut pas pousser les gens aux actions sans chances de succès !" C'est au contraire en n'agissant pas de manière déterminée que l'on court avec certitude à l'échec!

La base syndicale doit donc à nouveau faire entendre sa voix et imposer ses propres choix. Le combat doit absolument continuer sans hésitation et pour cela il faut:

1. Maintenir la pression avec un véritable plan d'action déterminé: grèves générales tournantes hebdommadaires, vers une grève générale illimitée si nécessaire!

2. Des objectifs clairs: retrait immédiat du "Pacte de solidarité entre générations". Dans cette perspective, il faut traduire de façon très concrète et dans chaque entreprise et secteur ce que représente la réforme des fins de carrière imposée par le gouvernement. L'élaboration d'un cahier de revendications offensif -capable d'unifier toutes les luttes et toutes les questions touchant tous les salariés et tous les allocataires sociaux- est également nécessaire:

  • La prépension à 55 ans, calculée sur les 5 meilleures années avec embauche obligatoire en CDI d'un/e jeune
  • Liaison automatique des allocations et des salaires au bien-être
  • Suppression de la TVA sur les produits de première nécessité
  • Sécu: c'est le patronat qui doit payer. Révision à la hausse des cotisations patronales
  • Non à l'injustice fiscale: impôt sur les grosses fortunes
  • Refinancement massif du secteur public, défense des services publics; non aux privatisations
  • Revalorisation généralisée des salaires et des allocations sociales
  • Contre le chômage: non à la chasse aux chômeurs; réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche; interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices

3. Renouer avec un syndicalisme de combat démocratique. Afin de peser durablement et efficacement dans la lutte, les syndicalistes de combat doivent s'organiser au sein de leurs organisations, créer des réseaux syndicaux au-delà des frontières sectorielles et professionnelles, débattre et élaborer leurs points de vue, leurs analyses et perspectives afin de les soumettre démocratiquement à l'ensemble des affiliés et des salarié/es.

Vers un nouveau parti de gauche

Face à un gouvernement aux ordres du patronat, pour de nombreux travailleurs, la question politique se pose de manière de plus en plus brûlante. Puisque ce gouvernement refuse d'entendre la majorité sociale, il est illégitime et doit partir ! Mais comment élaborer une alternative politique?

Les syndicats FGTB et CSC doivent tout d'abord rompre avec tous les partis qui appliquent ou qui ne remettent pas en cause les politiques néolibérales. Le PS et le SP.a s'affrontent directement aux travailleurs/euses. Comme le démontre leur attitude face au mouvement social (taxé de "conservateur" et d'"irresponsable"), leur silence assourdissant face aux graves attaques contre les libertés syndicales et les interminables scandales d'abus de biens sociaux, les sociaux-démocrates sont à des milliers d'années-lumière des préoccupations, du vécu et des aspirations des salariés. La FGTB doit ainsi briser les liens privilégiés qu'elle entretien avec un parti qui ne défend plus depuis longtemps les intérêts des travailleurs. Comme l'a déjà exigé le SETCa de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les représentants de la FGTB doivent avant tout cesser de siéger au Bureau du PS.

Depuis leur participation gouvernementale, les Verts ont définitivement perdu leur âme et ne représentent pas une alternative qui remet fondamentalement en cause la politique néolibérale. Loin de tirer un bilan sérieux de cette participation, ils n'aspirent qu'à retourner au pouvoir, y compris avec les libéraux. S'ils demandent aujourd'hui au gouvernement de renégocier son "Pacte", c'est également en regrettant les actions de grèves comme nuisibles "à l'économie et aux entreprises" et ils ne soufflent mot sur les remises en cause du droit de grève.

Quant à l'extrême droite, il faut tout faire pour qu'elle ne recueille pas les fruits électoraux du malaise et de la révolte sociale en cours car elle est bien entendu aux antipodes des aspirations de générosité et de solidarité qui se sont exprimées le 28 octobre.

Il n'y a donc pas 36 solutions: les syndicalistes de combat doivent avancer la perspective d'un nouveau parti des travailleurs ! La majorité sociale qui s'est exprimée avec force le 28 octobre doit absolument trouver sa traduction politique dans un nouveau parti, 100% à gauche, porteur d'un programme de rupture avec le néolibéralisme, qui mette les besoins sociaux, la qualité de vie et les défis environnementaux au centre de tout et qui ose à nouveau avancer une perspective anticapitaliste.

Le POS veut contribuer avec toutes ses forces à cette perspective. Renforcer le POS, c'est renforcer ce combat.

Parti Ouvrier Socialiste

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