Les dangers d’une élection
Par Andrea Bassi le Vendredi, 24 Février 2006 PDF Imprimer Envoyer

À moins de deux mois des élections législatives italiennes, qui se tiendront les 9 et 10 avril, les inquiétudes de la gauche alternative se confirment. Afin de participer - à tout prix - à un éventuel gouvernement, Refondation communiste s’est attelée à l’Union, coalition avec les forces de centre gauche, emmenée par le social-libéral et ex-président de la Commission européenne Romano Prodi.

Suite à la décision de s’intégrer pleinement dans la coalition dite Union avec les forces du centre gauche, Refondation communiste (PRC) a signé le programme politique de cette alliance, qui se présentera aux prochaines élections législatives, les 9 et 10 avril prochains. C’est sur la base de cet accord qu’elle entend gouverner durant les cinq prochaines années. Ce programme, qui a été jugé très positif par la majorité de la direction du PRC, ne présente en réalité aucun rapport avec l’« alternative de société » ou avec la « grande réforme » qui figuraient pourtant au nombre des objectifs de la majorité du parti, dans le document adopté au dernier congrès.

Comme on pouvait aisément le prévoir, le caractère modéré du centre gauche, compromis avec les forces du capitalisme italien, a uniquement permis à Refondation de « limiter les dégâts ». Bien qu’il ait obtenu des amendements, le PRC n’a pu modifier le néolibéralisme du programme d’Union, lequel s’affirme dans la continuité des conceptions bien connues de l’ex-président de la Commission européenne, Romano Prodi. Cinq éléments décisifs indiquent la continuité libérale de ce programme : le respect du Pacte de stabilité européen, la référence à la stratégie de Lisbonne de l’Union européenne, la continuité des politiques de privatisation, une politique économique en cohérence avec ces références et la défense d’une armée européenne.

La direction a reconnu que le programme d’Union vise à une relance du système industriel italien et que, pour ce faire, il propose de toucher (partiellement) à la rente mais non aux profits du capital. Il n’est pas anodin que même les banques se soient coalisées aux côtés du centre gauche... L’impossibilité de faire au moins figurer, au nombre des objectifs, l’abrogation des lois les plus infâmes du gouvernement Berlusconi - par exemple la loi 30, qui déréglemente complètement le marché du travail, ou celle de la ministre Moratti qui privatise l’école - en accroît encore la dimension négative.

Certes, l’abrogation d’une autre loi honteuse de la droite italienne, celle de Bossi-Fini sur l’immigration, est bien promise. Mais les fameux centres de rétention sont maintenus. Or, ils s’apparentent à de véritables camps où sont enfermés des immigrés n’ayant commis aucun délit, mais que l’on souhaite renvoyer dans leur pays d’origine. Pour l’essentiel, le programme se limite à modifier les lois de Berlusconi... pour en revenir à un libéralisme plus ou moins tempéré, comme sous le précédent gouvernement de centre gauche.

Ajoutons que le programme reste silencieux sur le refus de la guerre. Le retrait de l’Irak est même conditionné à une concertation avec les autorités irakiennes, à une garantie de « transition démocratique » et à un réengagement « radicalement différent » de l’Italie. Voilà qui ne clarifiera rien... Quant aux droits civils, on reste très en deçà des choix de Zapatero en Espagne.

Social-libéralisme

En conclusion, au-delà des engagements les plus avancés - qui sont toujours très généraux, comme ceux portant sur la taxe Tobin ou sur le « plein et bon emploi » - il ne ressort du document qu’une ligne maîtresse : celle de la modernisation capitaliste du pays, visant un système de libre marché rendu plus efficace par des procédures diversifiées de contrôle. Une philosophie de modernisation dont le capital italien a le plus urgent besoin pour pouvoir s’intégrer dans le processus d’unification européenne. Il suffit, pour s’en convaincre, de prendre la proposition fondamentale de Prodi, à savoir la réduction de cinq points du coût du travail. Celle-ci, dans la meilleure des hypothèses, bénéficiera pour 4/5e à l’entreprise et seulement 1/5e au travail salarié. Elle représente, par conséquent, une dimension essentielle de l’alliance stratégique recherchée avec le grand capital industriel. Les mesures positives figurant dans le texte risquent, du même coup, d’être vidées de tout contenu.

Enfin, signalons que les promesses de participation populaire à l’élaboration du programme sont restées lettre morte : tout s’est passé dans l’univers clos des secrétariats du parti et entre experts.

Ce résultat est le fruit d’une stratégie erronée, ayant interdit toute confrontation véritable dès lors qu’un accord de gouvernement avait été garanti avant même que les contenus soient discutés. À la fin, la réalité des rapports de force politiques et sociaux, ainsi que les choix du centre gauche ne pouvaient que permettre à la logique sociale-libérale de l’emporter. Les événements des dernières semaines n’auront fait que le confirmer.

Non seulement les forces du centre droit se sont livrées à une attaque violente contre les positions du PRC, mais le centre gauche aura été à l’origine d’une vive campagne contre Refondation, exigeant son alignement total sur les choix néolibéraux effectués. Cette campagne aura été orchestrée par certains organes de presse, et elle aura notamment visé les candidats les plus radicaux présentés par le PRC. Elle n’aura pas reçu de réponse appropriée de la direction du parti, laquelle se sera, au contraire, pliée aux exigences de Prodi, Rutelli et Fassino (les grandes figures du centre gauche en Italie). Ceux-ci seront allés jusqu’à demander l’exclusion des listes électorales d’un des représentants des minorités du PRC, coupable d’avoir accordé une interview « en dehors de la ligne du parti ». Un acte très grave et antidémocratique, contre lequel toutes les tendances minoritaires se sont mobilisées, dans la mesure où se trouve ainsi démenti le droit au débat contradictoire pourtant officiellement reconnu. Cette affaire souligne les dangers auxquels s’expose le parti. Si le processus de rapprochement avec Prodi et consorts produit de semblables effets avant même que le nouveau Parlement soit élu, qu’adviendra-t-il pour la suite ?

C'est Clair et Net sur : http://www.lcr-rouge.org/article.php3?id_article=3483

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