Catalogne: Tout reste à faire
Par Claude Gonchiglia le Mercredi, 12 Juillet 2006 PDF Imprimer Envoyer

La liberté pour la Catalogne, ce n’est pas demain la veille. À l’issue d’un référendum attirant moins de la moitié de l’électorat, le 18 juin, un statut d’autonomie au rabais a été adopté, consacrant la prééminence de l’État espagnol. La frustration risque d’être lourde de conséquences.

La liberté pour la Catalogne, ce n’est pas demain la veille. À l’issue d’un référendum attirant moins de la moitié de l’électorat, le 18 juin, un statut d’autonomie au rabais a été adopté, consacrant la prééminence de l’État espagnol. La frustration risque d’être lourde de conséquences.

La gauche catalane, depuis le Parti socialiste jusqu’aux écologistes, revenant sur ses propres prétentions antérieures concernant l’élargissement de l’autogouvernement et cédant aux injonctions du pouvoir « ami » de Zapatero, militait pour le « oui » au référendum sur le statut d’autonomie catalan. Le Congrès des députés de Madrid avait, pendant des semaines, « poli » la proposition de réforme adoptée le 30 septembre 2005 par l’écrasante majorité du Parlement catalan, jusqu’à rendre le texte original méconnaissable.

Pas moins de 165 dispositions ont été amendées et dénaturées. Parmi les coupes les plus significatives, la reconnaissance de la Catalogne comme une nation historique au sein de l’État espagnol a été rayée du texte. À l’heure où Madrid se prépare à entreprendre des pourparlers avec l’ETA pour la pacification du Pays Basque, le gouvernement avait hâte de « régler le contentieux catalan », ne laissant aucune prise juridique pour d’ultérieures demandes allant dans le sens de l’autodétermination, voire de l’indépendance. La prétention catalane à un nouveau modèle de financement, ainsi que les avancées les plus osées de la première charte, concernant des libertés citoyennes ou le droit des femmes à disposer de leur propre corps, sont passées à la trappe. Il faut dire que tout ce processus s’est développé au milieu d’une rageuse campagne du Parti populaire (PP), le grand parti de la droite espagnole, qui mettait en garde contre le danger imminent d’une « balkanisation » du pays. Cette campagne d’usure, manifestations de masse à l’appui dans la capitale, a exercé une pression considérable sur le gouvernement (ajoutons que l’appareil du Parti socialiste espagnol, le PSOE, de tradition centraliste et parfaitement incrusté dans la bureaucratie étatique, était prédisposé à écouter ces chants de sirène conservateurs).

La négociation sur le statut a fait une victime : le gouvernement progressiste catalan, formé par le PS, ERC (Gauche républicaine) et la coalition des anciens communistes ICV-EUIA (liée à Izquierda Unida). Sous la pression de leur base, les dirigeants républicains ont fini par rejeter le statut concocté à Madrid et ils ont été chassés de la Generalitat (gouvernement catalan). En fait, ce processus a vu un changement d’alliances du Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero. Pour contrer le harcèlement du PP, comme pour aborder toute une série de contre-réformes libérales (en matière fiscale, sur les retraites, la Sécurité sociale ou le marché du travail), le PSOE s’est tourné vers les partis nationalistes des bourgeoisies basque et catalane. Les héritiers de Jordi Pujol en ont été ravis, qui ont vu la possibilité de revenir au pouvoir... à peine deux ans après y avoir été détrônés par les électeurs. Le pacte a été conclu dans le dos... des socialistes catalans eux-mêmes. Le président Pasqual Maragall lui-même a été forcé de prendre sa retraite au lendemain du référendum.

La gauche, allant au-devant d’une crise majeure à brève échéance, a cédé devant toutes ces humiliations et s’est rangée dans le camp du « oui » ... qui l’a emporté au milieu du désarroi de l’électorat de gauche, sommé d’accepter un statut misérable « pour ne pas faire le jeu du PP ». Les courants indépendantistes et la gauche révolutionnaire (dont « Revolta Global », organisation de la IVe Internationale), menant campagne pour un « non » progressiste, n’ont pu contrer les effets d’une démagogie institutionnelle de tous les instants. Voici un échec qui nous interpelle sur la nécessaire réorganisation de la gauche antilibérale.

De Barcelone, Claude Gonchiglia

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