Victoire du "Non", déroute du néolibéralisme
Par LCR le Mercredi, 01 Juin 2005 PDF Imprimer Envoyer

La victoire du "Non" au Traité constitutionnel européen (TCE) en France et aux Pays-Bas constitue une victoire populaire sans précédent contre le néolibéralisme, contre les politiques antisociales menées par les gouvernements et le patronat européens au nom d'une Union Européenne dont la seule loi sacrée est celle du marché, de la concurrence et du profit. Il représente un tournant historique majeur et un point d'appui décisif afin de rendre possible une autre Europe et de construire un mouvement social européen capable de l'imposer.

Malgré la propagande intensive menée en faveur du TCE par toutes les élites politiques, médiatiques et institutionnelles, malgré les insultes, les exhortations, les amalgames et les menaces de toute sorte, les travailleurs/euses, les jeunes, les chômeurs/euses français et hollandais ne s'y sont pas trompés : ils et elles ont clairement rejeté le TCE pour ce qu'il est: une tentative de constitutionnaliser et d'accélérer l'offensive néolibérale de régression sociale et démocratique.

Plus de 80% des lois et des mesures adoptées par les Etats-membres sont la transposition en droit national de directives et de règlements dictés par l'Union européenne avec l'assentiment de tous les gouvernements. Dans ces conditions, parler de l'expression d'un vote-sanction contre Chirac seul et sa politique est grotesque. Plus d'un million de livres sur le TCE ont été vendus en France et toutes les études démontrent que le "non" a non seulement grandi parallèlement à la montée des luttes sociales mais aussi au regard d'une plus grande connaissance du texte. Il s'agit donc d'un vote clairement conscient par rapport aux enjeux européens.

Tout le monde est forcé de le reconnaître: cette victoire du "Non" est celle d'un "Non" de gauche, social, anti-néolibéral, anticapitaliste et internationaliste. En France, après un débat qui a traversé toute la société, le taux de participation de plus de 70% indique que les couches sociales les plus populaires se sont mobilisées : plus de 70% des ouvriers ont voté "Non", tout comme 60% des employés, des chômeurs et des jeunes de 18-29 ans.

Ces chiffres sont pour une large part le résultat de la fantastique mobilisation menée par des centaines de comités unitaires pour un " Non " de gauche et composés par ATTAC, le PCF, la LCR, des dissidents du PS et des Verts, des syndicalistes et des militants des mouvements sociaux. Les chiffres de participation aux débats et aux meetings traduisaient parfaitement où était la réelle force populaire puisque ceux organisés par le "Non" de gauche rassemblaient bien souvent des milliers de participants tandis que ceux du "Non" ou du "Oui" de droite peinaient à n'en regrouper que quelques centaines.

Dans cette campagne unitaire, nous voulons souligner et saluer le rôle joué par nos camarades français de la Ligue communiste révolutionnaire qui ont engagé toutes leurs forces pour la victoire d'un "Non" de gauche anticapitaliste et internationaliste. Aujourd'hui, la LCR appelle avec raison à la démission de Chirac et du gouvernement et à la construction d'une alternative politique anticapitaliste large et unitaire permettant de regrouper sur le terrain politique les forces militantes qui se sont opposées au TCE. Comme le déclare notre camarade Olivier Besancenot; "Place aux mobilisations sociales qui ouvrent la voie à une alternative anticapitaliste".

Cette victoire d'un "Non" de gauche à l'Europe néolibérale récompense également ceux et celles qui, depuis de longues années, ont souvent lutté à contre-courant. Elle récompense des mobilisations telles que les Marches européennes contre le chômage et la précarité en 97-99, celles du mouvement alter-globaliste à l'occasion des contre-sommets européen (en décembre 2001 à Bruxelles, ou celle du 19 mars dernier par exemple) et ses Forums sociaux européens. Toutes ces mobilisations ont contribuées à éroder la légitimité de cette Union européenne et à démontrer qu'une autre Europe était possible.

En France, 6 électeurs sur 10 du PS et des Verts ont rejeté le TCE malgré la position de ces partis. La victoire du "Non" constitue ainsi un cinglant camouflet et un désavoeu complet pour la social-démocratie - qui est depuis toujours un des piliers de cette Europe antisociale - ainsi que pour les Verts, qui ont accroché leur petit wagon au train néolibéral au nom de la politique soi-disant réaliste du "moindre mal". En Belgique, cette orientation pousse ainsi Ecolo a "regretter amèrement" une victoire progressiste ! Quant au PS du caméléon Di Rupo, après avoir été soutenir la campagne du " oui " en France et parlé de "coup dur" après sa défaite, il a fait rapidement volte-face et tente de récupérer la victoire du "Non" au profit de son "Oui de combat", qui n'est qu'un oui à la résignation face au néolibéralisme. Ces lamentables manœuvres ne doivent tromper personne.

La victoire du "Non" en France et aux Pays-Bas démontre avec éclat le caractère illégitime et non-démocratique de la construction européenne actuelle. En France, alors que plus de 90% des parlementaires avaient adopté le TCE, près de 60% des électeurs l'ont rejeté. Chez nous, le déni démocratique est encore plus important : en l'absence de toute consultation populaire, le texte a été adopté à la quasi-unanimité à la Chambre et au Sénat. Les résultats des référendum en France et aux Pays-Bas démontrent que ces votes sont disqualifiés, qu'ils doivent êtres considérés comme nuls et non-avenus.

La peur du Vlaams Belang n'est qu'un prétexte piteux pour refuser toute consultation démocratique. L'expérience française prouve au contraire qu'à la faveur d'un réel débat, le non de gauche, solidaire et internationaliste peut battre le non de droite raciste et nationaliste et qu'il peut commencer à renverser la tendance à la droitisation de la société. Les partis politiques traditionnels préfèrent se déchirer pendant des mois sur la question de Bruxelles-Hal-Vilvoorde pour ensuite la mettre au frigo et voter le TCE sur la pointe des pieds, sans débat démocratique. Qui fait donc réellement le jeu de l'extrême droite? Ceux-là mêmes qui font mine de se lamenter de la "dépolitisation" des citoyens tout en leur refusant d'exprimer leurs opinions.

Nous devons donc imposer, sur base de l'expérience déjà acquise par la Plateforme "Non à la constitution européenne" ( www.nonalaconstitutioneuropeenne.be ) et au travers d'une large mobilisation unitaire, l'annulation de ces votes et la tenue d'un référendum et d'un réel débat démocratique, avec un temps de parole médiatique équivalent pour tous. Dans ce cadre, le silence ou l'assentiment des sommets des deux grandes organisations syndicales ne sont plus tenables. A l'image de la CGSP, de la FGTB-Bruxelles et du Setca-Bruxelles, les organisations syndicales doivent mettre tout leur poids dans cette bataille démocratique élémentaire.

Si le TCE en tant que tel semble frappé à mort, la victoire n'est pas encore totale. Les bourgeoisies européennes feront le forcing pour tenter de le ressusciter sous de multiples formes : coopérations renforcées entre certains Etats-membres, adoptions en catimini de certaines parties du textes, etc. Un rejet clair et sans appel du TCE et une vigilance accrue face à ces manoeuvres permettront seules de les entraver, notamment en nous mobilisant à l'occasion du Conseil européenne des 16 et 17 juin.

Le coup d'arrêt imposé au TCE doit maintenant se traduire par une contre-offensive coordonnée afin d'imposer d'autres politiques au niveau européen et dans chaque pays : réduction radicale du temps de travail et partage de ce dernier entre tous et toutes, augmentations salariales et des allocations sociales significatives afin de rattraper le pouvoir d'achat perdu au cours des deux dernières décennies d'austérité, défense et élargissement de services publics démocratiques et accesibles à tous et toutes, interdiction des licenciements pour les entreprises qui font du profit, suppression de toutes les mesures répressives à l'encontre des chômeurs/euses, etc. Ces exigences sociales dessinent ce que pourrait être une autre Europe. Une Europe qui étendrait aussi à toutes les femmes le droit à l'avortement, à tous les résidents étrangers l'égalité des droits. Une Europe enfin de la paix, de la coopération, solidaire du Sud de la planète, qui, tournerait le dos à l'OTAN et à la remilitarisation promise par le Traité.

Au-delà de cette nécessaire contre-offensive et d'une campagne unitaire se pose également chez nous la question de l'alternative politique. Aucun parti de la "gauche" traditionnelle ne s'est prononcé contre le TCE et aucun ne porte de telles revendications de rupture avec le néolibéralisme. Ceux et celles qui rejettent ce dernier et la société capitaliste dans son ensemble sont orphelins d'une force politique capable de représenter leur point de vue à la fois dans la rue, dans les urnes et aux seins des institutions élues. Le POS appelle également à construire une telle alternative.

Une autre Europe et une autre gauche sont possibles !
1er juin 2005

Parti Ouvrier Socialiste (POS)

Voir ci-dessus