Tihange 1 : Fermeture immédiate !
Par Léo Tubbax le Mardi, 17 Juillet 2012 PDF Imprimer Envoyer

Pourquoi  Electrabel veut-il prolonger Tihange 1 ?

La seule chose qui produit plus de bénéfice qu’une centrale nucléaire est…une centrale nucléaire amortie. Pendant 25 ans, la durée d’exploitation prévue pour les centrales de Tihange 1, Doel 1 et Doel 2, les abonnés particuliers ont payé un surcoût sur, leur facture d’électricité pour participer à l’amortissement qu’Electrabel avait consenti pour construire ces centrales. Les bénéfices sont à la mesure de l’investissement : une fois le coût financier évacué, il y a très peu de frais en main d’œuvre ni en matière premières.  On peut évaluer le bénéfice produit à Tihange 1 à €2.500.000 par jour, presque plus que €900 millions par an. En outre, Electrabel ne paie quasiment pas d’impôts : 51 millions sur un bénéfice comptable de 1200 millions : du 4% au lieu du taux légal de 33% d’impôt sur les sociétés. Nous comprenons mieux d’où le Forum nucléaire, qui est en pratique l’agence de communication d’Electrabel , tire les budgets pour sa campagne de réclames incessante.

Contrairement à ce qu’on nous explique, le courant électrique est plus cher en Belgique qu’ailleurs en Europe. Le secteur de la production d’énergie belge est pratiquement totalement entre les mains d’une seule société anonyme : GDF-Electrabel. Cette société fait la grève des investissements depuis qu’elle possède son parc nucléaire belge. Les centrales classiques et la construction de centrales durables sont systématiquement délaissées. Le Kilowattheure nucléaire est moins cher à fabriquer, il rapporte donc davantage. Mais cela permet aussi de faire un chantage aux citoyens : si vous fermez nos centrales nucléaires, vous n’aurez plus assez de courant !

Electrabel  se trouve au cœur du capitalisme belge. Toutes les holdings familiales importantes font partie de son actionnariat. Nationaliser Electrabel sans indemnité ne toucherait en pratique qu’une centaine de familles, si on permet à chaque ménage de revendre maximum dix actions.

Est-ce que nous avons besoin de Tihange 1 ?

Quand la question est posée, les experts commencent à nous noyer dans des chiffres  triés sur le volet.  54% de l’électricité belge provient du nucléaire ? Le chiffre est exagéré : Electrabel produit 54% de la production, mais la consommation d’énergie nucléaire est un peu moins de la moitié de la consommation totale. Et l’électricité ne produit que 16% de la production d’énergie, donc  8% de l’énergie totale. Et tous ces experts ânonnent que les besoins d’électricité augmentent chaque année de 2%. Quand on regarde les chiffres de près, on constate une légère diminution de la consommation d’électricité depuis 4 ans, même si ce n’est pas pour de bonnes raisons. En faisant un effort d’augmentation de l’efficacité énergétique et d’économies d’énergies, en premier lieu dans les entreprises et les grands services publics et aussi dans chaque ménage, nous pouvons facilement nous passer immédiatement des réacteurs vétustes de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Il faut effectivement un plan d’investissement dans des centrales à turbine gaz-vapeur, des installations durables et de cogénération sur une décennie pour pouvoir arrêter progressivement les autres centrales. Mais pour cela il faudrait forcer la main à Electrabel. Nous  venons d’être témoin d’un bras de fer entre le désir de la majorité de la population, qui demandait l’application de la loi de 2003 et les cent familles connues sous le nom d’Electrabel. Electrabel a gagné sans problème. Il faut être réaliste : Electrabel est au-dessus des lois. Il faut donc nationaliser Electrabel et  abandonner l’espoir d’essayer de réguler les agissements de ce monopole géant.

Est-ce que Tihange 1 produit du CO2 ?

L’argument utile d’Electrabel est la propreté de sa technologie nucléaire. Les réacteurs ne produisent pas de CO2 ! Remarquons d’abord que c’est fort de café d’entendre le Forum nucléaire, l’agence de communication d’Electrabel, qui exploite de nombreuses centrales électriques très polluantes au charbon et au fuel, d’oser utiliser cet argument. En outre : c’est faux. Un réacteur nucléaire s’inscrit dans une filière industrielle. Il consomme de l’uranium, qui provient d’immenses mines exploitées dans des conditions souvent inhumaines et grandes productrices de CO2 et d’autres atteintes à la dignité humaine et à l’environnement. Ensuite, il faut centrifuger l’Uranium, pour l’enrichir en matière radioactive : cela consomme à son tour de l’énergie, source de CO2. Puis, il faut transporter cet uranium enrichi à la centrale, sous bonne garde. Le réacteur doit être entouré de béton, de barbelés et patrouillé en permanence.  Et enfin les déchets devront être évacués et entreposés, encore sous bonne garde, pendant 250.000 ans pour la partie la plus « chaude ».  Un réacteur ne produit donc pas de CO2 en soi, mais la filière nucléaire produit du CO2, presque autant de CO2 par KWh que la filière gaz.

Est-ce que Tihange est vétuste ?

Tihange 1 est un réacteur  qui a été construit en respectant scrupuleusement les règles de sécurité et les normes de construction…des années 1960. Si les constructeurs de ce type de centrale ont abandonné ce modèle depuis 1980, c’est parce qu’il est considéré comme dépassé, pas assez sûr. Pour preuve : les réacteurs de Three Mile Island (USA, fusion partielle du cœur du réacteur en 1979) et Fukushima (catastrophe du 11 mars 2010) ont été construit sur le même modèle.

Tihange 1 est structurellement dangereux pour quatre raisons. Dans le désordre : la structure extérieure ne résistera probablement pas à un impact d’un avion de fret de TNT, alors que ces avions survolent très souvent Huy de nuit, en phase d’atterrissage ou de décollage de l’aéroport de Bierset distant de 30 km.  Ensuite : la centrale se trouve à l’intérieur d’une courbe de la Meuse, sensible aux inondations, qui peuvent paradoxalement causer de gros problèmes de refroidissement. De trois : relativement près de la centrale se trouve une zone à activité sismique : la Rurgraben. Et finalement la salle de contrôle secondaire qui doit reprendre le contrôle de la centrale en cas de problème est insuffisamment sécurisée. Tout cela est décrit dans le rapport concernant le fameux  stress-test.

A cela se rajoutent les problèmes d’ordre technique. Rien que cette année, 5 incidents étaient suffisamment graves pour que l’entreprise se voit obliger de les communiquer aux autorités. Et le manquement le plus grave n’a pas été communiqué, par une astuce sémantique. La piscine d’entreposage de combustible usé, dont on connait le rôle néfaste dans la catastrophe de Fukushima, n’est plus étanche. Elle fuit, comme un Manneke Pis sinistre. Selon Electrabel c’est entre un demi et deux litres d’eau radioactive par jour qui fuient de cette piscine depuis dix ans. Electrabel n’a pas envie de réparer la fuite : il faudrait construire une piscine de rechange provisoire, de préférence étanche, la remplir d’eau et transférer les barres de combustibles dans la nouvelle piscine. Ensuite, il faut réparer la vieille piscine dans un environnement irradié, et retourner les barres. Cela coûterait plusieurs centaines de millions d’euros. Effectivement : ce ne sont pas les deux litres  d’eau contaminée qui posent un problème insurmontable. La question est : que ce passe-t-il au cœur du béton armé qui entoure la piscine suite à ces infiltrations ionisantes. Personne ne le sait avec certitude.

Pourtant, un réacteur nucléaire a besoin de certitudes, de beaucoup de certitudes. Car la réaction elle-même, la source de chaleur dont provient l’électricité, est très instable. Pour démarrer cette réaction, il faut accumuler une certaine quantité de matière radioactive : la masse critique. En rajoutant un peu plus de matière radioactive, se déclenche cependant une réaction en chaîne : le cœur du réacteur peut alors surchauffer, faire fondre la cuve, la matière radioactive s’échapperait  de l’enceinte et c’est la catastrophe. La salle de contrôle doit donc en permanence maintenir l’état du réacteur entre ces deux limites très proches l’une de l’autre. Cela doit mal se terminer, et cela c’est déjà mal terminé à trois reprises.

Et finalement : il y a pas de solution définitive après l’entreposage des barres de combustible à la piscine. Elles s’accumuleront  jusqu’à ce que la piscine soit pleine de barres usées hautement radioactives. Ou bien on adoptera une solution encore plus folle : l’enfouissement dans des couches géologiques dont on pronostique la stabilité pendant 250.000 ans ou le retraitement en MOX, qui rend les déchets plus radioactifs encore.

C’est pourquoi il faut abandonner cette technologie le plus vite possible, en commençant avec la fermeture immédiate de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 et en planifiant la fermeture de toutes les autres centrales en moins de dix ans, avec la possible exception de l’installation de Fleurus, à finalité médicale.

 


 

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