Trouver un travail même précaire ou tomber sous le seuil de pauvreté et l’exclusion !
Par Freddy Bouchez le Mardi, 19 Juin 2012 PDF Imprimer Envoyer

Depuis 2004, l’accompagnement et le contrôle des travailleurs sans-emploi ont subi de profondes modifications. Présentée par les gouvernements successifs comme une façon d’aider les travailleurs sans emploi à mieux retrouver un travail, tout au contraire, cette politique d’activation des allocations de chômage fait peser sur eux la menace constante de suspensions ou d’exclusions. Ces changements répondent à deux impératifs : d’une part, faire rembourser par les personnes les plus fragilisées une dette dont elles ne sont pas responsables, puisque provoquée par les banques, les financiers spéculateurs et des actionnaires peu scrupuleux. D’autre part, faire pression sur les travailleurs sans emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel boulot dans n’importe quelle condition et ainsi donner entière satisfaction au patronat qui veut un marché flexible du travail avec la main d’œuvre la moins chère possible (CDD, temps partiel, emplois intérimaires à la journée ou à la semaine pendant plusieurs années,…)

Les réformes sur le droit aux allocations de chômage et la précarisation du marché de l’emploi exercent une pression sur les conditions de travail et de salaire de tous. Le contrôle de la disponibilité des chômeurs organisé par l’ONEM, la transmission systématique des infos du FOREM vers l’ONEM provoquent déjà des dégâts sociaux importants depuis 2004. Les toutes dernières mesures prises par le gouvernement Di Rupo en matière d’allocations de chômage, directement liées au plan d’austérité inspiré par le pacte budgétaire européen, vont provoquer un véritable bain de sang social !

A la sortie de l’école, stage d’attente plus long et ensuite, allocations plus contrôlées !

A la sortie de l’école, le stage d’attente devient stage d’insertion et est allongé de trois mois. Il dure donc maintenant 12 mois au lieu de 9. Pendant cette période, il faudra faire la preuve d’une recherche active de travail et ne pas refuser une proposition de formation du service public régional de l’emploi. Le jeune sera convoqué tous les quatre mois dès le premier mois. Si ses efforts sont jugés insuffisants, il n’aura pas droit aux allocations. Avant le premier janvier 2012, les allocations auxquelles on pouvait prétendre après l’école s’appelaient allocations d’attente. Depuis le début de l’année, il s’agit d’allocations d’insertion. Une fois que le jeune y aura droit, il continuera d’être contrôlé et en cas d’évaluation négative, son allocation sera supprimée pendant six mois. En attendant les accords de coopération, le gouvernement fédéral fixerait dans un arrêté royal les procédures et les critères de contrôle des jeunes « allocataires d’insertion »

Au sortir de l’école, avant même d’avoir touché des allocations de chômage et souvent d’être syndiqués, les jeunes risquent déjà d’écoper de sanctions. S’ils atteignent les allocations d’insertion, pendant la durée de celles-ci, ils devront faire face à de multiples contrôles sous peine, au minimum, d’être suspendus durant de nombreux mois. Le contexte répressif augmente par rapport à eux comme s’ils étaient responsables du manque d’emploi ou du fait que les employeurs n’engagent pas sans exiger plusieurs années d’expérience, même quand se présentent à eux, de jeunes diplômés dans les métiers en pénurie. Dès le début du stage d’insertion, ils vivront avec ce couperet au-dessus de la tête alors que tout le monde sait que ceux qui intégreront le marché du travail, ne trouveront dans un premier temps que des emplois précaires, c’est-à-dire des CDD ou des contrats intérimaires ! Avec le volet emploi du plan de relance économique du gouvernement fédéral (qui devrait être finalisé d’ici fin juillet 2012) il se pourrait même que le seul accès au marché du travail se fasse dans un premier temps par le biais d’un stage en entreprise !

Les allocations d’insertion sont limitées dans le temps !

Depuis l’avènement du contrôle de la disponibilité des chômeurs en 2004, le PS et le CDH nous disaient que ce système constituait une protection contre la limitation des allocations de chômage dans le temps. Pour notre part, nous n’avons jamais cessé de démontrer qu’il était au contraire une porte grande ouverte vers cette limitation. Et nous y voici effectivement puisque les allocations dites maintenant d’insertion sont limitées à trois ans pour les cohabitants non privilégiés (peu importe leur âge) tandis que pour les cohabitants privilégiés, les isolés et les chefs de ménage, cette limitation à trois ans prend cours à partir de l’âge de 30 ans. Le délai de trois ans pourra être prolongé si le demandeur d’emploi a travaillé 156 jours durant les deux dernières années. Pour les personnes reconnues par le médecin de l’ONEM en incapacité d’au moins 33 %, cette limitation a été portée à 5 ans mais selon des infos encore officieuses, ces demandeurs d’emploi jusque là exempts du contrôle de la disponibilité, devraient, eux aussi, s’y soumettre.

Insistons sur le fait que la limitation dans le temps des allocations d’insertion ne concernent pas que les jeunes qui sortent de l’école. En effet, vu la crise économique structurelle du capitalisme et le manque de possibilités d’emploi depuis le début des années 80, un nombre important de travailleurs sans emploi sont restés en allocations d’insertion (anciennement d’attente) et n’ont jamais travaillé assez longtemps que pour percevoir des allocations de chômage sur la base d’un travail. Tous ceux-là aussi, chômeurs de longue durée,  en situation déjà très précaire, sont menacés d’exclusion au premier janvier 2015. Il s’agit donc également d’une attaque frontale contre tous les travailleurs sans emploi de longue durée, c’est-à-dire celles et ceux qui ont été peu à l’école, qui ont des difficultés de lecture et d’écriture et qui sont déjà dans des situations sociales inextricables. Les femmes cohabitantes, contraintes aux tâches ménagères et d’éducation des enfants et qui n’ont jamais travaillé le temps nécessaire  que pour pouvoir accéder aux allocations de chômage sur la base d’un travail, paieront elles aussi un lourd tribu à cette mesure de limitation dans le temps des allocations d’insertion. Les femmes seules avec enfants, qui doivent déjà affronter énormément de difficultés au quotidien et qui à cause de celles-ci, ont eu peu de possibilités pour accéder au travail ou au temps plein, feront aussi les frais de cette mesure.

La réforme des allocations de chômage :

Outre la dégressivité (voir plus bas), elle comprend plusieurs autres volets.

Contrôle de la disponibilité régionalisé et étendu aux plus de 50 ans !

Notons tout d’abord que le contrôle de la disponibilité organisé par l’ONEM depuis 2004 sera régionalisé. En Wallonie, ce contrôle serait pris en charge par un organisme d’intérêt public à créer mais cette info reste à vérifier. Signalons que la FGTB, principalement dans sa composante wallonne, a toujours revendiqué la suppression de ce système. Nous espérons que cette revendication continuera à s’exprimer avec la même teneur et la même force dans les semaines et les mois qui viennent. Depuis 2004, ECOLO s’est toujours prononcé contre ce contrôle. Mais alors, comment se fait-il que ce parti ait accepté ce transfert de compétence tel quel dans le cadre des négociations sur la réforme de l’état ? Etant au gouvernement wallon, acceptera-t-il sa mise en place sans le critiquer alors que celui-ci sera amplifié et étendu jusqu’à 55 ans en 2013 et jusqu’à 58 ans en 2016 et plus si les Régions le veulent ?

La notion d’emploi convenable modifiée

Auparavant, au bout de six mois, un travailleur sans emploi était obligé d’élargir sa recherche à d’autres domaines que le sien. Avec les mesures du gouvernement papillon, il devra le faire maintenant au bout de trois mois de chômage seulement. De plus, la distance jusqu’à laquelle un travail est considéré comme acceptable passe de 25 kms à 60 kms, et cela, quelle que soit la durée de déplacement.

Elargissement de l’obligation passive de disponibilité

Cette obligation sera élargie jusqu’à l’âge de 60 ans à partir de 2013. C’est-à-dire que les travailleurs sans emploi et les prépensionnés seront obligés d’accepter jusqu’à cette âge là toute offre d’emploi dite convenable !

Dégressivité des allocations de chômage

A partir du 1er novembre 2012, la dégressivité des allocations de chômage se mettra en place. Cette dégressivité constitue un véritable chantage imposé à tous les travailleurs sans emploi. S’ils ne trouvent pas de travail, ils tomberont au bout d’une certaine période dans des allocations de chômage en dessous des seuils de pauvreté européen. Deux cent mille personnes, principalement des chefs de ménage et des isolés risquent de tomber dans ce piège à la précarité tendu par le gouvernement papillon. Dans ces conditions, comment la Belgique compte-t-elle remplir ses engagements vis-à-vis de l’Europe qui étaient de réduire d’ici à 2020 de 380.000 le nombre de nos citoyens touchés par la pauvreté ? Comment un gouvernement, sensé travailler pour l’amélioration du bien être de toute la collectivité, peut-il ainsi décider volontairement de faire baisser les revenus du chômage en dessous des seuils de pauvreté et placer un nombre important de personnes dans des situations de dettes, de difficultés pour payer le loyer ou se loger, de gros problèmes pour se soigner ou même manger ! Comment feront-ils tous ces demandeurs d’emploi pour retrouver un travail avec toutes ces problèmes sur le dos ?

De plus, faire payer ainsi la facture aux chômeurs alors qu’il n’y a qu’une seule offre d’emploi disponible pour 25 demandeurs en Wallonie et que le gouvernement renonce à développer une politique publique de création d’emplois de qualité pour tous, c’est inadmissible !


Voici les principales étapes de la dégressivité

des allocations de chômage :

PREMIERE PERIODE :

Dans la première phase de la  première période, les allocations seront plus élevées qu’actuellement. Les travailleurs sans emploi toucheront durant les trois premiers mois 65% du salaire brut perdu plafonné à 2370,76E Les trois mois suivants tombent déjà à 60% du salaire brut perdu plafonné à 2370,76E

Dans la seconde phase de cette première période, pendant les six mois qui suivent, le travailleur sans emploi percevra une allocation calculée sur la base de 60% du salaire brut perdu plafonné à 2209,59E

SECONDE PERIODE :

Selon le passé professionnel de chaque demandeur d’emploi, elle pourra durer de 2 à 36 mois.

Dans la première phase de cette seconde période, pendant une période de 2 mois plus 2 mois par année de passé professionnel avec un maximum de 12 mois en tout, 60% du salaire brut perdu plafonné à 2064,81E pour les chefs de ménage, 55% du salaire brut perdu plafonné à 2019,88E pour les isolés et 40% du salaire brut perdu plafonné à 2019,88E pour les cohabitants.

Dans la seconde phase de cette seconde période, pendant les 24 mois suivants maximum (toujours par tranche de deux mois supplémentaires par année de passé professionnel), les allocations diminueront chaque semestre pour tous les chômeurs jusqu’au forfait.

TROISIEME PERIODE EST EGALE AU FORFAIT :

Chef de ménage : 1090E

Isolé : 916E

Cohabitant : 484E


























Rupture avec le caractère assurantiel des allocations de chômage :

Depuis 2004, toutes les mesures de réforme des allocations de chômage, y compris celles qui concernent l’accompagnement des chômeurs organisées par le service public régional de l’emploi, rendent complètement aléatoires la protection sociale de tous les travailleurs victimes de licenciements souvent dus à des restructurations ou délocalisations voulues par des actionnaires avides d’augmenter leurs profits personnels. Le contrôle de la disponibilité, l’accompagnement individualisé des services régionaux de l’emploi, la transmission systématique des données de ces services vers l’ONEM, le stage d’attente qui devient stage d’insertion, imposent aux jeunes et aux travailleurs sans emploi de prouver qu’ils recherchent activement du travail pour avoir accès aux allocations de chômage ou pour pouvoir continuer à en bénéficier. Depuis 2004, nous sommes entrés dans l’ère de la sécurité sociale au mérite. Pour les plus jeunes, ouvrir le droit aux allocations d’insertion va dépendre d’obligations à respecter pendant la période de stage et pour tous les chômeurs, depuis 2004, pour garder les allocations, il faut respecter des conditions subjectives fixées par l’ONEM ou les services régionaux de l’emploi dans des contrats. Soumis à de multiples évaluations, tous les travailleurs sans emploi sont susceptibles de subir un jour ou l’autre une sanction. Avec la limitation dans le temps des allocations d’insertion et la dégressivité des allocations de chômage, le gouvernement papillon vient de franchir une étape supplémentaire. Alors que le contrôle de la disponibilité impose l’obligation de faire la preuve de recherches actives d’un travail, maintenant, en plus, il va falloir absolument en trouver un, même précaire, pour échapper à l’exclusion ou à de maigres allocations ! la Sécurité Sociale constituait le premier rempart contre la pauvreté. Grâce aux gouvernements qui se sont succédé depuis 2004, ce n’est plus le cas. Dès lors, pas étonnant que le nombre de personnes confrontées à la pauvreté ait augmenté fortement dans notre pays et que les CPAS se sentent démunis face à l’afflux des demandes d’aides sociales qu’ils doivent assumer sans refinancement. Et comme devoir accepter n’importe quel travail va devenir nécessaire pour échapper aux sanctions ou à la dégressivité, le fait de travailler ne sera pas non plus la garantie de sortir de la précarité. Les patrons se frottent les mains car ils vont pouvoir exploiter la main d’œuvre disponible aux conditions qu’ils souhaitent. De plus, dans le cadre de la politique de relance économique voulue par le gouvernement, ils vont continuer à bénéficier de baisses de charge et d’avantages fiscaux sans contrepartie !

Stop à la chasse aux chômeurs, annulation de la dette, retour au caractère assurantiel des allocations de chômage !

Ce ne sont pas les chômeurs qui sont indisponibles, c’est l’emploi ! Ce ne sont pas les jeunes, les femmes ni l’ensemble des travailleurs qui sont responsables des crises financières et de la dette ! Dès lors, par nos mobilisations, nous devons imposer des revendications qui font payer les crises par ceux qui les ont provoquées ainsi qu’une politique qui rétablit le caractère assurantiel des allocations de chômage et la création d’emplois de qualité pour tous.

Ce sont les banques qui ont provoqué la dette par des opérations de spéculation financière. Celle-ci doit être soumise à un audit. Le gouvernement ne devrait pas imposer le remboursement des parties illégitimes de la dette aux travailleurs avec ou sans emploi. Ces derniers voient leurs droits réduits à néant tandis que les banquiers ont bénéficié de centaines de milliards pour se renflouer. Réduire cette soi-disant dette publique que le gouvernement (c’est-à-dire toute la collectivité) aurait vis-à-vis des banques et des marchés financiers, c’est  démanteler nos droits sociaux et nos services publics. C’est favoriser la précarisation du marché du travail. STOP, nous sommes la majorité de la population! Nous n’avons pas à payer pour une minorité qui veut encore plus de richesses alors qu’elle en possède déjà une toute grande partie ! Nous revendiquons l’annulation de la dette illégitime ainsi que le retrait de toutes les mesures prises contre les chômeurs depuis 2004.

- Création d’emplois de qualité pour tous !

Ce dont la population a besoin, c’est d’une véritable politique de création d’emplois de qualité pour tous.

C’est possible, par :

-  la réduction du temps de travail, sans augmentation de la flexibilité, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires.

-  Un plan public de création d’emplois qui soit respectueux de l’équilibre écologique, dans des activités qui correspondent aux besoins sociaux de toute la collectivité.

Ces deux mesures essentielles pourraient être financées par l’annulation de la dette illégitime, un impôt plus juste et plus progressif, la suppression des intérêts notionnels, une lutte efficace contre la fraude fiscale (20 milliards par an), une taxe sur les transactions financières,…

Pour que tous nous puissions avoir accès à une vie décente, il faudra imposer par nos luttes une répartition équitable des richesses pour une politique assurant à chacune et chacun un emploi de qualité et le maintien d’une sécurité sociale forte qui protège véritablement de la pauvreté. Au lieu de faire la chasse aux chômeurs, les pouvoirs publics devraient s’inspirer de nos propositions car ils devraient être au service de la majorité de la population et pas, comme actuellement, à celui d’une minorité de financiers et de gros actionnaires avides de profits.

Freddy Bouchez

Coordinateur de l’ASBL CEPRé (Centre d’Education Populaire Régional)

Militant de la FGTB/Centre.














Voir ci-dessus