Solidarité avec le peuple tunisien en Belgique: actions et communiqué unitaires
Par Cocabe, CNAPD, Fathi Chamkhi le Vendredi, 14 Janvier 2011 PDF Imprimer Envoyer

Les Composantes de la Communauté Arabe de Belgique (Cocabe) ont tenu une réunion de solidarité avec le peuple tunisien ce mercredi 12 janvier, à laquelle ont participé plusieurs organisations et citoyens. Les présents à la réunion ont exposé la situation en Tunisie, ils ont débattu les deux rassemblements prévus pour ce samedi en présence des deux organisateurs et émis plusieurs propositions, entre autre la préparation d’une marche, un rassemblement devant l’ambassade de Tunisie, l’organisation d’un meeting.

Les présents à la réunion ont décidé :

- La publication d’un communiqué

- Appellent à la participation au rassemblement de la Bourse ce samedi 15 janvier 2011 de 14h à 15h et que les participants à ce rassemblement rejoignent le second rassemblement prévu de 15h à 17h au Boulevard Stalingrad.

- Appuient le rassemblement européen des tunisiens à Schuman dont la date sera fixé par les intéressés incessamment.

- Appellent à une réunion ce dimanche 16 janvier 2011 pour élaborer un plan d’action, veillent à l’unité du mouvement de solidarité avec le peuple tunisien et œuvrer pour l’amplifier.

Communiqué

Le gouvernement de Ben Ali a choisi l’escalade en ordonnant à ses forces de répression à tirer à balle réelle contre les manifestants. Le bilan des victimes de la révolte du peuple Tunisien qui a commencé le 17/12/10, s’alourdit de jour en jour pour dépasser les 50 martyrs.

Malgré cette répression sanglante, la révolte ne cesse de s’élargir dans le pays pour gagner les grandes villes y compris la capitale. Des couches populaires de plus en plus diverses et nombreuses se joignent à la révolte qui se transforme ainsi en une véritable intifada de tout un peuple.

Le peuple tunisien demande, le départ de Ben Ali et sa bande mafieuse, de mettre fin à la corruption, le respect de son droit au travail, la liberté et la dignité nationale.

Cette révolte a même dépassé les frontières. Le peuple algérien se révolte contre les même maux : le chômage, la corruption, la marginalisation, l’oppression et le mépris de sa dignité. Là aussi, la lâcheté du régime oppresseur a répondu par des balles réelles et des victimes sont tombées. La révolte risquant d’embraser tout le Maghreb, le gouvernement marocain vient d’interdire toute action de soutien au peuple tunisien. Le colonel Kadhafi est venu au secours de son ami Ben Ali en facilitant l’immigration des tunisiens vers la Libye.

Les organisations signataires de cette déclaration :

1- Présentent leurs sincères condoléances aux familles des victimes et au peuple tunisien et peuple algérien.

2- Condamnent avec fermeté ce massacre et la réponse répressive du gouvernement tunisien et algérien aux revendications légitimes du peuple tunisien et du peuple algérien pour son droit au travail, à la liberté et à la dignité.

3- Exigent l’arrêt immédiat des tires sur la population civile et le retrait des forces de la police et de l’armée des villes et villages et leur retour dans leurs casernes.

4- Demandent la désignation d’une commission d’enquête indépendante et la poursuite de ceux qui ont perpétré ces crimes odieux et ceux qui leur ont donné l’ordre de les commettre.

5- Exigent la libération de tous les détenus arrêtés lors des manifestations dans toutes les régions de la Tunisie et l’Algérie, les détenus du bassin minier ainsi que tous les détenus politiques.

6- Exigent le respect par le pouvoir des droits et libertés du peuple tunisien et de son droit de choisir librement ses gouvernants dans le respect des principes démocratiques assurant une véritable alternance.

7- Condamnent fermement le silence complice des autorités européennes et du gouvernement belge et les déclarations scandaleuses de certains membres du gouvernement Français soutenant d’une manière insolente leur ami Ben Ali.

8- appellent les forces démocratiques et syndicales partout en Europe de briser ce silence et soutenir le peuple tunisien dans sa lutte contre la dictature et pour instaurer la démocratie.

9- appellent la société civile de participer aux deux rassemblements prévues pour ce samedi, en insistant sur l’unité de l’Action et à la convergence des initiatives

Signataires :

Composantes de la Communauté Arabe de Belgique – CoCABe

Comité de soutien aux mouvements sociaux en Tunisie

Egalité

LCR-SAP

Bru-Med

Association culturelle palestinienne en Belgique

Fraternité Solidarité-Belma

ASBL FAF

Les citoyens présents à la réunion


Communiqué de presse de la CNAPD

Combien de morts faut-il pour atteindre le seuil du silence ?

Voilà plus d’une semaine maintenant que l’on entend chez nous les clameurs de la rue venues d’Afrique du Nord ; les appels des jeunes maghrébins à un présent décent et un avenir envisageable, une aspiration à laquelle ce jeune qui s’est immolé ne croyait plus, rejoint par ces plus de 40 morts qui ne pourront désormais plus y croire.

Voilà plus d’une semaine aussi que se font entendre les bruits des canons ; seule réponse des autorités face à des citoyens condamnés au silence.

En réponse à ces bruits de colère et de violence, les États européens hésitent entre le silence et le verbiage gêné d’appel à la « retenue » et de « regret » face aux violences. Deux registres d’un même comportement : la complaisance ; ou en tout cas d’un comportement reflétant une indifférence insoutenable.

Ainsi, sur le site du Ministère belge des Affaires étrangères, on se contente de rappeler que les régions touristiques ne sont pas touchées…

Les événements tragiques qui se passent en ce moment en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie et précédemment au Sahara Occidental) et leur non-condamnation par nos responsables, nous rappellent - si besoin en était - que les leçons allègrement données par les dirigeants européens sur la démocratie et les droits de l’Homme ne témoignent pas d’un attachement sans borne à ces fondements de notre société, mais d’une rhétorique éthérée à destination uniquement d’hommes d’État avec lesquels nous ne sommes pas en commerce.

Nous voulons pourtant continuer à croire à la sincérité des discours occidentaux sur les appels à la liberté, au respect de la vie et à l’égalité de tous les individus. Pour cela, il nous faut enfin entendre un message de condamnation clair et sans détour de cette répression sanglante. Il nous faut entendre instamment un appel décidé et volontaire au respect des libertés fondamentales. Il nous faut entendre aussi un soutien aux demandes légitimes formulées par la population.

Par respect pour les morts, par respect pour toutes les populations opprimées, par respect pour les valeurs que nous sommes censés défendre.

Notre silence n’a que trop duré depuis des décennies.

Pour la CNAPD

Isabelle Grippa, Présidente


Couvre-feu en Tunisie: Quelle signification politique ?

A peine quelques heures après sa nomination, le nouveau ministre de l’Intérieur a décrété le couvre-feu de 20h à 5h30 sur 4 gouvernorats du pays qui constituent ‘le grand Tunis’, qui abritent environ le ¼ de la population de la Tunisie et où se concentre plus de la moitié de son activité économique. De plus, la police continue de tirer sur les manifestants, et le bilan des victimes ne cesse de s’alourdir.

Bien entendu, personne en Tunisie ne croit que le nouveau ministre est à l’origine de l’ordre du couvre-feu ni de celui de la poursuite des assassinats, pas plus que son prédécesseur n’était le responsable directe des massacres précédents. Nous savons tous que rien ne se décide en Tunisie sans l’aval de Ben Ali, surtout en matière de sécurité, domaine qu’il tient sous son contrôle depuis bien avant son ascension à la tête de l’Etat en 1987.

Le remplacement du ministre de l’Intérieur qui est jugé par certains observateurs comme étant une mesure d’apaisement est loin d’en être une. D’ailleurs, qu’est ce qui a changé, sinon vers plus de répression ?

En réalité, Ben Ali, tout en désignant un bouc émissaire (à toute fin utile, qui sait ?), cherche à soulager la pression qui pèse sur certains ‘gouvernements amis’ du Nord du fait de leur silence complice vis-à-vis des massacres en Tunisie, notamment les gouvernements français et italien.

1- La protestation sociale a débuté le 17 décembre dernier à Sidi Bouzid (Centre ouest de la Tunisie) à la suite de l’immolation d’un jeune chômeur de 26 ans, diplômé de l’université, avant de s’étendre au reste du pays et de s’amplifier.

Pendant la première semaine la contestation est restée circonscrite à Sidi Bouzid et dans certaines petites villes des alentours, jusqu’à ce que la première victime tuée par balle tombe le 24 décembre.

2- L’usage de balles réelles contre les manifestants a été la réponse du pouvoir face à l’extension de la contestation à d’autres régions, notamment Tela et Kasserine. Mais, l’usage d’armes à feu est resté ‘modéré’ pendant une dizaine de jours, avant de tourner au massacre au cours du deuxième weekend de janvier et de se poursuivre depuis. Le nombre de victimes se compte par dizaines et celui des blessés par centaines.

3- Depuis hier, une étape décisive dans l’extension du mouvement social a été atteinte quand la révolte a fini par s’installer à Tunis, capitale et cœur névralgique du pays.

Suite à l’impuissance de la répression sanglante à étouffer le mouvement, comme ce fut le cas lors du soulèvement du bassin minier en 2008, le pouvoir a déployé l’armée depuis une semaine, d’abord dans les villes de l’intérieur, puis sur tout le territoire, notamment à Tunis.

La décision du couvre-feu intervient donc alors que le mouvement s’est étendu à l’agglomération de Tunis.

Cela nous amène à faire les remarques suivantes :

- Un mouvement de contestation spontané qui gagne rapidement tout le pays, et s’installe dans la durée (27 jours maintenant), malgré une répression sanglante.

- Dans un pays qui est donné en modèle pour ‘sa réussite économique’ et qui est considéré comme ‘pays émergeant’ grâce, surtout, à sa discipline dans l’exécution des politiques capitalistes libérales des institutions financières internationales, qui finit par exploser comme un baril de poudre

Finalement, un système économiquement prédateur et socialement très injuste fort d’¼ de siècle d’une répression systématique qui a abouti à une pacification quasi-totale de la société, a fini par voler en éclats à force d’avoir accumulé tant de tension sociale, d’humiliation et de haine aussi. Comment il va se terminer ? Personne ne peut le dire à l’heure actuelle, mais une chose est sûre ; il est d’ores et déjà mort !

- Une chose est sûre, le pouvoir s’affole car il n’arrive pas à comprendre pourquoi sa machine répressive ne produit plus ses effets habituels ! Ce pouvoir a pratiqué la répression et le déni de droit, à tel point, qu’on peut dire, à juste titre, qu’il ne sait faire que ça ! Un tel pouvoir n’est pas réformable ! C’est d’ailleurs ce que confirme le déploiement de l’armée puis le couvre-feu, et la cécité qui est la sienne et qui l’empêche de comprendre le sens historique du mouvement social qui se déroule devant lui. Ceci étant dit, tous ceux qui espèrent encore, dans l’opposition, une ouverture démocratique du pouvoir, un tant soit peu, se trompent gravement. Une telle erreur ne peut que prolonger les souffrances du peuple tunisien.

- Certains, dans le pouvoir comme dans l’opposition, veulent dissuader Ben Ali de l’utilisation de la force armée, et d’opter pour une ouverture démocratique. La formule de ‘gouvernement de salut national’ me parait résumer assez bien ces tentatives. S’y résignera-t-il si la situation l’exige ? J’en doute fortement !

La révolution est en marche, elle seule possède la réponse à toutes ces questions.

Tunis, 12 janvier 2011

Fathi Chamkhi

RAID-ATTAC/CADTM TUNISIE


Voir ci-dessus