Grande-Bretagne: Attaque historique contre les services publics et les emplois
Par Fred Leplat le Vendredi, 29 Octobre 2010 PDF Imprimer Envoyer

Avec sa «revue d’ensemble des réductions budgétaires», présentée le 19 octobre dernier, le gouvernement de coalition dirigé par les conservateurs a lancé l’attaque la plus dévastatrice sur les services publics jamais opérée depuis les années 1920. Des réductions de dépenses publiques de 92 milliards d’euros vont être réalisées dans les cinq prochaines années et 500.000 emplois du secteur public doivent disparaître.

La crise qui était au départ celle des banques et du secteur privé est devenue pour le gouvernement celle des services publics. Nous serions tous dans le même bateau et devrions prendre part au paiement de la dette publique pour l’empêcher de couler.

Si certains secteurs sont épargnés par les réductions, ils sont touchés par la privatisation, avec l’autorisation donnée aux écoles d’être indépendantes et la casse du service national de santé. Les autres services publics doivent réduire leurs dépenses de 19% en moyenne, les secteurs les plus attaqués étant l’aide sociale et le logement.

Une économie de 1,12 milliard d’euros par an sera réalisée par la suppression des allocations familiales aux revenus moyens. Les personnes malades ou handicapées vont cesser de recevoir des indemnités au bout de douze mois et les personnes en maison de retraite verront leurs allocations réduites de 2800 euros par an. Le budget des enseignants à l’université est réduit de 40%, les droits d’inscription aux universités passent de 3627 euros à au moins 7900 euros par an.

Les dépenses sociales de logement seront réduites de 27% sur quatre ans. Les nouveaux locataires de HLM devront payer au minimum 80% du prix du marché pour leur logement. Les loyers vont grimper de 380 euros à 1124 euros par mois en moyenne, ce qui se combinera avec l’introduction d’une limitation des allocations. Il est prévu que 82.000 familles, 200.000 personnes, seront contraintes de quitter Londres.

Alors que l’État providence est taillé à la hache, les députés conservateurs se réjouissent au Parlement et, à la City, les banquiers débouchent le champagne en constatant que leur contribution ne sera que de 2,8 milliards d’euros par an. Les banquiers ont touché 8 milliards de bonus cette année, presque autant qu’avant la crise.

Ces sacrifices ont été préparés par le ministre des Finances, George Osborne, baronnet1 qui siège dans un cabinet composé de 18 millionnaires sur 27. Les réductions budgétaires sont beaucoup plus brutales pour les pauvres que les riches, en particulier pour les familles avec enfants, c’est-à-dire celles qui ont le plus besoin des services publics.

La mobilisation s’organise

La mobilisation contre ces attaques ne fait que commencer. Le TUC, centrale syndicale unique, a organisé un rassemblement de 2000 personnes la veille de l’annonce des réductions. Le soir, une manifestation appelée par des syndicats londoniens a réuni 5000 personnes et s’est terminée par un rassemblement près du Parlement organisé par la Coalition de la Résistance, où Jesse Jackson, Tony Benn et d’autres ont pris la parole. D’autres protestations ont été organisées le samedi dans toute la Grande-Bretagne, avec 20000 personnes à une manifestation organisée par le TUC écossais, à Édimbourg.

Le syndicat des pompiers de Londres a fait grève samedi pour s’opposer au rallongement à douze heures des brigades et à la fermeture de casernes la nuit. Le syndicat du rail RMT continue de faire grève dans le métro de Londres contre des suppressions d’emplois qui mettent en jeu la sécurité du transport.

L’accroissement du nombre de manifestations et de grèves est encourageant. Mais le mouvement ouvrier et la gauche ne sont qu’au début du chemin qui mène à une situation où des millions de personnes sont dans la rue et font grève. Seule une action de masse à cette échelle est susceptible de faire reculer le gouvernement.

L’organisation d’une campagne de masse sera discutée à la conférence de la Coalition de la Résistance, le 27 novembre. Il existe d’autres campagnes comme Gardons notre système de santé public ou la Campagne pour le Droit au travail, chacune avec ses caractéristiques mais aussi des thèmes qui se recouvrent. Avec la hauteur des attaques, il est essentiel qu’il y ait collaboration étroite entre toutes ces campagnes. De cette façon, un front unique pourra être construit et donner confiance aux millions de salariés pour qu’ils rentrent dans l’action.

A Londres, Fred Leplat

1. Titre de noblesse britannique intermédiaire entre baron et chevalier.

Privatisation des forêts

Le gouvernement libéral-conservateur de David Cameron et Nick Clegg accélère également les politiques de privatisations initiées depuis l'ère Thatcher et poursuivies par Blair. Vu qu'il ne reste plus grand chose à offrir au secteur privé, le gouvernement s'apprête à privatiser d'ici 2020 près de la moitié des 748.000 hectares de forêts qui appartiennent à l'Etat.

Les femmes en première ligne

Une analyse publiée par le journal « The Independant » affirme que, sur les 500.000 emplois publics qui seront supprimés d'ici 2015, 350.000 sont occupés par des femmes, qui représentent plus de 60% de la main d'oeuvre dans le secteur public. L'Institut pour les Etudes Fiscales, quant à lui, estime que les mesures d'austérité vont lourdement peser sur les 10% les plus pauvres de la population et les familles monoparentales, autrement dit majoritairement des femmes élevant un ou plusieurs enfants.

Jeunesse sacrifiée

Les universités sont confrontées à des coupes de 40%. Le gouvernement va diminuer de 9.000 livres le montant qu'il paie par étudiant. Le département de la culture, des médias et des sports appliquera des coupes de 41%. Quelque 40.000 enseignants devraient perdre leur emploi, selon des chiffres officiels. Le financement de l'éducation des 16 - 19 ans sera réduit. Ils perdront l'allocation de Maintien dans l'éducation qui avait pour but de les inciter à rester dans le système éducatif ou en formation professionnelle.

Les handicapés confrontés à des coupes brutales

L'allocation d'emploi et de soutien, qui aide ceux qui ne peuvent pas travailler du fait de leur handicap physique ou mental, sera à présent limité à un an. Après un an, la personne handicapée devra accepter un travail suivant les mêmes dispositions qu'une personne valide au chômage. Les personnes handicapées qui reçoivent actuellement une aide pour les coûts de mobilité perdront le droit à cette allocation s'ils sont en résidence pour handicapés. Bon nombre d'entre eux se retrouveront, dans les faits, confinés dans leur résidence.

Recul de l'âge de la retraite

Les personnes âgées seront touchées par ces changements dans les allocations pour handicapés et le report de l'âge de départ à la retraite de 65 à 66 ans d'ici 2020. Les coupes dans les dépenses des collectivités territoriales (-28%) vont toucher toutes les personnes handicapées et les personnes âgées qui dépendent des services de la commune tels les transports, les centres de jour, les les soins à domicile et les maisons de retraite ou pour handicapés.

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