Décès de notre camarade Denise Comanne: une voix internationaliste vibrante s'est éteinte
Par LCR, Eric Toussaint le Samedi, 29 Mai 2010 PDF Imprimer Envoyer

Nous avons appris avec une immense tristesse le décès de notre camarade Denise Comanne, survenu ce vendredi 28 mai suite à un malaise cardiaque alors qu'elle participait à une activité de solidarité avec le peuple de la République démocratique du Congo. Denise était une militante dans le plein sens du terme, une révolutionnaire infatiguable, qui a consacré une énergie inouïe à la solidarité internationaliste. C'est une perte tragique. Nous partageons la douleur de ses amie-s et camarades liégeois, du CADTM, dont elle était un pilier, et adressons toute notre profonde sympathie à son compagnon, Eric Toussaint. Denise avait accepté avec enthousiasme d'être candidate sur la liste liégeoise du Front des Gauches à la Chambre pour les élections du 13 juin. Nous reproduisons ci-dessous le texte de présentation de candidature qu'elle nous a fait parvenir il y a quelques jours à peine et qui évoque son itinéraire et engagement militant. Nous publions également un texte écrit par son compagnon Eric Toussaint à l'occasion du soixiantième anniversaire de Denise. Une voix internationaliste vibrante s'est éteinte, mais son combat se poursuit et se poursuivra. (LCR-Web)

"Je suis en révolte permanente contre l'injustice du système capitaliste"

Denis Comanne, LCR, 6e candidate effective à la Chambre à Liège sur la liste du Front des Gauches

Née en 1949, pas mariée, pas d'enfants mais très heureuse en amour ! J'ai fait des études d'Histoire de l'Art et Archéologie et pendant ces années universitaires (1967- 1972), j'ai participé à toutes les luttes estudiantines (mai 69, enseignement rénové, minerval des étudiants étrangers, etc.). Je me suis à l'époque conscientisée à la question de la dépénalisation de l'avortement et, plus largement, au féminisme.

Employée à la Ville de Liège, j'ai participé très activement aux grands mouvements de grève qui ont secoué la cité en 1982-1983, 1985, 1987 et 1989. A ce moment-là, je suis devenue déléguée syndicale du secteur administratif (FGTB - CGSP - ALR) et militante politique à ce qui était alors la Ligue Révolutionnaire des Travailleurs (LRT - ancien nom de la LCR). Je suis donc membre de ce parti depuis 1984 sans interruption.

Dans les années 1990, j'ai eu la possibilité, tout en restant dans le cadre de la Ville de Liège, de travailler au CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde) et cela, jusqu'à ma retraite en 2009. Le CADTM est une ONG d'éducation au développement dont le sérieux et la force de conviction ont permis de créer un réseau international. A ce titre, j'ai voyagé en Amérique latine (que j'avais découverte auparavant avec les brigades de travail FGTB au Nicaragua), en Afrique et en Asie. Actuellement, je me replonge dans les questions du féminisme étant donné que la crise financière, économique, sociale, écologique va avoir des répercussions spécifiques sur le quotidien des femmes.

Je suis en révolte permanente contre l'injustice du système capitaliste dont j'ai vu les effets dans ma vie de femme, de travailleuse. C'est pourquoi je milite. J'ai accepté d'être sur la liste Front des Gauches parce que, enfin, après tant d'années d'essais, on a fait un pas vers l'unité de la gauche radicale. Il faudra que cette unité se concrétise par un travail et une ligne commune sur le long terme (air connu : ce n'est qu'un début, continuons...).

Dans les plateformes, je suis particulièrement sensible à la revendication "*Révocabilité des élu-e-s *s’ils n’accomplissent pas leurs devoirs et limitation de leurs rétributions au salaire d'un-e travailleur/euse qualifié-e". Des pays comme le Venezuela, l'Equateur, la Bolivie ont fait la démonstration tout récemment qu'il était possible d'inscrire cette revendication dans une Constitution. Ils nous ont d'ailleurs démontré que de véritables processus constituants avec large participation démocratique permettent d'obtenir des avancées politiques et sociales cruciales. En Belgique, les politiciens font tous les jours la preuve non pas de leur incapacité mais au contraire de leur grande capacité à trahir la population et à la sacrifier sur l'autel du profit.

"Que se vayan todos " comme on dit en Amérique latine... Révocabilité des mandats !

 


 

Denise : une voix vibrante parmi les autres voix de la planète

Par Eric Toussaint

J’ai rencontré Denise en avril - mai 1983 au début d’un combat syndical qui cette fois-là allait durer environ une douzaine de semaines. Nous étions des milliers de travailleurs et travailleuses de la Ville de Liège à entamer une lutte emblématique. 17 500 salariés de la Ville se rebellaient contre le plan d’ajustement structurel que le « gouvernement » de la municipalité (le conseil échevinal appuyé par le conseil communal) avait décidé d’imposer au personnel et à la population. L ’alliance politique au pouvoir était de type « olivier » : socialistes (PS) + écologistes (Ecolo) et « sociaux chrétiens » (PSC devenu aujourd’hui le CDH). Selon eux, afin de rembourser une dette liégeoise d’un milliard d’euros (44 milliards de francs belges à l’époque), il fallait privatiser plusieurs services à la population, réduire le nombre de travailleurs et leur imposer une réduction de salaire. Denise était à l’époque employée au service de l’urbanisme et j’étais enseignant à l’école technique et professionnelle connue sous le nom de la « Grosse Mécanique ». Nous nous sommes rencontrés dans un véritable tourbillon de luttes et de prise de conscience : une grève de longue durée, des piquets de grève, des manifestations de rue, les réunions du comité de grève avec une vingtaine de personnes (dont Denise), des assemblées syndicales régulières avec plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes présentes, des actions musclées, la répression par les gendarmes, des actions de protestation lors des réunions du conseil communal qui entérinaient les mesures antisociales, la recherche de la jonction entre travailleurs des services publics et ouvriers de l’industrie, les discussions de bilan et perspectives plusieurs fois par semaine au restaurant Le Bosphore, au café A l’ombre de la Cathédrale ou ailleurs. Que dis-je, un tourbillon ? Non plutôt une tornade sociale et politique. Tout allait très vite et on le vivait de manière très intense.

J’avais remarqué et beaucoup apprécié (cela continue jusqu’à aujourd’hui) Denise pour sa ténacité, sa combativité, sa volonté de prendre la parole en assemblée (alors que ce n’est pas facile et qu’elle le faisait pour la première fois), son rejet de l’injustice et son refus de se plier devant les ukases d’où qu’elles viennent. De son côté, elle m’a dit plus tard que ma prise de parole lors d’une assemblée dans l’usine de la sidérurgie (à l’ atelier de Jemeppe Kessales) l’avait convaincue de chercher à pousser plus loin notre relation qui était juste amicale et très récente. J’étais intervenu devant une assemblée d’ouvriers et une délégation des travailleurs de la ville de Liège pour expliquer les liens entre les différents combats ainsi que leur dimension politique. Avant la fin de la grève, on a commencé une relation amoureuse, cela devait être en juin 1983. Vingt-six ans déjà !

Je vous passe les détails. Notre relation a toujours eu une dimension politique, sociale et l’internationalisme a joué un grand rôle. En 1983-1984, Denise s’est jointe au Xième voyage que j’effectuais en Pologne pour porter de l’aide à des syndicalistes radicaux, mais surtout on a lancé ensemble avec d’autres camarades les brigades de travail volontaire au Nicaragua révolutionnaire. La révolution avait triomphé dans ce pays en juillet 1979 et nous participions activement à un vaste mouvement de solidarité en y jouant un rôle fort actif. De 1984 à 1989, chaque année ou presque nous avons collaboré à l’organisation de ces brigades qui partaient travailler avec les paysans nicaraguayens. On se cotisait, on organisait des fêtes en Belgique pour apporter de l’aide matérielle à la révolution et chaque brigadiste utilisait ses jours de congé pour aller travailler bénévolement 3 semaines avec les paysans en ayant soin de payer son billet d’avion. Dans les brigades que nous avons contribué à organiser, il y avait presqu’une moitié d’ouvriers de la métallurgie, notamment de Caterpillar et de Cockerill (aujourd’hui Arcelor-Mittal). Une très belle expérience que Denise et moi ne regrettons pas, loin de là. Nous en profitions pour rester en Amérique centrale et à Cuba quelques jours de plus, pour apporter notre soutien à d’autres processus révolutionnaires. A une occasion, cela a failli tourner très mal pour elle et moi, quand nous avons été arrêtés par des militaires honduriens à la frontière entre le Salvador et ce pays alors que nous étions en possession de documents de la guérilla salvadorienne qu’une religieuse m’avait remis la veille dans la capitale salvadorienne. Dans les moments difficiles, face au danger, on n’a pas eu froid aux yeux. Denise fait très bien face à des situations très tendues avec les forces de répression.

Denise, au cours de ces voyages, n’a jamais cherché le confort. On s’est très souvent contenté d’un sommier avec ou sans matelas, d’une paillasse sur le sol ou sur quelques planches de bois. Si Denise vous fait croire qu’elle ne parle pas espagnol, elle vous ment. Les brigadistes qui étaient avec elle dans la « 5ta Région » au Nicaragua en 1989 vous diront qu’elle était la responsable de la brigade et qu’elle dialoguait avec les Nicaraguayens quotidiennement. Mais elle préfère dire qu’elle ne parle pas espagnol. Il faut dire qu’il faut vivre au quotidien avec elle pour savoir combien elle doit faire d’efforts pour entendre ce que les gens disent. Pour elle, à cause de son problème d’ouïe, rester à l’écoute et comprendre tout ce qui se dit est un véritable combat.

Il m’est impossible de raconter davantage ces 26 années d’actions et de lutte dans la place impartie. Mais je dois dire que Denise a déjà vécu plusieurs vies. Elle a été à deux doigts de s’arrêter en chemin un peu après le 11 novembre 2005 , mais elle est finalement ressortie très forte de cette épreuve. Elle en a déduit que la vie devait encore être plus pleinement vécue car elle a une fin. Elle a bien raison. Il faut vivre intensément la vie.

Maintenant elle a commencé une nouvelle vie qui correspond à l’âge de la retraite. Comme de très nombreux retraités, elle ne se mettra pas à l’écart des luttes. Elle restera très active et apportera encore énormément à la réflexion et à l’action. Denise a encore beaucoup de choses à recevoir et à donner.

Elle fait bien partie de manière active et créatrice de ces Autres Voix de la Planète dont elle a pendant deux ans assumé l’entière responsabilité avec succès.

 


Éric Toussaint, son compagnon, Suzanne Comanne, sa maman, Denise Lagache, sa marraine, Philippe et Nicole Comanne, Francine et François Erpicum-Toussaint, Luc Toussaint, son frère, ses belles-sœurs et ses beaux-frères ; ses neveux et nièces

ses collègues et amis du CADTM, ses camarades de la LCR et du Front des Gauches

ont la profonde tristesse de vous faire part du décès de

Denise Comanne

née le 22 avril 1949 et décédée le 28 mai 2010

La famille et les proches de Denise recevront les visites le mardi 1 et le mercredi 2 juin de 17H00 à 19H00 au centre funéraire de Robermont, 1 rue des Coquelicots à 4040 Bressoux (Liège).

La cérémonie des funérailles suivie de la dispersion des cendres aura lieu au même endroit le jeudi 3 juin 2010 à 10H00.

Les personnes qui désirent témoigner leur sympathie peuvent verser un don au Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) sur le compte 001-2318343-22 avec la mention « À la mémoire de Denise »

Cet avis tient lieu de faire-part

 

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