Grèce: L'UE au service des spéculateurs
Par Frank Slegers et Andreas Sartzekis le Jeudi, 18 Février 2010 PDF Imprimer Envoyer

Pas plus tôt renfloués par l’argent des contribuables, voilà les spéculateurs repartis à la manœuvre. Cette fois, c’est l’euro et la solidité de l’Europe monétaire qui est visée à travers ses maillons faibles Irlande, Portugal, Espagne et Grèce. Dans ce dernier pays, l’État est au bord du défaut de paiement et des risques similaires existent en Espagne ou au Portugal.

Mais loin de s’en prendre aux spéculateurs, les dirigeants européens cherchent à profiter de la situation pour imposer au peuple grec un plan d’austérité drastique, qui pourrait servir d’exemple pour les autres pays. Une fois de plus les institutions européennes se mettent au service des détenteurs de capitaux contre la population.

Pas plus tôt élu, le premier ministre socialiste Papandréou fait adopter un train de mesures scandaleuses visant à faire payer cette crise au peuple grec. Diminution des salaires et des dépenses publiques, recul de l’âge de la retraite, privatisations...

La dette extérieure (publique et privée) comme la dette publique de la Grèce résultent de politiques déjà anciennes d’exonération fiscale du grand patronat. Aujourd’hui, la dette publique atteint 135% du PIB et la dette extérieure 150%. Même si le nouveau Premier ministre Georges Papandre savait lors des élections d’octobre que le déficit public serait autour de 13% du PIB, il a centré sa campagne sur la promesse de ne pas comprimer les salaires et c’est cette promesse qui explique la victoire écrasante du Pasok. Le chômage en Grèce est de 18%, la consommation est en baisse, et le PIB a diminué de 1,7% en un an.

La Banque centrale européenne, en prévision d’une nouvelle crise, veut imposer à tous les pays de l’Union européenne une stricte discipline dans les finances publiques. Mais ce n’est pas la Grèce, dont l’économie ne représente que 3% des pays de la zone euro, qui pose le plus de problèmes, malgré ce que dit la presse, mais plutôt les grands pays comme l’Allemagne, avec une dette et un déficit public croissants (respectivement 78% et 6% du PIB).

Que les gouvernements soient de droite ou de gauche, partout les populations subissent aujourd’hui des attaques sur les salaires et les services publics, une répression accrue sur les mouvements contestataires, une offensive raciste afin de désigner des boucs émissaires et cimenter une adhésion nationale face aux tensions croissantes entre les États.

Derrière chaque attaque pour renflouer les caisses publiques apparaît un choix de société: qui doit payer pour la crise? La LCR prône la nationalisation du système bancaire, pour en finir avec les ravages de la spéculation et mettre le crédit au service d’une reconversion sociale et écologique de la production. Seule une mobilisation coordonnée de tous les travailleurs d’Europe pour défendre leurs emplois, leurs salaires, leurs retraites et tous leurs acquis sociaux, sera à même de lutter contre la coalition des actionnaires, des banquiers et des gouvernements européens. (LCR-Web)


La Grèce et la BCE: l’équilibre de la terreur

Par Frank Slegers

Le lundi 25 janvier, le gouvernement grec a dû pousser un soupir de soulagement lorsqu’il est devenu clair que le «marché» avait encore assez confiance en lui pour lui acheter des obligations d’Etat. La dette publique grecque reste finançable. Mais le gouvernement grec a dû accorder une surprime pimentée. Et la Banque Centrale Européenne (BCE) continue à mettre le gouvernement grec du PASOK social-démocrate sous pression.

Les obligations d’Etat grecques ont été vendues à une rente annuelle de 6,2%, à comparer aux 2,295% que le gouvernement fédéral allemand doit accorder à ses obligations. Les problèmes financiers du gouvernement PASOK grec, qui vient d’accéder au pouvoir, ne sont donc pas encore finis. C’est seulement en accordant des rentes élevées qu’il arrive à placer ses emprunts.

Malgré le fait que la crise économique touche certains états membres de façon différente ou plus durement qu’elle ne touche d’autres, la même politique monétaire est imposée à chaque pays utilisant l’euro. Sortir de la crise en dévaluant sa monnaie nationale, comme la Belgique l'a fait avec le Franc belge au début des années ’80, n’est donc plus possible. Il n’y a plus qu’une seule politique financière dans toute la zone euro.

Par conséquent, l’Union Européenne met sous pression les gouvernements des pays aux finances publiques plus faibles pour qu’ils sortent de cette situation par la seule voie de l’austérité antisociale la plus brutale. En effet : assainir les finances publiques en taxant les grosses fortunes, est pour l'UE aussi scandaleux que d'uriner dans un bénitier.

La Grèce propose de diminuer le déficit annuel des finances publiques, estimé à 12,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) à 2,8% en 2012.

Banque Centrale Européenne

La pression européenne sur le gouvernement grec n’est pas seulement d’ordre moral et politique. La BCE a la possibilité de déclarer qu’elle n’est plus disposée à accepter les obligations d’Etat grecques. Actuellement, la BCE accepte les obligations de tous les Etats de la zone euro comme garantie pour accorder aux banques des crédits aux meilleurs taux. Un tel refus donnerait le coup de grâce aux finances publiques helléniques. La moitié de la dette publique grecque est placée sous forme des obligations d’Etat entre les mains des banques européennes. Elles seraient «déçues» par un tel contretemps et tourneraient immédiatement le dos à la Grèce.

Le chantage que la BCE peut exercer sur la Grèce est donc tout à fait réel. Ce chantage se drape évidemment dans de discours sur les «lois incontournables des marchés financiers» pour couper l’herbe sous les pieds du débat démocratique à propos de cette situation difficile.

Pourtant, ce chantage de la BCE peut se retourner contre elle. Les finances publiques des autres états membres sont également mises sous pression. Outre la Grèce, ce sont surtout le Portugal et la République d’Irlande qui connaissent une situation critique. Mais l’Italie et l’Espagne sont également dans de mauvais draps, d’autres Etats également. Si l’Etat grec déclare une cessation de paiement de sa dette publique, elle ouvrirait une brèche dans le mur: le marché se mettrait immédiatement à la recherche d’autres mauvais payeurs dans la zone euro. Le financement de la dette publique d’une série de pays risque de se compliquer, et de devenir plus cher. C’est la confiance en l’euro qui en pâtirait très durement.

L’équilibre de la terreur

En d’autres mots: la Grèce tient la BCE par la gorge autant que l’inverse. Les sociaux démocrates grecs pourraient demander un changement d'orientation à l’Union Européenne: une démarche solidaire devrait être mise en place pour sortir ensemble de la crise sans porter atteinte à la justice sociale. Mais un tel message n’est pas à l'agenda au siège du PASOK, ni chez aucun autre parti socialiste européen. Dans les coulisses, un plan d’urgence pour sauver la Grèce est concocté: la cessation de paiement de la dette publique devra être évitée à tout prix. Mais cela doit se faire dans le plus grand secret afin de soutenir le gouvernement PASOK dans son effort pour convaincre le peuple grec de prendre «sa» responsabilité face à la crise financière.

La conséquence de ces évènements est que l’euro est en baisse depuis six mois, ce qui donne malgré tout un ballon d’oxygène aux économies européennes.

Publié dans Uitpers n° 117, 11° année., février 2010. Traduction française: Louis Verheyden


Le refus des salariés

Contre le plan d’austérité que cherche à imposer le gouvernement aux salariés, une grève générale aura lieu le 24 février

L’intérêt porté par les médias à la grève, bien suivie, du secteur public grec, le 10 février, prouve l’inquiétude de la bourgeoisie européenne devant les réactions ouvrières à une politique d’austérité dictée par l’Union européenne (UE) et qui doit servir de banc d’essai européen pour faire payer la crise.

Le commissaire européen à la concurrence, Joaquin Almunia, a indiqué que l’UE faisait pression depuis un an sur Athènes pour qu’elle réduise les rémunérations de la fonction publique et révise le code du travail jugé trop protecteur pour les salariés. Le Premier ministre, Georges Papandreou, présente malgré tout son «programme de stabilité» comme une décision grecque.

L’UE le soutient et se réserve le droit de poursuivre la Grèce devant le Tribunal européen pour avoir tronqué ses statistiques. Manière élégante de signifier que son rôle est d’imposer des sacrifices aux travailleurs, aujourd’hui en Grèce, demain au Portugal ou en Espagne.

Les discussions continuent mais les mesures sont aujourd’hui connues, faisant de cette politique, selon un responsable Pasok en opposition, la plus néolibérale depuis la junte militaire.

Impôts: pas de changement pour les entreprises, mais augmentation progressive à partir de salaires moyens.

Rémunération: gel des salaires du secteur public au-dessus de 2 000 euros et baisse de 10 % des indemnités et primes constituant en Grèce une grosse partie de la rémunération, ce qui correspond à une baisse minimum pour certains de 150 euros.

Retraites: départ repoussé à 62 ou 63 ans et versement de la retraite «  sociale  » de 360 euros seulement à partir de 65 ans. Il faut ajouter l’arrêt des embauches (sauf santé, éducation et sécurité), l’augmentation des carburants, la fermeture des entreprises publiques non rentables, le remplacement d’un fonctionnaire sur cinq partant à la retraite, l’exclusion de 200 000 salariés des programmes sociaux de vacances à prix modestes.

Pendant ce temps, les spéculateurs s’engraissent. Pour emprunter, l’État payait en janvier 2009 5,5 % de taux d’intérêt, aujourd’hui 7,24%.

En 2001, une énorme mobilisation a fait reculer le gouvernement Pasok sur la réforme des retraites. Ayant peur d’un tel mouvement, Papandreou négocie un soutien de la droite et de l’extrême droite à son plan en échange d’un durcissement du projet de loi sur l’accueil des immigrés et fait des discours patriotiques.

La GSEE (confédération des salariés du privé, à direction Pasok) n’appelle que le 24 à la grève. Adedy (syndicat des fonctionnaires, également à direction Pasok) vient de décider de s’y joindre. Cette journée devient donc une journée de grève générale à laquelle la gauche radicale doit proposer des suites immédiates.

Andreas Sartzekis

Paru dans Hebdo TEAN # 43 (18/02/10)

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