Elections législatives : A droite, toute !
Par Ataulfo Riera le Mardi, 12 Juin 2007 PDF Imprimer Envoyer

Les élections législatives de ce 10 juin confirment qu’une tendance lourde se dessine en Europe: avec l’Ecosse, l’Irlande, la France, l’Etat Espagnol, et aujourd’hui la Belgique, c’est la droite, souvent pure et dure, qui a le vent en poupe. Un nouveau retour de balancier qui sanctionne partout le social-libéralisme des PS. Et qui confirme une fois de plus que la social-démocratie est utile à la bourgeoisie lorsqu’il s’agit d’appliquer l’austérité et les politiques néolibérales en période de crise et de luttes sociales. Mais dès qu’une certaine croissance est au rendez-vous et que les luttes sociales sont au plus bas, nos gestionnaires « socialistes » sont remerciés et renvoyés dans les cordes.

Il est également clair que cette tendance reflète une volonté populaire de changement et de rupture. Mais cette volonté s’exprime de manière déformée, elle est captée et bien entendu détournée par une droite démagogue et populiste. En fait de rupture, c’est un approfondissement des politiques anti-sociales, sécuritaires et anti-démocratique qui est à l’ordre du jour. La bourgeoisie européenne s’en frotte les mains ; ces victoires électorales lui permettent de mettre les bouchées doubles pour ressusciter feu le Traité constitutionnel européen afin d’accélérer les contre-réformes néolibérales et positionner l’Europe dans la concurrence acharnée que se livrent les puissances impérialistes sur le marché mondial.

En Belgique la social-démocratie est au pouvoir depuis près de 20 années. Vingt ans au cours desquelles les inégalités, le chômage et la misère n’ont cessé de croître d’un part et les richesses et les profits de s’accumuler aux mains de quelques-uns d’autre part. La social-démocratie paye à la fois sa longue co-gestion du néolibéralisme, de l’austérité et la corruption scandaleuse qui règne en son sein. Les deux sont d’ailleurs étroitement liés : lorsqu’on accepte les règles du capitalisme, on est alors entraîné à le jouer à fond, y compris dans ses dimensions criminelles et de gestion douteuse des biens publics. Et c’est la « gauche » qui paye électoralement le prix fort de la corruption, pas la droite qui pratique pourtant les mêmes méthodes.

Il est encore trop tôt pour prédire si la social-démocratie va se retrouver ou non dans l’opposition et quelle sera la configuration exacte du prochain gouvernement. Mais quel qu’il soit, il n’y aura pas de rupture ; la riposte dans la rue doit donc s’organiser dès aujourd’hui. Les directions syndicales auront une lourde responsabilité dans cette nécessaire résistance car elles ont tout fait pour étouffer les luttes sociales récentes afin de ne pas gêner les « amis politiques » au pouvoir. Cette stratégie est, faut-il le souligner, un fiasco intégral. C’est au contraire dans les luttes, par la mobilisation des travailleurs, que l’on fera reculer la droite et l’extrême droite.

Quel qu’il soit, y compris avec un zeste de vert, le prochain gouvernement sera un exécutif bourgeois qui mènera tambour battant l’offensive contre nos conquêtes sociales, avec la sécu en ligne de mire, la volonté de scinder les politiques d’emploi, la poursuite des privatisations et la réforme de l’Etat dans un sens anti-démocratique. Les forces centrifuges dans l’Etat Belgique se sont une fois de plus renforcées du fait des résultats asymétriques entre la Flandre et la Wallonie. Mais la tendance est la même : à droite toute, bien qu’à des degrés divers (la droite et extrême droite pèsent plus de 54% en Belgique francophone, contre 75% en Flandres !). L’extrême droite ne progresse plus autant, surtout du côté francophone et s’il faut s’en réjouir, l’euphorie n’est pas de mise pour autant: si l’on additionne les scores du Vlaams Belang, de la Liste Dedecker, du FN et de Forces Nouvelles, son poids est toujours intolérable.

La victoire de la droite ne s’explique pas seulement par la « trahison » (air connu) social-démocrate à ses promesses. Elle est aussi le résultat de l’échec de la gauche anticapitaliste à offrir une alternative suffisamment crédible aux yeux des masses. En Belgique, la barre des 5% d’éligibilité et des règles d’accès aux médias particulièrement anti-démocratiques rendent la tâche difficile. Mais cela n’explique pas tout. Comme aux législatives de 1999, bien que dans une moindre mesure, c’est Ecolo, qui a raflé les pertes du PS. Or, ce sont ces électeurs que la gauche anticapitaliste aurait pu, aurait dû capter. Par sa division ou son aventurisme électoraliste, elle n’en a pas été capable. Les résultats des listes CAP (autour de 0,3%), PC et PTB (autour de 0,8%) parlent d’eux-mêmes.

Leur bilan doit avant tout se tirer en fonction de leur objectif. Pour le PTB, il s’agissait, si pas d’arracher un élu, du moins de généraliser leurs quelques bons scores aux communales. Malgré une campagne remarquable, si la progression est effective, elle n’est pas spectaculaire et ne fait que confirmer ou renforcer les bons scores locaux déjà obtenus. Sur le CAP, qui se présentait comme l’embryon du «nouveau parti des travailleurs », la volonté du MAS en son sein d’aller aux élections coûte que coûte se paye cher. En Flandre, le CAP réalise l’exploit de récolter moins de voix que le MAS aux élections européennes de 2004. Le futur « nouveau parti des travailleurs et de leurs familles» a pour le moins du plomb dans l’aile. Le PC, quant à lui, a fait un score « honorable », avec une pointe en Hainaut. Son programme n’était pas mauvais du tout, mais il manquait pour le moins un discours sur les luttes nécessaires afin d’arracher ce programme.

Quels que soient les bilans des scores pour les uns ou pour les autres, le constat est limpide : dans sa totalité la gauche radicale n’a pas pu émerger de sa marginalité électorale. Il y a des chiffres qui ne trompent pas: aux différentes élections, toutes tendances confondues, la gauche radicale faisait encore 208.131 voix en 1979. En 1999, elle avait 93.628 suffrages. Et aujourd’hui : 95.654 voix...

Mais malgré tous leurs défauts, les listes de la gauche radicales ont toutefois eu le mérite de permettre que s’exprime un vote contestataire, clairement à gauche du PS et Verts. C’est un point d’appui pour l’avenir. Les prochaines échéances seront d’ailleurs plus difficiles pour la gauche radicale si la social-démocratie se retrouve dans l’opposition, d’où elle tentera de redorer son blason. La pression du prétendu « vote utile » en sa faveur n’en sera que plus forte. La LCR appelle donc toute la gauche anticapitaliste et tous les progressistes à se ressaisir et à réfléchir ensemble et sérieusement sur le bilan de ce 10 juin afin d’en tirer toutes les conclusions qui s’imposent. Et en premier lieu afin de mener de la manière la plus unitaire possible les luttes et résistances à venir.

Voir ci-dessus