Sans papiers: Gouvernement: des paroles aux actes !
Par France Arets et Céline Caudron le Mardi, 01 Juillet 2008 PDF Imprimer Envoyer

Au mois de mars, l'accord gouvernemental - même s'il n'instaurait pas de commission de régularisation et maintenait donc le pouvoir arbitraire du Ministre et de ses fonctionnaires - répondait en partie aux revendications des mouvements de « sans papiers » en prévoyant une régularisation pour longue procédure et ancrage local durable, ainsi qu'une régularisation économique pour les personnes pouvant faire état d'une promesse de contrat de travail ou d'un projet d'indépendant. Aujourd'hui, rien n'est concrétisé en matière de régularisation.

Le projet de circulaire à points de la Ministre Turtelboom concernant l'ancrage local durable ne respectait pas l'accord gouvernemental. Ce projet, rejeté par tous (et heureusement aussi par le PS et le CDH), exigeait une durée de séjour légal et privilégiait le travail (en nombre de points nécessaires...) pour établir l'ancrage local durable... le migrant n'étant donc plus considéré que comme force de travail! Si ce projet était appliqué, une poignée de sans papiers seulement seraient régularisables, notamment à cause de l'exigence de séjour légal préalable!

Nous devons poursuivre les mobilisations pour faire en sorte que l'accord gouvernemental de mars ne reste pas à l'état de promesses et débouche réellement sur des régularisations et pour avancer aussi vers une commission indépendante et permanente!

Grèves de la faim en cours

Actuellement, deux grèves de la faim sont toujours en cours à Bruxelles pour la régularisation des « sans papiers ». Les grévistes de l'église du Béguinage sont à bout de forces et leur vie est en danger, alors qu'ils arrivent à 50 jours de grève! C'est le résultat de l'absence de toute avancée en matière de régularisation. Le gouvernement sera responsable de toute conséquence dramatique pour les grévistes!

 

Alors qu'il n'y a toujours pas d'adoption de mesures concrètes de régularisation, il n'y a pas non plus de moratoire sur les arrestations, détentions et expulsions, malgré les demandes Ecolo, PS, CDH et associatives. Au contraire, on assiste plutôt à une augmentation des arrestations en vue d'expulsions, entre autres envers des personnes qui seraient régularisables si les dispositions prévues dans l'accord se précisaient!

 

Ainsi, la partie de l'accord qui prévoyait d'organiser la « collaboration des bourgmestres et des chefs de zone (…) sur l'accompagnement et l'éloignement des migrants illégaux » semble, elle, bien être d'application depuis la mise en place du nouveau gouvernement, même si nous savons que plusieurs communes ont pris des positions allant dans un tout autre sens en 2006 et en 2007 lors des occupations d'églises et de bâtiments civils par les sans papiers ! Il y a là évidemment deux poids, deux mesures.

 

A Liège par exemple, de nombreuses personnes « sans papiers » sont interpellées, particulièrement au centre ville, par des agents de la police fédérale, et ensuite arrêtées puis transférées dans des centres fermés pour étrangers. Ces interpellations créent un climat de peur parmi les personnes sans papiers ; en effet elles ont lieu en dans des circonstances habituelles dans la vie quotidienne de chacun, par exemple aux arrêts de bus…

Pour la liberté de circulation et d'établissement !

La régularisation immédiate de tous les « sans papiers » est plus que nécessaire. Mais c'est la politique d'asile et d'immigration qui doit changer dans son ensemble. De tout temps, les hommes ont circulé sur la planète, à la recherche d'un mieux-être. De nombreux Européens encore aujourd'hui partent eux aussi à la recherche d'une situation plus favorable sur d'autres continents… La LCR se bat pour la liberté de circulation et d'établissement !

Les mouvements migratoires sont inéluctables dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, celui des guerres, des persécutions, de la mondialisation de l'économie, des destructions écologiques… Les gens continueront de venir en Belgique comme dans d'autres pays européens ou nord-américains… Même si on leur ferme officiellement les portes ! Ce qui en témoigne, malheureusement, ce sont les 11.00 morts de l'Europe Forteresse depuis 1988, dans de frêles embarcations au large des côtes africaines, italiennes, espagnoles, sous les essieux des poids lourds, dans les trains d'atterrissage…. Tant que nos gouvernements mèneront une politique d'accueil restrictive, il y aura des régularisations à opérer au bout d'un temps, c'est un cercle vicieux. Or, la récente adoption de la « directive de la honte » au parlement européen continue à renforcer l'Etat policier et l'Europe forteresse.

L'immigration est toujours "utile"

Cette politique n'est pas innocente. Elle se base sur l'idée d'une immigration « utile », c'est-à-dire conforme aux besoins conjoncturels du capitalisme. Les migrants « indésirables », forcés à la clandestinité et privés des droits élémentaires, sont maintenus dans une situation d'extrême précarité et sont obligés de travailler à n'importe quel prix, exploités par des réseaux de travail clandestins dans des secteurs économiques comme la construction, l'agriculture, l'horeca, les services domestiques et aux personnes, le nettoyage, les ateliers textiles… Cette situation alimente des pans entiers de l'économie « souterraine » et permet aux employeurs de jouer sur la concurrence entre tous les travailleurs pour saper les conquêtes sociales et les conditions de travail.

 

La solidarité active entre travailleurs avec et sans papiers est essentielle, pour obtenir la régularisation de tous les sans papiers comme pour contre-attaquer les offensives néolibérales. Aussi, nous saluons le soutien que les syndicats apportent aux luttes des sans papiers et nous les encourageons à intensifier leur intervention pour y investir un réel terrain d'action syndicale.

Voir ci-dessus