Un emploi: c'est un droit! Une campagne nationale de la LCR
Par Ataulfo Riera le Mercredi, 28 Avril 2010 PDF Imprimer Envoyer

La question de l'emploi est au coeur de la crise sociale provoquée par la crise capitaliste. Chaque semaine amène son lot de restructurations, de fermetures d'entreprises et de licenciements dits "économiques". Les chiffres sont connus: 74.000 emplois supprimés en 2009, plus de 60.000 autres en 2010. Dans l'Union européenne, 7 millions d'emplois ont été détruits en 2009. Alors que les travailleurs-euses ne sont nullement responsables, ils paient plusieurs fois la facture: par les mesures d'austérité gouvernementale, par les licenciements massifs, par la hausse du chômage et de la précarité...

Aucune des politiques mises en oeuvre jusqu'à présent n'a pu résoudre la question de l'emploi: et pour cause, le gouvernement est au service des capitalistes et pas des couches populaires. Son objectif premier et d'aider le patronat à restaurer ses taux de profits sur le dos des salarié-e-s. S'il a débloqué des milliards, c'est seulement pour sauver les banquiers et les spéculateurs. Après un moment d'hésitation et de perte de légitimité, les politiques néolibérales continuent de plus belle: si l'idéologie néolibérale est mise en sourdine par rapport à la période précédente, ce n'est pas le cas de son application concrète.

Désarroi à la base, aveuglement au sommet

Malgré des luttes courageuses menées dans certaines entreprises (Bridgestone, Tecteo, IAC, Carrefour, Godiva, Techspace Aero...) - et parfois victorieuses comme à Inbev - dans la phase actuelle de la crise, c'est la fatalité et le désarroi qui prédominent le plus parmi les travailleurs-euses. L'épée de Damoclès des licenciements et l'absence d'une riposte d'ensemble et déterminée de la part des organisations syndicales pèsent de tout leur poids.

Les directions syndicales n'ont démontré aucune volonté d'étendre et d'unifier les luttes, qui restent isolées, entreprise par entreprise, secteur par secteur. Elles n'ont pas de but et de stratégie d'ensemble, pas de plan d'action, mis à part des manifestations isolées dans le temps. Ces mobilisations, comme celle du 29 janvier dernier qui a été un succès numérique, ne sont conçues par elles que pour mettre une pression ponctuelle et sans lendemain dans le cadre de négociations au sommet en "concertation" avec le patronat et/ou le gouvernement. Elles n'ont d'autre but également que de relâcher un peu la pression d'une base pourtant disponible à lutter à condition que l'on trace une réelle perspective.

Pour les directions syndicales, une seule chose semble compter: sauver coûte que coûte leur place dans la concertation sociale et préserver la sacro-sainte «compétitivité" des entreprises "belges". Il s'agit pourtant d'une logique infernale et suicidaire pour les travailleurs-euses car la concurrence des capitalistes a besoin de la concurrence des travailleurs entre eux: concurrence sur le marché du travail pour abaisser le coût de la main d'oeuvre et augmenter sa flexibilité; concurrence entre les travailleurs d'entreprises différentes et au sein de chaque entreprise; concurrence enfin entre les travailleurs des différents pays...

L'adhésion à la logique de la compétitivité revient purement et simplement à remplacer la lutte et la conscience de classe par l'esprit d'entreprise: à faire gagner "ses" entreprises à l'echelle du pays face à la concurrence internationale d'une part et à défendre  "son" entreprise contre toutes les autres d'autre part. C'est, in fine, la mort du syndicalisme dont le principe de base est pourtant la solidarité sans frontières entre les travailleurs-euses, quels que soient leurs statuts, secteurs ou nationalité.

La crise radicale d'un capitalisme radical exige des réponses radicales

La "stratégie", ou plutôt l'absence de stratégie actuelle des directions syndicales, ne mène nulle part, y compris du strict point de vue de l'obtention de demandes minimales ou présentées comme "raisonnables" au patronat, car la crise réduit considérablement les marges de manoeuvres pour les négociations feutrées. Pour restaurer à un haut niveau leurs profits, les capitalistes ne veulent presque plus rien céder... sauf si on le leur impose par la force d'une mobilisation déterminée!

Le rouleau compresseur de la crise et de ses désastres ne s'arrêtera pas sans une intervention des travailleurs-euses qui soit à la hauteur des enjeux et des forces mises en oeuvre par la crise. Comment préparer un tel mouvement d'ensemble malgré les difficultés? D'abord en discutant de sa nécessité, en popularisant parmi les salariés et les précaires l'idée d'un "tous ensemble" contre la crise, en adoptant ensuite cette perspective et en la mettant en avant dans toutes les luttes partielles pour les faire converger à moyen terme sur base d'un plan d'urgence sociale et écologique et d'un plan d'action ambitieux. Unifier les revendications, unifier dans et par l'action, unifier au delà de toutes les frontières: syndicales, d'entreprises, de secteurs, des régions, des pays, c'est la seule voie qui permettra au mouvement ouvrier d'imposer ses propres solutions. A travers sa campagne nationale, la LCR veut tout d'abord contribuer à populariser ces nécessités, que ce soit parmi l'avant-garde syndicale, les salarié-e-s en lutte ou les travailleurs-euses en général.

Garantir le droit à l'emploi par l'interdiction généralisée des licenciements

La LCR propose dans sa campagne une série de mesures d'urgence sociale et qui s'articulent autour de 3 mots d'ordres centraux: "Un emploi: c'est un droit! Interdisons les licenciements! Créons 500.000 emplois de qualité". La revendication essentielle permettant de garantir l'emploi comme un droit social est celle d'une interdiction généralisée des licenciements et l'instauration d'un fonds public alimenté par l'ensemble du patronat, afin de maintenir l'emploi dans toutes les entreprises, qu'elles soient bénéficiaires ou non. Cette mesure à une double valeur pédagogique: elle empiète directement sur le pouvoir patronal de décider de l'avenir des salariés et pointe les capitalistes comme uniques responsables de la crise, qui doivent donc en assumer seuls les conséquences.

Le patronat use et abuse également des licenciements individuels pour contourner les obligations liées aux licenciements collectifs et économiques, mais aussi pour maintenir la peur et son pouvoir disciplinaire. Il est inacceptable que les patrons se fassent eux-mêmes justice en accusant, instruisant, sanctionnant et exécutant eux-mêmes des fautes qu’ils imputent aux travailleurs et jamais à eux-mêmes. Les travailleurs et leurs organisations syndicales doivent donc avoir un droit de regard sur les licenciements individuels et imposer la réintégration obligatoire de tous les travailleurs licenciés abusivement.

Interdire les licenciements, c'est aussi maintenir l'emploi lorsqu'une entreprise fait faillite. Plutôt que de fermer l'entreprise et voir partir en fumée les infrastructures et le savoir-faire des travailleurs, il faut exiger leur reconversion professionnelle, avec maintien du statut et du salaire, ou la reconversion technique de l'entreprise par sa nationalisation sous contrôle des salariés.

Créer 500.000 emplois de qualité

Dans un contexte de chômage de masse et de dégradation des conditions de travail, défendre l'emploi existant tel qu'il est aujourd'hui ne suffit pas. Face à la volonté patronale d'étendre le chômage pour les uns et la flexibilité pour les autres, la revendication d'une réduction du temps de travail (sans perte de salaire, ni augmentation des cadences) et avec embauche compensatoire massive par la création d'emploi de qualité devient aujourd'hui centrale.

A ce titre, nous avançons la possibilité de créer 500.000 emplois privés et publics: dans le privé par une réduction généralisée du temps de travail à 32 heures par semaine, avec embauche compensatoire et sans perte de salaire d'une part; et dans le public par la créations de centaines de milliers d'emplois permettant de répondre aux besoins sociaux et écologiques (dans les secteurs de la santé, de l'éducation, du logement, des transports) qui seraient financés en prenant l'argent là où il est: par un impôt sur les grandes fortunes capitalistes et par la suppression de la dette publique détenue par ces mêmes grandes fortunes.

L'interdiction des licenciements et la création massive d'emplois par la réduction du temps de travail s'accompagnent également pour nous de l'exigence essentielle du "contrôle ouvrier" sur les licenciements et les livres de comptes afin de déterminer si oui non une entreprise est réellement en difficulté; pour contrôler ce fonds patronal et les mesures de reconversion et d'embauche, pour empêcher toute hausse des cadences, etc.

La question clé dans la situation actuelle est de savoir qui est responsable de la crise et qui doit la payer. C’est pourquoi l’exigence de l’interdiction des licenciements a un caractère essentiel selon nous. Interdire les licenciements et diminuer le temps de travail pour embaucher avec un emploi stable et correctement payé – à 1500 euros net minimum – toutes celles et tous ceux qui sont au chômage, c’est tout à fait possible, c’est avant tout une question de rapport de force!


Commandez notre matériel de campagne!

Dans le cadre de notre campagne nationale "Un emploi, c'est un droit!", la LCR édite un ensemble de matériel. Au total, une série de 4 tracts thématiques seront disponibles tout au long de l'année 2010. Ces tracts thématiques développent notre point de vue sur l'interdiction des licenciements; contre les inégalités et les discriminations sexistes à l'emploi; contre la chasse aux chômeurs, le recul de l'âge de la pension et les discriminations racistes et détaillent la création de 500.000 emplois de qualité privés et publics par la RTT et en prenant l'argent là où il est. Une brochure d'explication sur la crise capitaliste et de développement d'arguments pour notre plan d'urgence anticapitaliste sera également publiée. Des affiches et des autocollants "Interdisons les licenciements!" sont d'ores et déjà disponibles. Aidez nous à diffuser ce matériel, commandez-le en écrivant à la LCR, 20 rue Plantin à 1070 Bruxelles, ou par mail Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ou par téléphone au 0476 900 997 et en spécifiant la quantité et le type de matériel souhaité.


Interdire les licenciements: une idée qui fait son chemin?

Au cours de la grève à Inbev, le PS a fait mine de s'attaquer aux intérêts notionnels en demandant que ces avantages fiscaux soient remboursés lorsqu'une entreprise rentable en a bénéficié mais qu'elle licencie quand même. C'est évidement la moindre des choses, mais on ne peut visiblement pas compter sur le PS pour la mettre réellement en application!

L'idée d'une interdiction des licenciements quant à elle semble commencer à faire son chemin, mais de manière hypocrite pour certains ou insuffisante pour d'autres. Ainsi, dans ses "priorités" pour la présidence belge de l'Union européenne, Ecolo demande d' «interdire les licenciements abusifs pour les entreprises bénéficiaires". Outre qu'Ecolo se dédouane de ses responsabilités en Belgique en se plaçant au niveau européen où une telle demande est totalement illusoire puisque la règle de l'unanimité prévaut pour ce type de mesure, on ne peut que s'interroger sur la notion de "licenciement abusif" et sur le caractère limité d'une demande qui ne concerne que les «entreprises bénéficiaires".

Le PTB avance également, sous forme de "Loi Inbev", une mesure qui va dans ce sens: "Nous demandons qu’une loi Inbev soit votée en urgence. Ainsi les licenciements seraient interdits dans les entreprises rentables. En cas de non-respect de la loi, tous les avantages fiscaux, aides publiques et réductions de cotisations patronales accordés devraient être remboursés immédiatement."

En soi, cela serait un pas en avant, mais à condition qu'il permette d'aller plus loin car depuis l'éclatement de la crise et au vu de l'ampleur de ses conséquences, se limiter à interdire les licenciements dans les entreprises "rentables" ne répond nullement à l'urgence sociale. En effet, d'une part le nombre d'entreprises réellement en difficulté à bien entendu considérablement augmenté. D'autre part, via des transferts internes entres sièges ou filiales et autres tours de passes-passes comptables, de nombreuses entreprises masquent leurs bénéfices réels et se déclarent frauduleusement déficitaires.

Une interdiction des licenciements dans les seules entreprises rentables laisserait non seulement de côté des centaines de milliers de travailleurs-euses, mais elle aurait comme risque de voir se multiplier ces tromperies. Nous pensons qu'une interdiction généralisée des licenciements n'est pas moins "réaliste", elle exige, comme toute mesure offensive, une mobilisation déterminée afin d'inverser les rapports de forces.


Une alternative politique anticapitaliste est nécessaire!

La crise globalise et politise les revendications particulières: elle pose directement la question d'un débouché politique aux lutte face à des partis traditionnels entièrement acquis au capitalisme et à sa gestion néolibérale et qui laissent faire le "bain de sang social". La politisation des luttes doit également figurer à l'avant plan: on le voit avec les entreprises qui licencient alors qu'elles reçoivent des milliards en cadeaux fiscaux (intérêts notionnels en tête) et de subsides sans aucune contrepartie, ce qui pose directement la question du pouvoir politique responsable de ces cadeaux au patronat. En outre, refuser l'austérité budgétaire gouvernementale destinée à résorber la dette et les déficits publics creusés par la crise, c'est là aussi s'en prendre à des choix politiques globaux, à la question de la redistribution des richesses entre le capital et le travail dont l'Etat capitaliste est un des principaux leviers via la fiscalité. Dans ce contexte, la LCR plaide avec force pour la construction d'une alternative anticapitaliste large qui soit aussi fidèle aux luttes des salarié-e-es et des opprimés que les partis traditionnels le sont aux intérêts des capitalistes.

Voir ci-dessus