InBev: Vers un durcissement du conflit!
Par Denis Horman le Samedi, 16 Janvier 2010 PDF Imprimer Envoyer

Ce jeudi 14 janvier, se tenaient à Bruxelles deux réunions de conciliation (employés et ouvriers) entre la direction d’AB InBev Belgique et les syndicats, alors que ces derniers avaient demandé une seule réunion. La direction a maintenu sa position : maintien du plan de restructuration avec éventuellement un assouplissement sur les licenciements (mutations internes, mise à la prépension). Les organisations syndicales, d’une même voix, ont rappelé leur position : non aux licenciements, retrait du plan de restructuration !

InBev, qui avait demandé pour les sièges de Jupille et Leuven une assignation en justice pour lever les blocages de camions à l’entrée des deux sièges, sous peine d’astreintes, a été déboutée devant les tribunaux liégeois. Par contre, un tribunal bruxellois a tranché en sens inverse pour le site de Leuven.

Le front commun syndical Flandre-wallonie a déjà fait savoir que, si InBev mettait à exécution, à Leuven en l’occurrence, la décision du tribunal, se serait la grève générale inter siège.

Sur le plan politique, la Ministre de l’Emploi, Joêlle Milquet a parlé de « situation inacceptable » de la part d’InBel, et « sans rapport avec la crise », précisant qu’elle « allait mettre sur pied un groupe de travail au niveau européen afin de mettre un terme aux suppressions d’emploi de sociétés bénéficiaires ».

Le parti socialiste a condamné « le cynisme économique et social de la direction d’InBev », soulignant que « les milliards de bénéfices annoncés par InBev en 2008 et 2009, les plantureux dividendes versés aux actionnaires ces dernières années, sans compter le système de la déductibilité des intérêts notionnels, accentuent le caractère insupportable du plan de licenciement annoncé par InBev ».

Fort bien ! Mais que propose le PS et Mme Milquet, sur le plan politique et législatif, pour appuyer, rencontrer et conforter, concrètement et maintenant, la position du front commun syndical InBev : Non aux licenciement, retrait du plan de restructuration !

Denis Horman, vendredi 15 janvier 2010


AB InBev Jupille : la parole aux syndicalistes

La Gauche, périodique de la LCR, a interviewé Denis Gobert, permanent CNE Industrie, Luc Lemestré, délégué CNE/CSC et Didier Tilman, délégué SETCa/FGTB, tous deux du siège InBev de Jupille (Liège).

Non aux licenciements!

Didier Tilman : On l’a déjà dit et il faut le redire : InBev se porte très bien ; la multinationale a traversé la crise tout en augmentant ses bénéfices et les dividendes à ses actionnaires. Le groupe a promis à son directeur général une prime, un bonus de 80 millions d’euros, s’il bouclait la méga fusion de 2008, avec l’américain Anheuser-Busch, en clôturant, comme prévu pour 2012, le remboursement des prêts.

C’est maintenant qu’il faut mettre un coup d’arrêt aux licenciement et pertes d’emplois. Car la direction ne s’arrêtera pas à ce plan de restructuration. On sait déjà que le service de la « logistique » risque d’être délocalisé, d’aller à la sous-traitance. Ce secteur regroupe actuellement plus de 300 remplois au niveau inter siège belge.

Luc Lemestré : On ne peut accepter, tant au niveau syndical que politique, qu’une entreprise qui fait de plantureux bénéfices, licencie. On ne peut accepter que ce soient les travailleurs qui fassent les frais d’un diktat des actionnaires qui décrètent arbitrairement un rendement, un retour sur investissement à deux chiffres (du 12% par exemple), au lieu de se contenter d’un rendement à 1 chiffre, ce qui n’est déjà pas si mal.

On n’a pas non plus à faire les frais d’incohérences patronales. En 2006, InBev a déjà délocalisé, en Tchéquie et Hongrie, une partie du service comptabilité de Jupille et veut continuer à délocaliser toute une série d’emplois liés notamment aux activités financières et comptables. Mais, tous les jours, nous devons ici corriger les erreurs de la gestion comptable effectuée dans ces pays.

Denis Gobert : le groupe Inbev profite du climat, du marasme actuel, de la crise, comme d’un effet d’aubaine, pour y aller, pour presser encore plus les travailleurs, comme des citrons et en jeter dehors, comme des cleenex. Cette fois, on a dit : stop ! Nous sommes à un tournant au niveau syndical. Nous devons changer de stratégie syndicale, ne plus être dans l’attitude de résignation, mais de détermination. Nous avons ensemble dit Non au plan de restructuration de la multinationale.Celui-ci ne se justifie pas.

Tous ensemble

Luc : En 2006, c’était le siège de Jupille qui était visé et il y eu des licenciements. Cette fois, tout le monde est concerné, Leuven en premier lieu avec 184 licenciements, Jupille, avec 24, Hoegarden , etc. Et la direction a d’autres plans dans ses tiroirs qui visent les différents sièges.

Denis : S’il faut aller jusqu’à la grève, elle sera nationale, inter sièges. Nous, on ne rentre pas dans les conflits communautaires. Dans le contexte actuel d’offensive patronale, de régression sociale, le conflit à InBev a aussi un enjeu qui dépasse l’entreprise. Et la multinationale le sait bien aussi. Si nous ne mettons pas tous les atouts de notre côté pour la faire reculer, alors le syndicalisme va prendre un mauvais coup. Si la lutte se durcit, il nous faudra compter sur la solidarité active du mouvement syndical.

Didier : Nous avons les contacts avec les délégués des sièges européens de la multinationale qui sont eux aussi visés par le plan de restructuration. Dans la concrétisation de la solidarité, une consigne est déjà acceptée : pas question d’accepter un supplément de production dans l’un ou l’autre siège au détriment de l’action menée ici pour bloquer les entrées et sorties de camions. La direction a déjà essayé en demandant au siège de Diekirch au Luxembourg de palier au manque d’approvisionnement ici. Les travailleurs ont refusé. Quel cynisme de la part de InBev qui a décrété la fermeture du siège luxembourgeois !

Que font les responsables politiques ?

Denis : le temps des paroles, de l’indignation, des dénonciations, des belles déclarations sur la relance économique est dépassé. On ne peut quand même pas laisser une multinationale, qui se porte bien, qui a déjà reçu plein de cadeaux, jouer avec l’argent de la collectivité pour licencier et délocaliser. Il faut un cadre légal, législatif pour mettre un terme aux suppressions d’emploi dans des entreprises qui font de plantureux bénéfices. Finalement, à qui appartiennent les entreprises ? Qui produit les richesses ? Ce sont bien les travailleurs.

Didier : Le président du PS vient de condamner l’attitude de InBev. Il faut aller plus loin. Il faut légiférer. Il n’est pas normal que le pouvoir politique laisse des entreprises licencier du personnel, alors qu’elles font des bénéfices et reçoivent des avantages fiscaux, des cadeaux de toutes sortes avec l’argent de la collectivité.

Luc : Il faut être conscient qu’il faut plus que des pressions, mais de fortes mobilisations pour faire avancer les choses sur le terrain politique, législatif. Nombre de politiciens sont d’une manière ou d’une autre en lien avec le monde de la finance. Par exemple, sait-on que Jean-Luc Dehaene fait partie du Conseil d’Administration de AB InBev Belgium ?

Propos recueillis par Denis Horman, le 13 janvier 2010.

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