Lois « anti-Burqa », l'offensive islamophobe se poursuit
Par Socialist Resistance, NPA, LCR le Lundi, 23 Août 2010 PDF Imprimer Envoyer

Le vote de la « loi anti-Burqa » en France marque, dans un contexte de racisme d'Etat croissant avec la répression et l'expulsion de Roms, de volonté de déchoir de leur nationalité française les délinquants « d'origine immigrée », le tout faisant suite au « débat » sur « l'identité nationale »,  une nouvelle étape dans la stigmatisation et la discrimination d'une communauté entière. Ces événements ne sont que la pointe avancée d'un phénomène qui touche toute l'Europe. Les anticapitalistes doivent s'opposer résolument aux attaques islamophobes et xénophobes qui visent, en pleine offensive d'austérité généralisée, à diviser les travailleurs-euses en désignant des boucs-émissaires. Il existe cependant des approches divergentes parmi les marxistes-révolutionnaires. Ainsi, pour certains, s'il faut combattre les lois d'interdiction, il faut également s'opposer, par d'autres moyens, au port du voile – intégral ou non – désigné comme un « symbole d'oppression des femmes » universel. Pour d'autres, partant du droit des femmes à disposer de leur corps, le port du voile recouvre des réalités et des motivations distinctes et contradictoires selon les contextes. Il est donc avant tout un acte d'oppression dans le cas où il est imposé contre la volonté des femmes. Nous publions ci-dessous des prises de position de nos camarades britanniques de Socialist Resistance et du NPA français, ainsi que le communiqué diffusé au mois de mars dernier par la LCR face à la « version belge » de la loi contre la Burqa et le Niqab. (LCR-Web)

 


Déclaration de Socialist Resistance contre l'interdiction du voile

Il existe dans toute l'Europe un mouvement grandissant en faveur de l'interdiction du voile des femmes musulmanes qui choisissent de le porter. Actuellement, en Grande-Bretagne, cette revendication vient principalement du BNP, de l'UKIP et d'une partie de la droite des Tories (1). Les choses pourraient s'empirer. Les tabloïds pro-Tories se déchaînent sur la question.

Cette interdiction n'est qu'un élément d'une vague grandissante d'islamophobie qui marginalise et diabolise encore plus qu'auparavant les minorités musulmanes en Europe occidentale. Bien que cette revendication a son origine dans l'extrême-droite, on la retrouve de plus en plus chez les partis bourgeois, avec comme point culminant la décision du Parlement français de faire du port du voile intégral un délit. En France, l'incapacité de la gauche de s'y opposer de manière significative est tout aussi honteuse. Les représentants des Verts, du PS et du PC se sont ainsi abstenu lors du vote au Parlement.

La revendication d'interdiction du voile est crée à partir d'un mythe. Un mythe qui proclame que les soi-disant valeurs démocratiques et progressistes de la société occidentale doivent être protégées contre la nature misogyne, arriérée et féodale de la foi islamique. Un aspect de ce mythe est que le « moderne et démocratique » Israël doit être soutenu contre les régimes arabes « arriérés et totalitaires » du Moyen-Orient. En d'autres mots, c'est un mythe raciste blanc qui sert d'argument à la domination imperialiste occidentale.

Il est tout à fait exact que les régimes musulmans fondamentalistes tels que les dirigeants Wahabites d'Arabie saoudite sont actuellement les plus misogynes qui soient. Mais il est tout aussi vrai que le régime saoudien jouit du soutien actif des puissances impérialistes occidentales depuis sa formation après la Première guerre mondiale et n'aurait jamais pu se maintenir sans ce soutien.

Ceux qui, à gauche, pourraient être tentés de rejoindre ce courant islamophobe et soutenir l'interdiction du voile feraient bien de réfléchir sur le fait que les partisans de positions misogynes extrémistes sont tout aussi présents et actifs en Europe occidentale aujourd'hui. Tandis que le Parlement français était en train de débattre pour savoir si il fallait ou non interdire le voile, le Vatican proclamait que l'ordination de prêtres femmes serait un crime au même titre que l'abus sexuel sur des enfants ! Nous devrions nous concentrer sur le Vatican et les autres forces réactionnaires parmi nous qui se sont constamment opposés à toute avancée pour les droits des femmes.

Notre position est claire, nous soutenons les droit des femmes musulmanes – et de toutes les femmes - qui choisissent librement de porter le voile. Nous pouvons parfaitement ne pas être d'accord avec leur décision, mais une « libération forcée » par l'interdiction du voile n'est absolument pas une libération.

En réalité, l'interdiction du port du voile n'a pas plus à voir avec le droit des femmes que l'interdiction de l'abattage halal ou kasher n'aurait à voir avec le droit des animaux. Dans les deux cas, il s'agit de mesures extrémistes qui visent à discriminer des minorités ethniques/culturelles en se couvrant de slogans à consonance progressiste pour masquer le contenu raciste de leurs propositions. Il est problématique que certains à gauche se laissent piéger par ce tour de passe-passe.

Depuis longtempes, les socialistes tentent de trouver la meilleure manière de combattre les idées religieuses. Toutes les expériences démontrent jusqu'à présent qu'il est insensé de légiférer par de telles mesures d'interdiction contre la religion ou ses symboles. Au contraire, l'approche la plus efficace est de travailler avec les croyants sur base de revendications qui concernent leurs intérêts immédiats, de construire l'unité dans les luttes sociales, de développer ainsi une confiance en soi et une conscience de classe et de cette manière de réduire l'impact des idées religieuses.

En ces temps de récession économique, les communautés musulmanes sont devenues un bouc-émissaire commode pour détourner l'attention de la crise capitaliste et de ses responsables. C'est pourquoi, en France et dans le reste de l'Europe, la droite se rapproche de plus en plus des positions ouvertement islamophobes de l'extrême-droite. La revendication d'interdiction du voile n'est qu'un aspect de l'islamophobie de cette droite politique, elle n'a absolument aucun contenu progressif.

Socialist Resistance, août 2010.

(1) BNP: British National Party (extrême droite); UKIP: United Kingdom Independence Party (populiste conservateur); Tories: Parti conservateur


Voile intégral : une loi démagogique et inefficace

Bien qu’hostiles au voile intégral, nous refusons la loi Sarkozy, démagogique, inutile, et discriminatoire.

Malgré l’avis négatif du conseil d’État, Sarkozy persiste et signe dans sa volonté de faire adopter par le Parlement une loi visant à interdire le port du voile intégral en France. Pourquoi cet entêtement, cette précipitation à réformer ? La « laïcité et la République » sont-elles à ce point mises en danger alors que tout le monde s’accorde à dire que cette interprétation fondamentaliste de l’Islam ne concerne que quelques centaines de femmes en France? En vérité, le gouvernement UMP cherche à retrouver de la légitimé, après la raclée des régionales. Il cherche, dans la foulée du débat sur l’identité nationale, à ressouder son électorat, à séduire à nouveau celui du Front national. Le « tout sécuritaire » pour masquer l’injustice sociale, le racisme pour diviser les classes populaires confrontées à la crise, voilà la recette de la droite.

Le procédé est aussi grossier que vieux comme le monde. Chaque fois que la crise menace de souder la masse des victimes contre la poignée de responsables, la figure du bouc émissaire ressurgit. Derrière cette politique se dissimule par amalgames successifs une stigmatisation de tous les musulmans, assimilés à des intégristes. C’est une des formes du racisme. Elle s’ajoute à l’oppression et à la précarité pour des millions de jeunes, de travailleurs et de chômeurs.

Le refus de l’instrumentalisation est un argument qui suffirait à lui seul pour s’opposer à cette loi. Mais même du point de vue des motivations « officielles », défendre l’oppression dont sont victimes ces femmes est pour le moins contreproductif. On n’émancipe pas par la force. Le fait divers de l’automobiliste portant le niqab verbalisée à Nantes préfigure les dérapages qui vont avoir lieu alors même que la loi n’a pas été votée. Brice Hortefeux a demandé la déchéance de la nationalité française de l’époux de l’automobiliste, déversé dans tous les médias les préjugés racistes classiques sur la polygamie ou les allocations familiales comme seule ressource de « ces familles ». Quant aux intégristes musulmans, cela leur a permis de se victimiser, d’en profiter pour développer leur propagande pour la charia.

Le voile est une forme d’oppression des femmes. La burqa et le niqab sont au cœur d’un projet fondamentaliste et intégriste contradictoire en tous points avec nos valeurs. Mais c’est d’abord en luttant toutes ensemble pour le droit à disposer de leur corps que les femmes s’émancipent. Ce gouvernement ose invoquer les droits des femmes alors que le droit à l’avortement, à un véritable emploi, à une retraite complète, est remis en cause par les politiques libérales et que l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes est entretenue. Ce gouvernement ose invoquer la laïcité alors qu’il subventionne largement l’enseignement privé confessionnel.

Alors que les arguments ne manquent pas pour s’opposer clairement à cette loi, le PS tergiverse, ce qui accroît les marges de manœuvre du pouvoir.

Notre combat est celui de la solidarité. Solidarité avec les femmes qui ne veulent pas qu’on leur impose le port d’un voile, quel qu’il soit. Et solidarité avec les victimes de toutes les formes de racisme et d’exclusion. Et c’est aussi celui de l’unité du monde du travail face à ceux qui précarisent, licencient, exploitent et discriminent.

Fred Borras

Paru dans Hebdo TEAN n° 56, 20/05/2010.


Une loi raciste, sexiste et liberticide!

Communiqué de la LCR sur l'interdiction du Niqab et de la Burqa dans l'espace public

La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) dénonce énergiquement le vote intervenu sans réel débat en Commission de l'Intérieur de la Chambre, concernant l'interdiction du niqab et de la burqa dans l'espace public.

Des arrêtés communaux interdisent déjà de se dissimuler le visage dans les lieux publics, sauf en période de carnaval. Le vote intervenu mercredi matin n'est en réalité qu'une pitoyable gesticulation islamophobe, sexiste et liberticide qui s'attaque à un phénomène marginal.

La LCR attire l'attention des organisations syndicales, de défense des droits humains et des libertés démocratiques: si cette loi passe la rampe, elle ira gonfler les dispositifs liberticides et antidémocratiques déjà en place.

Selon le projet de loi adopté, toute personne ayant «le visage masqué ou dissimulé en tout ou en partie, de manière telle qu'elle ne soit pas identifiable» dans l'espace public sera passible d'une amende de 15 à 25 euros et/ou d'un emprisonnement d'un à sept jours.

Ainsi, un manifestant ou un gréviste qui, à l'occasion d'un rassemblement public ou d'un piquet de grève, se masque partiellement le visage pour éviter la répression patronale ou policière pourra parfaitement être poursuivi. C'est sur base de ce type d'interdiction légale que les autorités danoises ont arrêtés ou bloqués pendant des heures des manifestants pacifistes lors du contre-sommet de Copenhague en décembre dernier.

Tout comme les projets d'interdiction du port du foulard à l'école, cette loi ne sert fondamentalement qu'à faire diversion par rapport aux véritables problèmes que sont la dégradation de l'emploi, du logement, de la santé, de l'éducation et des transports publics en cette période de crise capitaliste.

La LCR tire la sonnette d'alarme: en instrumentalisant et en dévoyant la laïcité et la lutte contre l'oppression des femmes comme le fait cette loi, c'est le racisme et le sexisme qui sont en train de marquer des points inquiétants dans la société.

Cette loi qui prétend défendre la dignité des femmes va tout simplement interdire aux femmes concernées de circuler librement dans la rue, au risque de les enfermer dans leur maison.

Comble de l'hypocrisie, elle est votée par des partis au pouvoir qui bafouent quotidiennement les droits des femmes en démantelant les services publics, en réduisant les budgets sociaux, aux associations féministes ou en développant la précarité.

S'il y a urgence à défendre la laïcité et les droits des femmes, pourquoi ne pas interdire les rassemblements publics contre le droit à l'avortement, comme celui auquel participait Monseigneur Léonard dimanche dernier? Or, dans ce cas là, aucun de nos «ayatollahs» pseudos-laïcs ne s'est précipité pour légiférer. Deux poids, deux mesures?

La LCR est scandalisée de voir les partis traditionnels MR, CDH, PS et y compris Ecolo, stigmatiser une communauté et tomber ainsi dans le piège orchestré par l'extrême-droite.

Si l'objectif de ces partis est de glaner des voix sur le dos d'une communauté dont une partie n'a toujours pas le droit de vote, faut-il rappeler que l'électeur préfère toujours l'original à la copie?

L'exemple de la France — où le Front National a opéré une spectaculaire remontée aux élections régionales en bénéficiant de la campagne islamophobe et raciste orchestrée par le gouvernement Sarkozy — devrait pourtant faire réfléchir nos apprentis-sorciers.

La LCR met en garde: l'histoire fournit trop d'exemples montrant que la stigmatisation permanente et la violence verbale contre une communauté pavent le chemin pour la violence physique contre celle-ci. La vague islamophobe est de plus en plus haineuse et elle a déjà tué dans d'autres pays. Danger!

Pour la LCR, l'émancipation des femmes musulmanes – et de toutes les femmes - sera l'oeuvre de ces femmes elles-mêmes, pas de l'Etat belge. La LCR est solidaire de leurs combats contre toutes les formes d'oppression, ici et ailleurs.

Quant à la laïcité, elle se définit selon nous par la séparation entre l'Etat et les pouvoirs religieux, pas par l'interdiction des signes religieux individuels dans l'espace public, qui doit être pluraliste et respecter les convictions de chacun-e.

31 mars 2010

Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR)

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