VaMos: Un pavé féministe dans la marre! Bilan et reportage photo
Par Céline Caudron le Samedi, 08 Novembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

En octobre, des masculinistes notoires de plusieurs pays se sont rassemblés à Bruxelles pour diffuser tranquillement leurs «analyses» réactionnaires à travers le congrès «Paroles d’hommes» (1). Mais c’était sans compter sur l’intervention multiforme du collectif féministe vaMos (Vigilance AntiMasculiniste Mixte Organisée et Solidaire), spontanément créé pour l’occasion (2). MotivéEs par le succès des leurs actions, les membres de vamos ont décidé de continuer à (se) manifester. Une nouvelle enthousiasmante pour dynamiser le mouvement féministe en Belgique.

Début septembre, l’info commence à circuler dans les milieux militants et féministes: les masculinistes organisent leur congrès international à Bruxelles avec le soutien des pouvoirs publics sans que ça n’ait l’air de choquer personne. Rapidement, une mailing list se constitue, connectant une bonne trentaine de (pro)féministes, militantEs LGBTI, queer, anticapitalistes, jeunes et moins jeunes, qui ont envie de s’agiter un peu plus que d’habitude pour perturber ce congrès.

Les doigts s’activent sur les claviers, les yeux s’abîment sur les sites (anti)masculinistes et des contacts se nouent avec des militantEs CanadieNEs et FrançaisEs. D’effarement en consternation, les connaissances sur les «leaders», les propos et les stratégies des masculinistes s’affinent. En même temps, plusieurs rencontres constructives et créatives s’organisent joyeusement à la maison des femmes de Bruxelles. Ainsi, sans s’encombrer de gros débats pesants ni d’ergotages sur des virgules, vaMos accouche, en moins de deux mois, d’un scénario d’actions variées dans lesquelles se retrouvent les diverses sensibilités du collectif.

Un des objectifs de vaMos est de démasquer les masculinistes qui se cachent sous des apparences «politiquement correct» au sein d’associations de pères ou de groupes d’hommes dans plusieurs pays -dont la Belgique- tout en dénonçant le soutien que leur apportent les pouvoirs publics. Le collectif commence donc par alerter les organisations et militantEs féministes et progressistes sur l’existence et les interventions des masculinistes. Ainsi, des questions se posent et des débats s’enclenchent, d’une part au sein des organisations progressistes et féministes et, d’autre part, à travers des instances qui soutiennent le congrès «Paroles d’hommes», comme l’Institut pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, la Région de Bruxelles-Capitale ou la Communauté française. Le collectif informe aussi certaines personnes inscrites comme orateurs/trices au programme du congrès sur les origines et l’orientation de ce dernier, en constatant que beaucoup d’entre elles ne sont pas du tout au courant de ce dans quoi ils/elles sont tombéEs.

Un autre objectif de vaMos est de (re)mettre à jour le potentiel du mouvement d‘émancipation des femmes, avec sa diversité, son dynamisme, sa spontanéité, ses revendications égalitaires ou son caractère subversif et alternatif. Ainsi, pour (ré)affirmer la pertinence et la nécessité du mouvement féministe dans la construction d’une société égalitaire tout en alertant «l’opinion» sur les dangers des masculinistes, vaMos décide de publier une carte blanche, en lançant un appel aux signatures de soutien. Une nonantaine de signataires se manifestent et le texte est publié en pleine page dans La Libre Belgique (3). Comme un texte ne vaut pas une bonne discussion, le collectif organise aussi un café politique, en collaboration avec Attac Bruxelles et la Maison des Femmes, qui rassemble environ 70 personnes.

Quelques jours avant le congrès «Paroles d’hommes», Relais-hommes, l’association belge qui l’organise à Bruxelles, propose à vaMos d’insérer un papier dans la farde de documentation remise aux paticipantEs. Sans jamais avoir reçu de réponse quant à la position de Relais-hommes par rapport aux propos tenus de manière répétée et systématique par des invités «de marque» du congrès, le collectif préfère s’exprimer directement et par ses propres moyens plutôt que d’anesthésier sa critique en acceptant de collaborer avec ceux qui promeuvent de fait des gens qui menacent les droits acquis par les luttes féministes et qui insultent ces mêmes luttes.

Et puis, il s’agit aussi de s’amuser un peu… Comptant bien ne pas se limiter à des interpellations publiques et informelles, ni à des débats en cercle d’initiéEs, le collectif se permet donc de chambouler gentiment le bon déroulement du congrès masculiniste. Le matin de la première journée, une petite estafette accueille les participantEs avec des tracts et des citations de quatre masculinistes identifiés comme tels, histoire de les avertir de ce qu’ils/elles risquaient d’entendre à l’intérieur. Cette petite action est l’occasion d’échanges instructifs avec Pol Dassesse, de Relais-hommes, et avec Jean Gabard, l’un des orateurs masculinistes.

Le lendemain, deux «femmes-banderolles» de vaMos exhibent leurs slogans «le féminisme n’est pas la cause de vos problèmes» et «le masculinisme nuit gravement à l’égalité» en plein milieu de la séance plénière du congrès. Comme ça l’aurait pas fait pour de «bons démocrates», les organisateurs préfèrent afficher les banderolles sur la tribune pendant le reste de la séance et même offrir un sandwich au «femmes-banderolles», malgré l’indignation de certainEs participantEs devant ce geste pour trop magnanime.

A la sortie de leur travaux, les masculinistes sont joyeusement accueillis par un rassemblement festif et créatif d’une soixantaine de personnes. Yvon Dallaire et Serge Ferrand se voient remettre en main propre une «bite en or», prestigieuse récompense à la hauteur de leurs analyses fumeuses et ridicules. John Goetelen et Jean Gabard ne sont malheureusement pas présents pour apprécier en direct le discours ubuesque en leur honneur.

Le bilan des actions de vaMos est largement positif. Face aux attaques masculinistes contre le mouvement d’émancipation des femmes, le collectif a ouvert publiquement un espace critique, jusque là plus que discret et limité aux initiEs, et a obligé les masculinistes et les associations à travers lesquelles ils s’expriment à sortir du bois. Le collectif a aussi permis une expression féministe dans les médias et, surtout, dans la rue, comme ça se fait trop rarement. Cette action a permis de lancer une dynamique intéressante et prometteuse que les membres de vaMos comptent bien poursuivre à travers trois objectifs:

- Démasquer les masculinistes en Belgique, en rassemblant des informations sur leurs stratégies et leurs discours et en interpellant les pouvoirs publics, institutions et associations qui les soutiennent ou travaillent avec eux;

- Mener des débats de fond pour continuer à développer des alternatives féministes, entre autres en reposant dans leur contexte social, économique, politique et culturel les questions que les masculinistes évoquent;

- Dynamiser le mouvement féministe en Belgique en maintenant des contacts vivants avec des organisations féministes belges et étrangères et en menant des actions publiques, larges, visibles et dans la rue.

Notes:

1) La 3e édition du congrès international «Paroles d’hommes» était organisée par l’asbl belge relais-hommes à Bruxelles ces 17 et 18 octobre. Ce congrès était soutenu par les pouvoirs publics qui ne semblaient pas dérangés du fait que les initiateurs du congrès, le canadien Yvon Dallaire et le suisse John Goetelen, se revendiquent «hoministes», concept plus politiquement correct que «masculiniste» mais qui recouvre en gros la même chose. Ils étaient invités au congrès de Bruxelles (le premier l’était même en tant que président d’honneur) avec d’autres intervenants masculinistes, comme Jean Gabard, Serge Ferrand ou encore Patrick Guillot. Voir notre article: «Féministes, pas contentes!» )

2) Le collectif a ouvert un blog, avec des textes et références pour en savoir plus sur les masculinistes, plusieurs rapports sur les actions menées, une revue de presse et un agenda et des idées pour les interventions futures (http://vamos.zeblog.com). Pour contacter vamos: Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

3) Voir sur notre site la carte blanche du Collectif VaMos


Témoignage sur un atelier du congrès «Paroles d'Hommes»

«Ni misogyne, ni misandre»? La petite feuille de vigne d'un sexisme primaire

Le samedi 18 octobre se déroulait la seconde journée du Congrès international «Paroles d'Hommes» à Bruxelles. Le programme annoncé de l'après-midi se divisait en 14 ateliers, dont 5 étaient réservés exclusivement aux hommes.

J'avais décidé d'assister à un atelier consacré au thème «Joindre le geste à la parole. Comment l'association Relais-Hommes peut-elle mettre en route les recommandations formulées durant ce congrès?». Bizarrement, cet atelier a été annulé in extremis et sans explication alors que son animateur, Olivier Nyssens, président de l'asbl Relais-Hommes était pourtant bien présent. Je me suis donc reporté sur un atelier à l'intitulé pour le moins intriguant: «Ni misogyne ni misandre, comment parler des hommes et des femmes hors des idéologies?» et animé par Patrick Guillot (1). Cet atelier, annoncé sur le programme comme étant «non-mixte» a finalement été ouvert aux femmes. Une dizaine de participant/es, dont deux femmes y ont donc finalement assisté. Sur ce nombre, la plupart semblaient bien se connaître et faire partie du même réseau ou de la mouvance «hoministe», seules trois personnes, dont moi-même, étions ainsi «extérieures».

La misandrie prédominante dans les société occidentales

Dès le début de son introduction, Patrick Guillot annonce la couleur; «La misandrie est le sexisme envers les hommes, la misogynie, le sexisme envers les femmes. Les deux sexismes sont symétriques. Quand une société est sexiste dans un sens, elle l'est toujours dans l'autre sens, mais différemment. Selon mon point de vue, à la différence d'autres époques, c'est la misandrie qui prédomine aujourd'hui dans les société occidentales et non la misogynie»! Heureusement que des hommes de science tels que lui nous ouvrent les yeux, je n'avais jamais remarqué cela de toute ma vie!

Patrick Guillot s'est ensuite attaché à développer la pertinence de ce postulat révolutionnaire à travers une série de concepts de son cru censés démontrer cette prédominance de la misandrie dans nos sociétés aujourd'hui.

La comparaison, ça fait croire à l’existence de dominants et de dominées

Parmi ces concepts, celui de la «comparaison»: «On compare systématiquement dans les études et dans les médias les deux sexes entre eux, sur les salaires, la violence, les tâches domestiques, etc. Les conséquences de ces études sont négatives car on désigne toujours un «bon» et un «mauvais». Tout cela aboutit à une conception de la guerre des sexes, on aboutit à faire croire qu'il y aurait un sexe dominant, les hommes, et un sexe dominé, les femmes. Ce qui est à la fois misandre et misogyne: misandre parce que cela donne systématiquement le mauvais rôle aux hommes et misogyne parce que ce n'est pas très valorisant pour les femmes d'être systématiquement présentées comme étant les victimes dominées.»

Guillot nous gratifie ensuite, en moins de dix minutes, d'une seconde découverte scientifique proprement révolutionnaire: les féministes sont misogynes!: «Ainsi, les féministes sont doublement sexistes, elles sont à la fois misandres envers les hommes et misogynes envers les femmes elles-mêmes puisqu'elles prétendent que les femmes sont de pauvres victimes dominées»!

Les femmes se complaisent dans leur rôle de victime

A ce moment, l'une des deux femmes présentes à l'atelier intervient. Il s'agit d'une certaine Francine Leduc, une Québécoise qui a collaboré au documentaire du masculiniste notoire Serge Ferrand, la «La Machine à broyer les hommes». Selon elle: «La victimisation, c'est payant!». Cette stratégie qui présente systématiquement les femmes en victimes dominées n'a selon elle d'autre objectif, pour les organisations féministes, que de recevoir un pactole de subsides, ce n'est donc au final qu'une vulgaire histoire de sous et d'intérêts bassement matériels...

Afin d'illustrer le concept de la «comparaison» entre les sexes qui ne peut être que forcément misandre, l'animateur développe ensuite un cas concret: «Par exemple, on entend toujours dire que les femmes font toujours plus de travail domestique que les hommes. Ce n'est peut être pas faux, je ne remet pas en question les chiffres - mais peut-être ais-je tort! - qui disent qu'un tiers du travail domestique est fait par les hommes et les deux tiers par les femmes. Mais le résultat c'est qu'on arrive à l'idée que les hommes sont paresseux et profitent des femmes et qu'à l'inverse les pauvres femmes sont les victimes. Mais on ne souligne pas pourquoi c'est comme ça. Si elles sont les victimes, pourquoi est-ce qu'elles continuent à faire tout ce travail, pourquoi sont-elles consentantes?» Oui, pourquoi, en effet!

«De plus, on bafoue la logique mathématique car, si un tiers du travail domestique est fait par les hommes, cela veut dire qu'il y a des hommes qui font autant, si pas plus, de travail de domestique que les femmes. Il est donc faux et dangereux de dire que tous les hommes font moins et que tous les femmes font plus». CQFD...

Les «concepts magiques»

Deuxième concept merveilleux développé par l'animateur, celui du «concept magique» justement. De quoi s'agit-il? Tout simplement de ces termes utilisés pour décrire une situation où les femmes sont dominées et qui ne recouvre aucunement cette prétendue réalité. Exemple: «La double journée de travail, c'est un concept qui n'est utilisé que pour parler des femmes, c'est ça un concept magique! Cela évoque quelque chose de très lourd la double journée de travail, c'est quelque chose d'horrible... Mais pourquoi l'attribuer uniquement aux femmes? Il y a aussi des hommes qui font une double journée de travail. On n’a pas le droit de sexuer ce concept de la double journée de travail».

A nouveau, c'est apparemment une obsession chez elle, Francine Leduc intervient pour soutenir les propos de l'animateur avec ses histoires de gros sous: «Et c'est encore pire avec la pauvreté et la précarité! On n'en parle qu'au féminin! Résultat, l'argent ne va que d'un seul côté!».

Autre «comparaison misandre» à ne surtout pas faire selon Guillot, celui des inégalités salariales entre les hommes et les femmes: «On dit que les femmes gagnent moins que les hommes, selon les chiffres cela va de 30 à 5% de différence. Mais on n'explique pas que cela est dû à toutes sortes de raisons! On n'explique pas qu'il s'agit d'une moyenne et donc qu'il y a des femmes qui gagnent plus que des hommes aussi! La logique mathématique est encore une fois bafouée. Et ce qui gagne l'esprit du public quand on sort ces chiffres, c'est que les hommes sont des sales exploiteurs et les femmes de pauvres exploitées...»

A ce moment, une des trois personnes extérieures à la mouvance hoministe intervient en se présentant comme responsable des ressources humaines dans une entreprise. Tout en déclarant être d'accord avec la préoccupation de l'animateur de lutter contre la misandrie, il ne peut s'empêcher de constater, alors qu'il exerce sa profession depuis 15 ans, que les femmes dans son entreprise sont – dans des fonctions et à qualifications égales - effectivement moins bien payées que les hommes et qu'il s'agit d'une volonté discriminatoire délibérée de la part des hommes de sa direction. Il a déjà plusieurs fois entendu son patron lui dire «on ne va pas la payer autant, on va la payer moins» en parlant d'une nouvelle jeune employée, ce qu'il n'a jamais entendu lorsqu'il s'agit d'un jeune homme...

La seconde personne extérieure, une femme se présentant comme travaillant à la RTBF, affirme qu'effectivement elle le constate aussi lorsqu'elle regarde sa fiche de salaire...

Grande agitation chez les hoministes! Chacun y va de son explication convaincante: «On oublie de dire que si un homme gagne plus, son argent bénéficie aussi à sa femme, dans son couple, donc même quand les hommes gagnent plus, une partie revient aux femmes!». Un second affirme: «Des études démontrent que les jeunes femmes qui se font engager aujourd'hui gagnent plus en moyenne que les jeunes hommes».

Une généralité à partir de cas particuliers

S'adressant à la femme travaillant à la RTBF, Guillot déclare, un peu embarrassé: « Peut-être que dans votre cas effectivement, vous êtes discriminée, je dis pas, je connais pas exactement votre cas particulier. Mais le problème c'est qu'on prend des cas particuliers comme c'est peut-être le vôtre (il a vraiment dur à admettre qu'elle ne ment pas! NDLR) pour en faire une généralité, et ça, cela ne va pas, c'est de la misandrie! S'il y avait quelqu'un de race noire on dirait que c'est du racisme alors qu'il peut y avoir des tas d'autres raisons qui expliquent cela. On sait que la capacité des femmes à négocier avec le patron n'est pas la même que celle des hommes, elles sont peut être trop naïves, le patron est peut être simplement magouilleur, etc.»

A noter que Monsieur Guillot a utilisé le terme de «race noire». En voilà bien un véritable «concept magique» qui recouvre quelque chose qui n'existe pas. C'est du racisme que d'affirmer que des «races» noires, blanches ou jaunes existent...

Le plafond de verre: c'est voulu!

Mais passons. Patrick Guillot en profite alors afin de glisser un nouveau «concept magique», celui du «plafond de verre» qui fait que plus on monte dans les hiérarchies, moins on trouve de femmes. La raison est pourtant simple et je m'en suis voulu de ne jamais l'avoir envisagée tant elle est limpide et cohérente: «Si les femmes sont peu présentes dans les sommets, c'est parce qu'elles refusent d'aller plus haut, c'est un plafond de verre voulu! Le concept du plafond de verre est donc un procédé misandre, sexiste!»

Un autre hoministe appuie: «Je travaille aussi comme cadre dans une entreprise et à chaque fois qu'on a proposé un avancement aux femmes, elles ont systématiquement refusé!». J'ose une question: «Et pourquoi refusent-elles?». Réponse: «Heuuu... on ne sait pas» Un autre hoministe: «De toute façon, c'est la même chose dans la politique; il y a peu de femmes parce qu'elles ne veulent pas faire de la politique, tout simplement! » Tout simplement, en effet.

Des mesures asexuées contre les discriminations

Pour Guillot et ses compères, la solution aux discrimination, réelles ou supposées, est évidente: «Bien sûr qu'il faut des mesures contre les discriminations, mais il faut des mesures asexuées, égales pour les femmes et les hommes». Un autre hoministe insiste: « Il y a des tas de discriminations, il y a même des chiens discriminés, il ne faut pas de mesures en faveur d'une catégorie particulière!». Mais un peu plus tard, le même affirme: «Aujourd'hui, les femmes ont tout obtenu, mais pas les hommes!». Autrement dit, au nom de «l'égalité», ils sont contre les mesures anti discriminatoires lorsque cela concerne les femmes, mais affirment la nécessité de prendre des mesures en faveur des hommes. Comprenne qui pourra...

Après avoir brièvement évoqué d'autres «concepts magiques» tels que «la journée contre la violence faite aux femmes», Guillot «conclut» l'atelier: «Inventer des discriminations comme on le fait aujourd'hui c'est de la misandrie. C'est misandre que de dire qu'on vit dans une société où les femmes sont discriminées.»

Le discours classique des dominants

Le titre de l'atelier tel qu'annoncé sur le programme du congrès «Paroles d'Hommes» s'est donc très vite révélé pour le moins trompeur; il semblait en effet désigner une position qui se situerait à équidistance ou en opposition équilibrée à deux formes de sexisme, celui envers les femmes (la misogynie) et celui envers les hommes (la misandrie). Or ce n'est pas du tout le cas. Sous prétexte fallacieux de lutter à la fois contre les préjugés misandres et misogynes, l'animateur n'a en fait tiré à boulet rouge que d'un seul côté en dénonçant la soi-disant prédominance du premier et en minimisant, ridiculisant, voire en niant le second. La thèse pour le moins farfelue et réellement «magique» celle-là défendue tout au long de l'atelier affirme que c'est le sexisme envers les hommes qui caractérise nos sociétés et constitue le principal axe de bataille pour atteindre «l'égalité».

En conséquence, la lutte contre le sexisme envers les femmes est non seulement secondaire, mais elle constitue elle-même un danger; c'est le principal adversaire à abattre puisque c'est en son nom que s'exprime ce sexisme dominant envers les hommes! Bref, d'une prétendue lutte nécessairement équivalente contre la misandrie et la misogyne, le grand magicien Patrick Guillot en arrive à faire disparaître d'un coup de baguette toutes les preuves du sexisme envers les femmes et à défendre les postulats les plus bassement réactionnaires à leur encontre. Au nom d'une prétendue «égalité» dont ils se targuent jusqu'à la nausée, les discours et propositions masculinistes reviennent tout bonnement à renforcer et aggraver les inégalités à l'encontre des femmes.

Car au fond, si les femmes étaient réellement dominées, pourquoi se laissent-elles faire se demande Guillot et ses comparses. C'est là le vieux discours d'auto-justication des dominants qu'on entend depuis des siècles: «si les ouvriers, les colonisés ou les esclaves étaient réellement exploités, pourquoi es-ce qu'ils se laissent exploiter?». Mais lorsqu'ils se révoltent, ou lorsque des femmes luttent contre leur oppression, du coup cela ne cadre plus avec la «réalité», c'est «contre-nature», c'est leur révolte qui devient lourde de menace d'une oppression et d'une exploitation imaginaire qu'on agite comme un repoussoir. On inverse les rôles pour mieux perpétuer sa domination.

Au final, il est scandaleux de constater que les pouvoirs publics ont financé une activité où des propos ouvertement sexistes et outranciers contre le féminisme ont pu s'exprimer comme si de rien n'était. Ces soutiens officiels donnent une légitimité et une respectabilité à un discours extrêmement dangereux pour la cause des femmes. Si les masculinistes souhaitent exprimer leurs délires, qu'ils le fassent, c'est leur droit, mais alors sans subsides publics, c'est à dire sans notre argent! Des subsides qui seraient bien mieux utilisés à lutter contre le seul véritable sexisme réellement existant et dominant aujourd'hui, celui envers les femmes. On ne le dira jamais assez: il y a encore beaucoup de boulot à faire sur ce terrain et les femmes n'ont vraiment pas besoin, en plus de tout le reste, que des masculinistes en rajoutent une couche en participant activement à la remise en cause des quelques conquêtes qu'elles ont pu arracher par leurs seules luttes.

A.R

(1) Guillot-L'enchanteur n’est pas de n'importe qui dans la galaxie masculiniste. Il s'agit en effet du co-rédacteur et co-signataire initial, avec ses compères Yvon Dallaire et John Goetelen, du «Manifeste hoministe» (http://www.la-cause-des-hommes.com... ) dans lequel s'inscrivent les principales organisations qui sont derrière les Congrès internationaux « Paroles d'Hommes».


Photos des actions du Collectif VaMos les 17 et 18 octobre:

Voir ci-dessus