Dossier: L'Afrique subsaharienne à la veille de bouleversements d'ampleur
Par Y. Prasad, P. Martial, H. Pare, J.K Zounon le Lundi, 14 Mars 2011 PDF Imprimer Envoyer

L'Afrique subsaharienne, gangrenée par des régimes dictatoriaux soutenus par l'occident impérialiste, avec tout leur lot de corruption et de népotisme, l'exploitation éhontée des richesses par les multinationales et leurs inégalités sans nombre, n'est pas épargnée par les boulevements sociaux et politiques consécutifs à la crise du capitalisme et par l'exemple offert par les révolutions dans le monde arabe. Au Burkina Foso, la jeunesse se soulève tandis qu'au Zimbabwe, des militants révolutionnaires risquent la peine de mort pour avoir organisé un débat sur la révolution égyptienne. Pendant ce temps, la Côte d'Ivoire semble s'enfoncer dans la guerre civile et une nouvelle nation, le Sud-Soudan, émerge. Nous avons rassemblé dans ce dossier plusieurs articles sur la situation dans ces pays, ainsi qu'au Cameroun et au Bénin. (LCR-Web)

Zimbabwe: des militants risquent la peine de mort pour avoir discuté de la révolution égyptienne

Par Yuri Prasad

Un groupe de militants socialistes au Zimbabwe ont été inculpés de trahison, qui est passible de la peine de mort, après avoir regardé une vidéo sur la révolution en Egypte. Cinquante-deux militants ont été mis en examen, mercredi 23 février, pour trahison et avoir tenté de "subvertir un gouvernement élu constitutionnellement", à Harare, la captale du Zimbabwe.

Cette attaque fait partie d'une vague de répression organisée par la dictature de Robert Mugabe avant les prochaines élections qui pourraient avoir lieu cette année.

La police a arrêté ce groupe samedi 19 février après une razzia contre une réunion, organisée par l'International Socialist Organisation (ISO), sur la révolution en Egypte et ses éventuelles conséquences au Zimbabwe. Les inculpés ont comparu mercredi menottés et attachés avec des fers.

Plusieurs d'entre eux ont été blessés pendant leur garde à vue et tous - y compris ceux qui sont séropositifs - ont été privés de soins et de médicaments. Un des inculpés vient de sortir de l'hôpital après avoir été opéré au cerveau. Une autre avait la jambe cassée après avoir été jetée dans un escalier de deux étages pendant son arrestation et n'a pas reçu de soins adaptés.

Les procureurs accusent le militant de l'ISO, ancien député de l'opposition, Munyaradzi Gwisai, et d'autres participants à la réunion, d'avoir projeté d"organiser, planifier et exécuter le renversement du gouvernement constitutionnel du Zimbabwe [...] à la manière égyptienne".

L'avocat de la défense, Alec Muchadeham, a dit que les autorités lui ont refusé l'accès aux inculpés depuis leur arrestation. La colère face à ces arrestations, à la torture et aux inculpations se répand en Afrique et à travers le monde.

Bongani Masuku, pour la confédération des syndicats sud-africains, COSATU, a promis le soutien de son organisation. Selon lui, "il n'y a pas de doute que les événements en Egypte et en Tunisie ont inspiré beaucoup de travailleurs et de pauvres à travers le monde de se lever et d'exiger la fin de la dictature, de la corruption et de toutes les formes d'injustice". COSATU condamne la poursuite de la persécution de militants politiques au Zimbabwe et la situation qui ne voit pas d'amélioration dans ce pays. L'arrestation d'environ 52 militants de International Socialist Organisation (ISO) à Harare sous le prétexte sans fondement qu'ils complotaient pour renverser le gouvernement est un signe de l'état d'insécurité dans ce pays", a-t-il ajouté.

Le Commonwealth Policy Studies Institute a rejoint la liste des organisations et des personnalités qui appellent à la "libération sans conditions" de tous les détenus.

Compte tenu de l'importance de l'enjeu, des militants au Zimbabwe demandent d'urgence l'envoi de messages de protestation aux adresses ci-dessous :

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Tiré du site « Socialist Worker » britannique. Traduction française de Colin Falconer Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Signez la pétition internationale exigeant la libération des activistes:

http://www.ipetitions.com/petition/free_zims_now/


La Côte d’Ivoire s’enfonce dans la crise

Par Paul Martial

La crise ivoirienne s’intensifie sous la pression de la communauté internationale et de l’Union africaine. Le peuple ivoirien continue d’en être la première victime. La menace d’intervention militaire en Côte d’Ivoire contre Laurent Gbagbo, pour installer Ouattara reconnu gagnant de la présidentielle par la communauté internationale, s’éloigne progressivement sous les différentes pressions de certains pays africains tels que l’Afrique du Sud, l’Angola mais aussi le Ghana qui fait figure d’exemple de stabilité démocratique en Afrique de l’ouest.

Pressions relayées également par la grande majorité de l’opinion publique africaine qui, à juste titre, ne comprend pas pourquoi il y aurait une intervention militaire en Côte d’Ivoire alors que maints pays ont connu des fraudes électorales massives comme le Gabon, le Togo ou plus récemment la Centrafrique sans provoquer de réaction de cette même communauté internationale.

L’Union africaine a donc décidé la création d’un panel composé de cinq présidents africains dont le rôle sera de définir des mesures contraignantes pour les deux protagonistes ivoiriens. Les dirigeants de ce panel, à l’exception du Sud-Africain Jacob Zuma, vont avoir du mal à donner des leçons de probité et de démocratie à Laurent Gbagbo. En effet, trois présidents sont arrivés au pouvoir par la force: Blaise Compaoré par un coup d’État en 1987 au Burkina Faso contre Thomas Sankara, Mohamed Ould Aziz en 2005, mettant ainsi fin à une authentique période démocratique en Mauritanie, et le dictateur tchadien Idriss Déby qui s’est rendu célèbre pour nombre d’exactions contre les populations de son pays. Tous vont organiser des mascarades électorales, rejoints par le cinquième, le Tanzanien Jakaya Kikwe dont le dernier scrutin a été l’objet de sérieux doutes sur sa régularité par l’Union européenne.

Pour être franc, on voit mal ce que ce panel de grands démocrates pourrait proposer comme mesure permettant une sortie de conflit, tant les positions de Ouattara et Gbagbo restent irréconciliables. Le pays risque de s’enfoncer de nouveau dans une crise aussi forte que celle du début des années 2000 qui, après le coup d’État raté des Forces nouvelles, a vu la partition du pays entre la région nord qu’elles dirigent et le reste du pays sous juridiction du gouvernement.

Cette crise politique est un poids pour les populations qui sont victimes de la corruption, de l’arbitraire et des violations des droits humains perpétrés par les gens en armes aussi bien dans les zones contrôlées par Gbagbo que dans celle du nord contrôlées par les Force nouvelles de Ouattara. En effet, les rapports des principales organisations des droits de l’homme font état de meurtres, viols et enlèvements perpétrés par les escadrons de la mort contre des supposés partisans de Ouattara dans certaines villes et quartiers d’Abidjan. Les réfugiés ivoiriens en Guinée et au Liberia témoignent eux aussi des violations des droits humains commis par les partisans des deux prétendants au pouvoir.

À ces difficultés s’ajoutent celles économiques où les augmentations des prix pour les produits de première nécessité empêchent les populations les plus pauvres de se nourrir correctement.

Les organisations du mouvement social sont prises en étau entre les pro-Ouattara et les pro-Gbgabo. Cette situation les empêche de mener une action autonome qui, à défaut de dessiner une troisième voie, celle d’une rupture avec le présidentialisme au profit d’une intervention des masses sur la scène politique, permettrait au moins d’être un moyen de défense pour les populations face aux conséquences de la dispute de pouvoir par les représentants des deux fractions de la bourgeoisie ivoirienne.

Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 90 (17/02/11)


Burkina Faso: La jeunesse se soulève

Par Harana Pare

La jeunesse se révolte au Burkina-Faso, depuis le début de la semaine qui s’achève, sans que les grands tambours occidentaux ne soufflent mot. Plus que tout, les révoltes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient préoccupent ces grands canaux de la désinformation mondiale qui savent se taire sur les causes réelles et les vrais acteurs de ces contestations populaires que l’on cherche à désarmer par ailleurs et dont on sent des frémissements jusqu’en Afrique noire où les mécontentements se sont accumulés au fil des ans.

C’est déjà le cas au Burkina-Faso où à Koudougou, dans le centre-ouest, le décès d’un jeune dans les locaux de la police a mis le feu aux poudres. Depuis lundi 21 février, la jeunesse est dans un état de révolte électrique dans la ville, où confrontée à la violence de la répression policière qui a fait de nombreux tués par balles dans ses rangs, elle a saccagé et mis le feu au siège du gouvernorat de la province. Sur place, les autorités locales s’employaient toujours à calmer l’inacceptable, par des mensonges et des omissions de responsabilités quant aux brutalités du régime Compaoré. Le bilan s’est alourdi : à ce jour, il est de 5 morts, en plus d’au moins une centaine de blessés dont certains dans un état grave. La révolte fait tache d’huile. Elle s’étend désormais à Ouagadougou, la capitale, ainsi qu’à d’autres villes de provinces comme Poa, Ouahigouya et autres.

Au-delà de tels symptômes éruptifs, la raison profonde de cette contestation de la jeunesse est évidente : depuis 1987, année de l’assassinat brutal de Thomas Sankara et de l’inversion réactionnaire du processus révolutionnaire décapité à gauche de la façon la plus sanglante et crapuleuse, le régime usé jusqu’à l’os par l’incurie, la corruption et toute une série de brutalités sans nom, se maintient malgré tout, grâce à la politique du bâton et de la carotte.

Dans ce contexte, les frustrations de la jeunesse et le délitement social généralisé se sont dangereusement accumulés. La base de cette accumulation est traversée par des courants inouïs d’hostilité souterraine qui, par moment, profitent d’évènement déclencheurs pour remonter à la surface sous forme de révoltes contre le régime qui caporalise l’Etat à son seul profit. Et c’est le cas ici, où curieusement et sans surprise, les médias dominants français ou occidentaux et les antennes diplomatiques de toutes ces grandes « Démocraties », comme à leurs habitudes, quand il s’agit de défendre des intérêts concrets néocoloniaux et impérialistes, ne voient rien de ce qui se passe dans le pays. Ils sont juste atteints de cécité ou de myopie passagère qui les empêche de regarder en face, là où la vraie nature du régime Compaoré s’est toujours dévoilée. Un régime de tyrannie redoutablement efficace et missionné à défendre les intérêts stratégiques français en Afrique de l’Ouest. Et voilà pourquoi, on lui déroule à l’Elysée, le tapis rouge du sang de nos peuples.

Qu’il affame son peuple ou réprime sa jeunesse, n’est pas le principal ; ce qui importe est qu’il serve les intérêts néocoloniaux jusqu’à l’obsolescence de son pouvoir. En attendant, on se contente d’agiter, sous son nez, des hochets de principes d’ordre humanitariste qu’il sait compléter lui-même, pour faire bonne figure, par une série de mascarades électorales qui sauvent l’essentiel : 24 ans de tyrannie prédatrice, affairiste et protectrices des intérêts néocoloniaux. Voilà pourquoi l’Occident et ses institutions du capitalisme mondialisé l’encensent, s’activent à le missionner en médiateur dans les crises et guerres civiles africaines que le néocolonialisme provoque et mène localement en sous-mains. Bref, la bonne affaire ! Voilà encore un Africain exceptionnel : une aubaine pour l’Occident mais un danger pour les peuples d’Afrique dont on assassine dans l’impunité les filles et fils gênants pour les intérêts occidentaux. De ce point de vue, l’exceptionnalité de Blaise Compaoré dans les milieux néocoloniaux en Occident confirme sa stature de prédateur exceptionnel, adoubé par eux et reçu dans leurs loges, comme tant d’autres, en parfait négro-maçon et décorés à souhait de toutes sortes de breloques qui flattent l’infantilisme et perdent la tête et la raison à la fois.

Dans ces conditions, le système répressif qu’il met en branle régulièrement au Burkina-Faso, peut continuer à se déployer en toute impunité jusqu’au jour où il devra des comptes. En attendant, des familles pleurent actuellement, dans la douleur insupportable, la mort de leurs enfants : de jeunes manifestants simplement en colère contre l’avenir indigne et bouché qu’on leur projette. Devant ces constats horribles, où est la presse française prompte à intoxiquer, hier sur le Rwanda et aujourd’hui sur la Côte d’Ivoire ? Mais cette question n’est pas une demande d’ingérence armée ou humanitaire-humanitariste dans les affaires africaines. Elle est plutôt une invitation à sortir du jeu des connivences d’intérêts ligués contre l’avenir des peuples d’Afrique et celui de leurs jeunesses.

A ce niveau, les silences, les amalgames, la confusion des genres et les manipulations médiatiques ou diplomatiques restent à l’évidence des signes d’accompagnement de la politique d’étouffement social que le régime Compaoré impose à tout un peuple. Grand ami africain de la France, Blaise Compaoré est depuis octobre 1987, l’épine dorsale de la Françafrique, après avoir décapité, le processus révolutionnaire du capitaine Thomas Sankara qui, on le sait, n’arrangeait pas les affaires du néocolonialisme franco-africain et de l’impérialisme.

Non content d’imposer la désespérance sociale aux Burkinabès, Blaise Compaoré est devenu aujourd’hui le cheval de Troie de la France dans la crise ivoirienne. Ancien putschiste armé contre la démocratie chez lui-même, il est missionné par Sarkozy pour défendre celle-ci en Côte d’Ivoire ; c’est-à-dire régler une crise d’élections formelles par les moyens de la guerre contre la volonté et la souveraineté de la nation, de l’Etat et des institutions ivoiriennes.

Une telle mission au contenu de classe les plus réactionnaires, si elle aboutissait, serait un précédent dangereux pour l’Afrique, en termes d’ingérences armées, occidentales, futures dans les affaires africaines. Les régressions politiques et sociales qui en résulteraient, conforteraient bien de convictions racistes qui, par clichés coloniaux et inepties culturelles occidentales, prétendent que « l’Afrique n’est pas encore rentrée dans l’Histoire. » La bonne blague pour justifier de nouvelles missions civilisatrices en Afrique ! Bien sûr, ce jeu pervers auquel Blaise Compaoré se prête, vise deux objectifs politiques mesquins : faire diversion sur ses propres échecs à domicile et pérenniser dans le même mouvement, les intérêts de l’impérialisme français et occidental au Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire et ailleurs dans la sous-région. Et il vaut mieux à ce niveau qu’il échoue. Sa réussite dans ce pari compromettrait gravement la paix et l’avenir commun de nos peuples. Aussi, l’Afrique consciente des enjeux en cours a la responsabilité de rappeler à Blaise Compaoré qu’il ne peut continuer de se tromper de combat ; et c’est ce que lui dit la jeunesse burkinabè à Koudougou, à Ouahigouya, à Poa, à Ouagadougou malgré les balles assassines de sa police. Pour la énième fois, celle-ci tire sur la colère sociale à main nue, à un moment où il est plus qu’urgent pour le régime de se préoccuper de la question sociale en interne à domicile.

La jeunesse reste en droit de se dresser contre l’impunité, la corruption et l’affairisme clanique prédateur que son pouvoir a institués en système ; et qui le minent. Elle est en droit de rejeter le chômage et la précarité de masse qu’on lui propose comme plan d’avenir. Aussi, l’intensification de la répression et la fermeture des école ou des universités, depuis le mardi 22 février, ne sauraient tenir lieu de réponses à cette jeunesse en quête de sens à sa vie, de réalisation de soi, de reconnaissance et d’émancipation par le travail, la culture... ; ni aux masses qui aspirent à l’accès aux soins de santé, à l’alimentation et à l’eau potable, à un système éducatif et scolaire désaliéné, à l’habitat décent et aux services publics de qualité... ; en somme tout l’inverse de ce qu’elles vivent de nos jours.

Les fausses promesses faites, lors des mascarades électorales, n’y ont jamais rien changé. Dans la réalité, les travailleurs des villes et des campagnes rament à trouver des solutions aux problèmes de l’existence quotidienne : se nourrir, se loger, se soigner, se vêtir, se déplacer ou se cultiver tout simplement. A aucun de ces niveaux, le bilan du régime en place depuis 1987, n’est glorieux. Seules les couches dominantes qui accaparent les ressources par les moyens de l’Etat s’en sortent.

La corruption, les assassinats extrajudiciaires, le clientélisme prédateur ont achevé de miner les institutions et de cadenasser nombres de consciences individuelles. La jeunesse, confrontée à la précarité et au chômage de masse, n’a plus foi en l’avenir. Au quotidien, les travailleurs des villes et des campagnes sont tenus à la gorge par les exigences des plans d’ajustement structurels imposés par le FMI. Dans ce décor de ruine, le régime continue de laminer et d’intimider une opposition politique éparpillée, tenue en cage par lui, ou acculée à jouer, pour l’extérieur, les rôle de faire valoir à une façade démocratique décrépie.

Derrière cette façade délavée, le régime, même usé jusqu’à l’os, conserve encore l’abominable énergie qui lui reste : celle des répressions brutales contre les travailleurs, les scolaires et les étudiants ou les opposants politiques ; bref, contre le peuple Burkinabè qui, face à un pouvoir socialement malfaisant, n’a jamais désarmé dans ses luttes pour l’émancipation.

Harana Pare, Membre du Bureau National

http://www.afaspa.com/article.php3?id_article=381


Sud-Soudan, les enjeux de l’indépendance

Par Paul Martial

Un nouvel État vient de naître en Afrique, issu du référendum d’autodétermination des populations du Sud-Soudan. Le résultat est sans appel, plus de 98% ont voté pour la sécession.

Comme pour beaucoup de pays d’Afrique, les évolutions politiques parfois brusques d’aujourd’hui s’expliquent en partie par leur histoire coloniale. Au Soudan, le colonisateur britannique s’est appuyé sur une élite arabe et, lors du processus de décolonisation, c’est tout naturellement que les clefs du pouvoir lui ont été remises en refusant l’option fédérale qui pourtant correspondait mieux à la diversité du pays.

Ainsi, dès l’indépendance, le Soudan a connu une première guerre civile appelée Anyanya (venin de serpent) qui prit fin en 1972 avec les accords d’Addis-Abeba qui ont octroyé une large autonomie au Sud-Soudan où les populations sont chrétiennes mais surtout animistes. En 1983, le président Gaafar al-Nimeiri tente d’imposer la charia à tout le pays, ce qui déclenche la seconde guerre civile. Elle est menée par le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM en anglais) dirigé par John Garang, ancien combattant de la première guerre civile. L’ambition affichée de Garang est la construction d’un «Nouveau Soudan» où les citoyens auraient des droits identiques et les différentes régions seraient traitées à égalité. Ce projet remettait en cause le pouvoir de Khartoum détenu par les militaires islamistes, s’enrichissant des revenus pétroliers et marginalisant les populations du Sud mais aussi du Darfour. Mais certains courants du SPLM, comme celui de Salva Kiir, se prononçaient pour l’indépendance du Sud-Soudan.

En 1989, Omar El-Béchir fait un coup d’État soutenu par l’armée et le courant islamiste minoritaire dans le pays. Béchir accentue le pouvoir islamique et la charia. Il accueille Ben Laden et Al Quaida. Après l’attentat du World Trade Center en 2001, il offre des gages aux États-Unis pour éviter de se retrouver dans la ligne de mire de Bush et entame des pourparlers de paix avec le SPLM.

L’accord de paix du 9 janvier 2006 prévoit la tenue d’un référendum d’autodétermination pour le Sud-Soudan. La mort de Garang dans un accident d’hélicoptère quelques semaines après la signature permet à Kiir de prendre la direction du SPLM et de l’orienter vers la ligne de l’indépendance du Sud-Soudan. Cette perspective rencontre l’assentiment des populations fatiguées par le mépris et le harcèlement de Khartoum et des États-Unis qui entendent faire contrepoids à la Chine très présente dans le pays et affaiblir Omar El Béchir, jugé peu fiable.

Le nouvel État risque d’être rapidement confronté à de terribles difficultés par manque d’infrastructures, d’hôpitaux, d’écoles mais aussi de personnels qualifiés, conséquence des décennies de marginalisation. Les populations restent très divisées du fait des guerres meurtrières qu’elles se sont mené. La gestion de la manne pétrolière continuera en grande partie de dépendre de Khartoum car le pipeline traverse le Soudan. Les frontières ne sont toujours pas négociées et la direction du SPLM, à la tête du nouvel État, est extrêmement corrompue, mais la liberté retrouvée et les dynamiques de révolution dans les pays arabes peuvent changer bien des choses…

Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 91 (24/02/11)


Cameroun : Déclaration commune des partis d'opposition du 23 février 2011

Camerounaises, Camerounais, Chers Concitoyens,

Ce jour, Mercredi 23 Février vers 12h, le pouvoir RDPC a brutalement et sauvagement agressé les dirigeants de l’Opposition. Ces derniers voulaient présider le meeting de commémoration des martyrs de notre pays.

En effet, le meeting qui a été militairement empêché avait pourtant été légalement déclaré par le Manidem le jeudi 17 Février dernier et ce dernier parti n’a reçu à ce jour aucune notification d’interdiction de manifester. L’autorité administrative a plutôt opté de faire usage de méthodes d’intimidation et de répression dignes de l’époque coloniale pour entraver la liberté de mouvement des sympathisants de l’Opposition.

En réalité, le régime de Paul Biya installe un état d’urgence qui ne dit pas son nom. Les villes de Yaoundé, Douala, Bamenda, Bafoussam, Nkongsamba et bien d’autres sont véritablement en état de siège. Le pouvoir a déclaré la guerre à l’Opposition et au Peuple Camerounais.

Tout ceci témoigne de la cécité et de l’autisme politique de Mr Biya et ses affidés.

Les Partis politiques signataires de la présente déclarent que :

- Le Peuple Camerounais qui a tout donné pour la liberté, la souveraineté et la démocratie ne se laissera pas intimider par l’arsenal répressif d’un régime aux abois ;

- En conséquence, notre Peuple, et notre Jeunesse en particulier, principale victime de la gouvernance dont la faillite est patente continueront à se battre avec notre soutien déterminé jusqu’à la victoire finale.

Chers Compatriotes,

Les Patriotes Camerounais ne peuvent pas accepter que seul le RDPC et ses affidés aient le droit de tenir des meetings au Cameroun. Tous les sacrifices consentis par les combattants de la liberté ne peuvent être anéantis par la cécité d’un régime aux abois.

Sans céder aux provocations délibérées, il faut continuer d’accentuer la pression sur le régime dictatorial de Paul Biya. Le maintien de l’ordre ne saurait être une solution à la résolution des revendications légitimes des Camerounais Nous appelons donc Mr Biya, dans le souci de préserver la paix et d’éviter à notre pays les scénarii tragiques que vivent d’autres peuples, à ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2011.

Chers compatriotes,

Sans précipitation, mais inlassablement et méthodiquement, la Nouvelle Opposition Camerounaise va construire la victoire du Peuple sur les forces rétrogrades.

FAIT à DOUALA, ce Mercredi 23 Février 2011

LA NOUVELLE OPPOSITION

SDF : OSSIH Joshua (Vice-Président) ; J.M. NINTCHEU Président Régional du Sdf (Littoral)

MANIDEM : ABANDA KPAMA (Président) ; R.-M. NTONDO (Secrétaire Général)

UPC : Dr Samuel MACK-KIT (Président)

PDS : Robert SIMO (Vice-Président)

UFDC : Dr V. HAMENI BIELEU (Président)


Bénin : Boni Yayi promet la refondation légale de la dictature et de la tyrannie

Par Jean Kokou Zounon

Boni YAYI a procédé à son auto-investiture comme candidat à sa propre succession le samedi 29 janvier 2011. Les travailleurs, la jeunesse et le peuple ont pu observer avec horreur le flot d’argent distribué fébrilement à tour de bras pour payer les participants à cette cérémonie. Boni YAYI et ses soutiens auront démontré encore une fois leur capacité à détourner l’argent public et utiliser leur fonction pour tenter d’intimider les travailleurs et les peuples.

Mais, ce qui peut écœurer tout béninois honnête et aspirant à l’émancipation de son pays, c’est le contenu du discours d’investiture prononcé par le candidat Boni YAYI. Ce discours est en deux parties : une sorte de bilan et les perspectives.

Ainsi, pour le bilan, il déclare : « Au moment de considérer le rôle que vous me proposez de jouer dans le futur proche, je crois utile de rappeler les défis que nous avions à relever il y a cinq ans déjà… d’apprécier les circonstances dans lesquelles s’est exécuté le contrat en cours d’achèvement… et d’en tirer les leçons pour mieux évaluer le chemin à parcourir… » (Cf. le journal « L’ACTUALITE » n° 293 du lundi 31 janvier 2011). Ce bilan, Boni YAYI le trouve évidemment élogieux et à son avantage. Il déclare : « Les mesures ayant induit une amélioration sensible des conditions de service des agents de l’Etat, celles visant à atténuer les souffrances des populations et les nombreuses réalisations d’infrastructures ainsi que les chantiers en cours sont édifiants » (sic). Ces mesures ont « transformé le visage de la pauvreté »… « permis de jeter les bases de la révolution verte »… « redonné vie à l’école béninoise » … « contribué à maintenir un climat de paix au sein de nos communautés » (sic).

Ainsi donc, pour Boni YAYI, les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées, l’école béninoise a repris vie, un climat de paix règne au sein des communautés ! On croit rêver ! C’est ainsi dit par Boni YAYI.

Mais, pourquoi donc tant d’hommes et de femmes de ce pays sont déçus ?

Boni YAYI répond : « Les populations des villes et des campagnes ont encore des raisons objectives de désespérer de leur classe politique. Elles ont des raisons d’être déçues de la haine et de la méchanceté qui nous détournent des vrais problèmes de la Nation ». Et de cette affirmation (de haine et de méchanceté), Boni YAYI tire la conclusion : « Il y a, à ce titre urgence à réduire les dérives liées à nos lois et aux facteurs humains » (souligné par nous). Car, poursuit-il, « notre pays traverse depuis longtemps une crise de valeurs, la perte de nos repères » et de mettre en cause « l’argent devenu notre maître ». Et de la lutte contre la corruption, Boni YAYI dit « Force est de constater que les résultats sont encore mitigés parce qu’il y a une tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles ».

Parlant de l’affaire ICC, Boni YAYI qui avait promis rembourser les épargnants spoliés s’en remet à son second mandat sollicité. « J’en ferai alors une grande priorité dès le début du deuxième mandat sollicité » (sic). Poursuivant son diagnostic, Boni YAYI estime que « Notre loi fondamentale a révélé certaines insuffisances qu’il conviendrait de combler… Elle ne comporte pas de dispositions spécifiques pour prémunir des blocages des actions de développement de notre Nation. Notre loi suprême devrait aider à mieux assurer l’Etat de droit, raffermir l’autorité de l’Etat… » (sic). Boni YAYI conclut qu’il va « refonder la République ! ». Comment ? C’est le contenu de la deuxième partie de son discours où il esquisse « quelques traits saillants pour les douze premiers mois ».

« Je souhaite mettre en route au cours des douze premiers mois la transformation politique, sociale et économique du Bénin ». Cela portera « notamment sur la Constitution, le système partisan, notamment la charte des partis, le financement des partis, le statut de l’opposition… le mode de gouvernance… ».

La révision de la Constitution doit permettre de limiter les libertés au nom de la responsabilité. Ainsi, Boni YAYI s’engage à ce que le « droit légitime de grève…ne soit pas abusivement utilisé » (sic), lutter contre « l’aspiration trop poussée de certains responsables de média à s’enrichir ». En ce qui concerne les partis politiques selon Boni YAYI, « l’obligation constitutionnelle doit être faite aux partis politiques de s’organiser autour d’un projet de société propice au développement durable, à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption »… « Par ailleurs la charte des partis sera revue pour renforcer leur envergure populaire et nationale…en d’autres termes, le parti doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation et être présent dans les différentes régions de notre pays et avoir une vision nationale de vivre collectif ».

On peut arrêter là car l’essentiel est dit. Le reste, Boni YAYI promet « le bonheur pour tous, le bonheur pour toutes les familles, le bonheur pour tous nos braves travailleurs » (sic). Quiconque lit ce discours, mis à part ceux qui profitent du pouvoir corrompu actuel, ne peut que s’indigner devant tant de mensonges, tant d’hypocrisie, tant de myopie, tant d’incapacité étalée à gouverner le pays au profit des travailleurs et des peuples.

Tenez ! Reconnaître qu’il y a « cinq millions de concitoyens encore analphabètes » et déclarer tout de même que « l’école béninoise a repris vie ! », se taire sur les énormes scandales de corruption où sont impliquées les autorités au sommet de l’Etat y compris soi-même, le Chef de l’Etat, et attribuer cette corruption amplifiée seulement à la « tolérance sociale qui protège et développe ces pratiques criminelles », c’est non seulement du mensonge, de l’hypocrisie, mais surtout la preuve de son incapacité à lutter contre ce fléau.

Reconnaître qu’il y a cinq millions d’analphabètes, soit plus de 60% de la population du pays, et déclarer que « les bases de la révolution verte (dans l’agriculture) sont jetées », que « la phase de transition » du pays « vers l’émergence » est terminée, c’est non seulement du mensonge, mais encore étaler son incompétence à continuer de diriger le pays. Parler d’un climat de paix au Bénin d’aujourd’hui, c’est non seulement faux, mais plus grave, banaliser les crimes odieux d’enlèvements encore non élucidés (celui de DANGNIVO), les assassinats crapuleux dont ceux de magistrats, d’anciens ministres, de paisibles citoyens, les arrestations et détentions arbitraires de rois, de hounnon et de citoyens (dont certains croupissent à la prison de Lokossa pour leurs opinions politiques). Parler de la responsabilité des médias et des aspirations de leurs chefs à s’enrichir et oublier l’hystérie du pouvoir de changement à contrôler tous les médias y compris par l’achat de leurs dirigeants, c’est plus que de l’indécence. C’est de l’immoralité.

Aborder la ruine des centaines de milliers de citoyens spoliés avec la complicité des autorités de l’Etat par des instructions « illégales » (mais tolérées et soutenues par des ministres d’Etat), en taisant cette complicité de l’Etat sous Boni YAYI, c’est montrer que l’escroquerie s’est définitivement installée au sommet de l’Etat. Et rejeter maintenant à son second mandat le remboursement maintes fois promis auparavant à ces spoliés avant les élections, eh bien ! c’est se transformer en maître-chanteur : si vous voulez être remboursés, votez pour moi !

De façon générale, Boni YAYI ne revient sur aucune des aspirations réelles des travailleurs et des peuples et qui ont été à la base des conflits avec son pouvoir durant son règne. Il ne connaît pas les motivations d’émancipation des travailleurs et des peuples dans leurs luttes pour empêcher KEREKOU III de demeurer au pouvoir après 2006.

Il pensait (et il l’a dit) qu’il faut serrer la vis aux travailleurs et au peuple béninois, instaurer un régime tyrannique et corrompu à la Ben Ali de Tunisie, Feu Gnasigbé Eyadéma du Togo ou Paul Biya du Cameroun. C’est le pas que Boni YAYI a amorcé au cours de son premier mandat avec l’arbitraire, la corruption, la répression, l’envoi de la troupe contre des grévistes manifestants et contre le siège des centrales syndicales, la fusillade des étudiants sur le campus d’Abomey-Calavi, les procès et les assignations en justice contre les organisations protestataires d’étudiants (UNSEB) et les syndicats, des journalistes. Il lui faut à tout prix abolir le droit de grève avec le montage de briseurs de grève, la répression policière et judiciaire avec de nombreuses assignations et procès en justice. Lorsque la police officielle ne réussit pas, des miliciens dits patriotes ou des conseillers techniques comme AMOUSSOUGA Géro Fulbert n’hésitent pas à tirer eux-mêmes sur une foule d’étudiants manifestants.

La révision de la Constitution pour la « Refondation de la République », c’est pour légaliser l’arbitraire, la répression, les entraves aux libertés de manifestation, de grève, de presse, d’association en partis politiques. Ainsi, Boni YAYI dit que le parti politique de son goût, dans sa « République refondée » doit être représentatif des différentes couches et composantes de la Nation ! Vouloir imposer par la loi la composition de classe des partis, c’est de l’arbitraire, du fascisme. Un parti politique dans une République démocratique est représentatif de couches et classes sociales dont il entend défendre les intérêts au pouvoir. On ne peut imposer par la loi que le parti politique soit représentatif des différentes couches et composantes de la Nation sans tomber dans l’arbitraire et les entraves à la liberté d’association. On ne peut, par une loi, vouloir renforcer l’envergure populaire et nationale des partis. Ce serait là une loi de l’arbitraire, une volonté fasciste.

Tout cet acharnement vise à museler les travailleurs, la jeunesse et les peuples pour que règnent et fleurissent les vols scandaleux, le pillage et les bradages des ressources nationales. C’est pour que cessent même les protestations comme celles contre la braderie de Bénin-Télécoms au groupe français Vivendi via Maroc-Télécom ou du Port à Bolloré. Ces protestations contre les conditions de vie et de travail, ces rejets du pillage effréné et des braderies sans limite des ressources nationales, c’est cela que Boni YAYI appelle « blocages des actions de développement » et contre lesquelles il veut des « « dispositions spécifiques » dans une constitution à réviser au cours des premiers douze mois de son second mandat.

Au total Boni YAYI veut légaliser la dictature et la tyrannie. C’est cela le contenu de la Refondation de la République qu’il nous promet. Boni YAYI tourne le dos ainsi aux aspirations d’émancipation des travailleurs et des peuples. Il s’oppose frontalement à leurs aspirations à la démocratie, au pouvoir des travailleurs et des peuples, seul capable de restaurer les valeurs positives de nos cultures, de lutter efficacement contre la corruption, l’arbitraire, la confiscation et l’exercice personnel du pouvoir, le pillage et le bradage des ressources nationales ; seul pouvoir de permettre l’émancipation et le développement du pays.

Boni YAYI montre clairement, avec sa refondation, ses desseins de tyran et de dictateur fasciste. Il doit être chassé du pouvoir. Si par la fraude savamment organisée, il se maintenait avec les élections prochaines, les travailleurs et les peuples sauront retrouver la voie de 1989 que le peuple tunisien vient de restaurer de manière magistrale.

http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/benin/article/benin-boni-yayi-promet-la

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