AB InBev Belgique: «Nous avons gagné une bataille, mais pas encore la guerre»
Par Denis Horman le Samedi, 23 Janvier 2010 PDF Imprimer Envoyer

Le 7 janvier dernier, la multinationale AB InBev annonçait sa décision de supprimer 300 postes de travail sur les sites brassicoles en Belgique (à Leuven, Jupille, Hoegaarden, dans des dépôts locaux) et, en tout, quelque 800 postes, au niveau européen. Après quinze jours de blocage, par les travailleurs, des entrées et sorties de camions sur les trois sites, la direction d’InBev a finalement accepté l’arrêt de la procédure, dans le cadre de la loi Renault, tirant ainsi un trait –momentanément peut-être- sur son intention de supprimer ces 300 emplois.

Le vendredi 22 janvier, les travailleurs (ouvriers et employés/cadres des sites d’AB InBev Belgique) acceptaient le préaccord conclu la veille en commission paritaire et levaient le blocage des brasseries.

«Un genou à terre»

Dès l’annonce des licenciements et du plan de restructuration, les travailleurs de AB InBev Belgique (ouvriers, employés et cades, tous visés) et leurs organisations syndicales ont tracé le fil rouge de leur combat: non aux licenciements, non au plan de restructuration sur le dos des travailleurs. Une position justifiée, renforçant l’unité syndicale inter siège, bien perçue dans la population et créant le malaise dans la «classe» politique.

La multinationale AB InBev se porte en effet très bien: des bénéfices substantiels, de plantureux dividendes versés aux gros actionnaires, des salaires et bonus indécents pour les membres de la direction. Et par dessus le marché, de gros cadeaux de nos gouvernements (de la collectivité en somme): réduction drastique d’impôts via le mécanisme des intérêts notionnels (un taux d’imposition de 2,38% !), des réductions de cotisations patronales à la sécurité sociale…Et cela, pas pour l’emploi, mais pour licencier et faire encore plus de profit!

La stratégie mise en place par les travailleurs et leurs organisations syndicales a porté là où ça fait mal à la multinationale brassicole. Sur les sites de Jupille, Leuven et Hoegaarden, des militants syndicaux ont bloqué, jour et nuit, les entrées et les sorties de camions de bière. Pendant ce temps, les travailleurs ont continué à travailler au ralenti et à être payés par la direction. Les travailleurs de plusieurs dépôts, à Liège, à Jumet, à Bruxelles…ont sensibilisé la population. Sur plusieurs sites européens, au Luxembourg, aux Pays-bas, en Allemagne, les travailleurs ont refusé d’augmenter la production, en solidarité avec leurs collègues belges.

A Jupille et Leuven, la direction a demandé une assignation en justice pour lever le blocage des camions. Elle été déboutée devant les tribunaux liégeois. A Leuven, contestant l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, le bourgmestre, L. Tobback, a déposé une procédure en tierce opposition.

Le 21 janvier, lors d’une deuxième réunion de conciliation, la direction de la S.A. InBev Belgium acceptait l’arrêt de la procédure Renault et des licenciements collectifs. En outre, elle s’engageait à payer les salaires des 20 et 21 janvier – ce qu’elle avait refusé dans un premier temps.

«On remet les compteurs à zéro», a déclaré Marc Sparmont, permanent SETCa. «On a réussi à ce que cette multinationale mette un genou à terre», a ajouté Denis Gobert, permanent CNE Industrie.

Vigilance et détermination

Lors des assemblées des travailleurs, ouvriers et employés/cadres, qui se sont tenues à Jupille, le vendredi 22 janvier et qui ont décidé de lever les blocages des camions, c’est à la fois la méfiance, la vigilance et la détermination qui se sont manifestées.

«On remet les compteurs à zéro, mais ça ne veut pas dire pour autant que le plan de restructuration de la direction est retiré». En effet, les conclusions du bureau de conciliation du 21 janvier sont claires: le plan industriel concernant l’avenir d’InBev Belgique et touchant tous les sites et départements doit, sans attendre, faire l’objet «d’un dialogue social constructif, avec des solutions aux problèmes posés», ainsi que le souligne l’accord .

«On va repartir d’une feuille blanche, mais celle de la direction est déjà bien remplie». Et la crainte est là. «La direction va tirer les leçons de sa stratégie: ne plus attaquer en bloc, comme elle vient de le faire, mais secteur par secteur, en essayant de diviser les travailleurs. Alors, aura-t-on encore le beau réflexe de l’unité qu’on vient de vivre au niveau syndical, ouvriers/employés/cadres, FGTB-CSC, Wallonie-Flandre…».

Plusieurs délégués et permanent syndicaux, tout en mettant l’accent sur une «victoire symboliquement forte», se sont bien gardés de tomber dans le triomphalisme. «Ne soyons pas naïfs, ils vont revenir avec quelque chose plus tard. Il faudra être vigilent».

Et de prendre l’engagement de remobiliser l’ensemble des travailleurs, ouvriers et employés, si la direction cherche à licencier et délocaliser par petits paquets. «Si demain, la direction touche à un seul travailleur, ouvrier ou employé, alors c’est la solidarité qui doit immédiatement jouer»!

Imposer une décision politique

«Vous les politiciens, qu’allez-vous faire sur le plan législatif, pour qu’il n’y ait pas ou plus de licenciements et de restructuration sur notre dos, dans les entreprises qui font des bénéfices et qui, de surcroît, reçoivent des cadeaux fiscaux, subsides, aides publiques, soit disant pour créer de l’emploi»? C’est la question qui est revenue en force dans ce conflit chez AB InBev, multinationale qui se porte très bien.

Le Parti socialiste a dénoncé le «cynisme économique et social de la direction d’InBev, alors qu’elle continue à profiter du système de la déductibilité des intérêts notionnels». Mais le PS, comme d’autres partis, n’a-t-il pas voté ce cadeau aux entreprises?

La ministre de l’Emploi, Joëlle Milquet y a été également de son couplet, précisant qu’elle «allait mettre sur pied un groupe de travail au niveau européen afin de mettre un terme aux suppressions d’emploi de sociétés bénéficiaires». Comme si une telle mesure législative ne pouvait pas se prendre au niveau belge!

Nous l’avons dit, dans un tact distribué en solidarité avec les travailleurs de AB InBev: «le minimum, c’est d’exiger que le gouvernement, qui a donné des cadeaux à InBev avec l’argent de la collectivité, impose à la multinationale le retrait du plan de licenciements et de restructuration, sous peine de rembourser toutes les aides perçues jusqu’à aujourd’hui».

La LCR mène une campagne nationale pour l’interdiction de tout licenciement et pas seulement dans les entreprises qui font de plantureux bénéfices. Nous proposons la création d’un fonds public financé par l’ensemble du patronat, alimenté surtout par les profits des grandes entreprises, pour garantir l’emploi dans celles qui sont en réelle difficulté. Sous contrôle des travailleurs et leurs organisations syndicales.

A l’assemblée des travailleurs de Jupille, Marc Sparmont, permanent SETCa, a mit l’accent sur la solidarité avec les travailleurs de chez Opel à Anvers, en lançant la proposition d’une grande manifestation interprofessionnelle à Bruxelles pour l’emploi, contre les licenciements.

Une proposition qui est déjà en voie d’être concrétisée!

 


 

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