Marxisme, énergie et régulation humaine des cycles naturels: une mise à plat indispensable
Par Daniel Tanuro le Dimanche, 13 Avril 2008 PDF Imprimer Envoyer

Le défi climatique ne peut être relevé sans révolution énergétique. Le marxisme peut-il aider à la concevoir ? La réponse est contradictoire. A l’actif : la théorie marxiste de la rente foncière et le concept de régulation rationnelle des échanges de matières entre l’Humanité et la nature. Au passif : Marx n’a pas vu que le remplacement du bois par le charbon signifiait le passage d’une énergie de flux (renouvelable) à une énergie de stock (épuisable), dont l’utilisation est insoutenable à long terme. Du fait de cette erreur, la question énergétique constitue un cheval de Troie dans « l’écologie de Marx ». Une mise à plat est indispensable si les marxistes veulent s’insérer de plain pied dans la lutte pour le climat.

Un acquis sous-estimé: la théorie de la rente capitaliste

Marx et Engels ont appréhendé la lente décomposition du féodalisme comme un mouvement d’appropriation des ressources naturelles par les classes dominantes, séparant le producteur de ses moyens de production. Cette grille de lecture les a notamment conduits à élaborer une théorie de la rente foncière capitaliste dont on ne souligne pas assez qu’elle est basée sur un constat « écologiquement correct » : le caractère fini du stock de sol disponible, la limite des ressources naturelles [3]. Selon cette théorie, la propriété privée d’une ressource – terre arable, minerai, force motrice de l’eau,… - permet aux propriétaires fonciers de détourner une partie de la plus-value globale, donc de réaliser un surprofit et de le pérenniser sous forme de rente.

Au plus le capital investi dans l’exploitation de la ressource augmente, au plus la rente (différentielle) est importante. Tel est un des mécanismes mis en évidence par Marx. Cette analyse permet de saisir le caractère de plus en plus intensif de l’agriculture capitaliste (et de l’exploitation minière). En l’appliquant au secteur pétrolier, Mohsen Massarrat est arrivé à la conclusion que la rente, dans ce cas, ne se définirait pas par rapport au plus mauvais gisement d’or noir mais par rapport au gisement de charbon le moins productif - ce qui expliquerait l’ampleur fantastique du surprofit [4]. Quoi qu’il en soit, la théorie de la rente éclaire les contradictions particulières du capitalisme face au changement climatique. A elle seule, la rente pétrolière peut être estimée à quelques 1300 milliards d’Euros par an [5].

On comprend que les heureux bénéficiaires de ce magot tentent de brûler des combustibles fossiles le plus longtemps possible. On comprend aussi qu’ils pèsent sur les choix relatifs aux énergies renouvelables à exploiter, et à la manière de les utiliser, dans le but de sauver leur surprofit. On comprend enfin que le capital dans son ensemble ne puisse se permettre de mettre les super-profiteurs pétroliers au pas : la rente qu’ils perçoivent circule, est investie, redistribuée. Sa suppression pure et simple entraînerait la chute du taux de profit moyen. Il en découle notamment que les possibilités de profit dans les énergies renouvelables, où la rente est plus difficile à garantir, ne garantissent absolument pas la transition douce vers un « capitalisme vert ».

Un acquis oublié: le concept de « régulation rationnelle du métabolisme social »

Ce constat d’actualité et de pertinence s’impose de façon plus nette encore lorsqu’on examine le concept marxien de régulation rationnelle des échanges de matières (ou « métabolisme social ») entre l’Humanité et la nature. Grâce aux travaux de Liebig, Marx a compris que l’urbanisation capitaliste rompt le cycle des nutriments : fumier humain et déchets végétaux ne retournent pas au sol qui les a produits, celui-ci s’appauvrit en éléments minéraux, la perte de fertilité est irréparable à l’échelle humaine des temps. Fidèle à sa méthode scientifique, l’auteur du Capital généralise cette problématique au plus haut niveau et pose la question globale des ’échanges de matières’ entre le genre humain et l’environnement. Le travail étant un impératif inaliénable, caractéristique de notre espèce, il en déduit que ’la seule liberté possible’ réside dans ’la gestion rationnelle’ des échanges matériels entre Homo sapiens et son milieu [6]. Armé de ce concept, il revient alors au problème particulier des sols pour conclure à la nécessaire abolition de la séparation entre ville et campagne, voire entre la production et la consommation de produits agricoles à l’échelle mondiale [7].

Cette conceptualisation est immédiatement pertinente dans l’analyse du changement climatique. L’examen du cycle du carbone (cf. schéma [– non reproduit ici]), révèle en effet que les échanges entre la biosphère/l’hydrosphère et l’atmosphère sont pratiquement en équilibre (le déséquilibre dû à déforestation est compensé par l’augmentation de l’absorption photosynthétique et par une plus grande dilution du CO2 dans les océans). C’est clairement l’exploitation des combustibles fossiles qui détraque le système : leur combustion court-circuite pour ainsi dire la boucle longue du cycle du carbone, qui passe par la lithosphère et s’étale sur des centaines de millions d’années. La moitié environ du carbone envoyé annuellement dans l’atmosphère ne peut pas être absorbée et s’accumule. Nous sommes typiquement dans un scénario de « gestion irrationnelle des échanges de matières ».

Une « écologie de Marx » ?

Selon nous, il y a bien plus que des intuitions écologiques chez Marx. Faut-il dès lors emboîter le pas à John Bellamy Foster et Paul Burkett quand ils affirment l’existence d’une « écologie de Marx », voire que « l’écologie est au cœur du marxisme » [8] ? On tempérera le propos. Il est indiscutable que l’auteur du Capital, à partir d’« une simple question de fumier » [9], déplie une série de conclusions qui confèrent une profondeur écologique insoupçonnée à son analyse.

C’est un fait aussi que la critique radicale de la production marchande est indispensable pour appréhender la crise environnementale en tant que crise du lien humanité/nature, donc en tant que crise sociale. Enfin, on sera d’accord avec Foster et Burkett pour dire que l’alternative qui découle de cette critique - la production démocratiquement organisée de valeurs d’usage et la reconquête du temps libre - est fondamentalement aux antipodes du productivisme, du gigantisme industriel et d’une conception linéaire du progrès. Inutile, cependant, de forcer le trait : la vision globale de la dimension écologique de la transformation socialiste n’apparaît chez Marx que de façon fugitive et excentrée. De plus, comme nous allons le montrer, elle est rendue largement inopérationnelle par une erreur dans le domaine énergétique.

Une erreur importante aux conséquences majeures

Dans l’analyse de la Révolution industrielle, Marx et Engels n’ont tout simplement pas saisi l’énorme portée écologique du passage d’un combustible renouvelable, produit de la conversion photosynthétique du flux solaire – le bois, à un combustible de stock, produit de la fossilisation du flux solaire et par conséquent épuisable à l’échelle historique des temps - le charbon. Nous reviendrons dans un instant sur les conséquences écologiques de cette erreur mais, auparavant, nous voulons attirer l’attention sur quatre implications pour l’analyse marxienne du capitalisme :

1°) Un défaut dans le bouclage de l’analyse du système. Marx est, par excellence, un penseur de la globalité. Or, dans ce cas précis, un aspect déterminant lui échappe : il distingue dans la Révolution industrielle la continuité du processus social d’appropriation des ressources (entamé quelques siècles plus tôt avec le bois) mais passe à côté d’un facteur de discontinuité majeur : la transition du bois à la houille comme ressource énergétique. Du coup, alors qu’il a parfaitement saisi que la tendance du capital à croître sans limite épuise en général ’les deux seules sources de toute richesse -la terre et le travailleur’ il n’aperçoit pas l’incompatibilité entre cette dynamique du capital et la base énergétique sur laquelle elle se développe - le stock limité de combustibles fossiles. Il y a ici un véritable ’défaut de globalité’.

2°) Une incohérence par rapport à l’outil conceptuel du ’métabolisme social’. Du point de vue de l’échange de matières, la question des sols et celle des ressources énergétiques sont tout à fait analogues. Dans les deux cas le problème relève de la différence entre le rythme d’exploitation de la ressource et sa vitesse de reconstitution naturelle, donc de la gestion rationnelle des cycles, donc de la place de l’humanité dans ceux-ci, c’est-à-dire du fameux ’métabolisme social’ [10]. Ici, Marx est passé ‘à côté de la montre en or’ écologique: s’il avait eu conscience de la différence qualitative entre énergie de flux et de stock, son propre concept l’aurait amené à entrevoir l’impasse énergétique dans laquelle le capitalisme entraîne l’humanité et à en déduire la nécessité à terme d’un arrêt quasi-complet de l’exploitation des énergies fossiles. Mais il ne l’a pas fait et, sur ce point clé, son système est en défaut.

3°) Une incompréhension des conditions nécessaires à la régulation des échanges de matières. Reprocher à Marx et Engels de n’avoir pas prévu le changement climatique serait pousser le bouchon trop loin [11]. Par contre, on peut déplorer qu’ils n’aient pas transféré leur réflexion relative aux limites du stock de sol en une réflexion aussi systématique sur les limites du stock de houille. Cette incohérence affecte leur « écologie » : le fait de ne pas avoir saisi le saut qualitatif du bois au charbon les a empêchés de voir que la nécessaire ’gestion rationnelle des échanges de matières’ ne constitue pas une solution « tous terrains ». Elle ne trace une perspective de gestion durable que si, et seulement si, on recourt à une source énergétique renouvelable [12]. En effet, il n’y a pas de régulation rationnelle possible à long terme si l’Humanité utilise des ressources de stock, non seulement limitées mais épuisables, non recyclables et irremplaçables à l’échelle du temps historique.

4°) Une faille dans la critique de la technologie capitaliste. Il est absurde d’imputer à Marx l’idée que les technologies sont neutres, comme le fait Hans Jonas [13]. On peut démontrer aisément que, pour l’auteur du Capital, aucune activité ou réalisation humaine n’est neutre : elles sont toutes historiquement et socialement déterminées [14]. Pourtant, notre analyse suggère qu’il pourrait y avoir malgré tout une part de vérité -involontaire- dans la thèse de Jonas. En effet, la non prise en compte de la différence entre énergies de flux et de stock débouche assez spontanément sur la conclusion que les sources énergétiques sont neutres, même si les technologies ne le sont pas. Ce point nous fait toucher du doigt l’ampleur de l’erreur de Marx du point de vue de l’écologie.

Un cheval de Troie dans « l’écologie de Marx »

Sur le plan technique, une chaudière à bois ne diffère pas qualitativement d’une chaudière à charbon et la machine à vapeur mise en mouvement est la même dans les deux cas. Sur le plan de l’organisation socio-économique, une filière biomasse implique des convertisseurs plus petits et dispersés - ce qui, vu avec nos lunettes écologiques actuelles, peut sembler plus propice à une gestion démocratique. Mais la biomasse aurait été incapable de fournir la vapeur nécessaire à la Révolution industrielle. Par ailleurs, loin de favoriser la démocratie de base, la filière bois capitaliste impliquait la surexploitation des travailleurs dispersés, tandis que la concentration de l’industrie charbonnière facilitait la lutte du prolétariat [15]. Tel semble être le faisceau de considérations qui amena les fondateurs du marxisme à estimer que les sources énergétiques étaient techniquement neutres - ou, plus probablement, à ne pas se poser de questions à ce sujet.

Quoi qu’il en soit, à l’époque de Marx, la problématique de la (non) neutralité des sources n’apparaissait pas. Elle est s’est révélée au fil du développement technologique. Aujourd’hui, elle est incontournable : si on compare une filière thermique classique (à bois ou à combustible fossile) à la filière nucléaire, on constate immédiatement que les sources différentes impliquent des technologies différentes. Autrement dit, le marxiste qui aura accepté l’hypothèse de la neutralité des sources énergétiques se retrouvera piégé, parce qu’en contradiction avec une prémisse du matérialisme historique – le caractère historiquement et socialement déterminé de la technologie.

« D’une égratignure au danger de gangrène » [16] : utilisée dans un tout autre contexte, cette formule de Trotsky s’applique bien ici. L’erreur initiale paraît peu importante, mais la centralité de la question – l’énergie- explique l’ampleur des conséquences possibles. La question énergétique constitue dans « l’écologie de Marx » un véritable cheval de Troie. Les erreurs qui peuvent en sortir se situent à trois niveaux :

a) la non prise en compte de la différence qualitative entre énergie de flux et énergie de stock peut faire germer l’idée de la neutralité des sources énergétiques ;

b) la neutralité des sources énergétiques peut suggérer l’idée que le choix entre filières serait tranché une fois pour toutes - y compris dans la société post-capitaliste - par le constat que la centralisation de la production crée les conditions les plus favorables à la lutte des travailleurs ;

c) dans la mesure où des systèmes énergétiques différents impliquent des technologies différentes, l’idée de neutralité des sources et des filières peut conduire à faire rentrer par la fenêtre du marxisme l’idée de ’neutralité technologique’ que Marx a fait sortir par la porte.

Deux schémas, deux logiques antagoniques

On peut présenter les choses d’une autre manière, en disant que l’amalgame énergie de flux/énergie de stock dessine une zone d’ombre, un écran qui cloisonne la pensée et permet la coexistence chez Marx de deux schémas :

- à partir de la problématique des sols, il pose les fondements d’une authentique pensée socio-écologique, bâtie autour de la notion de régulation des échanges de matières, donc de la gestion rationnelle des cycles naturels modifiés par l’impact humain. On est ici dans un schéma cyclique évolutif : l’humanité transforme la nature en assumant dans la mesure du possible le bouclage des échanges économie-nature ;

- cette approche méthodologique n’est pas transposée sur le terrain de l’énergie. Ici, du fait qu’il ne saisit pas la différence capitale entre énergie de flux et énergie de stock, Marx débouche de facto sur un schéma linéaire : ressource -> utilisation -> déchet (CO2). Il n’y a pas de maîtrise de l’impact parce que les conditions de bouclage du cycle du carbone ne sont pas prises en compte.

Il est clair que ces deux schémas obéissent à des logiques totalement différentes. Le premier penche en direction d’une intervention prudente dans les mécanismes naturels (« la gestion de la terre en bon père de famille »), le second peut basculer dans le productivisme (« la croissance illimitée des forces productives » grâce à la « suppression des entraves capitalistes au développement »).

Entre ces deux logiques il y a plus qu’une contradiction. Au sens dialectique, une contradiction se résout en un dépassement/synthèse/abolition (aufhebung) des deux termes polarisés [17]. Or, il n’y a pas de aufhebung possible de deux dynamiques aussi opposées que la gestion rationnelle des cycles et la croissance illimitée des forces productives. Elles ne sont pas contradictoires mais antagoniques. Pour que le système soit cohérent, l’une des deux doit être abandonnée au profit de l’autre.

Après Marx

On objectera que cet antagonisme est loin d’expliquer toutes les difficultés des marxistes (ou de ceux qui se disent marxistes) avec la question écologique. C’est évident. A cet égard, il serait mal venu de chercher à imputer à Marx la politique énergétique des régimes staliniens. L’objectif de attraper et dépasser la croissance capitaliste par tous les moyens, y compris les technologies énergétiques les plus sales et les plus dangereuses, ne découle pas de l’erreur de Marx mais de l’existence d’une couche parasitaire privilégiée, qui avait choisi de coexister avec le capitalisme (« socialisme dans un seul pays ») et qui, à force de singer le productivisme de celui-ci, a fini par s’y dissoudre. Il est vrai qu’une économie basée sur la gestion prudente du métabolisme social avec la nature n’est pas réalisable dans un seul pays, mais il semble néanmoins que d’autres choix étaient possibles en Russie, en tout cas au-delà d’une phase initiale de décollage. [18]

Mais il serait tout aussi erroné de prétendre que l’erreur de Marx n’est pour rien dans le « rendez-vous raté » entre les marxistes et l’écologie. Nous pensons au contraire qu’elle a joué un rôle très néfaste, parce qu’elle a eu pour résultat pratique d’escamoter l’audacieuse réflexion sur le bouclage socio-économique des échanges de matières entre humanité et nature. Il est clair que cette question du bouclage est au coeur des problèmes environnementaux qui se posent avec une acuité croissante depuis 1945. Pourtant, à notre connaissance, aucun courant marxiste organisé n’a tenté de relever le défi écologique en s’appuyant sur le schéma cyclique évolutif de Marx [19]. Dans le meilleur des cas, une forme imprécise de schéma linéaire s’était installée comme un non-dit dominant, d’autant plus gênant que ce schéma est aussi celui des économistes classiques.

L’analyse exhaustive des raisons précises qui ont amené la disparition du schéma cyclique évolutif dépasse le cadre de cette contribution. On avancera toutefois trois éléments :

- la centralité objective de la question énergétique. On peut penser que ce fait brut a favorisé le schéma linéaire, qui était de facto celui de Marx en cette matière ;

- le contexte historique : la révolution socialiste a triomphé en Russie, pays arriéré dont la reconstruction et le décollage après la guerre et la guerre civile ne pouvaient raisonnablement se faire qu’en recourant à des combustibles fossiles. Ce contexte a imprégné aussi la lutte de l’opposition antistalinienne ;

- l’effacement relatif de la question des sols : dès la fin du 19e siècle, en inventant les engrais de synthèse, le capitalisme avait apporté une solution de son cru à la rupture du cycle des nutriments, fondement de la réflexion de Marx sur la gestion des cycles. Le concept de métabolisme social aurait pu servir à aborder d’autres problèmes de gestion des ressources (notamment énergétiques), mais aucun successeur de Marx ne l’a pas fait, pour une série de raisons qu’il serait intéressant d’étudier. En fin de compte, le concept lui-même même a sombré dans l’oubli, laissant les marxistes, tous courants confondus, désarmés face à l’irruption de la question environnementale [20].

Dépasser le débat du verre à moitié plein ou à moitié vide

Notre analyse n’est pas sans conséquences sur le débat entre marxistes à propos des rapports entre marxisme et écologie. Jusqu’à présent, ce débat n’a identifié ni l’antagonisme dans la pensée de Marx ni la source de cet antagonisme. Certains auteurs mettent l’accent sur le productivisme de Marx, d’autres sur ses anticipations écologiques : c’est la vieille histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Cette approche à coups de citations est sans issue car le problème ne réside pas tant dans ce que Marx a dit que dans ce qu’il n’a pas dit, pour la simple raison qu’il ne l’a pas vu.

L’écologisation du marxisme ne passe pas par la simple redécouverte de ’l’écologie de Marx’ à laquelle Foster et Burkett nous invitent avec talent. Elle ne passe pas non plus par l’analyse de la soi-disant « deuxième contradiction » capital-nature qui s’ajouterait, selon James O’Connor, à la contradiction capital-travail [21]. Enfin, l’erreur de Marx traversant toute son oeuvre, et pas seulement certains textes, il ne saurait suffire de faire le tri entre les écrits « écologiquement corrects » et les autres. Une démarche plus fondamentale est nécessaire : il faut sortir au grand jour le cheval de Troie - l’amalgame entre énergie de flux et énergie de stock, entre ressource renouvelable et ressource épuisable à l’échelle humaine des temps. Cette mise à plat est indispensable pour que les marxistes puissent se mettre au travail à partir de ce que Marx a produit de meilleur en termes d’écologie : le schéma de la gestion rationnelle des cycles naturels évoluant sous l’impact de l’activité humaine.

Une critique énergétique du capitalisme

Sortir le cheval de Troie nécessite d’éliminer la zone d’ombre qui en dissimulait l’existence. Il faut donc examiner le capitalisme du point de vue de la conversion énergétique. Ce point de vue ne suffit pas à régler la question de l’usage des ressources finies, mais il permet d’acquérir une vision globale sur les échanges de matières dus à l’activité humaine, puisque ceux-ci impliquent des conversions d’énergie.

Il ne s’agit pas de réinventer l’eau chaude : le travail a déjà été réalisé par d’autres. On peut notamment s’inspirer de l’ouvrage pionnier de Barry Commoner (« The Poverty of Power ») ainsi que celui de JP Deléage, JC Debeir et D. Hemery (« Les servitudes de la puissance »), qui introduisent le concept de « système énergétique » [22]. La lecture de Nicholas Georgescu-Roegen n’est pas non plus sans intérêt, car cet auteur explore assez loin les conséquences d’une analyse différenciée des flux et des stocks d’énergie et de matière. Mais il se perd dans une démarche eschatologique qui escamote les relations sociales et prend quelques libertés avec la physique [23].

Le système énergétique d’une société peut se définir simplement comme son mode de production examiné du point de vue énergétique. Si on considère le capitalisme du point de vue de l’énergie, ce que Marx n’a pas fait, il semble qu’on puisse identifier les caractéristiques suivantes :

1. l’appropriation des sources, des convertisseurs ainsi que des vecteurs, donc leur transformation en marchandises (y compris la marchandisation de l’énergie humaine mise à disposition de l’employeur par le convertisseur humain) [24] ;

2. l’utilisation prépondérante des combustibles fossiles générateurs de rente ;

3. la centralisation/concentration de la propriété des sources ainsi que des convertisseurs, comme aspect particulier et moteur de la centralisation/concentration du capital ;

4. la mondialisation de l’approvisionnement (aspect particulier et moteur de la mondialisation du capital) ;

5. le développement de l’armée bourgeoise au service des besoins spécifiques de défense de la propriété des sources et de la sécurité de l’approvisionnement ;

6. la formation de réseaux de distribution de plus en plus interconnectés, impliquant une intégration socio-économique et géographique croissante ;

7. la constitution autour des sources fossiles, principalement du pétrole, d’un puissant complexe énergético-industriel regroupant l’automobile, l’aéronautique, la construction navale ainsi que la pétrochimie ; l’intégration croissante de l’agrobusiness à ce complexe ;

8. la tendance, inhérente à la logique d’accumulation, à augmenter sans cesse l’offre, ce qui se traduit dans le domaine énergétique notamment par le recours à la technologie nucléaire, dont le développement va de pair avec celui de la force militaire du capital.

L’intérêt de ce ‘point de vue’ est de mettre en relief simultanbément les conséquences écologiques et le manque d’efficience structurel du système énergétique capitaliste (SEC). Passons brièvement en revue ces deux dimensions.

L’impact écologique du système énergétique capitaliste

L’impact écologique ne demande pas de longs développements. En un temps record, le SEC aura vraisemblablement détruit à tout jamais l’énorme stock de combustibles fossiles que la nature a mis plus de 200 millions d’années à constituer. N’en déplaise à Garrett Hardin et à sa théorie de la « tragédie des communs », aucune société dans l’Histoire n’aura jamais anéanti une telle masse de richesses [25]. Cette triste performance est à la base du changement climatique, et elle découle de la propriété privée sur les ressources.

Le GIEC définit le changement climatique comme « anthropique », mais il serait plus correct de le caractériser comme « capitaliste ». En effet, le rôle central des sources énergétiques fossiles n’est pas le résultat inévitable de l’activité humaine en général, ou du progrès des sciences et des techniques en général. Il est le résultat de l’activité capitaliste et de la manière dont sciences et techniques sont soumises au capital. Au-delà de la phase initiale de décollage économique, il y eut des carrefours et des choix. L’effet photovoltaïque, par exemple, fut découvert par Edmond Becquerel en 1839 mais il fallut attendre les expéditions spatiales de la NASA pour qu’on se penchât sur ses possibles applications pratiques. Dans le domaine du solaire thermique, des dispositifs parfaitement opérationnels étaient mis en oeuvre à la fin du 19e et au début du 20e siècle, mais ils furent abandonnés au profit du charbon ou du pétrole [26]. La course au profit a façonné le système énergétique capitaliste de la même manière qu’elle a tracé les traits du machinisme.

Il faut noter que les différences de coûts de production ne suffisent pas à expliquer les orientations prises. Le cas du solaire thermique est frappant, car les technologies sont ici extrêmement simples et peu coûteuses. Le non-développement historique de cette filière dans les régions où les conditions naturelles la rendent particulièrement adéquate ne peut être expliqué qu’en prenant en compte la structure globale du capitalisme : la concentration du capital dans le secteur des énergies fossiles générateurs de rente, les priorités des grands groupes en faveur de la production de courant pour un réseau centralisé, la volonté d’imposer aux colonies les technologies développées dans les métropoles,...

La comparaison entre les renouvelables et le nucléaire fournit un autre exemple du même phénomène. En effet, la filière nucléaire n’est pas non plus compétitive par rapport aux combustibles fossiles. Pourtant, elle bénéficie d’énormes crédits publics de recherche ainsi que d’investissements publics, tandis que les renouvelables sont à la portion congrue. Cette différence s’explique non seulement par l’importance militaire de l’atome, mais aussi parce que le nucléaire est plus propice que le solaire au maintien d’un système énergétique centralisé. De plus, en dépit de sa piètre efficience énergétique [27], il cadre bien avec la pensée technocratique qui accompagne le fantasme d’une croissance continuelle de l’offre et de la consommation de marchandises [28]. C’est ainsi que, 35 ans après le premier choc pétrolier, les budgets alloués à la R&D dans le domaine de l’énergie par les pays membres de l’AIE continuent d’arroser essentiellement des laboratoires travaillant sur la fusion, la fission et la meilleure exploitation des combustibles fossiles [29].

Une inefficacité structurelle

L’impact écologique spécifique du SEC est accru du fait de sa très grande inefficacité. Ce point n’est guère mis en lumière par les médias et les gouvernements, qui préfèrent culpabiliser les citoyens pour leurs comportements individuels. Or le gaspillage des ressources est inscrit dans la structure du SEC. L’industrie des transports constitue un cas tellement évident qu’il ne nécessite pas ici de commentaires particuliers. Un autre exemple est fourni par la production d’électricité : d’un point de vue global, il est complètement irrationnel que des combustibles fossiles soient transportés sur des milliers de kilomètres pour produire du courant qui sera transporté sur des centaines de kilomètres et dont les deux tiers, après transport, serviront à chauffer de l’eau sanitaire à 50° ou 60° [30]… Pour un tel usage, il serait beaucoup plus rationnel de recourir à l’énergie solaire sous ses différentes formes.

Une manifestation frappante de l’inefficacité du SEC est que, dans la grande majorité des cas, la chaleur dégagée dans les centrales électriques n’est pas récupérée. La technique de la cogénération, ou production combinée de chaleur et d’électricité, est parfaitement connue et son principe est simplissime : au lieu d’être dissipée dans l’atmosphère, la chaleur dégagée est employée pour le chauffage urbain ou pour des industries consommatrices de chaleur modérée, ce qui implique une décentralisation de la production de courant. Le système permet une économie de combustible de 30 à 40% par rapport à la production séparée, donc une réduction correspondante des émissions de CO2.

La cogénération, en soi, n’est évidemment pas anticapitaliste, mais les raisons qui ont conduit à sa sous-utilisation sont directement liées à la nature capitaliste du système énergétique, à savoir : 1°) l’hostilité des producteurs d’électricité par rapport à la décentralisation, 2°) le manque de vision intégrée sur l’aménagement urbain (il faut construire des réseaux de chaleur) et 3°) dans le cas de la grande cogénération, l’absence de coordination à long terme entre le secteur de l’énergie et les industries utilisatrices de chaleur [31].

Cinq pistes pour avancer sur la voie d’une alternative

Face au changement climatique, la mise à plat de l’erreur de Marx et la critique du SEC devraient aider les marxistes à combler leur retard en élaborant des réponses à partir des considérations suivantes :

1. La question énergétique est centrale. La hausse de l’effet de serre est due principalement à la combustion des combustibles fossiles. Outre l’adaptation aux effets du changement climatique (un autre volet décisif, mais qui n’est pas abordé ici), c’est sur le terrain énergétique qu’il s’agit en priorité d’avancer des réponses. Les autres terrains envisageables ne devraient être pris en compte qu’avec de circonspection, à titre de mesures transitoires subordonnées à un plan structurel d’ensemble, et en prenant chaque fois la mesure de leurs implications sociales :

- la réduction des émissions de méthane des rizières ou de l’élevage, qui contribuent à alimenter la population, ne peut pas être mise sur le même pied que la réduction des émissions de carbone fossile du transport par camions ;

- la séquestration biologique du carbone ne constitue au mieux, en théorie, qu’un moyen de gagner un peu de temps. Ce répit peut être prolongé un petit peu par une utilisation durable du bois comme matériau. En pratique cependant, les projets de puits forestiers ont surtout pour but de produire des crédits d’émission à bon marché, sur le dos des communautés qui vivent de la forêt ;

- sous certaines conditions, la séquestration géologique semble offrir des possibilités très importantes, mais elle ne peut pas non plus être considérée comme une solution structurelle à long terme.

2. Restabiliser le climat postule une véritable ‘révolution énergétique’ : le SEC centralisé et gaspilleur, basé sur le stock de sources fossiles, doit céder la place à un système décentralisé et économe, basé sur le flux solaire (et la géothermie), sans recours au nucléaire. Les trois axes de cette révolution énergétique peuvent être définis comme suit : lutte contre le gaspillage, augmentation de l’efficience énergétique, développement des renouvelables. En tant qu’indicateur purement quantitatif de la richesse, la valeur est totalement inadéquate pour piloter la mutation qui s’impose, surtout dans les délais très brefs qui sont prescrits par la science du climat. Le pilotage requiert en effet la prise en compte combinée de nombreux indicateurs, non seulement quantitatifs mais aussi et surtout qualitatifs [32]. Par conséquent, ces axes ne sont pas avant tout technologiques mais sociaux. Leur intégration rationnelle ne peut se réaliser que via un plan, articulé depuis le niveau local jusqu’au niveau global.

3. Alors que le temps presse, les mesures indispensables sont différées, freinées et perverties par les contraintes capitalistes de l’accumulation et du profit. La question posée fondamentalement par la révolution énergétique est donc celle de la propriété, en particulier la propriété des ressources énergétiques et du savoir, et à travers elle celle des rapports sociaux en général. L’exploitation capitaliste des combustibles fossiles est liée à la propriété du sol. L’abandon nécessaire à court terme de cette source au profit de la source solaire met en évidence l’absurdité de la propriété capitaliste sur l’énergie (qui peut prétendre être propriétaire du rayonnement solaire, des vents, des courants marins, de la chlorophylle ?). Des raisons similaires mettent en évidence l’absurdité de l’appropriation capitaliste des sciences et de leurs découvertes. La révolution énergétique postule le déploiement d’outils publics, une vaste redistribution des richesses (Nord-Sud, Nord-Nord et Sud-Sud) et la réappropriation de la recherche scientifique par la collectivité.

4. Le levier prioritaire de la révolution énergétique à court terme est la lutte contre le gaspillage et pour l’efficience. Ce levier inclut la suppression de branches de production et d’activités inutiles ou nuisibles, une orientation systématique en faveur de la durabilité et du recyclage, une relocalisation partielle de la production agricole, ainsi que des modifications profondes dans des domaines aussi divers que la production d’électricité, le système de transport, l’organisation de la production (just in time), l’aménagement du territoire, l’urbanisme et les loisirs, notamment. Dans les délais impartis, des changements qui ont de tels impacts sur le mode de vie ne peuvent être introduits avec succès et par des moyens démocratiques que s’ils vont de pair avec la satisfaction des besoins humains fondamentaux ainsi qu’avec une amélioration substantielle de la qualité de vie – donc du temps libre - pour la grande masse de la population. Ce double critère quantitatif et qualitatif est la condition sine qua non pour que l’implication et la responsabilisation nécessaires au sauvetage du climat deviennent des phénomènes culturels de masse.

5. Le développement rationnel et l’utilisation optimale des sources renouvelables forment l’axe fondamental de la révolution énergétique. Le potentiel technique des renouvelables – 10 fois la consommation mondiale actuelle d’énergie - rend possible de relever le défi clé : combiner le sauvetage du climat, la satisfaction des besoins pour toutes et tous et la protection de l’environnement en général. La question de la redistribution des richesses est ici décisive et nécessitera des propositions précises en termes de fonds publics, au niveau national et international. Mais le développement rationnel des renouvelables est lui aussi, fondamentalement, une question sociale, et pas technologique. La ruée sur la production d’agrocarburants pour les transports au détriment de la production alimentaire et d’autres utilisations énergétiques plus rationnelles de la biomasse montre clairement qu’il ne suffit pas qu’une source soit non-fossile pour qu’elle soit acceptable : l’usage social est décisif. La même chose vaut, mutatis mutandis, pour le développement anarchique du marché du photovoltaïque.

Les marxistes sont confrontés à de nouvelles tâches que, jusqu’à présent, ils peinent à prendre à bras-le-corps. Cette situation pèse aussi sur la lutte environnementale, car elle la prive d’un précieux apport militant et intellectuel. Elle n’est pas sans issue. Nous espérons avoir montré que, une fois rectifiée l’erreur de Marx, ‘l’écologie de Marx ‘ réhabilitée par Foster pourra se déployer, non comme vérité révélée mais comme pensée vivante, comme praxis. Le socialisme mondial reste un projet pertinent et nécessaire, mais sa définition doit être élargie et précisée. Il ne peut plus se présenter simplement comme une société basée sur la satisfaction des besoins humains démocratiquement déterminés, même si on y inclut la satisfaction du besoin d’un environnement sain. Il faut préciser que cette satisfaction des besoins ne peut résulter que de la gestion collective rationnelle et prudente du flux solaire et des échanges de matière avec l’environnement. Pour paraphraser Marx : il n’y a pas de liberté possible en-dehors de ce cadre contraignant.

Ce texte dérive d’un article plus long (« Energie de flux ou énergie de stock ? Un cheval de Troie dans l’écologie de Marx » [1], édité sur le site Europe-solidaire.org . Version en castillan sur le site de Viento Sur). Il a servi de base à une contribution au séminaire « Climat » organisé à l’IIRF (Amsterdam) en février dernier [2]. Je remercie les participant(e)s à ce séminaire pour leurs remarques stimulantes, en particulier Laurent Garrouste, Jean-Marie Harribey, Isabelle Stengers et Michaël Löwy, sans oublier Terisa Turner qui m’a fait connaître les travaux de Mohsen Massarrat.

[1] Voir Energie de flux ou énergies de stock ? — Un cheval de Troie dans l’écologie de Marx

[2] Voir : Séminaire international sur le changement climatique

[3] Sur l’importance de la notion de limite naturelle dans la théorie marxiste de la rente, lire Daniel TANURO, « Marx, Mandel et les limites naturelles » in Contretemps n°20, oct. 2007. Voir sur le site d’ESSF une première version de cette contribution : Marx, Mandel et les limites naturelles

[4] Mohsen MASSARRAT “The Energy Crisis : the Struggle to Redistribute Surplus Profit”, in Oil and Class Struggle, Peter NORE (ed) and Terisa TURNER (ed), Zed Press, London,1980.

[5] Selon Jean-Marie CHEVALIER (« Les grandes batailles de l’énergie », Gallimard, Paris, 2004), la vente des produits issus des hydrocarbures représente un chiffre d’affaires de 2000 milliards d’€/an environ. Les coûts se montent à 500 milliards d’€/an. En tenant compte d’un taux de profit moyen de 15%, on peut déduire que le surprofit se monte à quelques 1325 milliards d’€, répartis entre pays producteurs, compagnies pétrolières et Etats consommateurs (par le biais des taxes)

[6] Marx, Le Capital, Ed.du Progrès, Moscou, 1984, t.III,p. 855.

[7] Marx cite explicitement le commerce mondial des produits agricoles, notamment des fibres textiles, comme une des causes de l’appauvrissement des sols dû au capitalisme. Il n’en tire pas la conclusion d’une nécessaire relocalisation de la production agricole, mais celle-ci peut être considérée comme cohérente avec sa dénonciation de la séparation ville/campagne

[8] John Bellamy FOSTER, Marx’s Ecology. Materialism and Nature. Monthly review Press, New York, 2000. JB Foster et Paul Burkett : “Ecological Economics and Classical Marxism”, Organization & Environment, Vo 17, N°1, 32-60

[9] Michael LOWY, « Progrès destructif. Marx, Engels et l’écologie », in Capital contre nature, sous la direction de Jean-Marie HARRIBEY et de Michaël LOWY, Presses Universitaires de France, 2003.

[10] La formation du pétrole a pris au moins 300 millions d’années et le stock n’est probablement pas renouvelable, même à l’échelle géologique des temps, du fait de l’évolution des organismes réducteurs vers une plus grande efficacité.

[11] Le rôle du CO2 était connu depuis 1861 (grâce aux travaux de John Tyndall), mais personne n’imaginait que les infimes modifications de la composition atmosphérique dues à la combustion du charbon suffiraient à réduire significativement le rayonnement thermique de la Terre vers l’espace. Cette possibilité ne fut mise en évidence qu’en 1897 par Arrhenius, qui croyait qu’elle aurait des effets positifs

[12] La production de biomasse, énergie solaire convertie en énergie chimique par la photosynthèse, est renouvelable mais forcément limitée par la surface terrestre. Il en va de même pour les autres formes d’énergie solaire.

[13] Hans Jonas, Le Principe responsabilité, Champs Flammarion, 2005.

[14] Parlant du sort de la classe salariée embryonnaire avant la Révolution industrielle, aux 15e-16e siècles, Marx note que « le mode de production technique ne possédant encore aucun caractère spécifiquement capitaliste, la subordination du travail au capital n’était que dans la forme » (LC, I, Chap XXVIII, Garnier Flammarion 1969 p.546). Cette phrase ne laisse absolument aucun doute sur le fait que la technologie de la Révolution industrielle, pour Marx, est propre au capitalisme.

[15] Cette préoccupation est très claire chez Lénine : « Le remplacement de l’industrie forestière par l’industrie houillère a la même signification progressiste que le remplacement de la manufacture par la fabrique » (Le développement du capitalisme en Russie, Oeuvres, Ed. Sociales, t3.)

[16] Léon TROTSKY, « D’une égratignure au danger de gangrène », in En défense du marxisme, 1940.

[17] Bertell Ollman, « La dialectique mise en oeuvre », Syllepse, Paris, 2005.

[18] Cet aspect mériterait une recherche historique approfondie.

[19] Un exemple caractéristique est la critique du rapport Mansholt par Ernest Mandel : dans ce texte, Mandel n’évoque que vaguement la rupture capitaliste du « métabolisme social » entre l’humanité et la nature. Ernest MANDEL, La dialectique de la croissance. A propos du rapport Mansholt, in Mai (revue), Bruxelles, nov-déc. 1972.

[20] Le fait que tous les courants marxistes ont raté le rendez-vous avec la question écologique contredit la thèse de JB Foster (op.cit.) qui impute la perte de continuité avec « l’écologie de Marx » avec au « marxisme occidental ». Pour une critique de Foster sur ce point, lire Daniel Tanuro, « Energie de flux ou énergie de stock ? Un cheval de Troie dans l’écologie de Marx » (en ligne sur www. europe-solidaire.org) Voir : Energie de flux ou énergies de stock ? — Un cheval de Troie dans l’écologie de Marx

[21] James O’CONNOR, « La seconde contradiction du capitalisme. Causes et conséquences », in « Capital contre Nature », HARRIBEY et LÖWY (ed.), Presses Universitaires de France, 2003.

[22] Jean-Claude DEBEIR, Jean-Paul DELEAGE et Daniel HEMERY, « Les servitudes de la puissance. Une histoire de l’énergie ». Flammarion, Paris 1986. Barry Commoner, « The Poverty of Power », trad franç : « La pauvreté du pouvoir », PUF 1980.

[23] Nicholas GEORGESCU-ROEGEN, « La décroissance. Entropie, écologie, économie », 2e ed. Sang de la Terre, 1979. Lire l’intéressante critique des conceptions thermodynamiques de N. Georgescu-Roegen par Pierre GILLIS et Grégoire WALLENBORN in Les Cahiers Marxistes, Bruxelles, n°235, mai-juin 2007.

[24] En termes physiques, l’énergie se définit comme la capacité de fournir un travail. La « force de travail » dans la terminologie marxiste n’est donc rien d’autre que de l’énergie

[25] Garrett HARDIN, “The Tragedy of the Commons”, Science, 162 (1968) : 1243-1248.

[26] Travis BRADFORD, “Solar Revolution. The Economic Transformation of the Global Energy Industry”, MIT Press 2006, pp 94-98. Lire aussi : François ISELIN, « Energie solaire, rien de nouveau sous le soleil » in Solidarités (Genève), 6 juillet 2004. Voir sur ESSF : Énergie solaire : rien de nouveau sous le soleil !

[27] Taux de conversion en électricité : 33%. Dégagement sous forme de chaleur (généralement non récupérée) : 67%.

[28] DELEAGE et al, op. cit.

[29] Entre 1970 et 2002, la part des renouvelables (toutes technologies confondues) dans les budgets de R&D sur l’énergie n’a été que de 8% environ (2% seulement pour le photovoltaïque), tandis que celle de la fission était de 47,3%, celle des technologies de conversion des énergies fossiles de 12% et celle de la fusion de 10,5%. Source : Agence Internationale de l’Energie, 2004

[30] Le pétrole et le charbon représentent 38% du transport maritime de marchandises.

[31] Office of Science and Technology, Chief Scientific Adviser’s Energy Research Group, Report of the Group, 2002. Commission Européenne, http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/lvb/127021.htm

[32] Lire Daniel Tanuro : « The Fundamental Inadequacies of Carbon Trading for the Struggle Against Climate Change », http://climateandcapitalism.com/ Voir sur ESSF : Fundamental Inadequacies of Carbon Trading for the Struggle Against Climate Change

Voir ci-dessus