"Debout Monsieur Tout-le-monde"
Par Sébastien Brulez le Mercredi, 28 Décembre 2005

La culture contestataire et rebelle joue un rôle capital dans la lutte contre la pensée unique imposée par les défenseurs du système et leurs canaux de diffusion. Le théâtre action en est une des armes. A Cuesmes, dans la région de Mons, cette forme d'expression citoyenne est plus vivante que jamais. Depuis le mois de septembre et ce jusqu'en décembre, le théâtre action fait les 400 coups. Une série de spectacles qui incitent le spectateur à se poser des questions et qui ramènent le débat politique sur le devant de la scène. Une manière pour tout un chacun de (re)devenir, lui aussi, acteur de sa propre vie.

Dimanche 16 octobre, veille de la Journée mondiale du Refus de la Misère, la petite salle du Cerisier était pleine à craquer: environ 85 personnes se pressaient pour assister au spectacle "Commerce amer". Une pièce créée collectivement par les membre de l'asbl Théâtre des Rues, sur une idée des Magasins du Monde-Oxfam. Ce spectacle a pour vocation d'expliquer la problématique de l'exploitation des paysans du Sud par les multinationales et l'alternative que peut représenter le commerce équitable, perçu comme "un moyen de lutte dans l'éventail de ceux qui sont déployés dans la recherche d'une mondialisation libérée du capitalisme."

"Les 400 coups du théâtre action" est un événement annuel organisé par le Théâtre des Rues en collaboration avec d'autres associations. Cela fait maintenant huit ans que ce cycle de représentations est organisé. Selon Jean Delval, à la fois permanent au Théâtre des Rues, cocréateur de la pièce "Commerce amer" et comédien, les choses ont bien évolué : "Il y a quelques années, on jouait parfois devant deux ou trois personnes, c'était très décevant. Récemment, un changement notable s'est opéré. Peut-être parce que les gens s'inquiètent de la dureté du système. En général ils viennent ici pour se rencontrer, se remonter le moral, entendre un autre discours."

Un théâtre socio-politique

Après le spectacle, la coutume veut que le public débatte avec les comédiens sur le sens de la pièce et sur son rapport avec ce qui se passe dans la réalité. Très vite, la discussion dépasse la simple problématique du commerce équitable pour en arriver à des remises en causes beaucoup plus profondes du système et de son fonctionnement. On se rend compte que Pedro, Juan, Helena et les autres personnages de la pièce ne sont pas les seules victimes de l'exploitation capitaliste et que, chez nous aussi, les couches populaires peinent à survivre.

"Le théâtre action est un théâtre socio-politique. C'est dans l'imaginaire (soutenu, bien entendu, par un discours théorique) qu'on peut trouver les solutions."

Les propos de Jean Delval se reflètent dans le débat. Le spectacle explique de manière pédagogique la cruauté d'un monde pas toujours facile à appréhender : quotas, bourse, intermédiaires financiers, marché mondial, chute des cours, monocultures, etc. Mais la pièce en appelle aussi au réveil des citoyens. Comme quand Helena, femme indienne révoltée contre l'exploitation et l'humiliation des siens, s'adresse directement au citoyen qui se trouve à l'autre bout de la tasse de café : "Debout Monsieur Tout-le-monde ! Une dure journée nous attend !"

Culture interactive et alternative

L'équipe du Théâtre des Rues se bat pour que le Cerisier devienne un lieu culturel alternatif. Ses membres dénoncent la centralisation culturelle qui est en marche depuis des années. "Comment peut-on concevoir qu'un échevin de la culture soit président d'une asbl qu'il subventionne lui-même et dont il se sert pour servir ses intérêts électoraux ?" Jean Delval fait référence à la toute puissance des centres culturels et autres maisons de la culture, au détriment des initiatives citoyennes qui doivent constamment se battre pour survivre avec très peu de moyens. "On reconnaît la grandeur d'une démocratie dans sa capacité à subventionner ce qui la conteste. Nous, nous cherchons à faire émerger une culture populaire critique qui ne soit pas l'apanage des seuls créateurs et producteurs."

En effet, même si les comédiens professionnels ont également leur place, de nombreux spectacles sont entièrement produits et joués par des amateurs; comme “Il faut imaginer Sisyphe heureux”, création collective des employées du CPAS de Mons. Commerce équitable, condition ouvrière, gens du voyage, Kyoto, violence contre les femmes… Plusieurs pièces seront encore présentées d'ici à la mi-décembre et en 2006 le spectacle continue avec une nouvelle programmation. Alors…debout Monsieur Tout-le-monde !

Contact :

Théâtre des Rues
20, rue du Cerisier
7033 Cuesmes
Tél: 065 / 31 34 44
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