POLOGNE: grève des mineurs. Avec VIDEO
Par Boguslaw Zietek le Vendredi, 25 Juillet 2008

Boguslaw Zietek est membre dirigeant du parti polonais du travail PPP. Il nous raconte la grève des mineurs en Pologne en 2007 qui s'est terminée par une victoire. "Cette grève a eu un grand impact sur toute la société polonaise et tout de suite après, tous ceux qui commençaient une grève disaient: "Nous allons faire la grève comme à Budryk." "Un nombre croissant des Polonais est convaincu qu'il faut lutter contre le capitalisme."

Interview: Chris Den Hond

Traduction du polonais et doublage: Jan Malewski

 

C'était une grève immense et magnifique qui s'est terminée par un succès, une grève qui a eu de nombreux moments dramatiques avec des retournements de la situation. A un moment donné, le directeur de cette mine est descendu voir les grévistes sous terre – ils faisaient grève à mille mètres sous terre – et il y a été retenu, séquestré. Il y était d'ailleurs descendu avec le procureur qui voulait faire peur aux grévistes. Le procureur s'est enfui et les grévistes ont arrêté le directeur. Et ils ne l'ont libéré qu'après qu'il ait signé un accord avec eux, un accord qu'il a d'ailleurs annulé dès qu'il s'est retrouvé en surface.

Faire grève comme à Budryk

C'était aussi une grève magnifique, parce que les mineurs grévistes bénéficiaient d'un très fort soutien de leurs familles, de la société locale. Tous les jours, les femmes des mineurs venaient devant le porche de la mine avec leurs enfants et ce sont elles qui disaient aux mineurs: "Ne capitulez pas". Les employeurs pensaient qu'en bloquant les salaires des mineurs, ils arriveront à casser la grève, les mineurs craignaient que leurs familles ne tiendront pas le coup, mais c'est justement leurs femmes qui leur disaient de tenir bon et elles soutenaient ainsi leur moral. Cette grève a eu un grand impact sur toute la société polonaise et tout de suite après tous ceux qui commençaient une grève disaient: "Nous allons faire la grève comme à Budryk."

En Pologne, depuis 18 ans, les gouvernements réalisent une politique ultralibérale. Ce sont autant des gouvernement de droite que des gouvernements sociaux-démocrates. L'effet de cette politique c'est la liquidation des droits des travailleurs et des libertés syndicales. La grève qui a eu lieu à Budryk était dirigé contre cette politique ultralibérale. Les mineurs de Budryk luttaient pour des salaires plus élevés que le code du travail leur garantit. Cette grève s'est terminée par un grand succès, les mineurs ont obtenu ce qu'ils ont revendiqué, entre autres grâce à un grand soutien internationale.
DES SYNDICALISTES CREENT LEUR PROPRE PARTI POLITIQUE

Les syndicalistes de notre syndicat ont décidé de construire leur propre parti politique, un parti qui va représenter leurs intérêts, un parti politique qui sera l'outil pour la lutte pour les droits et leurs intérêts. En Pologne, les ouvriers, la société des salariés ont déjà bien compris ce qu'est le capitalisme. 13%, c'est-à-dire un Polonais sur huit vit en dessous du minimum vital, c'est-à-dire avec moins de 100 euro par mois. 60% de notre société vit en dessous du minimum social, dans 6 départements les enfants sont affamés, 30% des enfants. Dans 2 départements il s'agit de 40% des enfants. Ce sont les effets de la restauration du capitalisme en Pologne. De ce fait, de plus en plus fréquemment et de plus en plus forte, un nombre croissant des Polonais est convaincu qu'il faut lutter contre le capitalisme.

Les travailleurs polonais sont soumis à une immense exploitation. Le salaire minimal en Pologne c'est 300 euro, alors qu'en France, c'est 1100. Cela provoque évidemment que la majorité des jeunes veulent chercher du travail en Europe occidentale. "Socialisme oui, déformations du socialisme non"

Ceux qui ont pris le pouvoir en 1989 en Pologne ont réécrit l'histoire. Selon leur version de l'histoire, les grévistes de 1980 faisaient grève pour le capitalisme, pour les privatisations, pour vivre de moins en moins dignement. Ce n'est pas vrai. Ces gens faisaient grève justement sous le slogan "Socialisme oui, déformations du socialisme non". Aujourd'hui on voudrait oublier ça. Bien sûr, il y a eu une période de fascination pour le marché. Ils pensaient alors que personne ne doit se préoccuper de rien, que personne ne doit lutter pour quoi que ce soit, car le marché résoudra tout et réglera tous les problèmes. Mais aujourd'hui, cette fascination pour le marché a disparu. C'est en particulier parce que ceux qui croyaient le plus dans ces slogans, les jeunes, en entrant sur le marché du travail, n'avaient aucune chance de trouver un emploi. Donc ils ont immédiatement pensé que quelque chose cloche, qu'on nous a trompé, on nous disait d'apprendre, de nous spécialiser, et il apparaît qu'il n'y a pas de travail pour nous. Il y a encore quelques mois ou plutôt quelques années il n'était pas possible de parler en Pologne d'exploitation, de la nécessité de la lutte de classe. Aujourd'hui ces slogans sont de plus en plus populaires. Le meilleur exemple c'est la récente grève à Tesco, la première grève dans un supermarché. Lorsque les travailleuses ont créé leur syndicat, ils sont parties en grève, ce qui a constitué une immense surprise pour la direction de cette chaîne. Une grève réussie où on parlait justement de l'exploitation et de la nécessité de lutter pour les droits des salariés.

BOUCLIER ANTIMISSILE

Le gouvernement négocie la localisation de ce bouclier antimissile en Pologne sans même en informer la société et contre sa volonté. Nous avons pris l'initiative de lancer une initiative contre ce bouclier, notamment une pétition pour un referendum sur cette question. Nous continuons à ramasser les signatures, nous mobilisons la société sur cette question, nous sommes le seul syndicat en Pologne qui s'engage sur de telles questions, comme les manifestations anti guerre ou contre les bases américaines en Pologne. L'année prochaine, nous voulons organiser en tant que parti polonais du travail un contre sommet à l'occasion du sommet de l'OTAN à Cracovie, où doit être discuté l'élargissement de l'OTAN à de nouveaux pays, l'Ukraine et la Géorgie. Nous voulons nous y opposer, nous voulons montrer que les Polonais sont contre l'OTAN, contre le militarisme. Car cette politique mené par le gouvernement américain et à laquelle le gouvernement polonais se soumet de manière acritique, frappe en premier lieu les plus pauvres, c'est-à-dire ceux représentés par le parti polonais du travail et le syndicat "Août 80". Ce sont justement eux qui sont les victimes de cette politique.

La gauche anticapitaliste doit s'unifier

Nous pensons qu'il est nécessaire d'intégrer tous les mouvements anticapitalistes, la gauche radicale, de manière à ce qu'elle commence à coopérer et qu'elle puisse par exemple participer en commun aux élections européennes. Il n'y a là aucune différence entre l'activité politique, la participation à des campagnes électorales, comme la campagne pour le parlement européen, et l'organisation de la résistance des travailleurs, l'organisation des manifestations anti guerre, des luttes ouvrières. Les capitalistes, non seulement en Europe mais dans le monde entier, sont unifiés et donc la gauche radicale, la gauche anticapitaliste doit s'unifier également.

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