Un programme anticapitaliste d’urgence face au changement climatique
Par LCR le Mercredi, 07 Novembre 2007 PDF Imprimer Envoyer

Vouloir mettre un frein réel aux changements climatiques suppose de contenir l'augmentation de température à moins de 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, et ce en réduisant de 80% des émissions de gaz à effet de serre pour 2050. La chasse aux gaspillages et les économies d’énergie ne permettent pas, à elles seules, d’atteindre un tel objectif; il faut des solutions structurelles, au niveau de l’organisation de la société toute entière.

Un tel objectif implique avant tout de changer de système énergétique, en assurant la transition d’un système basé presque entièrement sur les énergies fossiles (charbon et pétrole) à un système basé presque entièrement sur l’énergie solaire. Le flux d'énergie solaire qui atteint la Terre égale dix mille fois la consommation énergétique mondiale. Et un millième de ce flux, soit encore dix fois la consommation mondiale d'énergie, pourrait être effectivement converti en énergie utilisable avec les technologies actuelles. Sans parler des apports grâce à l'éolien (le vent),à la géothermie (l'exploitation de la chaleur intérieure de la terre), etc.

Cette transition énergétique doit en outre s’effectuer selon un plan articulé à tous les niveaux : mondial, continental, national, régional et local et pour chaque secteur économique. Sans une telle planification coordonnée, les efforts resteront insuffisants, dispersées, ou risquent d’entrer en contradiction les uns avec les autres. Cette transition planifiée rend nécessaire de bouleverser de fond en comble l'organisation de la production, des échanges, des transports, de l'habitat... Bref, de revoir entièrement les impératifs de production, de consommation et de modes de vie induits par le capitalisme.

La planification de la réorganisation de ces secteurs économiques, pour être efficace, ne peut être socialement et politiquement neutre, elle doit au contraire obéir à une autre rationalité que celle du capitalisme (le profit maximum  à court terme) ; une rationalité assise sur l'équilibre à long terme des écosystèmes, sur la justice sociale et la satisfaction des besoins sociaux humains. Elle impliquera que la production sera démocratiquement planifiée par la population, c'est-à-dire que les grandes décisions sur les priorités de production et de consommation ne seront plus prises par une poignée d'exploiteurs, par les forces aveugles du marché, ou encore par une oligarchie de bureaucrates et d'experts, mais par les travailleurs et les consommateurs, bref, par la population, après un débat démocratique et contradictoire entre différentes propositions.

Une transition énergétique démocratiquement planifiée n’est pas techniquement facile, mais elle est possible, les seuls obstacles actuels sont politiques et économiques car la classe dominante et les gouvernements à sa solde ne proposent que des solutions écologiquement insuffisantes et socialement injustes afin de perpétuer le système actuel. Cette transition nécessite donc un programme social et écologique de lutte, un plan d’action mobilisateur et une force sociale capable de les porter et de les réaliser, en levant ces obstacles politiques et économiques.

Nous pensons qu’il est impossible de dissocier les questions écologiques et sociales, elles interagissent entre elles à tous les niveaux. La crise « écologique » et la crise sociale sont en effet alimentées par des mécanismes identiques ; l’intérêt et la soif du profit capitaliste et les politiques néolibérales qui en découlent, la dictature des marchés, un ordre mondial injuste, etc. Il faut donc des revendications et un plan d’action qui articulent ces deux dimensions face à un adversaire commun. La satisfaction des besoins sociaux humain et le respect des équilibres écologiques doivent être au centre d’un tel programme de lutte, qui doit servir à faire converger sur cette base les mouvements sociaux, environnementaux et syndicaux. Ce n’est que par l’action collective de ces secteurs, par leurs mobilisations de masse et leurs actions communes qu’un tel programme sera réalisable.

C’est dans ce sens que la LCR propose un programme anticapitaliste d’urgence face au changement climatique. Un programme « anticapitaliste », car nos revendications immédiates s’inscrivent dans la perspective d’une rupture avec le système capitaliste ; elles dessinent les contours d’une société éco-socialiste et autogestionnaire tout en avançant des solutions réalisables dès aujourd’hui mais contradictoires avec la logique du capital.

La lutte pour la réalisation de ce programme implique donc une confrontation avec le modèle économique actuel et la classe dominante. Il implique en outre d’élaborer une alternative politique anticapitaliste d’ensemble et de nouvelles structures démocratiques ainsi que, du fait de la globalité du défi, une lutte coordonnée à l’échelle internationale. Si certaines revendications peuvent êtres arrachées à l’échelle régionale ou nationale, il est évident que sur notre continent ces revendications doivent s’articuler au-delà des frontières face à une Union Européenne néolibérale qui, par ses politiques de libéralisation et de privatisation des secteurs du transport ou de l’énergie notamment, aggrave dramatiquement la crise climatique.


1. Le bâtiment: Pour un service public du logement et de l’isolation

En Belgique, le secteur du bâtiment constitue une des principales source d’émission de gaz à effet de serre (GES) puisqu’il représente 21,8% des émissions totales, en augmentation de 11,6% par rapport à 1990. Outre son impact écologique, le secteur du logement est également caractérisé par la vétusté des bâtiments, par le nombre insuffisant de logements sociaux (le marché locatif belge ne compte que 8% de logements sociaux alors que la moyenne européenne est de 17%) et par une spéculation foncière et immobilière intense sur le marché privé, qui entraîne une hausse des prix d’achat et de location. Cette hausse continue et sans freins fait qu’aujourd’hui, pour 50% des gens, le coût du logement représente 41% de leur revenu.

Vétusté et prix du logement ont un impact direct sur la crise climatique. 60% des bâtiments dans l’UE ne sont pas équipés de double vitrage ; or, à elle seule l’isolation thermique des édifices existants réduirait de 42% les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement. Mais une mesure aussi simple que l’isolation systématique des bâtiments se heurte au fait que beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire les investissements nécessaires (vu les prix élevés des matériaux), ou ne sont pas propriétaires de leur logement (il y a 26% de locataires en Belgique, 58% à Bruxelles). Tout en augmentant périodiquement les prix de vente et les loyers, les propriétaires ne veulent pas faire les travaux nécessaires et les grandes entreprises de construction ne cherchent qu’à réduire les coûts afin de dégager le maximum de profits. La logique capitaliste du marché s’oppose ici clairement à la réduction des émissions de GES et au droit social élémentaire à un logement décent.

Or, avec une volonté publique, un financement public et une initiative publique, cet obstacle serait surmonté aisément, tout en créant de nombreux emplois stables.

C’est pourquoi la LCR défend:

  • La création d’un service public du logement et de l’isolation qui doit procéder à:
  • L’isolation systématique et gratuite des bâtiments (murs et toiture, installation de double vitrage) afin de réduire la facture énergétique des ménages et les émissions de GES.
  • L’installation progressive de nouveaux modes de production de chauffage et d’électricité; solaire thermique et photovoltaïque, géothermie, systèmes de cogénération. L’installation de panneaux solaires thermiques sur tous les bâtiments publics.
  • La création d’entreprises publiques de production de matériaux isolants (verrerie, fibres, etc.), réduction des prix de vente de ces matériaux.
  • Des programmes de formation en isolation thermique et en utilisation de matériaux écologiques et d’énergies renouvelables dans les écoles de construction et les centres de formation professionnelles.
  • L'application obligatoire des concepts de « maisons passives » (qui produisent autant d’énergie qu’elles en consomment) et de "maisons positives" (qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment) pour toute construction résidentielle nouvelle.
  • L’augmentation massive du nombre de logements sociaux (150.000 au moins sont nécessaires pour répondre à la demande actuelle) par des constructions nouvelles, par la réquisition et la réhabilitation des bâtiments laissés vides pour cause de spéculation.
  • La réduction et le contrôle strict des prix fonciers, immobiliers et locatifs. Le coût du loyer ne doit pas dépasser 25% du revenu.

2. Les transports: Réduction des flux routiers, transports publics gratuits

Secteur clé de l’économie capitaliste, le transport est également au cœur de la crise climatique. Il représente 22% des émissions de GES en Belgique, dont 97,6% sont issus du seul transport routier (camions et véhicules particuliers). La croissance de ce secteur est la plus forte par rapport à 1990: +29,5%. La société, l’aménagement du territoire, les espaces publics urbains et ruraux se sont entièrement modelés sur le modèle du transport routier et sur les impératifs du profit maximum des entreprises privées.

La population en Belgique a augmenté de 5% depuis 1980, mais le nombre de véhicules à quant lui augmenté de 62%. Plus de 70% des salariés rejoignent leur travail en voiture et la distance moyenne du déplacement domicile-travail a doublé en 20 ans. Le transport de marchandises a été multiplié par 4 mais la part du rail et des voies fluviales n’a cessé de décroître face au trafic routier qui représente près de 90% du total. L’impact du « tout à l’automobile » pèse également très lourd pour la collectivité, en termes d'insécurité routière, de mortalité et de santé du fait des accidents et des émissions de gaz d’échappement et de particules fines. Et avec les embouteillages monstrueux, paradoxalement, c’est l'immobilisme qui gagne les grandes villes. Le coût total des ces nuisances a été estimé à 12,5 milliards d’euros en 2002, soit 4,6% du PIB!

Le développement de véhicules prétendument « propres » ou moins polluants, la réduction de la vitesse ou l’utilisation des agrocarburants ne constituent que des mesures totalement insuffisantes ou des leurres dangereux dont le but est de maintenir un mode de transport socialement et écologiquement insoutenable. La seule solution réaliste et effective consiste à réduire drastiquement les flux et dans le remplacement, à terme, de la civilisation de la voiture par celle du train, du tram et du vélo.

C’est pourquoi la LCR propose:

  • L’arrêt de toute construction nouvelle d’autoroutes.
  • Une réorganisation radicale de l’aménagement du territoire, notamment afin de décentraliser les activités économiques et administratives.
  • Une réglementation limitant strictement le transport des marchandises par camion ou par avion ; interdiction, sauf cas particulier, du transport aérien à courte distance, interdiction du transport routier de marchandises longue distance
  • Quand un transport de marchandise est réellement nécessaire, il faut privilégier le transport par voie maritime, fluviale ou ferroviaire.
  • Les infrastructures fluviales et ferroviaires de transport de marchandises doivent êtres considérablement étendues en terme de capacité de fret grâce à un plan et à un investissement public massif. Les entreprises capitalistes profitent de ces infrastructures, c’est à elles de les financer.
  • Des liaisons tram ou train de banlieue à banlieue dans les grandes agglomérations, une meilleure desserte des quartiers périphériques par les transports en commun, la mise en place de lignes de train entre villes moyennes, intra-régionales et interrégionales, la réouverture des gares avec du personnel suffisant dans les petites localités.
  • L’aménagements systématique de pistes cyclables et piétonnières dans les villes mais aussi dans les zones d’activités pour le déplacement des salariés (zones industrielles, ports, aéroports, etc…).
  • La réduction drastique des automobiles dans les grandes agglomérations ; notamment par le développement de quartiers et de zones « sans voitures », par la rénovation des quartiers pour augmenter la qualité du cadre de vie (parcs, espaces publics, de rencontre) ; développement des véhicules partagés et de services collectifs de proximité abordables, etc.
  • Des investissements massifs dans les transports en commun publics afin de les étendre (particulièrement dans les campagnes), d’augmenter leur fréquence, de les rendre confortables, gratuits et axés principalement sur le rail.

3. Secteur de l’énergie: Pour un service public intégral de l’énergie

Ce secteur, - production et distribution d’électricité, distribution du gaz et raffinage des produits pétroliers - représente 20,8% des émissions de GES en Belgique. La privatisation et la libération du secteur de l’énergie (gaz et électricité) a été imposé par l’Union européenne et vantée comme devant réduire les prix et contribuer à l’environnement, par le choix de l’électricité « verte » notamment. Le constat, aujourd’hui, ne va pas tout à fait dans ce sens. Les prix ont tendance à augmenter (les ménages dépenseront en moyenne 417 euros supplémentaires en 2008 pour se nourrir, s’éclairer et se chauffer) et le jeu de la concurrence pousse à la concentration et aux monopoles. Quant à la réduction de la consommation d’énergie, les producteurs privés ont évidemment intérêt à augmenter la consommation et pas à la diminuer.

Qui plus est, la soif de rentabilité maximum par la réduction des coûts pousse également les opérateurs privés à réduire les investissements nécessaires, notamment dans la sécurité des installations, dans les conditions de travail des salariés ou pour garantir des prix et un service universels (principes qui fondent les services publics) abordables dans les régions décentrées, peu peuplées ou pour les personnes à bas revenus. Bref, dans ce secteur également la logique capitaliste entre frontalement en contradiction avec la justice sociale et la lutte contre les changements climatiques.

Il faut également souligner ici la question du nucléaire, censé constituer une réponse afin de remplacer les sources fossiles d'énergie, au motif qu’il ne contribuerait pas à l'"effet de serre" et donc au réchauffement climatique. Cette proposition est une  véritable escroquerie, car c'est oublier que le recours massif au nucléaire provoquerait l'épuisement en quelques décennies des ressources en uranium (environ 50 ans au rythme actuel), dont les réserves connues sont aussi limitées que celles en charbon, en gaz ou en pétrole et dont l’extraction suppose bel et bien des émissions de GES. Le nucléaire ne représente d’ailleurs que 2 à 3% de l’énergie consommée sur la planète et 16% de la production d’électricité (mais plus de 50% en Belgique). Privilégier le nucléaire, c'est en outre négliger le problème des déchets radio-actifs, auquel aucune solution satisfaisante n'a été trouvée, sinon de reporter sur les générations futures le risque que comporte leur stockage. C'est ensuite faire fi du risque d'accident (d’ailleurs augmenté par le réchauffement climatique lui-même).

Avec la libéralisation de l’électricité et du gaz et le maintien du nucléaire, alors qu’il faudrait plus que jamais des plans publics pour réduire la consommation d’électricité (et la demande énergétique en général), les gouvernements se privent eux-mêmes de moyens indispensables à l’élaboration d’une politique en cette matière.

C’est pourquoi la LCR revendique:

  • Un service intégralement public de l’énergie, de la production à la distribution (pas question, donc, de revenir au monopole privé d’Electrabel).
  • Un service qui assure pleinement son statut public en offrant à tous/tes un accès démocratique et universel à l’énergie (interdiction des coupures pour les bas revenus).
  • De faire de ce service public une entreprise publique dont les objectifs seront la lutte contre le gaspillage énergétique et le développement massif de sources d'énergie renouvelable
  • L’élaboration et le contrôle des prix en concertation avec les organisations des travailleurs et des consommateurs.
  • La part de la consommation de renouvelables dans la consommation d’énergie globale progresse à vitesse d’escargot. Il faut effectuer le transfert des fonds de la recherche et des bénéfices du secteur nucléaire en faveur des énergies renouvelables, tout en organisant le démantèlement rapide des centrales nucléaires.

4. La Santé: Pour un Service public intégral de la santé

Par elles-mêmes, les émissions de gaz à effet de serre et leur augmentation (ou concentration) ont des conséquences dramatiques sur la santé humaine ; infections respiratoires, maladies cardio-vasculaires, cancers, etc. Plusieurs études épidémiologiques récentes établissent un lien clair entre les hospitalisations causées par des maladies cardiovasculaires et la concentration de plusieurs polluants atmosphériques (poussières, ozone,...). L'exposition de longue durée aux particules fines (émises essentiellement par les véhicules à moteur) est de plus en plus considérée comme le risque sanitaire le plus important de la pollution par l'air ambiant puisqu’on estime qu’elle est responsable de 100.000 à 300.000 décès par an de personnes vivant dans les villes européennes.

Le développement des transports de marchandises par route et l’allongement des distances entre le domicile et le travail (le patronat exigeant une main-d’œuvre « mobile ») provoque également une hausse des accidents mortels, des incapacités ou des invalidités permanentes de travail. En 2005, sur les 195.445 déclarations d’accidents de travail, 11% se sont produits sur le chemin du travail et ils concentrent les cas les plus graves. En 2004, sur les 195 accidents du travail mortels, 73 ont eu lieu sur le chemin du travail (contre 64 en 2003).

Le réchauffement climatique, quant à lui, induit également de vastes problèmes sanitaires puisque l’augmentation et la fréquence plus élevées des vagues de chaleur accroît la mortalité, à la fois à cause du « stress thermique » et par la concentration plus élevée d’ozone ou de smog dans l’atmosphère. En Belgique, la vague de chaleur de l’été 2003 a provoqué une surmortalité de 1.300 personnes. Sans compter les victimes des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, tempêtes, etc.) dont la fréquence et l’ampleur risquent également d’augmenter. Il est évident que les populations socialement les plus fragiles seront les principales victimes des conséquences sanitaires du réchauffement climatique, tout doit donc être fait pour limiter les dégâts en augmentant le niveau de vie,  la qualité, la capacité et l’accès aux infrastructures de santé publique.

C’est pourquoi la LCR défend:

  • Un système de santé public gratuit, égal pour tous/tes, un développement de ses capacités et infrastructures.
  • La suppression de la médecine à l’acte, la création de centres de santé intégrés (soins et médicaments) de quartier au lieu des cabinets et des pharmacies privées.
  • Remboursement intégral de tout médicament mis sur le marché
  • Un véritable service public des hôpitaux, nationalisation des cliniques privées, suppression des lits privés dans les hôpitaux
  • Nationalisation de l’industrie pharmaceutique et de la recherche avec mise sous contrôle public.
  • Un investissement public massif pour la recherche des soins liés à la pollution atmosphérique et à la prévention des canicules.
  • La prise en compte des vagues de chaleur dans l’architecture, l’aération des bâtiments et des véhicules, sans recourir à des systèmes nuisibles tel que l’air conditionné.
  • La reconnaissance et l’indemnisation, par la responsabilisation financière et pénale du patronat, de toutes les maladies professionnelles et des accidents du travail.

5. Fiscalité et investissements: Prendre l’argent là où il est! – Pour une société nationale d’investissements publics

Avec tout projet de fiscalité ou de taxe environnementale, on touche concrètement à un problème central: comment ajuster défense de l’environnement et justice sociale. Étant donné la nature structurelle, sociale des changements climatiques, il est nécessaire de créer les moyens collectifs permettant aux gens d’avoir un comportement « climatiquement responsable » plutôt que d’établir des mesures socialement injuste qui rendent illégitimes à leurs yeux l’action contre les changements climatiques.

Plus généralement, nous pensons que la solution des problèmes écologiques ne saurait passer par une fiscalité frappant les salariés et les allocataires sociaux ou favorisant telle ou telle catégorie de personnes par des « incitants fiscaux » ciblés et inégalitaires. Les taxes sur la consommation individuelles ne reviennent qu’à permettre à ceux peuvent les payer de continuer à polluer tandis que les politiques d’incitants fiscaux ne favorisent qu’une quantité minime de la population. Le financement des mesures éco-sociales suppose au contraire une réforme fiscale globale qui rime avec une répartition équitable des richesses.

Les moyens de manquent pas, seule manque la volonté politique pour prendre l’argent là où il est. Ainsi, en Belgique, le PIB a triplé de volume entre 1980 et 2003, passant de 89 milliards à 270 milliards d’euros. Mais la répartition de cette richesse est sans cesse plus inégalitaire. La part des salaires dans le PIB en Belgique est passé ainsi de 67,2% en 1980 à 58,6% en 1990 et à 56,5% en 2004. Autrement dit, elle s’établi au même niveau qu’en 1938 (56,9%)! Or, en 1938, les travailleurs (salariés et appointés) représentaient 68% de la population active, contre plus de 84% en 2001. Donc, du fait de la croissance de la part des travailleurs, la part des salaires dans le revenu national est proportionnellement bien moindre qu’en 1938!

Les bénéfices des grandes entreprises du Bel20 ne cessent d’exploser depuis plusieurs années: +40 en 2004, soit 12 milliards d’euros, par rapport à 2003 (8,3 milliards d’euros). En 2006, l’augmentation est de 38% par rapport à 2005, soit 23 milliards d’euros… Près de 50% de ces bénéfices sont distribués aux actionnaires de ces entreprises tandis que les contributions de ces dernières aux dépenses sociales et publiques ne cessent de diminuer. Alors qu’un travailleur paie facilement 40% d’impôts directs sur son salaire – sans compter la TVA, l’impôt indirect le plus socialement injuste car le taux est le même pour tous - , depuis plusieurs années, les capitalistes jouissent d’exonérations de contributions à la sécurité sociale à hauteur de 5 milliards d’euros. La baisse de différentes taxes, impôts, TVA, au profit des entreprises est continue. Rien que la déduction des intérêts notionnels a fait passer le taux d’imposition réel des entreprises de 33,9% à 26%, voir en deçà. Les ménages à très hauts revenus, aux patrimoines gigantesques, sont en outre sans cesse favorisés par les différentes réformes fiscales. Les « pertes » de cette non-imposition à sa juste mesure du capital et des capitalistes sont difficilement chiffrables, mais elles peuvent s’estimer au bas mot à plus de 15 milliards d’euros annuels, soit amplement de quoi financer toutes les mesures sociales et écologiques nécessaires.

Chaque année également, le principal poste du budget de l’Etat (17 milliards d’euros) est constitué par le remboursement de la dette publique (dont le total est 290 milliards d’euros!)… au seul profit de ceux qui ont souscrit des obligations, càd. les plus riches clients des principales banques, ceux-là mêmes qui profitent des allégements de l’impôt sur la fortune, les sociétés et le revenu.

C’est pourquoi la LCR défend:

  • La suppression de la TVA sur les biens de première nécessité.
  • L’instauration d’un impôt sur le revenu vraiment progressif, par la création d’un véritable cadastre des fortunes et des patrimoines, par la levée du secret bancaire.
  • L’arrêt de toutes les formes d’exonération de cotisations patronales à la sécurité sociale.
  • Un impôt sur les plus-values financières, le relèvement de l’impôt des sociétés et une taxe sur la spéculation financière.
  • L’annulation du remboursement de la dette publique
  • La limitation des dépenses publicitaires par leur taxation élevée (les dépenses de ce secteur en Belgique ont été de 2,8 milliards d’euros en 2006, soit 640 euros par habitant !) et l’interdiction des publicités favorisant les modes de déplacements polluants.
  • Les fonds ainsi récoltés doivent êtres consacrés au renforcement de la sécurité sociale, au renforcement et à la création de nouveaux services publics et de milliers d’emplois publics stables, socialement et écologiquement utiles.
  • A l’échelle planétaire, le coût des mesures à prendre pour ne pas dépasser les 2 degrés d’augmentation de la température moyenne sur terre par rapport à 1790 est estimée, dans le rapport Stern, entre 1050 et 1200 milliards de dollars par an…. à comparer aux 1037 milliards de dollars dépensés en 2004 pour l’armement!

En outre, il serait illusoire de laisser au marché privé les choix des investissements structurels, le financement de la recherche pour le développement et la production des énergies renouvelables, etc. C’est pourquoi nous exigeons également:

  • La création d’une Société Nationale d’Investissements publics destinée : 1) à réorienter et augmenter les investissements en matière d’infrastructures fluviales et ferroviaires 2) à financer la recherche et le développement des technologies et des matériaux nécessaires aux énergies renouvelables 3) à la création d’entreprises publiques et à la reconversion écologique des entreprises polluantes.

6. Entreprises privées:  Contrôle ouvrier et réduction du temps de travail

La consommation énergétique dans l’industrie privée représente près de 20% des émissions totales en Belgique, elle est celle qui a le plus diminué depuis 1990, entre autres du fait de la disparition ou de la réduction structurelle de certains secteurs industriels.

Le mode de production capitaliste est caractérisée par la production et l’accumulation continue de marchandises et l’absence de toute forme de planification ou de contrôle démocratique sur ces processus, sur les quantités produites et sur l’organisation de la production elle-même. Seules règnent en maître les lois aveugles de la concurrence et du profit maximal. Le cas de l’industrie automobile est emblématique; ce secteur licencie massivement en augmentant sa capacité de production et de saturation des marchés, ce qui, à son tour entraîne sans cesse de nouveaux licenciements massifs et la course à la productivité et la recherche de nouveaux marchés de débouché. Les travailleurs de ces entreprises ne sont donc pas « co-responsables » des dégâts induits par la surproduction automobile, ils en sont au contraire les premières victimes.

Une réorganisation et une planification démocratique profonde de la société afin de répondre au défi climatique ne peut s’arrêter aux portes des entreprises privées ; elle doit au contraire commencer à s’attaquer au sacro-saint « marché libre » et à l’appropriation privée des moyens de production, d’échange et de distribution.

C’est pourquoi la LCR défend:

  • La mise sur pied d’un contre-pouvoir écologique dans les entreprises par le contrôle ouvrier de la production : droit de veto du personnel et de la population locale sur les productions dangereuses pour la santé et l’environnement.
  • La levée du secret d’entreprise, l’ouverture publique des livres de comptes des entreprises, l’obligation pour les patrons de tenir des registres spécifiant les matières premières et les produits utilisées ainsi que le libre accès à ces registres.
  • Des normes contraignantes permettant d’améliorer la sobriété et l’efficacité énergétique en interdisant le dépassement de certains taux de consommation d’énergie fossile.
  • La fixation pour chaque industrie de quotas maximum d’émissions, ces quotas ne pouvant ni s’échanger ni se vendre.
  • L’augmentation des tarifs de l’énergie pour les industriels afin de les inciter à produire eux-mêmes leur électricité par système de cogénération.
  • Une réglementation industrielle contraignante sur les appareils électroménagers, gros consommateurs d’énergie. Tant que seront proposés sur le marché des appareils à la consommation différente et aux prix bien entendu aussi différents, le problème demeurera. Il est donc nécessaire d’articuler l’obligation d’atteindre un seuil minimal d’efficacité énergétique de la part des constructeurs et une limitation de la hausse des prix pour que l’achat des appareils ne pèse pas sur le consommateur.
  • Pour un Plan de Reconversion écologique des industries nucléaires, pétro-chimiques, d’armement et d’automobiles, par leur nationalisation sans indemnisation ni rachat en faveur des gros actionnaires, afin de garantir leur transformation en industries écologiquement utiles (production de trams, trains, rails, panneaux solaires, etc.), ou la reconversion professionnelle des travailleurs occupés dans ces secteurs, sans perte de revenu ni de statut.
  • L’interdiction du recours à la sous-traitance et aux statuts précaires (intérims) dans les entreprises et sites à risques, véritables embauches par le donneur d’ordre
  • La réduction du temps de travail à 32 heures, avec embauche compensatoire et sans augmentation de la flexibilité et des cadences. La RTT est une réponse à la fois contre le chômage de masse mais aussi une mesure indispensable pour instaurer une société qui privilégie le temps libre afin de développer les liens sociaux plutôt que l’accumulation de biens nuisibles, l’investissement citoyen de chacun/e dans la vie et les débats de la collectivité, notamment pour déterminer de manière démocratique les grands choix à opérer pour résoudre la crise climatique. La RTT permettra en outre de créer les milliers d’emplois aujourd’hui nécessaires dans les secteurs sociaux (santé, éducation) et environnementaux.

7. Agriculture: Souveraineté alimentaire et agriculture paysanne

Réduire la part d’intrants azotés dans l’agriculture et modifier en profondeur la production agricole fait partie des urgences, que ce soit en Belgique (où l’agriculture représente environ 7,8 % des émissions de gaz à effet de serre) ou dans le monde. Il s’agit là aussi de réduire la consommation énergétique d’ensemble et donc de rompre avec le productivisme agricole qui a dopé cette consommation. L’agro-industrie capitaliste est synonyme de destructions des sols, des forêts, de l’emploi paysan et est directement responsable de la dégradation de la qualité de la nourriture, de la santé des producteurs et des consommateurs de par son utilisation intensive d’engrais chimiques, de pesticides et d’OGM.

De plus, au nom de la lutte contre les émissions de GES, l’agriculture et la souveraineté alimentaire des peuples est mise en danger par le développement des agrocarburants. L’idée de faire de l'essence avec les déchets de l'agriculture non utilisables pourrait être utile. Mais dans le cadre du marché capitaliste, cette piste se révèle comme un remède qui empire le mal puisque ce sont les produits agricoles et alimentaires eux-mêmes qui sont destinés à la production de nouveaux carburants, à peine moins nocifs. Nourrir les populations affamées du Sud ou faire rouler, même un peu plus “proprement”, les véhicules majoritairement dans les pays riches, tel est le choix absurde dans lequel on veut nous enfermer!

Ainsi, pour pouvoir produire 5 litre d’étanol (l’un des agrocarburants), il faut pas moins de 230 Kg de maïz, soit de quoi nourrir un enfant pendant un an. Chaque jour, 24.000 personnes meurent de faim dans le monde alors que la production agricole totale pourrait nourrir 12 milliards d’êtres humains, soit le double de la population actuelle. Le problème de la faim est donc avant tout une question de distribution et d’accès aux produits alimentaires. Les agrocarburants renforcent ce problème : au Mexique, le prix de la tortilla, aliment de base des plus pauvres, a augmenté de près de 60% car les cours du maïs sont poussé à la hausse par les achats des producteurs d'agrocarburants. Un même phénomène toucherait les oléagineux (soja, colza, tournesol), mais aussi le manioc, principal aliment pour plus de 200 millions d’Africains. D’après une étude de l’OCDE de 2006, l’Europe devrait destiner 72% de ses superficies agricoles aux agrocarburants pour pouvoir produire à peine 10% des carburants consommés…

La substitution des carburants issus du pétrole par ceux utilisant des produits agricoles n’est donc pas une solution. Il faut au contraire favoriser une agriculture alternative, respectueuses des cycles naturels et fondée sur le travail paysan, les coopératives et les collectivités rurales afin de garantir  la souveraineté alimentaire des peuples et l’accès pour tous/tes à des produits alimentaires de qualité.

C’est pourquoi la LCR propose:

  • La révision du système des subventions afin de favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement et des paysans, en priorité les exploitations qui limitent fortement l’usage des engrais azotés.
  • Les subventions doivent également encourager le développement de « synergies horizontales » entre exploitations agricoles complémentaires par la création de coopératives paysannes.
  • Une réglementation limitant l’usage des engrais, proportionnellement aux surfaces cultivées et au type de cultures. Au-delà de la limite réglementaire, les exploitations seraient fortement taxées, avec une taxe exponentielle.
  • La promotion d’autres méthodes agricoles, tant pour préserver les sols que pour utiliser l’eau plus rationnellement : suppression du labour destructeur des sols, utilisation de semis sur couverture végétale en équilibre écologique (équilibre hydrique et azoté), réduction de l’irrigation par utilisation de semis adapté au conditions locales, réduction massive des intrants, etc.
  • Le soutient public au développement local et à l'économie des ressources en interdisant l'importation de produits agricoles dont l'équivalent est disponible sur place en quantité suffisantes. Il ne s'agit pas, ici, d'adopter un point de vue protectionniste et corporatistes, mais de combattre la logique capitaliste qui fait des produits alimentaires une marchandise comme les autres, dont le commerce doit être libéralisé, au détriment des petits agriculteurs de tous les pays et au profit des multinationales de l'agrobusiness.
  • La création d’un service public de distribution et de commercialisation des produits alimentaires afin de garantir un juste prix aux producteurs sans nuire au pouvoir d’achat des consommateurs.
  • Le soutien et la solidarité avec les luttes paysannes partout dans le monde, en faveur de la souveraineté alimentaire et de réformes agraires radicales.
  • Une interdiction sur la production, le développement et l’importation des produits agricoles génétiquement modifiés.
  • L’interdiction de la production d’agrocarburants, sauf ceux, sous contrôle public, utilisant les déchets agricoles inutilisables ou la biomasse, lorsque cela ne met pas en péril la biodiversité.

8. Rapports Nord-Sud: Abolition de la dette et des diktats néolibéraux, pour un Pacte mondial équitable sur le climat

Les pays du Sud de la planète et leurs peuples subissent les plus terribles conséquences du changement climatique alors qu’ils en sont les moins responsables puisque le modèle de développement actuel est dominé et imposé par les puissances impérialistes et leurs instruments que sont la Banque mondiale, le FMI ou l’Organisation mondiale du commerce. Les diktats néolibéraux émis par ces organismes accroissent de manière irrationnelle l’exploitation des ressources et les échanges internationaux, accentuant ainsi la crise énergétique.

Cette situation est déjà en soi une injustice flagrante. Mais les gouvernements des pays riches veulent avant tout se consacrer à tenter de limiter les dégâts dans leurs seuls pays, limiter le transfert des technologies renouvelables et faire contribuer les pays du Sud de manière disproportionnée aux efforts globaux. Il faut donc articuler le refus des politiques anti-sociales dans le Nord avec une approche solidaire du problème climatique sur le plan international avec les peuples du Sud. Ce sont les pays industrialisés qui doivent réaliser les efforts les plus lourds et réduire leurs émissions de CO2 de quatre-vingts pour-cent pour 2050. Le prix à payer ne doit être assumé ni par les populations pauvres du Sud elles-mêmes, ni par les salariés et les allocataires sociaux du Nord.

Autre injustice flagrante; la hausse des niveaux des mers consécutive au réchauffement climatique frappera durement les régions côtières et les deltas des pays du Sud. Certaines petites îles du Pacifique sont menacées et disparaissent déjà sous les flots, mais leurs populations, forcées de fuir, se heurtent à l’indifférence ou au rejet pur et simple par les nations riches. Selon plusieurs estimations, les « réfugiés climatiques » pourraient être 150 millions en 2050. L'immense majorité de ces gens sont des pauvres vivants dans des pays qui n'ont pas les moyens de financer les gigantesques travaux d'infrastructure nécessaires pour se protéger des flots… et qui ne pèsent nullement dans les négociations climatiques.

C’est pourquoi la LCR revendique:

  • La reconnaissance de la dette écologique du Nord envers le Sud, autrement dit la dette acquise au titre de l’extraction de richesses naturelles (comme le pétrole, les minerais, les ressources forestières, marines et génétiques, etc.) en vue d’une exportation sous-rémunérée et qui sape les possibilités de développement des peuples concernés.
  • La reconnaissance de cette dette doit obliger les pays dominants à annuler la dette financière du Sud et à procéder à un transfert massif et gratuit de technologies propres afin que les pays pauvres puissent se développer différemment, en respectant les équilibres écologiques et la justice sociale.
  • L’interdiction de l’exportation de déchets dangereux produits dans les pays industrialisés et transférés dans les pays les plus pauvres.
  • L’abolition du FMI, de la BM et de l’OMC, dont les diktats néolibéraux et les règles du marché mondial qu’ils imposent provoquent à la fois la destruction des protections sociales et des ressources naturelles pour l’exportation.
  • L’interdiction de toute forme de marché mondial du carbone ou de « droits à polluer ».
  • La reconnaissance officielle du statut de « réfugiés climatiques »
  • Un traité international contraignant et équitable sur le climat, qui fasse payer la facture aux responsables du gâchis climatique et permette de redistribuer la richesse, tant entre le Nord et le Sud qu’au sein des sociétés du Nord et du Sud.

Voir ci-dessus