AGC Splintex: Retour sur une grève héroïque
Par André Henry le Dimanche, 02 Octobre 2005 PDF Imprimer Envoyer

L'accord conclu au bout de plus de 100 jours de grève chez AGC Fleurus (ex-Splintex) ne peut être qualifié de victoire. On y met un petit peu de baume sur les plaies d'un long combat mais il n'est pas victorieux. Pourtant, ce combat mérite l'admiration de toute la classe ouvrière de Belgique et de toute l'Europe. Nous tenterons de dresser ici un premier bilan de ce conflit historique sur lequel il faudra revenir afin d'en tirer toutes les leçons nécessaires pour l'avenir des luttes. Les travailleurs d'AGC Fleurus nous ont donné une leçon de courage, de dignité et de fierté dans la lutte des classes d'aujourd'hui. Leur long combat nous interpelle sur le type de solidarité à mener à l'heure de la mondialisation capitaliste. Car cette solidarité doit être plus que jamais une participation active au combat quotidien des grévistes, elle ne peut pas se limiter seulement à une aide financière épisodique. Elle doit au contraire être partie prenante et intégrale de la lutte et ce à l'échelle nationale, européenne, internationale.



Le contenu de l'accord

Le 2 décembre 2004, la direction avait annoncé sa volonté de licencier 284 travailleurs et cela sans aucun accompagnement social. La grève a tout de même eu pour résultat une petite avancée sur cette question en portant le nombre de licenciements à 249: 77 contrats à durée déterminée ne seront pas renouvelés et la prépension à partir de 50 ans pour 72 travailleurs. La fameuse "liste noire d'indésirables" concerne quant à elle 80 travailleurs qui auront une prime de licenciement de 13.000 euros -une autre liste (la "grise") concerne une vingtaine de travailleurs qui seront soumis à un "examen de rentabilité" d’un an. Sur les 32 délégués protégés par leur mandat syndical, 14 voient leur protection levée et seront mis à la porte. Cette question constitue un recul inadmissible de la part des organisations syndicale qui l'ont accepté car elle peut faire jurisprudence pour d'autres cas et constitue une atteinte gravissime aux libertés syndicales.

Un combat digne

Le long combat des travailleurs d'AGC doit retenir toute notre attention car il pose un jalon dans la voie du combat à mener contre les entreprises multinationales. La multinationale Asahi-Glass a pratiqué une forme de délocalisation déguisée de la production des pares-brises latéraux, qui seront désormais produits en Italie et en Tchéquie. La volonté de cette multinationale était d'imposer également une augmentation drastique de la flexibilité et de la précarisation des conditions de travail. Pour y parvenir, elle devait donc absolument se débarasser des militants syndicaux et des travailleurs les plus conscients de la nécessité d'un syndicalisme de combat. Car AGC Fleurus est, par exemple, l'une des rares entreprises où l'utilisation d'intérimaires pendant 8,15 ou 30 jours n'existe pas. Les seuls statuts précaires sont des CDD, mais il n'y a pas de travailleurs intérimaires car cette politique d'embauche a toujours été refusée et combattue, avec raison, par la délégation syndicale. Or, pour obtenir le maximum de flexibilité, la multinationale a besoin d'employer des travailleurs intérimaires de manière hebdommadaire ou mensuelle. C'est ici que se trouve la raison principale et le cœur du conflit d'AGC, c'est ce explique sa longévité imprégnée d'une conscience de classe extraordinnaire.

La défense -voire même la survie- de la démocratie et des libertés syndicales au sein d'une entreprise contre une direction arrogante et agressive était donc également étroitement liée à ce combat. Cela explique le caractère particulièrement laborieux des négociations et le chantage permanent de la part de la direction de fermer le site si son plan de restructuration n'était pas accepté par les travailleurs.

Tous les éléments ont été mis en œuvre pour briser la grève: installation par la direction d'un "téléphone vert" fonctionnant 24 heures sur 24; harcèlement des travailleurs et de leur famille à coups de téléphone, de SMS et de lettres; appel aux tribunaux pour imposer des astreintes de 5.000, puis de 7.500 euros par jour et par homme; intervention de la police fédérale et occupation de l'entreprise par cette dernière… sans oublier l'intervention des autorités politiques...

Un Comité d'alerte au service du patronat

Le rôle du monde politique, et particulièrement celui d'un PS hégémonique en Wallonie, a été des plus néfastes pour la grève. Le président du PS, Elio Di Rupo, avait, avant même de désigner ses partenaires au sein des gouvernements régional et communautaire au lendemain des dernières élections, consulté les organisations syndicales et patronales wallonnes pour leur faire signer un "Contrat d'Avenir". Le but de ce dernier était de rendre l'économie wallonne plus atractive pour les investisseurs, ce qui impliquait de maintenir coûte que coûte la "paix sociale". La logique est toujours la même: en créant un "climat" favorable aux investisseurs, on va créer de l'emploi. Mais cette "paix" n'est pas la même pour tout le monde puisqu'il s'agit de museler les revendications et les luttes des travailleurs tout en donnant les mains libres aux patrons pour restructurer comme ils l'entendent. En se mettant ainsi au garde à vous devant le patronat, le PS et les autorités wallonnes mènent une politique destructrice et non créatrice d'emplois.

C'est dans ce cadre que Di Rupo a mis sur pied un "Comité d'alerte" réunissant les représentants politiques, syndicaux et patronaux wallons et dont l'objectif est de prévenir, désamorcer ou étouffer au plus vite tout conflit social qui pourrait "entacher" l'image de la Wallonie aux yeux des investisseurs. Ce Comité a joué de tout son poids un rôle plus que néfaste contre les intérêts des travailleurs d'AGC Fleurus. C'est ainsi que, dès le premier jour de la grève à Splintex pendant lequel les travailleurs avaient séquéstré la direction, le Comité d'alerte s’est réuni d'urgence sous la présidence du Ministre PS de l'Emploi Marcourt avec des responsables syndicaux et patronaux. Ce fut là le premier acte de collaboration de classes en faveur du patronat car il s'agissait, dès le départ et selon les propres termes de Marcourt, de "sauver les 500 emplois restants". Bref, ce Comité avalisait tel quel le plan de la direction et n'avait d'autre but que de l'imposer aux travailleurs en cassant la grève.

Par contre (second acte) lorsque les astreintes ont été unilatéralement imposées aux travailleurs, ce même Comité ne s'est nullement réuni en urgence. Pire, le silence fut assourdissant de la part des autorités politiques, PS en tête, face à cette ingérence inadmissible des tribunaux dans un conflit social. Deux poids, deux mesures...

Le troisième acte fut tout aussi odieux. A l'unisson avec une presse déchaînée ayant perdu toute trace d'objectivité, il s'agissait de salir l'image des grévistes afin de les mettre sous pression, de les isoler. C'est ainsi que le ministre-président wallon Van Cauwenberghe a multiplié les déclarations stigmatisant les grévistes, en les qualifiant notamment de "taches noires" pour l'image de la wallonie, sous-entendu bien sûr pour les seuls beaux yeux des investisseurs capitalistes. Que des directions d'entreprises ou de multinationales licencient à tour de bras, cela ne semble pas entacher cette image, par contre, les organisations syndicales, les grèves des travailleurs qui s'y opposent seraient néfastes au développement économique et social de la Wallonie…

Quatrième acte: le Comité, Marcourt, Van Cau et Cie ont systématiquement appuyé le chantage odieux (un coup de bluff en vérité) de la direction d'AGC de fermer l'entreprise si le plan n'était pas accepté. Malgré le fait que des investissement publics aient permis la création de Splintex, il n'est venu à aucun moment à l'esprit de ces messieurs d'exiger de la direction le maintien de l'emploi.

Ces déclarations et les agissements du Comité d'alerte ont pesé lourdement (et c'était là leur but également) sur les organisations syndicales, singulièrement sur la FGTB de Charleroi qui s'est retrouvée isolée et prisonnière de ce Comité, afin d'empêcher une solidarité plus grande et plus active au niveau interprofessionnel, régional et au-delà. Les déclarations de Christian Viroux, permanent FGTB de la Centrale générale de Charleroi lors d'une conférence de presse sont sans équivoque à ce sujet: "Depuis trois, mois nous sommes harcelés, critiqués par les responsables politiques, tant Van Cau que Marcourt et les autres. En disant que nous détériorons l'étiquette de la Wallonie, que nous faisons fuir les investisseurs financiers, etc. En plus, nous sommes isolés dans la mesure où la CSC agit de concert et a accepté de négocier le plan, dès le mois de janvier".

Le Comité a également accentué les divisions entre les syndiqués CSC et FGTB, déjà latentes dans l'entreprise, au moment où l'unité du front commun était la plus nécessaire. Le CDH a ainsi fait pression sur la CSC afin de ne pas aller trop loin dans le conflit et de la pousser à accepter un plan patronal pourtant inacceptable pour tous les travailleurs, qu'ils soient à la CSC ou non. Dans cette question de l'intervention du politique dans le conflit, il faut aussi souligner le rôle excécrable joué par les "conciliateurs sociaux" dépêchés par la Ministre fédérale SP.a Freya Vanden Bossche qui n'ont eu de cesse d'imposer des votes à bulletin secret.

Sur la grève

A contrario de cette image déplorable offerte par les autorités politiques, la grève des travailleurs d'AGC Fleurus fut admirable et extraordinnaire à plus d'un titre. Tout d'abord dans sa longueur, dans sa détermination à refuser les pertes d'emplois, la flexibilité et dans sa volonté de vaincre. Malgré ce courage et cette ténacité exemplaires, il faut néanmoins tirer quelques leçons. Si cette grève avait démarré dès le début par l'occupation de l'entreprise, elle aurait davantage gagné en maturation organisationnelle et politique. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, l'occupation impose de par sa nature même le développement de l'organisation démocratique des grévistes (élections de commissions: finances, sécurité, maintien de l'outil, solidarité, etc.). Elle permet également, dès le départ, d'imposer un rapport de forces en faveur des grévistes car ces derniers se rendent maîtres de l'entreprise, de l'outil et par là de leur combat.

Un élément décisif qui a fait défaut était l'absence de l'élection d'un véritable comité de grève élu par l'assemblée générale de tous les grévistes quelle que soit leur affiliation et dont les élus sont révocables par celle-ci à tout moment. Un tel comité, de par son mode d'élection, aurait coupé court aux tensions entre CSC et FGTB. La grève aurait eu un caractère plus unitaire et plus combatif. Elle en aurait gagné en efficacité. Le fonctionnement d'un tel comité de grève, des différentes commissions liées à l'occupation, aurait donné naissance à des assemblées générales quasi-quotidienne. L'occupation de l'entreprise et l'élection d'un comité de grève sont deux atouts de première importance dans une grève car ils déterminent directement sur le rapport de forces.

Un autre élément sur lequel la grève n'a pas agit, c'est sur le terrain de l'interpellation des responsabilités du pouvoir politique. Or, comme on l'a vu, ce dernier à joué un rôle de premier plan en faveur du patronat et contre les intérêts des grévistes. De plus, AGC Fleurus, tout comme les sites de Seneffe et de Lodelinsart, est née d'un long combat syndical entamé en 1975 par la fermeture de Glaverbel-Gilly et Lodelinsart. Ce combat, qui a duré jusqu'en 1984, avait imposé la reconversion, la création de nouveaux projets industriels dans le secteur du verre, dont Splintex. Ces entreprises ont donc gracieusement bénéficié de subsides publics de la Région Wallonne et du gouvernement fédéral. Il fallait donc que les organisations syndicales exigent des comptes aux responsables politiques sur leur gestion de l'argent de la collectivité, leur imposer de maintenir l'emploi créé avec ces moyens publics au lieu de stigmatiser les travailleurs.

Nous reviendrons dans nos prochains numéros de La Gauche sur différents aspects de ce conflit qui restera marquant dans les annales du mouvement syndical. Trois leçons principales peuvent êtres retenues à ce stade :

1. Les travailleurs doivent imposer à leurs organisations syndicales, tant CSC que FGTB, de quitter le Comité d'alerte et de concertation le plus vite possible car il n'est qu'un instrument supplémentaire de collaboration de classes au service du patronat. Cette instance nous a été imposée sans consultation préalable, la participation syndicale n'a été décidée que par les appareils.

2. L'utilité décisive devant l'arrogance patronale et pour renforcer le rapport de forces en faveur des grévistes d'occuper l'entreprise et d'élire un comité de grève en assemblée générale et révocable par cette dernière.

3. Les travailleurs licenciés ont la volonté de rester unis. Ils constituent une précieuse avant-garde syndicale de combat qui ne doit pas se disperser. A cette fin, il faut lancer une lutte afin d’imposer aux autorités leur reconversion à travers la création d’une entreprise publique.

25/04/2005


Où étaient les alterglobalistes?

Dans le long combat de ceux de Splintex, l'absence du mouvement altermondialiste a été remarqué. Même si un Appel de soutien a été signé par une série de personnalités alterglobalistes à titre individuel et d'associations telles que les ATTAC Tournai, Bruxelles et Liège, la nécessaire solidarité de ce mouvement ne s'est pas traduite par des actes concrets, significatifs et durables. Si le mouvement altermondialiste en Belgique est capable d'envoyer des dizaines de ses représentants à Porto Alegre, il doit être tout aussi capable de faire acte de présence au moins deux fois par mois à un piquet de grève à Fleurus. Il s'agissait pourtant d'un combat exemplaire contre une multinationale, contre la logique de la mondialisation néolibérale. A.H


Chronologie de la grève

2000. Les travailleurs de Splintex connaissent une première restructuration qui provoque la perte de 300 emplois. Des travailleurs expérimentés sont mis en prépension et remplacés par des contrats précaires.

1er janvier 2004. Splintex Fleurus devient AGC Automotive Fleurus, une division de Glaverbel. Elle produit du vitrag e automobile. Glaverbel est la branche européenne de la multinationale japonaise Asahi Glass, le premier groupe verrier mondial.

Septembre 2004. Des rumeurs commencent à circuler à propos d’une restructuration future. Il est difficile d’obtenir des informations. Les travailleurs font grève une semaine pour obtenir des réponses plus claires. Les contradictions ne manquant pas.

Octobre-novembre 2004. Les signes d'une restructuration s’accentuent. Les travailleurs voient avec inquiétude la direction augmenter les heures supplémentaires et engager des travailleurs précaires afin de constituer des stocks importants en prévision d'une grève.

2 décembre. Sans respecter la procédure "Renault" sur les licenciments collectifs, la direction annonce une restructuration brutale: la suppression de 284 emplois (sur 840 emplois, soit un tiers de l'effectif), la fermture d’un four, une augmentation de la flexibilité (travail en 5 équipes) et de la précarité (embauche d'intérimaires). Le plan prévoit une "liste noire" de travailleurs à mettre à la porte immédiatement et une "liste grise" de travailleurs à mette à l'épreuve pendant un an. Tout comme en 2000, la direction invoque le manque de rentabilité; les travailleurs ne contestent pas les chiffres car c'est la gestion de la direction elle-même qui a conduit à cette situation. Ulcérés par l'attitude et les méthodes mafieuses et arrogantes de la direction, les travailleurs séquestrent la direction.

2-3 décembre. Le "Comité d'Alerte" est convoqué en urgence et pour la première fois à l'initiative du Ministre Wallon de l'emploi et de l'économie, Jean-Claude Marcourt

8 décembre. Une AG du personnel vote la poursuite de la grève en front commun afin d'exiger le maintien de l'emploi et le retrait du plan.

13 décembre. Tous les sièges Glaverbel de la région (Jumet, Roux, Lodelinsart, Seneffe) mènent une grève de 24 heures en solidarité avec Fleurus. Caterpillar, Sonaca et les TEC se joignent au mouvement. Plus de six mille travailleurs manifestent à Charleroi dans le contexte des négociations interprofessionnelles mais aussi en solidarité avec AGC Fleurus, les grévistes sont à la tête du cortège.

17 décembre. Face au refus de la direction de négocier sérieusement, l'AG des grévistes décide la poursuite de la grève.

22 décembre. Plus de 120 travailleurs accompagnent leurs délégués à Bruxelles pour une quatrième réunion de conciliation

23 décembre. La direction refuse de payer la prime de fin d'année et les chèques-repas. Elle menace de fermer l'entreprise si les grévistes ne reprennent pas le travail.

31 décembre. Plus de 250 travailleurs participent à un "réveillon syndical" au piquet de grève.

4 janvier 2005. A l'initative du Comité de soutien, un film sur la lutte des verriers de Glaverbel-Gilly de 1975 est projeté devant 150 grévistes, suivi d'un débat avec André Henry.

10 janvier. Alors que l'usine est toujours occupée, l'AG du personnel refuse de négocier le plan de restructuration mais la CSC estime que le moment est venu. 13 janvier. Le tribunal de Première instance de Charleroi impose une astreinte de 5.000 euros par personne empêchée d'entrer dans l'usine. Le lendemain, un huissier descend sur le site. Les conciliateurs du Ministère de l'Emploi fédéral de Freya Van Den Bossche décident d’organiser une consultation par courrier individuel.

18 et 19 janvier. La police fédérale intervient de manière musclée afin de déloger le piquet et de libérer l'entrée de l'usine, elle occupera en permanence l'entreprise à partir de ce moment-là. Le 19 janvier au matin, moins de 150 briseurs de grève (des employés et cadres essentiellement) rentrent dans l'usine, sous les huées des grévistes.

21 janvier. Le résultat de la consultation imposée par les conciliateurs est annoncé: sur les 766 bulletins envoyés, 392 bulletins ont été recueillis dont 373 valables, parmi lesquels 213 indiquent "oui au plan" (57,10 % des bulletins ), 156 "non" (41,8 % des bulletins ). Bref, il s'agit d'une victoire pour les grévistes car seulement 28% du total des travailleurs se sont prononcés pour le plan.

20 janvier. Le Comité de soutien aux grévistes organise une fête de solidarité à Lodelinsart avec près de 400 participant-e-s.

25 janvier. Plus de 3.000 personnes manifestent à Charleroi à l'appel de la FGTB contre l'intervention des tribunaux et de la police dans le conflit d'AGC-Fleurus. La CSC quant à elle refuse de s'y associer et mène une action symbolique la veille devant le Palais de justice de la ville.

11 février. La FGTB dénonce que, sur la liste des personnes à licencier, 18 travailleurs sont protégés par les élections sociales. Dans un nouveau geste de provocation, la direction élève le montant des astreintes à 7.500 euros.

18 février. Après 80 jour de grève, les grévistes réunis en assemblée votent à main levée le rejet d'un projet d'accord conclu le 16 février: 249 licenciements (85 "secs", 82 départs en pré-retraite, 77 CDD), maintien des cinq équipes de travail, de la liste noire et grise, etc. La presse se déchaîne contre les grévistes; "minorité extrémiste", "jusqu'au-boutiste" et "destructrice", grève "suicidaire "…

22 février. Une soirée solidarité avec des grévistes, avec André Henry et Jeanine Tips du Comité de soutien, est organisée à Bruxelles avec 80 participant-e-s. Une version courte réalisée par Avanti-Production/La Gauche et la Fondation Lesoil du film sur Glaverbel-Gilly en 1975 est projeté. Un Comité bruxellois de soutien se constitue suite à cette soirée.

28 février. Un nouveau vote à bulletins secrets sur la nouvelle version du plan de restructuration - qui ne dénote en rien du précédent - a lieu. Ce vote est une nouvelle victoire pour les grévistes puisque, sur 687 participants au vote (91% du personnel), 57% (y compris les "jaunes" donc) s'est prononcé contre le plan. Par la suite, alors qu'il avait déclaré accepter de réviser en profondeur son plan s'il était rejeté "démocratiquement", le directeur Jean-Marc Meunier menace au contraire de démissioner.

10 mars. Au centième jour de la grève, une manifestation pour l'emploi est organisée à Fleurus par la FGTB avec la participation de près de 1.000 personnes. Le soir, un gréviste entre dans l’usine avec sa petite fille et y passe la nuit.

11 mars. En assemblée à Lambusart, les grévistes rejettent pour la troisième fois une nouvelle version du plan de "remodelage" de la direction qui ne contient aucune avancée. Les grévistes se rassemblent ensuite devant le site et les délégués FGTB obtiennent que l'entreprise soit fermée le week-end et que le plan soit révisé. Un comité de soutien se constitue ce jour-là à La Louvière.

12 et 13 mars. Van Cauwenberghe déclare que "le conflit est devenu irrationnel". Le dimanche 13, une pétition très médiatisée des jaunes organisés par la direction en soutien au directeur "démissionnaire" Meunier

14 mars. Le nouveau projet d'accord concocté le week end est présenté en AG. Il ne contient pas de changements fondamentaux mais les primes de licenciement sont augmentées. Les grévistes acceptent le principe de ce préaccord mais exigent de le sanctionner par un vote (après une assemblée) de tout le personnel. La direction se refuse à cela en l'absence de la CSC et cette dernière conditionne son accord à la signature du préaccord par les délégués FGTB. Les grévistes, furieux, se rassemblent devant le siège de CSC.

15 mars. Après des assemblées distinctes des grévistes à l'extérieur et des non-grévistes à l'intérieur du site, le vote à bulletin secret est tenu. Sur les 720 participants au vote, 62,40% (410 travailleurs et employés) se prononcent pour le plan et 37,44% (246 travailleurs) contre. 246 travailleurs quitteront l'entreprise. L'emploi des 556 restants n'est garanti que jusqu'en 2007. La flexibilité sera accrue pour ceux qui restent avec le passage à cinq équipes et l'alignement de la productivité sur celle du site italien de Roccaseca où les conditions de travail et de sécurité sont désastreuses. Deux jours plus tard, les travailleurs apprennent que le plan prévoit la suppression de l'assurance hospitalisation pour leurs enfants…

Ataulfo Riera et Dominique Warocquiez

 

 

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