Des nouvelles de la planète
Par Daniel Tanuro le Mardi, 14 Septembre 2004 PDF Imprimer Envoyer

Merveilleuse et fragile pellicule de vie à l'interface entre la terre et l'espace, la biosphère subit depuis deux cents ans des agressions d'une ampleur sans précédent. La biodiversité diminue au rythme de 27.000 espèces disparaissant chaque année - 74 par jour, 3 par heure. A ce rythme, 20% des trente millions d'espèces animales et végétales supposées exister disparaîtront d'ici quelques décennies. C'est une " vague d'extinction " sans précédent depuis la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années - mais c'est l'humanité qui en est responsable, pas la chute d'une météorite.

Cette perte est catastrophique, car les capacités d'adaptation du vivant sont fonction de la diversité du patrimoine génétique. Cet argument vous laisse froid ? En voici un autre: notre alimentation repose à 80% sur l'exploitation de vingt espèces de plantes. Massacrer la biodiversité, c'est risquer de perdre une partie des 75.000 espèces, pour la plupart inexploitées, dont on sait aujourd'hui qu'elles pourraient soulager des maladies, améliorer notre alimentation, voire servir d'alternatives dans des conditions climatiques nouvelles.

Les conditions climatiques, parlons-en ! Même Bush n'ose plus nier que le changement est dû pour l'essentiel à l'accumulation de gaz à effet de serre provenant de l'utilisation des combustibles fossiles. La concentration de CO2 dans l'atmosphère a augmenté de 30% depuis 1750, celle de méthane de 145%, celle d'oxyde nitreux de 15%. Le réchauffement a été de 0,6°C en moyenne au cours du XXe S. Un détail ? C'est la variation de température la plus importante et la plus rapide depuis 10.000 ans. Elle a entraîné une hausse de 10 à 25 cm du niveau des mers et la fonte de 40% de la banquise arctique.

Et la tendance s'accélère ! Faute de mesures drastiques, le Groupe Intergouvernemental des Experts du Changement Climatique prévoit une hausse de 1,4 à 5,8°C au XXIeS.  Le climat est ce qu'on appelle un " système chaotique complexe ", ce qui signifie qu'une petite cause peut y avoir de très grandes conséquences. En deux, trois siècles à peine, une hausse de 3°C au-dessus du Groenland ferait fondre toutes les glaces de cette région et le niveau des océans monterait de 6 mètres. " Plusieurs dizaines de millions de gens devront évacuer les plaines côtières et les deltas d'ici 2100 ", selon le GIEC. Le réchauffement s'accompagnera d'une aggravation des sécheresses, des tempêtes, d'une extension géographique de certaines maladies (malaria, dengue) et, probablement, d'une diminution des rendements agricoles moyens.

On pourrait continuer l'énumération : produits chimiques, acidification et érosion des sols, eutrophisation des eaux, couche d'ozone, manipulations génétiques, problèmes de santé dû à l'environnement, etc. Nous aurons l'occasion d'y revenir, hélas ! Mais c'est un autre message que nous voudrions lancer à l'occasion de l'inauguration de cette rubrique: il est plus que temps que la gauche se soucie enfin de l'écologie et l'intègre spontanément à son discours, son activité, son programme.

La crise écologique est une crise majeure. Ce n'est pas une crise de la nature, mais une crise de la société. Le capitalisme est inadapté à la nature dont l'humanité fait partie : en la mutilant c'est nous qu'il mutile, en l'exploitant c'est nous qu'il exploite. Voilà la vérité toute nue. Cette crise ne peut se résoudre qu'en abandonnant la logique du profit. C'est ce que n'ont pas pu ni voulu voir les partis verts, et c'est la raison fondamentale de leur débâcle, en Flandre, en Wallonie et ailleurs.

Ce n'est pas " la vie sur terre " qui est menacée (des bactéries réussiront toujours à survivre): c'est nous ! Face aux menaces, lobbying dans les allées du pouvoir, conférences internationales et cogestion gouvernementale ne donneront que des " peanuts ". La preuve vient encore d'en être administrée par deux événements récents : la victoire de l'industrie chimique contre le règlement européen " REACH ", d'une part, le détricotage du protocole de Kyoto sous la pression des USA, de la Russie et... de certains signataires, d'autre part. 

On a besoin d'une réponse écologique 100% de gauche, internationaliste, articulée sur les mobilisations sociales, capable de trouver des relais dans le mouvement ouvrier. La marchandisation de la force de travail humaine n'est qu'une manifestation de la marchandisation des ressources naturelles : voilà le point de départ du travail à mener. Karl Marx avait saisi l'impasse écologique de la production marchande, Engels avait dénoncé l'idéologie de " domination de la nature ". C'est peu dire que cette matière a été ensuite sous-estimée. 

La résolution " écologie " de la Quatrième Internationale est un premier pas. A travers cette rubrique, à travers des analyses sur le website, voire des activités publiques, nous voulons contribuer à aller plus loin. Pour collaborer, prenez contact avec l'auteur via la rédaction.

Voir ci-dessus