Courrier adressé à Benoît Lutgens par les militants de la FGTB de Verviers & Communauté germanophone : «Les travailleurs ne sont pas des pigeons ! Ils n’entendent pas se laisser plumer…»
Par Daniel Richard le Jeudi, 30 Mai 2013 PDF Imprimer Envoyer

Monsieur Benoît Lutgen

Président du CdH

Rue des Deux Eglises, 41

1000 BRUXELLES


Monsieur le Président,

Des militants de la FGTB de Verviers et Communauté germanophone ont pris l’initiative d’interpeller ce jeudi 30 mai 2013 les responsables des trois formations francophones de la majorité fédérale. Ils sont choqués par l’offensive violente menée par le gouvernement Di Rupo pour déstructurer et détruire le modèle social construit par la concertation au lendemain de la crise des années 30 et de la seconde guerre mondiale :

  • Dans la sécurité sociale :
    • La réforme du chômage a créé un régime de « fin de droit » pour les jeunes chômeurs et elle a ramené les montants forfaitaires (troisième période de chômage) au niveau d’allocations versées par les CPAS (c’est la conséquence de la dégressivité). En 2015, des dizaines de milliers de producteurs sans emploi seront envoyés à la rue.

La FGTB de Verviers et Communauté germanophone entend intervenir dans la campagne électorale de 2014 pour rappeler la responsabilité qu’ont pris les partis de la majorité dans l’organisation de la misère pour une génération entière.

  • La réforme des fins de carrière maintient au travail des travailleurs âgés alors que le chômage des jeunes est massif.
  • Le gouvernement semble se préparer à une nouvelle réforme des pensions : elle inquiète les travailleurs dont les représentants ne sont pas associés à la réflexion…
  • Dans les services publics :

Les moyens de fonctionnement sont à l’étiage depuis de nombreuses années et la norme devient, petit à petit, le non-remplacement des agents de la fonction publique, à tous les étages, quand ils partent… Quand ce n’est pas directement de ventes d’actifs ou de privatisation dont il est question. Pour l’ensemble des travailleurs, les services publics représentent des instruments de redistribution de la richesse à travers la péréquation des tarifs qu’ils rendent possible parce qu’ils ne fonctionnent pas selon les règles du marché. Les saboter, c’est encore amputer les moyens d’existence de l’ensemble de la classe ouvrière en commençant par les plus faibles.

  • En matière de fiscalité :

La réduction du nombre de tranches d’imposition avait déjà considérablement réduit le caractère progressif de la fiscalité belge. Aujourd’hui, le traitement de faveur réservé aux fortunes étrangères organise, comme par compensation, un enfer fiscal pour les travailleurs. Plus d’équilibre et de justice fiscale entre les revenus du travail et ceux du capital s’imposent. Surtout que l’amnistie organisée par la DLU choque au moment où l’austérité est le nom du pain sec réservé au monde du travail !

  • En ce qui concerne le pouvoir d’achat des travailleurs :

Les manipulations de l’index opérées en dehors des moments prévus pour la renégociation du contenu du « panier de la ménagère » ne sont pas acceptables. Le blocage des salaires pour deux années et l’acharnement gouvernemental à empêcher toute négociation dans les secteurs et dans les entreprises en bonne santé auront pour conséquence immédiate de faire exploser les dividendes, notamment. Et pas les investissements alors que la récession s’installe ! Austérité pour les travailleurs, bonus pour les patrons et cadeau aux actionnaires. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. La loi sur la compétitivité prévoit dans son article 14 la possibilité, pour le gouvernement, de bloquer les loyers et les autres formes de rémunération. Qu’attend la coalition fédérale pour au moins établir un traitement équitable des revenus ?

  • Le sacrifice de la concertation sociale :

La capacité, pour les travailleurs et leurs représentants, de négocier leur rémunération sortait les salaires du marché de « l’offre et la demande ». L’empêcher, au moment où le chômage de masse gonfle, c’est objectivement organiser l’appauvrissement des travailleurs.

Dans le même temps, les employeurs obtiennent de nouvelles mesures de flexibilité qui vont dégrader encore les conditions de vie des travailleurs… Les discussions sur l’harmonisation des statuts nous font craindre de sérieuses pertes de droits au niveau des employés sans grandes améliorations pour les ouvriers.

Le minage des fondements mêmes du modèle social belge se complète par la menace d’actions illégales parfois à l’encontre du droit de grève pourtant reconnu internationalement. Ces agressions sont répétées dans le secteur public (à travers la volonté d’instaurer un service minimum) mais de plus en plus fréquentes aussi dans le secteur privé (comme en témoigne le récent conflit chez Swissport). Le secrétaire d’Etat Wathelet fait des déclarations matamoresques pour tenter de briser des actions de grève à Zaventem. Ses menaces n’ont aucun sens et constitueraient des infractions s’il avait dû les mettre en œuvre. Nous nous en expliquerons avec son électorat durant toute la campagne qui vient à Verviers.

La ruine du fragile équilibre social rompt évidemment toute perspective possible de paix sociale. C’est bien la responsabilité qu’ont prise les formations de la majorité fédérale. Nos militants vont organiser la formation et l’information de nos affiliés à ce sujet.

« Il ne faut pas gaspiller une bonne crise », conseillait Friedman, le penseur « nobélisé » des dérégulateurs sauce « Thatcher » ou « Reagan » dont les politiques ont créé les conditions de la crise des « subprime ». Il y a bien un objectif politique derrière l’obsession austéritaire qu’encouragent les « règles européennes » consenties et même décidées par nos gouvernements. La ratification sans débat du TSCG en est un exemple de trop.

L’austérité est l’arme choisie pour saper notre modèle social.

Cette recette ne marche pas comme le démontre sa mise en oeuvre répétée de plan en plan en Grèce comme en Espagne. Les remèdes ont aggravé le mal qu’ils devaient soigner : creusement des déficits budgétaires et alourdissement des dettes souveraines…

Les travailleurs ne sont pas des pigeons ! Ils n’entendent pas se laisser plumer. Pas plus qu’ils n’accepteront d’être mis sur la paille.

Aucun Etat ne vit au dessus de ses moyens. Nombre d’entre eux ont dû intervenir massivement pour sauver le système financier et des banques inconséquentes dans leurs placements et dans la gestion de leurs risques. Pratiquement aucun n’a mis de l’ordre dans le secteur mais presque tous font payer cette crise à ceux qui n’en sont pas les responsables.

DE MANIERE URGENTE, LES MILITANTS DE LA FGTB DE VERVIERS ATTENDENT DES FORMATIONS FRANCOPHONES L’ASSURANCE, AU MINIMUM, D’EMPECHER L’EXCLUSION MASSIVE DES CHOMEURS, MAJORITAIREMENT WALLONS ET BRUXELLOIS, AU 1ER JANVIER 2015, LE RETABLISSEMENT DE LA LIBERTE DE NEGOCIER LES SALAIRES DANS LES SECTEURS ET DES GARANTIES FORTES QUANT A LA DEFENSE DU 1ER PILIER DE PENSION DE L’ENSEMBLE DES TRAVAILLEURS (SECTEUR PRIVE ET SECTEUR PUBLIC).

Les militants de la FGTB de Verviers resteront à l’écoute de vos réactions et vos déclarations. Ils pourront mesurer leur concordance avec les valeurs qu’ils entendent continuer à défendre.

En vous remerciant de votre attention, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en notre considération.


Pour les militants de la FGTB de Verviers & Communauté germanophone,

Daniel RICHARD,

Secrétaire Régional Interprofessionnel de la FGTB Verviers et Communauté Germanophone.


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