Soutien aux bénéficiaires du CAPT contre les restrictions budgétaires dans le domaine de la création théâtrale
Par Collectif le Lundi, 19 Novembre 2012 PDF Imprimer Envoyer

Nous publions une lettre des bénéficiaires du CAPT (Conseil de l'aide aux projets théâtraux) qu’ils ont adressée à la ministre de la Culture Fadila Laanan et dans laquelle ils demandent la non-application des restrictions budgétaires ayant touché le secteur de la culture qui voit son budget pour l’année 2013 diminuer de 45% par rapport à celui de l’année en cours, avec toutes les conséquences négatives que cela suppose, notamment la suppression de plusieurs emploi.

Une pétition de soutien à la lettre des bénéficiaires du CAPT est en circulation, voir le lien ci-dessous. (LCR-Web)



Lettre des bénéficiaires des aides du CAPT à la ministre de la Culture Fadila Laanan


Madame la Ministre,

Dans un article paru dans La Libre Belgique de ce 12 novembre, nous avons pris connaissance avec stupeur des nouvelles mesures d’austérité qui s’apprêtent à affecter le secteur culturel, et qui ciblent tout particulièrement les aides à la création dans le secteur des Arts de la Scène, en réduisant notamment de 45% le budget alloué à l’aide aux projets théâtraux. Celui-ci n’ayant de surcroît pas été indexé depuis l’année 2000.

En tant que porteurs de projets dépendant largement des ces aides, nous sommes profondément choqués par ces mesures dont les conséquences seront désastreuses pour l’emploi des acteurs les plus précaires du secteur : les artistes et travailleurs sous contrat à durée déterminée.

Le Conseil de l’Aide aux Projets Théâtraux soutient chaque année entre 30 et 40 projets. Ces aides représentent les seules ressources mises à la disposition directe des artistes et compagnies qui ne disposent pas d’un conventionnement, dont l’accès a par ailleurs été considérablement réduit ces dernières années. La situation est connue : face au gel des nouvelles conventions, le nombre de porteurs de projets dépendant des aides du CAPT ne cesse d’augmenter à mesure que de nouveaux créateurs sortent des écoles.

Dans ce contexte, les aides du CAPT représentent évidemment un maillon vital et indispensable de la chaîne de production du secteur théâtral, et ce pour une majorité croissante d’artistes. C’est d’autant plus vrai que l’octroi de l’aide au projet constitue désormais pour les créateurs un véritable ticket d’entrée dans les lieux de création, et est pratiquement devenu une condition sine qua non pour avoir accès à une quelconque coproduction.

Ces aides sont essentiellement consacrées à l’emploi artistique : entre 60 et 85% des aides allouées servent à payer les rémunérations du personnel artistique. Réduire ces aides, c’est réduire d’autant les perspectives d’emploi dans le secteur, à l’heure où les artistes sont précisément fragilisés par un durcissement des règles liées à leur régime de chômage.

Ces mesures à l’égard de la création sont à nos yeux particulièrement contre-productives et injustes. En regard des économies qu’elles permettent de réaliser, elles font peser un préjudice très lourd sur une frange déjà gravement précarisée du secteur, et elles envoient un signal très inquiétant en ce qui concerne la vision qu’elle sous-entend en termes de politiques culturelles.

Diminuer les ressources allouées à la création, c’est diminuer du même coup les possibilités de professionnalisation des créateurs et interprètes ; c’est rendre virtuellement impossible aux artistes d’exercer leur métier dans un cadre légal ; c’est licencier par anticipation les équipes artistiques et désigner implicitement l’ONEM comme premier pouvoir subsidiant du secteur de la culture ; c’est renier enfin de façon incompréhensible les orientations prises par les Etats Généraux de la Culture.

Cet accroissement de la précarisation de la pratique artistique ne pourra occasionner qu'une augmentation du bénévolat ou du travail au noir, qu'une diminution du nombre de productions, qu'un appauvrissement du renouvellement des esthétiques ainsi que du rayonnement artistique de notre Fédération à l'étranger comme sur son propre territoire. Cette mesure, combinée au gel de l'indexation des aides structurelles, aura immanquablement l'effet suivant : les projets des compagnies ne seront plus montrés dans les lieux de création ou, s'ils le sont, ce sera sans doute sans possibilité d'en rémunérer le travail de répétition.

Si les chiffres publiés par La Libre sont exacts, les sommes soustraites au budget du CAPT représentent à peine un demi pourcent du budget global des Arts de la Scène ; en revanche, elles comptent pour un tiers des efforts consentis à l’échelle du secteur. Nous trouvons inacceptable de faire peser le poids de la crise de manière aussi disproportionnée sur les créateurs.

Nous, signataires de la présente lettre, vous invitons à consulter les récits personnels de nos parcours dans l'institution, compilés à l'adresse suivante : conseildead.blogspot.com . Ils prouvent par les chiffres que l'attribution des montants octroyés par votre Ministère via le CAPT constitue de véritables aides à l'embauche pour ceux qui les perçoivent, opérantes et nécessaires. Nous exprimons également vivement notre désir d'entendre une prise de parole publique claire de votre part : ce à quoi nous consacrons notre temps, notre énergie et nos compétences, dans des conditions déjà extrêmement difficiles, n'a-t-il aucune valeur aux yeux des pouvoirs publics ?

Jointes aux soixante signatures des bénéficiaires d'aides à la création par l'intermédiaire du Capt depuis 2009, veuillez trouver la liste des organismes et des personnes (directeurs de structures, acteurs, techniciens, scénographes, metteurs en scène, auteurs, étudiants en art dramatique et spectateurs) qui ont souhaité soutenir notre démarche.

En conclusion, permettez-nous, Madame la Ministre, de vous demander avec force de ne pas appliquer cette mesure.


Signataires ayant bénéficié d'aides à la création par l'intermédiaire du Capt depuis 2009 (liste au 17.11) :

Stéphane Arcas, Andrea Bardos, Ludovic Barth, Gwen Berrou, Raphaëlle Blancherie, Olivier Boudon, Sarah Brahy, Lucille Calmel, Delphine Cheverry, Sébastien Chollet, Compagnie Art&tça, Mathilde Demarez, Sabine Durand, Aurore Fattier, Isabelle Gyselinx, Vincent Hennebicq, Jean-Michel d'Hoop, Isabelle Jonniaux, Karine Jurquet, Antoine Laubin, Denis Laujol, Guillemette Laurent, Nicolas Luçon, Aline Mahaux, Pierre Megos, Laurent Micheli pour le collectif On voit ta culotte madame Vero, Jérôme Nayer, Dominique Patuelli, Carla Python, Raoul Collectif (Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Elena Perez, Benoît Piret, Jean-Baptiste Szézot), Renaud Riga, Dominique Roodthooft, Estelle Rullier, Mélanie Rullier, Myriam Saduis, Claude Schmitz, Christophe Sermet, Vincent Sornaga, David Strosberg, Virginie Strub, Coline Struyf, Peggy Thomas, Anne Thuot, Jean-Benoit Ugeux, Coralie Vanderlinden,Odile Vansteenwinckel, Benoit Verhaert, Thibaut Wenger, Lise Wittamer, Myriam Youssef


Soutiens apportés aux signataires (liste au 17.11) :

Michèle Braconnier (Directrice de L'L lieu de recherche et d'accompagnement pour la jeune création), Patrick Colpé (Directeur du Théâtre de Namur), Fabien Dehasseler (co-directeur du Théâtre de la Balsamine), Michael Delaunoy (Metteur en scène, pédagogue, directeur du Rideau de Bruxelles), Michel Dezoteux (co-directeur du Théâtre Varia), Monica Gomez (co-directrice du Théâtre de la Balsamine), Patricia Ide (co-directrice du Théâtre Le Public), Michel Kacenelenbogen (co-directeur du Théâtre Le Public), Émile Lansman (Éditeur), Jean-Marie Piemme (auteur), Serge Rangoni (Directeur du Théâtre de la Place), Benoît Roland (directeur de l'Atelier 210), Philippe Sireuil (Metteur en scène), Sylvie Somen (co-directrice du Théâtre Varia), David Strosberg (Directeur du Théâtre les Tanneurs), Philippe Taszman (directeur ad interim de la compagnie Arsenic et administrateur délégué du Groupov), Jean-Michel Van Den Eyden (directeur du Théâtre de l'Ancre)


Une pétition a été lancée et est accessible à l'adresse suivante : https://12254.lapetition.be


Voir ci-dessus