Une catastrophe nucléaire n'a pas de frontière. Notre résistance non plus!
Par Louis Verheyden, Jean François Pontegnies, Pierre Rousset le Dimanche, 09 Octobre 2011 PDF Imprimer Envoyer

Nous reproduisons ci-dessous l'intervention prononcée par Louis Verheyden, du réseau "Stop Nucléaire", faite à Tihange le 17 septembre dernier au meeting qui a suivi la manifestation antinucléaire internationale, avec près de 2000 participants. Dans cette intervention, appel est lancé à se mobiliser activement pour l'échéance du 11 mars 2012, premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima. (LCR-Web)

Chères amies, chers amis,

Merci pour votre présence à cette manifestation. Nous sommes ici à 2000, c'est un deuxième succès pour le mouvement antinucléaire belge et international après la manifestation réussie du 24 avril et un encouragement pour celles et ceux qui veulent déjà organiser une grande manifestation à Bruxelles le dimanche 11 mars prochain, exactement 1 an après la catastrophe de Fukushima.

J’ai reconnu ici plusieurs personnes qui ont comme moi participés aux manifestations des années ‘70 à Doel et à Chooz contre la construction des centrales nucléaires. Nous nous rappelons : nous avons été  ignorés, puis tabassés et gazés et enfin traités d’imbéciles. Les hauts responsables d’Electrabel et du gouvernement nous disaient qu’en l’année 2000  le problème des déchêts serait résolu et qu’on constatera qu’il n’y aura pas eu un seul accident nucléaire.

Malheureusement : nous avions raison en 1970 et nous avons incontestablement raison aujourd’hui. Nous sommes en 2011, et malgré des recherches très largement subventionnées par le secteur public menées intensivement depuis plus d’un demi-siecle il n’y a pas de solution pour les déchêts nucléaires. Je vous demande d’avoir une pensée pour l’ouvrier de la centrale de Marcoule qui l’a payé de sa vie. Nous sommes de tout cœur avec les personnes qui participent en ce moment même au festival de Bure qui exigent un moratoire d’enfouissement de déchêts nucléaires à cet endroit comme ailleurs.

Quant aux accidents, nous avons une tâche sacrée de résister à l’oubli. Nous ne pouvons jamais oublier la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril 1986 ni les mensonges à propos des nuages radioactifs qui s’arrêtent aux frontières. Nous ne pouvons pas oublier la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011. Nous n’oublierons pas l’accident nucléaire à l’Institut des Radio-Elements à Feluy, en Belgique, en août 2008, classé 3 sur l’échelle de gravité INES qui compte 7 degrés. C’est donc possible chez nous ! C’est d’autant plus possible que sous nos pieds se trouve une faille géologique qui a provoqué le tremblement de terre de novembre 1983 à Liège, d’une magnitude de 4.7 sur l’échelle de Richter. Un séisme dans la même région a atteint 6.3 sur l’échelle de Richter en 1692. Qui nous garantit que cela ne se reproduira pas ? Les mêmes qui ont calculé la hauteur maximale des tsunamis à Fukushima ?

La probabilité de vivre cet évènement sismique est effectivement petite. Mais quand cela se produira, et cela se produira un jour, et si a ce moment là il y a encore un réacteur en activité, il faudra évacuer 5.7 millions de personnes. Huy, Liège, Namur, Charleroi mais aussi Maastricht et Aachen devront être abandonnés à toujours, inhabitables.

C’est pour cela qu’il y a parmi nous des manifestants allemands et néerlandais. Car une catastrophe nucléaire ne connait pas de frontières. Notre résistance non plus !

Nous voulons réduire ce risque, maintenant. Nous, à Nucléaire Stop, exigeons la fermeture immédiate des trois plus vieux réacteurs, Tihange 1 mais aussi Doel 1, et Doel 2 situés en pleine zone SEVESO, entouré de raffineries de pétrole et d’usines chimiques dans la zone portuaire d’Anvers. S’il y a une catastrophe dans un de ces réacteurs ce ne sont pas 5 mais 9 millions de personnes qu’il faudra évacuer ! Ces trois vieux réacteurs, qui datent de 1975, produisent ensemble 1800 Mwatt électriques par an, alors qu’Electrabel dispose actuellement d’une surcapacité de 2800 Megawatt ! Ces trois vieilles centrales produisent ensemble moins d’un tiers de l’électricité nucléaire belge. Le nucléaire produit la moitié de l’électricité. L’électricité délivre 20 % de l’énergie en Belgique. Il s’agit donc aujourd’hui de débrancher un tiers de la moitié d’un cinquième de la production d’énergie nationale : 3% du total. Est-ce que cela nous ramènera à l’âge de la bougie ? Non. Est-ce que cela diminuerait les bénéfices d’Electrabel ? Oui, car le KW nucléaire provenant d’un réacteur amorti financièrement est très bon marché pour Electrabel, qui le revend très cher aux ménages puisqu’il est seul producteur belge. La centrale derrière moi ne produit pas uniquement de l’électricité : elle produit aussi une rivière de bénéfices pour ses grands actionnaires ! Voilà pourquoi Tihange 1 fonctionne encore !

Nous défendrons la loi de sortie du nucléaire contre ceux, le Ministre Magnette et electrabel qui veulent en reporter le côté sortie du nucléaire. Mais nous voulons aller plus loin, tout de suite avec la fermeture immédiate des trois réacteurs les plus âgées et la fermeture des autres réacteurs aussi vite que techniquement possible. Nous voulons un plan plurtiannuel de politique énergétique résolument tourné vers l’isolation thermique des bâtiments, vers l’augmentation de l’efficacité énergétique et vers les énergies renouvelables organisés dans un réseau intelligent et décentralisé. Ceci est parfaitement réalisable et doit se réaliser rapidement sans tenir compte de la cupidité des grands actionnaires d’Electrabel.

Merci de m’avoir écouté. Rendez-vous est pris le dimanche 11 mars 2012, construisez des demain des comités de mobilisation dans votre école, votre quartier, dans votre village et amenez vos amis !

Jean-François Pontegnies, Louis Verheyden


Japon : «Plus jamais de Fukushima»

Le 19 septembre, avec pour mots d’ordre «Plus jamais de Fukushima» et «arrêt des centrales nucléaires», Tokyo a abrité la plus grande manifestation contre le nucléaire civil depuis la catastrophe du 11 mars avec, selon les organisateurs, plus de 60.000 participantEs, souvent venuEs en famille. Réunissant des intellectuels, des associations antinucléaires, des comités citoyens, des syndicats, des groupes d’extrême gauche, elle a commencé par un rassemblement au Meiji Park avant de partir en trois directions sillonner la capitale.

L’appel à cette journée de mobilisation – «Adieu au nucléaire» – a été lancé par huit personnalités, dont l’acteur Taro Yamamoto, le musicien Ryuichi Sakamoto, le journaliste Satoshi Kamata, l’auteure Keiko Ochiai et le prix Nobel de littérature Kenzaburo Oe. Lors du rassemblement, ce dernier a déclaré: «Certains disent qu’il est impossible de se passer d’énergie nucléaire, mais c’est un mensonge. L’énergie nucléaire est toujours accompagnée de destructions et de sacrifices»;«Nous devons faire savoir aux dirigeants des principaux partis et au patronat japonais notre intention de résister.»

La présence à la manifestation de nombreux riverains de la centrale de Fukushima Daiichi, contraints d’évacuer leur domicile pour cause de radio­activité, avait une forte portée symbolique. Pour Kazuhiro Hashimoto, un employé médical, «si nous n’arrivons pas à sortir du nucléaire maintenant, nous n’arriverons jamais à construire un monde sans cette énergie». «Il sera trop tard pour protester après le prochain accident nucléaire. Nous espérons que celui de Fukushima sera le dernier.»

«Six mois après, note Ruiko Muto, membre d’un groupe citoyen de Fukushima, nous y voyons plus clair.» «Nous savons maintenant que les faits ne nous ont pas été révélés, le gouvernement ne protège pas la population, l’accident est toujours en cours... mais il y a encore des gens qui promeuvent le nucléaire». «Depuis le 11 mars, nous devons chaque jour prendre des décisions sur des questions comme faut-il évacuer, faut-il faire porter des masques aux enfants, faut-il faire sécher le linge dehors, faut-il labourer les champs?»

Côté mouvement ouvrier, l’initiative de la manifestation fut prise par des syndicats proches du Parti social-démocrate, mais la fédération liée au Parti communiste, Zenrohren, et des mouvements d’extrême gauche étaient aussi très mobilisés, avec un contingent de plus de 5.000 militantEs.

«Nous n’avons pas besoin de centrales nucléaires!», «L’entreprise TEPCO doit payer des compensations aux victimes» scandaient les manifestantEs. Les initiateurs de l’appel se donnent pour objectif de réunir 10 millions de signatures pour la sortie du nucléaire. L’opinion publique est en effet de plus en plus hostile à la poursuite de la politique énergétique antérieure. À un sondage effectué par le quotidien Mainichi Shimbun, 65% des personnes interrogées (en dehors des zones sinistrées) se sont déclarées prêtes à une réduction de la consommation électrique pour se libérer de la dépendance à l’égard de l’atome.

Pour Satoe Sakai, venu d’Osaka, «C’est aujourd’hui que nous pouvons vraiment changer la politique nucléaire; c’est le moment le plus favorable pour agir.»

Le gouvernement sent la pression. Il prévoyait, avant la catastrophe du 11 mars, d’augmenter la part du nucléaire dans la production d’électricité en la faisant passer des 30% actuels à 50 % en 2030. Il doit y renoncer et promettre le développement des renouvelables. Mais il n’en pousse pas moins à la relance de réacteurs aujourd’hui à l’arrêt, veut maintenir sa politique d’exportation de l’atome et reste sous l’emprise du puissant lobby nucléocrate. Il n’y aura pas de sortie du nucléaire sans luttes et mobilisations.

Pierre Rousset

Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 117 (29/09/11)

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