Allemagne-France: Mobilisations anti-nucléaire massives
Par Angela Klein le Jeudi, 11 Novembre 2010 PDF Imprimer Envoyer

Les quatre journées de lutte dans le "Wendland" (le pays des Wendes, ou des Slaves dans le nord-est de la Basse-Saxe, proche des frontières avec le Mecklenburg-Vorpommern, Brandenburg et Sachsen-Anhalt) ont marqué un grand pas en avant dans la lutte contre la prolongation de vie des centrales nucléaires. Depuis le mois d'avril de cette année, lorsque le gouvernement Merkel a décidé d'abandonner le soi-disant "compromis nucléaire" scellé sous le gouvernement rouge-vert précédent, les manifestations contre l'énergie nucléaire ont repris avec une énergie surprenante: 120.000 personnes participent le 24 avril à une chaîne humaine de 120 km entre Krümmel/Hamburg et Brunsbüttel le long de la Basse-Elbe; suit une manifestation de 100.000 personnes à Berlin avec encerclement de la chancellerie et du Bundestag le 18 septembre, et une de 50.000 personnes le 9 octobre à Munich. Et maintenant, entre le 5 et le 9 novembre, des blocages et manifestations en différents endroits le long du chemin des "castors" entre Berg, proche de la frontière avec la France, et Celle en Basse-Saxe.

Tout au long des rails entre Dahlenburg et Gorleben (33 km) on a vu 50.000 personnes manifester le samedi 6 novembre, et les trois jour suivants entre 20 et 25.000 participer dans des blocages de toute sorte pour empêcher le train d'arriver au terminus. Les blocus les plus importants dureront 20 heures et plus, celui devant le centre des déchets à Gorleben aura duré pendant 45 heures.

"Nous voilà de retour" avaient titré les journaux sympathisants avec le mouvement en avril. Un retour en force. Pour différentes raisons: Parce que le gouvernement Merkel, qui a mis moins de 12 mois pour battre le record du gouvernement plus detesté dans l'histoire allemande depuis la guerre, s'est mis à plat ventre devant les monopoles de l'énergie qui veulent prolonger le temps d'activité des centrales parce que cela leur rapporte des profits supplémentaires de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. Parce que ce gouvernement a défait sans sourciller un compromis difficile et précaire de ces mêmes monopoles avec le gouvernement antérieur. Parce que le secteur des énergie renouvelables est devenu un secteur important de l'économie allemande produisant aujourd'hui 16% de l'énergie primaire et employant près de 340.000 ouvriers.

L'Allemagne est un pays exportateur d'électricité qui pourrait percevoir 100% de son énergie de ressouces renouvelables d'ici 2050. Mais la fixation sur le charbon et le nucléaire bloque, pour des raisons techniques, une augmentation de la part des renouvelables dans les réseaux énergétiques - et donc dans les marchés de l'énergie.

A la peur d'une énergie qui menace le futur entier de l'humanité s'ajoute le débat sur le climat. Alors que le traitement du charbon et du nucléaire demande une technologie centralisée et une forte concentration du capital, et donc une structure monopoliste de la production énergétique, les énergies renouvelables marchent mieux dans des unités plus petites, décentralisées, moins couteuses.

Un progrès technologique, écologique, économique et social qui se dessine à l'horizon est mis en cause parce que le gouvernement n'a pas le courage de s'opposer au pouvoir des monopoles. Il y a 40 ans, sur fond de guerre froide, le débat sur le nucléaire se nourissait de la peur de son potentiel destructif. Aujourd'hui il devient le symbole d'une chance ratée pour un futur digne d'être vécu. La lutte contre le nucléaire et le charbon va former et politiser à nouveau toute une génération.

Dans le Wendland la résistance contre le nucléaire fait partie d'une culture qui se transmet désormais à la 4ème génération; sa colonne vertébrale est formée par des paysans, qui, de la grange au champ et au tracteur ont mis à la disposition de la lutte tout ce qu'ils avaient. Ils ont fourni le gros de l'infrastructure pour ces quatre journées de lutte, une infrastructure excellente et souvent bien supérieure à celle de la police.

Le gouvernement, une fois de plus, n'a pas bougé: le site de Gorleben est officiellement déclaré capable d'accueillir les déchets de forte radioactivité; la prochaine livraison de "castors“ étant prévue pour 2011. Nous, les manifestants, nous avons des réserves, nous pouvons doubler nos effectifs. Mais les forces de l'ordre ont touché un plafond. 20.000 policiers ont été de service dans le Wendland, la plupart entre 25 et 30 heures d'affilée: le dimanche soir ils était tellement épuisés qu'ils ont demandé de négocier avec les manifestants. En outre, beaucoup d'entre eux sympathisent avec les manifestants. Il ne leur sera pas possible, avec les moyens utilisés jusqu'à présent, de libérer les rails du double de manifestants.

Mais il y a plus encore, l'étincelle de la lutte s'est répandue sur une grande parti du territoire: chaque centrale nucléaire, chaque nouvelle centrale de charbon rallume le débat. Et l'année prochaine nous offrira six élections régionales, dont une très importante au Bade-Wurttemberg. Dans les sondages, les partis au gouvernement à Berlin sont en chute libre.

De Cologne, Angela Klein


France: Décidément, nucléaire et démocratie ne font pas bon ménage !

Le Vendredi 05 novembre 2010, partout en France des actions ont eu lieu à l’occasion du transport de matières hautement radioactives à destination de Gorleben en Allemagne. Des milliers de manifestants militants, écologistes, adhérents de partis politiques anti-nucléaires et syndicalistes, ont exprimé haut et fort leur refus du nucléaire, leur volonté d’arrêter la production comme les circulations de déchets dont chacun reconnaît l’extrême nocivité.

Au lieu d’entendre les revendications du mouvement anti-nucléaire et de tous ses partenaires, les pouvoirs publics, AREVA et la SNCF ont adopté une position intransigeante associant un déploiement de force impressionnant, un refus manifeste de dialoguer et des pratiques dont nous ne pouvons que regretter le caractère excessif et dangereux.

- 1. Tout au long du trajet, de Valognes au Pont de Kehl, les pouvoirs publics, AREVA et la SNCF se sont opposés aux contrôles citoyens sur le convoi au mépris des libertés publiques, du droit à l’information et de la compétence des groupes d’experts indépendants dans le domaine du nucléaire.

- 2. À Caen, l’intervention des forces de l’ordre a été pour le moins musclée. Le communiqué de presse du GANVA (Groupe d’Actions Non-Violentes Antinucléaires), qui a organisé de manière pacifique et non-violente le blocage du convoi fait état le 6 novembre de 3 blessés graves (deux sévèrement brûlés, l’autre a eu les tendons du poignet sectionnés).

- 3. Enfin, à Longueau la direction de la SNCF a pris la décision de dérouter le convoi pour emprunter un itinéraire qui n’était pas prévu au mépris des règles élémentaires de sûreté nucléaire et de sécurité civile.

Le collectif "STOP-EPR ni à Penly, ni ailleurs" et l’ensemble des organisations qui se sont mobilisés en Haute-Normandie et dans la Somme à l’occasion du passage de ces 123 t. de déchets radioactifs tiennent à manifester leur soutien aux militants qui ont été blessés à Caen comme aux militants allemands dont les actions ont été sévèrement réprimées. Nous revendiquons une réelle transparence au sujet des transports de matières radioactives et plus encore que toute la lumière soit faite sur les actions de la police à Caen.

L’Etat mais aussi AREVA se doivent d’informer l’opinion publique des risques inhérents au nucléaire tant sur le plan environnemental que sanitaire. L’État, AREVA et la SNCF ont le devoir d’entendre des critiques fondées et non de leur opposer le mépris et la violence. Décidément nucléaire et démocratie ne font pas bon ménage !

Les Alternatifs, CLAN Picard, Collectif « vivre libre », Europe Ecologie, la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE 76), Fédération SUD Rail, la Gauche Unitaire, le NPA, le Parti de Gauche, Réseau Sortir du Nucléaire, SDN 27, STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs.

9 novembre 2010.

Voir ci-dessus