Coup de semonce dans les TEC, à la SNCB, chez Arcelor Mittal…
Par Denis Horman le Dimanche, 10 Octobre 2010 PDF Imprimer Envoyer

Le 29 septembre dernier, près de 100.000 travailleur/euse/s (des secteurs public et privé) de 24 pays européens ont crié dans les rues de Bruxelles : « Ce n’est pas à nous de payer leur crise ». Le même jour, c’était grève générale dans l’Etat espagnol. En France, c’est la montée en puissance des mobilisations et des grèves contre la réforme des pensions. En Grèce et dans bien d’autres pays, les travailleur/euse/s, la jeunesse, les pensionné/e/s descendant dans la rue pour dire stop à l’austérité, pour réclamer une autre redistribution des richesses, en prenant l’argent là où il est, chez les banquiers, les spéculateurs, les grosses fortunes, les gros actionnaires des multinationales qui se partagent de plantureux dividendes.

Gouvernements et patronat ont lancé une grande offensive pour imposer une régression sociale sans précédent. En Belgique, la profonde crise politique et institutionnelle n’a pas pour autant entraîné la suspension du plan d’assainissement des finances publiques pour combler un déficit public estimé actuellement à 25 milliards d’euros. En octobre 2009, le gouvernement Van Rompuy CD&V), avec la participation du PS, du CDH, du MR et de l’Open VLD – les mêmes aujourd’hui dans le gouvernement Leterme « d’Affaires courantes » fixait une première tranche d’assainissement du déficit public de quelque 3,5 milliards d’euros pour les années 2010-2011, et cela, pour l’essentiel, par la réduction drastique des dépenses publiques dans les services publics ou d’intérêt public ou encore par de nouvelles taxes, l’augmentation de la TVA ou des biens de consommation courante. Les Régions et Communautés étaient priées de prendre leurs responsabilités en assumant une partie de l’effort d’assainissement.

Dans le secteur privé, l’augmentation du taux de profit, ainsi que les largesses accordées aux entreprises, grevant le budget de l’Etat et de la sécurité sociale (intérêts notionnels, baisse des impôts et des cotisations patronales à la sécurité sociale), loin d’inciter les actionnaires à rencontrer les revendications légitimes des travailleurs, poussent plutôt à plus d’exploitation de la main-d’oeuvre, de flexibilité, de compression des salaires, de restructuration avec fermeture, licenciements, compression du personnel…

Alors, au-delà des rassemblements, des manifestations syndicales, allons-nous connaître, dans les mois qui viennent, des mobilisations, des grèves, une coordination des luttes à la hauteur de défis, d’enjeux bien réels ? Dans les secteurs privé et public, le raz le bol éclate, avec des grèves ici ou là. Coups de colère passagers ou coups de semonce qui préfigurent un mouvement d'ensemble, une lutte « tous ensemble »?

Grève de 24 heures dans les TEC (transports en commun) wallons

Pour ce lundi 11 octobre, le front commun syndical (CGSP –tram, bus, métro-, CSC –services publics et CGSLB –syndicat libéral-) a décrété une grève de 24 heures dans les Tec wallons. La SRWT (Société régionale wallonne du transport), qui chapeaute les cinq Tec wallons, a, à la mi-septembre, avalisé une série de mesures d’économies pour apurer un déficit d’exploitation de près de 10 millions d’euros en 2010. Et cela, suite aux contraintes budgétaires imposées par la Région wallonne.

Ce plan d’économies drastique touche à la fois les usagers et le personnel des Tec : hausse exceptionnelle des tarifs de 6% en moyenne au 1er février 2011 (billet de transport, cartes urbaines, abonnements scolaires et autres…) ; suppression de lignes le dimanche, de parcours aux heures creuses en semaine ; plan global de réduction d’effectifs, avec non-reconduction de contrats à durée déterminée et le non-remplacement des départs naturels (120 à 150 personnes) et donc surcharge de travail répartie sur les travailleurs restants ; diminution du pouvoir d’achat suite à la suppression des primes « tôt » ou « tard » et « prestations du dimanche.

Le front commun syndical des Tec « ne peut accepter ces mesures. Il demande d’urgence un financement correct pour l’année 2011 ( …), un contrat de gestion digne d’un service public, efficace et essentiel, dans l’intérêt des citoyens et des travailleurs ». A la région wallonne, les chefs de cabinets des ministres wallons de la Mobilité, Philippe Henry (Ecolo), du Budget, André Antoine (CDH), ainsi que du ministre-président, Rudy Demotte (PS) ont dit comprendre les inquiétudes exprimées par le FCS, mais que « des mesures d’économies devront être prises » !

Grève annoncée pour le 18 octobre à la SNCB

Les syndicat socialiste CGSP-Cheminots a décidé d’organiser une grève, du dimanche 17 octobre (22h) au lundi 18 octobre (22h) sur l’ensemble du réseau ferroviaire. Une grève précédée du blocage du trafic marchandises, le 11 octobre.

La CGSP-Cheminots envisage déjà des grèves tournantes par district, après le 18 octobre, si la direction de la SNCB maintient tel quel son plan d’économies. Aussi bien le personnel de la SNCB que les voyageurs sont visés par ce plan ; Alors, que prévoit ce plan, cet « agenda caché » de la SNCB ?

Hausse des tarifs. Après avoir déjà procédé, le 23 août, à une augmentation de 7 euros du billet de train international, le Conseil d’Administration de la SNCB-Holding a décidé une nouvelle hausse des tarifs : une hausse moyenne de 1,24%, à partir du 1er février 2011. Le prix du billet normal augmentera de 1,02%, les abonnements de 1,03%.

Distributeurs automatiques et suppression des guichets dans les gares. D’ici 2015, les guichets disparaîtront dans 38 de nos gares ; dans 78 gares, les voyageurs ne pourront plus s’y adresser que l’après-midi ou le week-end et, dans 92 gares, le service sera réduit.

Pour 2012, 747 nouveaux distributeurs automatiques de billets seront installés, avec possibilité d’achat de billets par GSM et internet. A l’heure actuelle, 80% des voyageurs achètent toujours leurs billets aux guichets, contre 11% à bord des trains. Fini également la vente de billets dans les trains ! Sachez bien, qu’en 2012, si vous désirez encore acheter un billet à un guichet, vous devrez payer un « supplément guichet ».

Ces mesures d’automatisation, de rationalisation vont non seulement à l’encontre d’un service au public, avec le détricotage du service aux usagers ; elles vont également entraîner de nouvelles pertes d’emploi à la SNCB, évaluées à plusieurs centaines. Des menaces sur l’emploi pèsent également dans le secteur du fret de marchandises, B-Cargo, la libéralisation-privatisation étant passée par là.

Economies sur le dos des usagers et du personnel –au prix d’une insécurité inquiétante sur le rail et d’un service public (pour combien de temps encore !) au rabais pour les usagers, voilà où va notre argent pour payer bien cher des consultants privés. On apprend qu’en 2009, le groupe SNCB (l’opérateur ferroviaire SNCB + le gestionnaire des infrastructures Infrabel + le holding SNCB) a versé pas moins de 69, millions d’euros à des consultants privés…Tout ça pour nous concocter cet « agenda caché » !

Arcelor-Mittal: Flexibilité, travailleurs temporaires, menaces sur les acquis…

Le vendredi 8 octobre, c’est toute la « phase à froid » du bassin sidérurgique liégeois (un millier de salariés sur un total de 2 900) qui était à l’arrêt. La veille, la centaine de travailleurs de TDM Marchin – site d’Arcelor-Mittal- s’était déjà croisée les bras.

Flexibilité, conditions de travail de plus en plus éprouvantes, multiplication des « contrats » de travail à temps partiel, démantèlement des acquis …, trop, c’est trop ! Ce n’est pas parce que Arcelor-Mittal est le premier groupe sidérurgiste mondial qu’il peut tout se permettre.

« Nous avons 22 travailleurs à temps partiel –sur la centaine de l’entreprise- qui travaillent pour Arcelor depuis au moins 8 ans », explique un délégué de TDM Marchin. « Nous vouons que leur situation soit enfin régularisée et qu’ils bénéficient d’un contrat de travail à durée déterminée (CDI) ». Pour le bassin sidérurgique liégeois, les syndicats réclament l’engagement de 300 travailleurs temporaires en CDI.

Pas touche aux acquis ! Les syndicats dénoncent le démantèlement de la convention de 2004, qui garantit les rémunérations des travailleurs en cas de changement de secteur. Mutations de travailleurs vers d’autres sites, services « externalisés », confiés à des sous-traitants… : on en est devoir se battre pour le maintien des acquis, pour garder la même rémunération, garantie par la convention de 2004.

La grève dans le bassin liégeois a été suspendue pour permettre la poursuite des négociations qui doivent concrétiser un accord-cadre établi entre direction et syndicats.

Grève pour des augmentations salariales. Depuis fin septembre, les travailleurs de l’Arcelor-Mittal à Châtelet sont en grève. Ils exigent une augmentation salariale. « Nous avons perdu la décaperie, 300 emplois, le travail de week-end. Maintenant que la situation se rétablit, nous exigeons que l’on nous rende notre dù», réclament les travailleurs.

Mais la direction reste sur ses positions : « Nous sommes étonnés de ces revendications salariales, alors que les conditions de marché restent difficiles, le laminoir à chand n’étant chargé qu’à 70-80% de ses capacités. Cette action n‘est pas constructive ni pour l’entreprise, ni pour ses employés ».

Les travailleurs d’Arcelor-Châtelet restent jusqu’à présent dramatiquement isolés. Et pourtant, leur revendication salariale est, on ne peut plus, justifiée. Et ce serait le moment tout indiqué pour qu’elle soit portée par l’ensemble des sièges de Arcelor-Mittal.

On sait –et la presse en a fait un large écho- que pour l’année 2009, la société anonyme, Arcel-Mittal Finance and Service Belgium n’a payé que 496 euros d’impôts, alors que cette filiale belge du 1er groupe sidérurgique mondial a réalisé, pour cette même année 2009, un bénéfice de près de 1,3 milliard d’euros. Comment est-ce possible ? Tout simplement grâce aux intérêts notionnels – un cadeau fiscal de 438 millions d’euros pour le groupe sidérurgique- lui ayant permis une réduction impressionnante et légale de ses impôts. Et ce cadeau n’a même pas incité la multinationale à maintenir l’emploi (sans parler de création d’emploi !) dans sa filiale belge : pour la même année 2009, selon son bilan social ( !), la société a supprimé 854 emplois, soit 11% des effectifs.

Tous ensemble contre l’austérité !

Travailleur/euse/s du privé (ouvriers-employés), travailleur/euse/s et usagers du secteur public et d’intérêt public, allocataires sociaux…, nous sommes tous visés par les plans d’austérité.

Stop à l’austérité, ça commence par soutenir dans l’unité syndicale, chaque résistance, chaque grève d’entreprise ou sectorielle, chaque revendication salariale et autre pour la satisfaction des besoins légitimes de la majorité de la population qui en a assez de payer comptant la gabegie de ce système capitaliste basé sur l’exploitation, la course au profit par une poignée de groupes économico-financiers. Une poignée qui accapare les richesses produites par les travailleurs et qui n’a de comptes à rendre à personne, avec la passivité ou la complicité du pouvoir politique.

Les richesses existent bel et bien. Il faut les répartir autrement (et aussi les produire aussi autrement). Il est temps de concrétiser, ce qu’a très justement souligné la FGTB wallonne, lors de son dernier congrès : « il s’agit pour les travailleurs de récupérer la part des richesses qui a sur-rétribué les actionnaires pour financer l’augmentation des salaires bruts, la réduction du temps de travail, des politiques industrielles, la transition vers de nouveaux modes de production, le relèvement de la pension légale, le rattrapage et la liaison au bien-être des allocations sociales… ».

Pour financer les besoins de la majorité de la population, pour financer le maintien et le développement des services publics, il est grands temps aussi d’imposer au pouvoir politique, fédéral et régional, la mise en place d’une autre fiscalité par une plus juste répartition des impôts, par la levée du secret bancaire (et ainsi une lutte déterminée contre la grande fraude fiscale), l’établissement d’un cadastre des patrimoines financiers et un impôt sur la fortune.

Voir ci-dessus