Copenhague: Carnet de voyage
Par Sandra Invernizzi le Samedi, 19 Décembre 2009 PDF Imprimer Envoyer

Vendredi 11h00 du matin, gare du midi, c'est l'effervescence; des anglais cherchent des anglaises, une coordinatrice des amis de la terre France essaie de rassembler ses 400 militants tout droit descendus du Thalys, Oxfam croise le WWF, tandis que CSC et FGTB se lancent déjà des vannes rouges, vertes, bleues. Ajoutez à cela 60 militants, libres de toute attache qui ont payés de leur poche pour aller manifester à Copenhague, la LCR dont les drapeaux "rouge et jaune" servent de repère dans la foule, les journalistes radio et télé qui interviewent à tout va et Climat et Justice Sociale qui essaie de gérer ce flux et de l'amener à monter dans le train qui part dans 20 minutes : voilà l'ambiance du départ du train pour Copenhague.

Dans le train tout le monde s'installe et les conversations commencent. En cuisine se mèlent les odeurs du four et les débats de la radio; La première émission commence gentiment avec une conversation amicale et consensuelle entre Brigitte Gloire d'Oxfam solidarité, Nicolas Nuffel du CNCD et moi-même pour Climat et Justice Sociale; tous trois sommes d'accord pour refuser un quelconque accord climatique dont les pauvres du sud ou du nord pourraient faire les frais. Ensuite plusieurs sujets sont abordés, à la radio et en dehors: 12 heures de train c'est long, c'est lent et c'est plein de potentiel. Fini d'être pressés et de dire n'importe quoi pour avoir la main; cette fois on prend le temps de réfléchir, de parler et d'écouter la réalité des autres; entre syndicalistes, ONG du Sud ou du Nord, partis de gauche radicale, environnementalistes militants et individus conscients de l'urgence, on trouve plus de points communs que de divergences, et surtout un refus commun de la loi du profit qui ruine notre environnement et notre vie de tous les jours.

19h00, alors que ça s'agite en cuisine pour préparer les 600 repas bio-locaux-slow food, il n'y a pas que les fourneaux qui chauffent. Au micro de la Radio, face à Sarah Turine, la toute nouvelle Secrétaire fédérale d’Ecolo qui s'empêtre dans un non-sens, affirmant qu'il faut de la radicalité dans la pensée mais la capacité à passer des compromis dans l’exercice du pouvoir, le camarade Daniel Tanuro est sans appel : "On ne peut pas à la fois contester le système et participer à sa gestion". (voir à ce propos Défense du climat et budget bruxellois: Ecolo fait le grand écart)

Samedi 10h00 du matin. Après une nuitée spartiate (3h de sommeil sur le sol d'un gymnase, grand rassemblement à la pré-manifestation appelée par les amis de la terre. Nous rejoignons nos copains du NPA et commençons à scander ensemble un petit "tout est à nous" pour se réchauffer tout en traversant les immenses avenues du centre de Copenhague. Nous rejoignons le coeur de la manif prévue à 13h00; sur place des milliers de personnes chantent, crient, dansent et débattent dans toutes les langues. Et les manifestants continuent à affluer de partout, sans arrêt, à tel point qu'à 14h00, transis de froids, nous nous demandons si la manif démarrera jamais.

Autour de nous, aucun panneau disant "nous voulons un bon traité", aucun slogan écologique pour le bien-être des ours polaires; au lieu de cela : "Stop the profit ! Climate justice now", "Nature doesn't compromise", pendant que des dizaines de faux bourgeois vantent le green washing et les merveilles du capitalisme vert. Les Tibetains, eux, passent sobrement avec des panneaux indiquant que la dégradation de leur pays à cause du réchauffement est un processus déjà entamé.

Plus de doute possible, les 100.000 personnes qui sont là ont bien compris ce qu'il en est et ce qu'ils sont venus réclamer, ce n'est pas une réforme de kyoto mais une toute autre politique. Et vu la détermination, on commence à sentir que cette autre politique elle est déjà en route, là, dans la rue, autour de nous, et qu'elle ne se fera pas en demandant poliment aux puissants de nous écouter.

La police aussi est au rendez-vous. Des centaines de robocops, organisés en peloton bloquent, comme un seul homme, les rues qui ne sont pas prévues dans la parcours de la manifestation. Ce n'est qu'une heure après les faits que la rumeur commence à se répendre dans le cortège; 900 militants ont été isolés et arrêtés par la police Danoise. Le lendemain, 13 étaient encore en prison.

Dimanche, c'est déjà l'heure de rentrer. Dans le train du retour, l'appel est lancé pour aller plus loin : Climat et Justice Sociale donne rendez vous le 31 janvier (voir lieu et heure sur www.climatetjusticesociale.be) pour agrandir le mouvement et continuer la lutte pour une politique socialement juste et climatiquement viable.

Afin de bien conclure le Week-end, un dernier petit débat sur radioxfam.org dans lequel la camarade Céline Caudron ré-explique calmement à la représentante ecolo Sarah Turine qu'il ne suffit pas de constater que le logement représente une des principales sources d'émission de CO2; au delà du constat il faut envisager une politique publique d'isolation des logements et prioritairement des foyers de ménages à bas revenus, sans se préoccuper de la demande solvable.

Une approche publique, démocratique et cohérente du changement climatique sera la seule façon de résoudre et la crise climatique et la crise sociale. Sans cela et sans des mobilisations massives pour inverser la tendance, la capitalisme vert sera notre période de transition vers une société environnementalement intenable et socialement dramatique.

A écouter: les émissions du Train pour copenhague de Radio-Oxfam: www.radioxfam.org

Plus d'infos sur Climat et Justice Sociale : www.climatetjusticesociale.be

 


Vidéo : Copenhague : Demand Climate Justice

Une video (3'30") dans la manifestation à Copenhague le 12 décembre avec interviews e.a. de José Bové (Europe Ecologie), Céline Caudron (LCR), Charles (NPA), Marisa Matias (groupe GUE au parlement européen), Korea Federation for Environmental Movement.

Voir ci-dessus