Une liste anticapitaliste unitaire aux élections régionales à Bruxelles
Par Guy Van Sinoy le Vendredi, 03 Avril 2009 PDF Imprimer Envoyer

Une liste anticapitaliste unitaire entre le Parti Communiste (PC), le Parti Socialiste de Lutte (PSL), la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) et le Parti Humaniste (PH) vient de voir le jour pour l’élection du parlement bruxellois. L’événement mérite d’être souligné car il est exceptionnel en Belgique où, contrairement à d’autres pays d’Europe, les forces politiques à gauche des partis traditionnels se présentent souvent aux élections en ordre dispersé.

Une lutte acharnée pour l’unité de la gauche radicale

Cette liste unitaire ne tombe pas du ciel. Elle est l’aboutissement d’un effort acharné de camarades des différentes organisations à vouloir aboutir à une unité électorale. Dès la fin de l’année 2008, la LCR et le PC avaient tenté, sans succès de nouer contact avec le PTB qui a préféré faire cavalier seul. L’accord entre la LCR et le PSL pour les élections européennes, début de cette année, a représenté un premier pas vers l’unité de la gauche radicale. La constitution d’une liste unitaire PC-PSL-LCR-PH est un pas supplémentaire dans la même direction.

La discussion avec le Parti communiste pour les élections européennes ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions. D’abord parce qu’elle venait fort tard (après l’accord entre la LCR et le PSL pour les Européennes). Ensuite parce que le Parti Communiste, fort du soutien du Parti de la Gauche Européenne (PGE), souhaitait avancer le programme du PGE comme plate-forme commune, hormis la possibilité d’y ajouter quelques points complémentaires. Enfin parce que le PC a entamé les discussions avec des individus sans inviter de représentants mandatés par les autres partis. Bref, cela ressemblait plus à une tentative d’habillage de la liste du PGE plutôt qu’à une véritable négociation pour un accord unitaire.

Pour les élections régionales bruxelloises, aucune formation politique n’a voulu imposer son propre programme comme plate-forme commune. Certes, les discussions ont été souvent opiniâtres, mais la volonté d’aboutir à la fois à une plate-forme commune l’a emporté. Comme dans toute négociation chacun a dû faire des concessions, mais chacun aura aussi toute latitude pour exposer son propre programme.

Cinq axes de campagne anticapitaliste

La plate-forme commune s’articulera sur cinq thèmes clés:

  • la lutte pour l’emploi, contre le chômage et la précarité;
  • la défense et le renforcement des services publics; (logement; transports publics; nationalisation du secteur bancaire, de l’énergie, des télécoms et de l’eau; gratuité des soins de santé);
  • l’unité des travailleurs, contre le racisme et les discriminations;
  • contre le militarisme et l’impérialisme;
  • prendre l’argent sur les grandes fortunes et les grandes entreprises.

Une assemblée générale commune pleine d’espoir

Vendredi 27 mars, une assemblée générale commune pour lancer la campagne a rassemblé plus de 80 militant/es enthousiastes. Après une introduction d’une quinzaine de minutes de chacun/e des quatre premier/es candidat/es de la liste unitaire – Roland Nyns (PC), Aïsha Paulis (PSL), Céline Caudron (LCR) et Gilles Smedts (PH) – une série de militants ont pris la parole pour dire leur volonté de ne pas limiter cette unité aux élections de juin prochain. Dores et déjà, il est prévu que les quatre formations politiques tiendront des stands contigus à la fête du Premier Mai organisée par la FGTB de Bruxelles.

Nous reproduisons ci dessous l’intervention de Roland Nyns (PC), premier candidat de la liste PC-PSL-LCR-PH


Travailler moins pour que plus travaillent

Chers camarades,

Je suis très heureux d'être ici. Heureux car nous avons déjà remporté une victoire. Nous avons réussi à vaincre la désunion. Nous avons gagné une liste unitaire pour les élections régionales. Bravo à ceux qui ont négocié cette démarche unitaire. Bravo à ceux qui ont su s'asseoir sur leur orgueil et accepter des compromis et les défendre devant leur base ou leur direction nationale.

Ceci dit, ne nous trompons pas d'adversaire et ne critiquons pas ceux qui ont préféré faire cavaliers seuls, et gardons leur la porte ouverte pour l'avenir.

A présent nous allons entamer la deuxième manche de notre combat, renforcés par notre première victoire. Nous devons nous battre ensemble. Pour ma part, je m'engage à être à l'écoute de tous, militants et dirigeants de nos 4 organisations, et je vous encourage à en faire de même!

Pouvons-nous avoir un élu? La réponse est qu'il faut y croire. Y croire avec la même conviction que Joëlle Milquet ou Charles Piqué.

Pour nous révolutionnaires, la campagne électorale est une lutte pour les cœurs et les esprits avant d'être une lutte pour les voix des travailleurs. Nous devons faire des élections une tribune pour faire connaître nos revendications au sujet de la région Bruxelloise et au-delà, pour les changements fondamentaux de la société en faveur des classes laborieuses.

Au niveau régional nous exigeons entre autre une politique du logement ambitieuse, avec la réquisition et la réhabilitation d'immeubles vides ainsi que la construction et rénovation de logements sociaux. Il en manque 30.000 dans notre région. Ces mesures sont aussi créatrices d'emplois!

Nous exigeons un plan sérieux pour la mobilité: il faut dissuader l'utilisation de la voiture en ville en rendant les transports publics plus accessibles financièrement et physiquement. Financièrement, car tout le monde sait que le voyage unique est trop cher et que les abonnements sont calculés en fonction de ce dernier. Nous demandons la gratuité des transports en commun qui sont utilisés par des catégories dont les revenus sont très limités: chômeurs, étudiants, personnes âgées, etc.

Il faut aussi que les cadences soient améliorées et un service de qualité dans tous les quartiers: la commune de Forest par exemple est en conflit avec la STIB car elle est délaissée.

Les mesures en faveur des transports en commun sont créatrices d'emplois et en plus, contribuent à combattre la pollution.

Le secteur de la santé et des soins aux personnes est menacé par l'appétit des grands groupes capitalistes. Mais la santé ne doit pas devenir une marchandise. Il faut repousser toute forme de privatisation du secteur et demander le développement des services à la population. Aujourd'hui, il y a des familles qui ne consultent pas ou ne peuvent pas payer des traitements prescrits. L'accès à la santé doit être gratuit pour les plus démunis, et ça, à qualité égale.

Les travailleurs de la santé sont notoirement sous-payés, avec comme résultat une pénurie dans les hôpitaux et une démotivation. Il faut revaloriser ces emplois et les soins de santé en seront améliorés!

En ce qui concerne l'enseignement, nous sommes contre l'élitisme et en faveur de la mixité sociale, mais (pardonnez-moi d'utiliser ce mot) quel cirque! Et la récente proposition du PS et CDH ne fait que repousser l'échéance sans rien régler sur le fond. Il faut centraliser les demandes d'inscription au sein de la Communauté française et établir des critères d'attribution des places qui tiennent compte de la situation sociale, de la proximité du domicile et des désirs des parents.

Mais un problème plus fondamental est celui de la qualité de l'enseignement. Là, il faut des mesures énergiques pour plus de personnel mieux formé et pour réhabiliter des écoles qui parfois tombent en ruine. La rénovation des bâtiments scolaires est affaire du pouvoir organisateur et ne doit pas être privatisée au travers de partenariats privés-publics qui enrichissent les banques, et qui prépare le terrain à la privatisation.

L'enseignement obligatoire doit être entièrement gratuit, sans qu'on ne demande chaque semaine des contributions pour des photocopies, pour des livres, des sorties, etc.

L'appauvrissement de notre système d'enseignement est principalement la conséquence de mesures prises il y a 20 ans par Laurette Onkelinx, alors ministre de l'Education. A ceux qui sont trop jeunes pour s'en souvenir, je peux assurer que les enseignants ont mené un combat très dur. J'étais à l'époque enseignant-chômeur et je peux en témoigner. Ce sont les appels à la responsabilité envers les élèves et la proximité des examens ainsi que la pression des parents qui ont eu raison du mouvement.

Ces mesures Onkelinx ont été prises dans le cadre d'un plan d'austérité et au nom de l'orthodoxie budgétaire. Cela même à quoi les médias nous préparent à nouveau pour après les élections. Cette austérité, nous n'en voulons pas! C'est aux banques, aux multinationales et à leurs grands patrons à payer leur crise capitaliste!

Les quelques mesures que j'ai énumérées nécessitent des moyens financiers. M Reynders nous a montré qu'ils existent et qu'on peut les trouver en un week-end pour les banques. Nous exigeons le remboursement des aides de la région aux entreprises qui licencient. Ces moyens doivent être réorientés vers la construction de logements, la mobilité, la santé, l'enseignement et servir ainsi à créer des milliers d'emplois utiles à la société!

Ces emplois ne sont pas gratifiés de salaires mirobolants. Ceux qui en bénéficient n'investissent pas en bourse! Ils dépensent leur salaire pour couvrir des besoins de tous les jours. Ce faisant, ils redistribuent l'argent et contribuent indirectement à créer d'autres emplois dans la région.

Nous demandons qu'on cesse de chasser les chômeurs et qu'on chasse plutôt les faiseurs de chômeurs: l'interdiction de licencier pour les entreprises profitables et la redistribution du travail par l'adoption des 32 heures. C'est "travailler moins pour que plus travaillent" et non "travailler plus pour gagner plus"!

Certains veulent gagner plus, et les capitalistes se servent de cela pour diviser les travailleurs. Mais les seuls qui gagnent plus de la division des travailleurs, ce sont eux, c'est le grand capital. Nous luttons pour l'unité des travailleurs et contre toute discrimination salariale sexiste ou raciste à l'embauche. La vielle revendication "à travail égal salaire égal" reste d'actualité!

Nous avons appris en début de semaine que le même gouvernement qui avait su se mettre d'accord pour racheter puis revendre à perte Fortis en une soirée, n'a pas réussi à élaborer des critères de régularisation des sans papiers en un an. C'est tout simplement scandaleux!

La régularisation a été mise au frigo jusqu'après les élections, mais on ne met pas des hommes et des femmes au frigo!

J'ai été voir ces gens pour leur dire ma solidarité et ma fureur. Ils sont désespérés. A l'ULB près de 200 sont en grève de la faim et sans soins médicaux. Si rien est fait, il y en a qui mourront avant les élections. Cyniquement les partis au pouvoir s'en moquent: les sans-papiers ne sont pas des électeurs. Nous ne pouvons admettre ce cynisme: ils sont des travailleurs, de plus, surexploités en raison de leur situation précaire, et ils ont droit à la protection de l'état. Nous exigeons la régularisation des sans-papiers.

Ces hommes et ces femmes ont fui la misère et la guerre. Nous avons sur le territoire de notre région une véritable usine à guerre. Je parle de l'OTAN.

A la fin de la guerre froide certains espéraient récolter les "dividendes de la paix". C'était sans compter avec la puissance du complexe militaro-industriel des pays capitalistes. Il est illusoire de croire qu'ils allaient renoncer à leurs dividendes de la guerre! Au contraire, ils ont œuvré pour accroître leurs dividendes avec l'aide des gouvernements occidentaux. Ils ont étendu l'OTAN à de nouveaux pays. Ils ont mené et mènent des guerres contre la Yougoslavie et l'Iraq et en Afghanistan, et les dividendes, merci, ça va! La guerre ne connaît pas la crise!

Nous demandons la dissolution de cette organisation nuisible et obsolète. Et d'ailleurs certains d'entre nous organisent un déplacement à Strasbourg pour manifester contre l'OTAN ce 4 avril. J'invite ceux qui sont libres ce jour à les y rejoindre.

Le complexe militaro-industriel ne se contente pas de l'OTAN pour encaisser les dividendes de la mort. Il peut compter sur de nombreux gouvernements guerriers dans le monde, et parmi eux, celui d'Israël. Nous avons assisté à une guerre ignoble menée par ce pays contre des civils, des femmes et des enfants, une guerre de destruction massive, de terre brûlée au phosphore et une guerre de désinformation.

Ce n'est qu'aujourd'hui, des mois plus tard, que l'étendue des destructions et des crimes de guerre sont dévoilés. Et comme d'habitude ce sont les petits soldats qui paieront. Mais les vrais responsables sont les membres du gouvernement israélien et l'état-major! Ils doivent être poursuivis et interdits de séjour sur dans notre région. Tout comme le transit et la livraison de matériel militaire à Israël doivent être interdit.

Je voudrais insister sur le fait que nous ne devons pas nous laisser intimider par ceux qui tentent d'assimiler toute critique du gouvernement d'Israël à de l'antisémitisme. Nous combattons le racisme, y compris contre les juifs, qu'ils soient croyants ou laïcs, mais nous combattons aussi le gouvernement félon d'Israël qui occupe illégalement la Palestine par des colonisations, par la force militaire.

Voilà quelques points qui me tiennent à cœur. Sur lesquels nous allons mener campagne pendant quelques mois. Pour lesquels nous allons gagner des partisans. Par lesquels nous allons nous faire connaître en tant que liste unitaire.

Personnellement, je suis convaincu que c'est l'unité qui nous fera gagner du terrain dans la lutte électorale, mais aussi idéologique. Je pense qu'ils sont nombreux, ceux qui ne sont pas ou plus militants et qui n'attendaient que cela de notre part.

Nous devons profiter de cette campagne unitaire pour faire connaissance et pour développer une culture de confiance entre nos organisations. Nous avons nos particularités et même des désaccords sur des points de moindre importance. Cela fait la richesse de notre unité. Nous pouvons apprendre les uns des autres. Nous devons respecter les points de vue des uns et des autres pour atteindre notre but, qui lui est commun!

Nous ressortirons de cette campagne avec des élus peut-être et peut-être sans, mais certainement plus forts. Et je lance un appel dès maintenant pour que nous conservions notre unité au-delà du 7 juin pour mener ensemble des actions et entre autres pour combattre le plan d'austérité qui est déjà dans les tiroirs du gouvernement MR-PS-CDH.

Venceremos!

Roland Nyns (PC), tête de liste PC-PSL-LCR-PH

La tribune de l'assemblée du 27 mars. De gauche à droite: Aïsha Paulis (PSL), Roland Nyns (PC), Louise Gotovitch (PC), Gilles Smedts (PH) et Céline Caudron (LCR). Photo: P. Merveilleux (PH)

 

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