Echec de l'AIP? Fini la «concertation», place à la mobilisation!
Par LCR le Dimanche, 07 Décembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Les directions syndicales doivent tirer toutes les conclusions de l'échec (provisoire?) des négociations pour l'Accord Interprofessionnel (AIP) 2009-2010. Malgré leur volonté affichée de parvenir à un accord, le patronat s'est montré inflexible et ses exigences inacceptables. Mais fallait-il en douter un seul instant? Faut-il s'en étonner dès lors qu'on s'assied à la table des négociations sans avoir imposé le rapport de forces nécessaire, sans avoir mis aucune pression par la lutte et avec un cahier de revendications plus que modéré?

Après la journée d'actions nationale réussie du 6 octobre, les directions syndicales ont fait le choix malheureux de démobiliser les travailleurs/euses en se refusant à tracer une nouvelle perspective concrète de mobilisation. Autrement dit; pour une véritable grève générale de 24 heures comme cela était souhaité par plusieurs centrales et par une bonne partie de la base. Le résultat est sans surprise. Constatant cette marche arrière, le patronat en a bien entendu profité pour se lancer à son tour à l'offensive et regagner le terrain perdu, notamment en s'attaquant frontalement au droit de grève, en faisant lever les piquets par intervention des tribunaux et de la police à Carrefour, Beaulieu, Eandis, Ikea, UCB... Une offensive provocatrice qui n'a entraîné aucune réaction syndicale d'ensemble et cela malgré l'initiative des délégués syndicaux de Total Fina et Agfa-Gevaert, qui ont lancé un appel à la FGTB signé par des centaines de syndicalistes et de délégations pour qu'un plan d'action énergique soit élaboré.

Encouragé par cette démobilisation, par les appels des directions syndicales à des «négociations responsables» et par leurs cahiers de revendications on ne peut plus modérés, le patronat a été, lui, cohérent avec lui-même en exigeant le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière: le blocage des salaires au niveau de l'inflation (leur régression même si on prend en compte le fait que l'index santé est insuffisant); la généralisation des accords «all-in» dans les secteurs (aucune augmentation au-delà de l'inflation et mécanismes de correction ultérieurs); des milliards d'euros en réductions directes ou indirectes des charges patronales, notamment sur le travail de nuit et les heures supplémentaires (ce qui revient à augmenter la flexibilité, le temps de travail et à grever le budget de la Sécu).

C'était une funeste illusion que de croire que la démobilisation des salarié/es, qui ont pourtant démontré leur détermination et leur disponibilité le 6 octobre dernier, allait amadouer le patronat et le rendre plus «raisonnable». Ce dernier ne comprend que le langage du rapport de forces. Au lieu de remettre en question le carcan de la «Loi sur la sauvegarde de la compétitivité» de 1996, qui impose la négociation d'une norme salariale calculée sur l'évolution des salaires des pays voisins, les directions syndicales se sont une fois de plus laissées piégées par cette logique mortelle de la «compétitivité». Accepter de prendre en compte et de favoriser la «compétitivité» de «nos» entreprises, c'est accepter de lâcher la bride à la concurrence acharnée entre capitalistes, concurrence dont les premières victimes sont les salarié/es car ils et elles sont également directement mis en concurrence, que ce soit chez nous ou chez nos voisins puisque le patronat des autres pays impose bien sûr la même logique. Dès qu'on met le doigt dans un tel engrenage, la spirale vers le bas est sans fin. Lorsqu'on accepte de se placer sur le terrain choisi et préparé par l'adversaire, la défaite est quasiment inévitable.

Les arguments pour remettre en cause cette loi et la logique patronale de la compétitivité ne manquent pourtant pas;

- Les exportations de la Belgique vers la France, les Pays-Bas ou l'Allemagne, pays de référence pour la «norme salariale» ne représentent que 50% du total de ces exportations.

- La part des coûts salariaux dans la production en Belgique est de 10% inférieure à certains de ces pays (38% en Belgique contre 49% en Allemagne ou 47% en France).

- On ne tient nullement compte de la productivité des travailleurs/euses en Belgique, l'une des plus élevées au monde. Un rapport de 2007 de l'OCDE indiquait que la productivité avait crû plus rapidement chez nous qu'en Allemagne, en France et aux Pays-Bas.

- Le fumeux «dérapage salarial» de 2,6% constaté face à ces pays est essentiellement la cause, pour 2008, de la hausse des prix alimentaires et énergétiques et de leur répercussion dans un index santé qui ne reflète d'ailleurs même pas leur évolution ni leur poids réels dans les budgets des ménages. Pour 2007, plus de la moitié du dépassement des "charges" salariales était lié aux primes de licenciement et de départ des ouvriers de VW!

- Le calcul du Conseil central de l'économie sur les évolutions salariales des pays de référence ne repose que sur des projections économiques, il ne prend pas en compte la lutte des classes! Or, les métallos allemands ont mené en novembre dernier une vague de grèves pour une augmentation salariale de 8% pour 2009-2010. Ils ont finalement arraché une hausse de 4,2% ainsi que des primes de 510 euros en novembre et décembre dans certains secteurs. Et soit dit en passant, pourquoi ce qui est possible pour les 3,6 millions de salarié/es de l'industrie métallurgique et électronique allemande ne le serait pas pour les 2,6 millions de salarié/es concernés par l'AIP en Belgique?

- Last but not least, la crise actuelle est de la seule responsabilité des capitalistes. C'est donc à eux et à eux seuls de payer les pots cassés et non aux victimes qui ont vu leurs salaires et leurs allocations êtres constamment modérées depuis plus de 25 ans par les politiques néolibérales imposées par le patronat et tous les gouvernements sucessifs à sa botte.

Dans un tel contexte de crise globale du capitalisme, cet AIP aurait pu être l'occasion «idéale» pour lancer une mobilisation offensive sur ces questions, pour exiger au contraire une redistribution radicale des richesses en faveur de ceux et celles qui les produisent; pour regagner ce qui a été perdu au cours de ces 30 dernières années; pour reconquérir de nouveaux droits sociaux; pour exiger l'interdiction des licenciements collectifs; pour le maintien intégral des salaires en cas de chômage économique en ponctionnant massivement les dividendes aux actionnaires-rentiers et non en faisant payer la collectivité. Les gains de productivité doivent être à nouveau consacrés à l'augmentation des salaires et à la baisse du temps de travail pour lutter contre le chômage. Et plutôt que d'accepter des normes capitalistes qui tirent les salaires vers le bas, il faut au contraire imposer des normes qui harmonisent vers le haut: le salaire minimum garanti s'élève à peine en Belgique à 1387 euros/mois brut alors qu'il est de 1600 euros au Luxembourg; exiger son augmentation à 1500 euros net n'a donc rien d'irréaliste.

Il est encore temps de corriger le tir. Les organisations syndicales doivent prendre toute la mesure de la crise capitaliste actuelle et tout ce qu'elle implique. A commencer par le fait que la «concertation» sociale et les négociations secrètes au sommet sans mobilisations pour les soutenir n'ont absolument aucune utilité pour défendre les intérêts des travailleurs/euses. En temps de crise, la concurrence entre capitalistes, déjà élevée en temps «normal», atteint un niveau inouï; chaque capitaliste espère que son concurrent direct «craquera» en premier et tous ne veulent donc lâcher aucune concession, même minime, dans cette bataille sans foi ni loi. La seule manière de leur «rendre gorge» est de rompre avec leur logique, d'imposer un rapport de forces massif, dans la rue et en paralysant leur appareil de production et leurs profits.

Pour une grève générale de 24 heures en front commun FGTB-CSC!

Pour imposer des mesures d'urgence offensives!

Aux capitalistes de payer leurs crises!

Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR)

Le 04 décembre 2008


Motion de solidarité adressée aux organisations syndicales

Les sections locales ou régionales de plusieurs organisations de la gauche radicale liégeoise ont adressé collectivement une motion de soutien aux organisations syndicales afin de les inviter à impulser des mobilisations pour des revendications qui en valent la peine.

Chers Camarades,

Nous avons souhaité vous adresser collectivement cette motion de soutien concernant les mobilisations sociales des derniers mois, que nous saluons, pour soutenir le maintien d’une sécurité sociale fédérale forte, garante de la solidarité entre tous et en faveur du pouvoir d’achat des travailleurs et des allocataires sociaux.

Ces mobilisations préparaient également les négociations de l’Accord Inter-Professionnel qui se sont ouvert depuis quelques semaines et qui viennent que connaître une brusque interruption après une dernière rebuffade de la part du patronat, suite de toute une série de coups bas répétés depuis plusieurs mois…

La situation présente illustre plus que jamais à quel point la norme salariale verrouille toute réappropriation par les travailleurs d’une part plus grande des richesses qu’ils produisent. Les experts du Conseil central de l’Economie ont déjà décrété la marge possible de hausse salariale pour les deux années à venir : deux scénarios (1) 6,4% d’augmentation, y compris une inflation estimée à 4,8% ; (2) 5,1% avec une inflation de 4,3% ! Bref, quasi rien hors index ! Il faut donc mettre fin à ce carcan.

La dernière exigence patronale est en fait une attaque contre le salaire différé des travailleurs. Il n’est évidemment pas concevable d’accepter une réduction de cotisations sociales patronales, qui serait en définitive à la fois une réduction de salaire ET une moindre rentrée pour la sécurité sociale.

Les publications syndicales ont rappelé à maintes reprises, qu’entre 1980 et 2007, la part des salaires dans le produit intérieur brut de la Belgique est passé de +/- 65% à moins de 50% aujourd’hui. Simultanément, des économistes ont démontré que l’évolution du chômage dans les sociétés industrielles suit une courbe parallèle à la financiarisation de l’économie, elle-même à l’origine de la débâcle bancaire et économique actuelle …

Mais les actionnaires, eux, loin d’avoir connu la « modération actionnariale », ont vu leur part de la valeur ajoutée des entreprises continuellement augmenter. Ces dernières années, près de 50% des bénéfices des entreprises du Bel 20 (cotées à la Bourse) ont été distribués à leurs actionnaires.

La crise actuelle dont les travailleurs ne sont pas responsables doit être une opportunité particulière d’imposer au patronat une série de mesures sociales d’urgence financées par une juste redistribution des richesses produites par les travailleur/euse/s… Mais, elles auront également pour effet de contribuer à limiter les dividendes distribués aux actionnaires – rentiers et de les réorienter vers les salaires et l’investissement socialement et écologiquement durable.

Loin de mettre en péril la compétitivité des entreprises, la récupération légitime (ce sont les travailleurs qui produisent les richesses !) des sommes considérables réservées aux dividendes des actionnaires- rentiers et à la spéculation peut financer les revendications qui, selon nous, doivent être au cœur de la négociation interprofessionnelle:

- Amélioration hors index du salaire net uniquement par l’augmentation du salaire brut. Tout autre moyen est un hold-up sur le salaire différé!

- Etablissement du salaire minimum interprofessionnel à 1500 € net (base pour un isolé fiscal);

- Rattrapage de 150 € par mois pour chacun-e, pour compenser les sauts d’index du passé;

- Retour à l’index intégral (suppression de l’index « santé » lissé), avec renégociation publique du panier de la ménagère reflétant mieux les coûts des dépenses prioritaire de logement, de chauffage et d’alimentation;

- Adaptation de toutes les allocations sociales au niveau de vie actuel : Minimum 1000€ pour chaque allocataire;

- Interdiction de licenciement pour les entreprises qui ont fait un bénéfice l’année comptable précédente, contrôlée par les travailleurs ou leurs représentants syndicaux;

- Réduction légale du temps de travail à 35 heures avec embauche compensatoire sans perte de salaire;

- Minima de 150% du salaire pour les heures supplémentaires à partir de la première minute;

- Contrôle par les travailleurs et leurs représentants syndicaux sur la politique financière de l’entreprise, les bénéfices (ouverture des livres de compte…), sur l’emploi (en liaison avec les aides de toutes sortes)…!

Le gouvernement est également impliqué dans ce plan d’urgence sociale, en particulier dans la revalorisation indispensable de toutes les allocations sociales (pension, chômage, invalidité) et le revenu d’intégration sociale et leur liaison automatique au bien-être.

Nous estimons que 1000 euros par mois pour chaque allocataire est un strict minimum pour (sur)vivre.

Nous soutenons la revendication syndicale d’une baisse drastique de la TVA sur les énergies de chauffage.

Mais nous précisons que celle-ci serait pour ainsi dire sans effet si elle n’était pas accompagnée par un blocage des prix, en l’absence de ce dernier, vu le rythme de l’évolution actuelle des prix de l’énergie, le bénéfice pour les travailleurs en serait résorbé en une seule année.

Il nous semble qu’il serait juste d’y ajouter le maintien et le redéploiement des services publics, et la restauration d’un secteur bancaire public, car ceux-ci contribuent aussi à préserver les ressources vitales des travailleurs. Pour financer ces mesures, le gouvernement doit imposer un prélèvement fiscal sur les revenus financiers trop faiblement taxés vu l’absence de cadastre des patrimoines financiers, vu le maintien du secret bancaire fiscal et l’absence d’impôt sur les grosses fortunes. Et pour ne plus jamais devoir offrir aux banques privées 20 milliards d’euros, il doit enfin profiter de la crise pour restaurer un secteur bancaire public au service de tous.

La présente motion reflète notre vive inquiétude quant à la dégradation accélérée des conditions de vie et des droits des travailleurs et des allocataires sociaux. Elle témoigne aussi de notre volonté commune de participer activement à des mobilisations combatives et efficaces dont nous soutenons la programmation par les organisations syndicales. Il est important que les travailleur/euse/s sentent que nous sommes décidés, tous ensemble, à arracher des victoires significatives. Et le moyen pour cela, c’est encore et toujours la mobilisation sociale « tous ensemble » sur des revendications qui en valent la peine.

Les sections locales ou régionales liégeoises du Comité pour une Autre Politique (CAP), de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), de la Ligue Communiste des Travailleurs (LCT), du Parti Communiste (PC), d’ Une Autre Gauche Est Nécessaire (UAG).

Voir ci-dessus