Changer la vie des femmes pour changer le monde. Changer le monde pour changer la vie des femmes
Par Esther Vivas et Claudine Blasco le Vendredi, 31 Octobre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Dans ce dossier, nous publions un compte-rendu de la VIIe Rencontre Internationale de la Marche mondiale des femmes qui s'est tenue à Panxón (Vigo, Galice) en octobre dernier ainsi que l'Appel à l'action globale de 2010 et une déclaration sur la crise financière élaborés au cours de cette rencontre. Nous publions également un article de Claudine Blasco du conseil scientifique d'Attac-France et de la Marche mondiale des femmes sur les «Résistances des femmes des suds à la mondialisation» qui dresse un panorama impressionnant de ces dernières.

Femmes en lutte contre la marchandisation du monde

Par Esther Vivas

Près de 150 femmes venues de plus de 40 pays de tous les continents ont participé à la 7e Rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes qui s'est déroulée du 14 au 21 octobre à Panxón (Galice, Etat espagnol). Une rencontre qui a permis d'établir les lignes directrices pour le mouvement au cours des deux prochaines années, de renforcer les coordinations continentales et d'adopter plusieurs documents d'orientation.

Parmi les principales conclusions de cette rencontre, il faut souligner l'appel à une action globale en faveur de la paix et de la démilitarisation pour le 17 octobre 2010 dans la région des Grands Lacs en Afrique, en parallèle avec l'organisation d'actions locales simultanées dans le reste du monde. Cette initiative aura comme objectif de renforcer la solidarité internationale et de rendre visible la lutte des femmes. La thématique de cette action a été décidée, comme le signale les conclusions de la rencontre, parce que «les guerres appauvrissent les femmes, provoquent la violence à leur égard, facilitent l'exploitation des ressources naturelles par les grandes puissances et parce que le viol des femmes est utilisé comme une arme de guerre».

Forum et foire

La rencontre de la Marche mondiale des femmes a compté une série d'activités publiques qui ont mis l'accent sur le lien entre le travail féministe et la lutte pour la souveraineté alimentaire. A Vigo se sont tenus les 17 et 18 octobre un forum et une foire pour la souveraineté alimentaire auxquels ont participé plusieurs centaines de personnes, avec le soutien et la collaboration de divers collectifs galiciens tels que le syndicat «Lagrego Galego», des ONG, des coopératives de consommation, des magasins de commerce équitable et des groupes écologistes.

Dans le cadre du forum, des femmes représentantes d'organisations paysannes et de consommateurs de divers pays ont souligné l'importance de la lutte pour la souveraineté alimentaire en tant que stratégie d'action capable de garantir le contrôle des peuples sur les politiques agricoles et alimentaires, pour leur accès aux ressources naturelles et aux aliments. Les intervenantes ont mis en lumière les difficultés que rencontrent les femmes paysannes pour accéder à la production alimentaire, aux exploitations agricoles, aux garanties administratives, etc. Comme l'a exprimé l'ex-secrétaire du syndicat «Labrego Galego», Lídia Senra:“Il est nécessaire de revendiquer la titularité partagée des exploitations agricoles, vu que dans l'exploitation familiale la propriété appartient normalement aux hommes, les femmes se retrouvent ainsi dépourvues de toute garantie dans leur droit à produire».

D'autres interventions convergentes ont souligné le travail fondamental des femmes dans la production alimentaire mondiale; le travail de la terre, l'élaboration des aliments, la garde du bétail, l'accès à l'eau, etc. Il faut rappeler que près de 80% de la production alimentaire dans les pays du Sud sont assumés par les femmes alors que, paradoxalement, elles sont, avec les enfants, les plus touchées par la faim. Ainsi, la directrice des questions femmes d'ALAI (Agence latino américaine d'information), Irène León, a mis l'accent sur le fait que «nous, les femmes, nous donnons à manger à l'humanité mais nous ne voulons plus continuer à le faire dans des situations inégales». Elle a insisté sur la responsabilité du système capitaliste dans cette invisibilisation et usurpation du travail des femmes; «Les connaissances sur la production d'aliments, accumulées pendant des siècles par les femmes, sont aujourd'hui brevetées et accaparées par les multinationales».

Actions dans les rues

Des actions de rue se sont également déroulées dans le cadre de cette 7e rencontre de la Marche mondiale des femmes. Il faut souligner l'action réalisée en face d'un des supermarchés de Vigo où l'on a dénoncé le rôle joué par les grandes surfaces dans l'appauvrissement des paysan/nes, dans la consommation irresponsable et dans la croissance de l'insécurité alimentaire. De nombreuses femmes, avec des drapeaux violets, des déguisements, des pancartes et des maquettes géantes de produits de Danone, Coca-Cola et Nestlé, ont exigé un autre modèle de production, de distribution et de consommation alimentaires, au service des peuples.

Un autre grand moment a été la manifestation du dimanche 19 octobre qui a traversé les rues de Vigo avec près de 10.000 personnes, majoritairement des femmes. Les slogans contre la violence machiste, contre le patriarcat et en faveur du droit à l'avortement et à la souveraineté alimentaire ont été parmi les plus scandés. La manifestation s'est terminée avec des prises de parole de femmes représentantes d'organisations d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe et d'Asie, qui ont dénoncé l'impact du système capitaliste et patriarcal sur les femmes. Comme l'a affirmé la coordinatrice du secrétariat international de la Marche mondiale des femmes, Miriam Nobre, à la fin de la manifestation; «Nous sommes des femmes en lutte contre la marchandisation du monde, le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme, le racisme et contre tout type d'oppression et d'exclusion».

Publié dans la revue espagnole «Diagonal» et sur le site web d'Espacio Alternativo (IVe Internationale-Etat espagnol) http://www.espacioalternativo.org/node/3163 . Traduction: Ataulfo Riera pour www.lcr-lagauche.be


Appel à l'action: Changer la vie des femmes pour changer le monde. Changer le monde pour changer la vie des femmes

Nous, de la Marche mondiale des femmes, luttons ensemble contre les causes de la pauvreté et de la violence sexiste. Dix ans après notre première Rencontre internationale, nous étions réunies à Panxón, en Galice, du 14 au 21 octobre 2008. Cent trente-six femmes de 48 pays, de tous les continents, réunies pour élaborer des propositions dans nos différents champs d’action: paix et démilitarisation, bien commun, violence envers les femmes et travail des femmes.

Au cours de ces sept jours, nous nous sommes jointes à nos soeurs galiciennes et aux hommes solidaires de notre lutte lors d’un forum public et d'une foire pour promouvoir la souveraineté alimentaire et l’auto-détermination des femmes. D’ailleurs, plus de 5 000 personnes ont manifesté joyeusement dans les rues de Vigo le matin du dimanche 19 octobre. Au son des «batucadas», dans toutes les langues, nous avons créé des rythmes pour les droits des femmes, contre le machisme et pour la paix.

Nous menons nos luttes dans un contexte d’offensive des milieux conservateurs et des intégrismes religieux de tous types, y compris le communalisme, la criminalisation des mouvements sociaux, la négation des droits des peuples sur leurs propres territoires et la militarisation et les violences croissantes, menées par des gouvernements qui utilisent comme excuse la «guerre à la terreur».

Le patriarcat, le capitalisme et le racisme sont trois systèmes qui s’articulent pour contrôler nos corps et nos vies. Au sud comme au nord, leurs institutions – gouvernements, grandes entreprises, religions – veulent nous empêcher de conquérir nos droits ou essayent de nous enlever ceux que nous avons déjà acquis.

Après les crises alimentaire, énergétique, environnementale et éthique, la crise financière révèle le caractère hautement spéculatif, destructeur et néocolonialiste de ces systèmes. Une fois de plus, l’État est appelé à se subordonner aux intérêts du capital financier et des multinationales, abandonnant le peuple pour se porter au secours des marchés.

Nous agissons ensemble et sans relâche pour résister et construire des alternatives fondées sur la paix, la justice, l’égalité, la liberté et la solidarité. En 2010, nous ferons entendre notre voix de manière encore plus forte, entre le 8 mars et le 17 octobre:

- des marches de toutes formes, couleurs et rythmes lanceront notre programme de mobilisation et célèbreront les 100 ans de la déclaration de la Journée internationale des femmes;

- des marches et diverses actions simultanées auront lieu dans le monde entier autour du 17 octobre et s'ajouteront à notre présence dans le Sud Kivu en République Démocratique du Congo.

Beaucoup d'actions auront lieu entre le 8 mars et le 17 octobre 2010. Par exemple, affirmer les droits des travailleuses domestiques et des paysannes, et refuser la promotion de l´industrie de la prostitution à la Coupe Mondiale de Football en Afrique du Sud.

Notre action s'articule autour de plusieurs thématiques afin de mettre en évidence les diverses causes et intérêts qui sont à l'origine de la militarisation. Nous dénonçons l´exploitation de nos richesses par les multinationales qui appauvrissent les populations les plus vulnérables. Nous dénonçons également la responsabilité des États dans le développement de l’industrie de l’armement qui mène à la violence envers les femmes.

Nous refusons que les ressources naturelles d’un peuple servent de motifs pour des conflits armés. Nous n´acceptons aucune intervention ni menace des puissances impérialistes sur la souveraineté d´autres peuples. Nous refusons que le corps des femmes soit un butin de guerre!

Nous serons en marche jusqu’à ce que toutes soient libres!

Panxón, Galicia, le 20 octobre 2008


Un autre monde est nécessaire et possible!

Déclaration sur la crise financière approuvé le 20 octobre 2008 lors de la 7e Rencontre Internationale de la MMF à Panxón en Galice.

Dans un contexte patriarcal et d’économie neo-liberale, le système bancaire et financier s’écroule. Les tentatives de redressement pour améliorer son fonctionnement ne font que détériorer encore plus la situation. Les bourses du monde sont en chute libre, la crise mondiale s’étend et ne peut plus être masquée. Les conséquences de la non redistribution des richesses, c’est la paupérisation massive des populations et particulièrement des femmes. Ce système favorise le développement des guerres comme outil pour s’accaparer les ressources des pays du Sud et développer l’industrie des armements. Les femmes, dans les conflits belliqueux, subissent des violences inadmissibles et inhumaines.

Les gains colossaux des spéculateurs et des actionnaires ont été privatises alors que les pertes énormes du système sont aujourd’hui nationalisées, c’est a dire, payées par tous et toutes a travers nos États.

Nous, femmes du monde, sommes les premières touchées par le chômage galopant, par la perte de l’autonomie alimentaire, par la marchandisation des biens communs. Cette crise financière est étroitement liée a toutes les autres: celle des changements climatiques, de la crise alimentaire, celle de l’énergie, celle du travail.

Les pays du Sud sont spolies de leurs ressources ; les habitudes alimentaires modifiées au bénéfice des multinationales de l’agro-alimentaire. Ces derniers sont étouffes par le poids de la dette, par l’opacité de l’utilisation des fonds prêtes par les organisations internationales.

Face a l’échec du modèle unique de l’organisation économique globalisée, nous, femmes de la Marche Mondiale, réunies a Vigo, en Galice, du 14 au 21 octobre 2008, réaffirmons notre position anti-libérale, exigeons la transformation du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que les Banques de développement. Nous dénonçons avec vigueur tous les accords de libre commerce, notamment les accords de partenariat économique (APE) – par example l’Accord de partenariat économique Japon-Philippines (JPEPA) – et l’accord général sur le commerce et les services (AGCS). Nous exigeons la suppression des paradis fiscaux qui permettent de masquer l’argent de la drogue et de la corruption ; nous demandons le contrôle de tous les mouvements de capitaux.

Il est clair que c’est d’un autre système économique dont nous avons besoin, de développer la création de structures d’économie solidaire, de coopératives de production autonomes, d’une Banque du Sud au service d’un développement écologique, égalitaire et durable.

Nous voulons la transparence de l’utilisation des fonds publics et de leur gestion. Nous voulons que les ressources des peuples soient d’abord destinées à satisfaire leurs besoins vitaux.

Nos États sont responsables, ils nous doivent des comptes, c’est leur devoir et obligation de réguler le système économique pour protéger les citoyens et les citoyennes des requins de la finance. Les coûts de la crise doivent être assumes par les actionnaires et par ceux qui ont amasse des fortunes en spéculant.

D’autres règles de distribution et d’utilisation de l’argent doivent être définies, de manière démocratique et participative avec les populations, les mouvements sociaux et les associations féministes. La définition des budgets doit tenir compte de la sauvegarde des biens communs et du développement de services publics. Tous, hommes et femmes du monde, nous avons droit à une alimentation saine, à un logement décent, à la santé, à l’éducation, a un travail digne, aux transports et à la culture.

Construisons ensemble un monde ou nos valeurs de justice, de paix, d’égalité, de solidarité et de liberté soient prioritaires.

www.marchemondiale.org


Résistances des femmes des Suds à la mondialisation

Par Claudine Blasco

Cette intervention faite en août 2008 à l’Université d’été d’Attac-France par une membre du Conseil Scientifique et de la commission genre d’Attac et de la Marche Mondiale des Femmes, présente un ample panorama des luttes en cours menées par des mouvements de femmes ou à leur initiative et avec leur participation majoritaire, pour contrer les dégâts de la mondialisation néo-libérale et défendre leurs droits.

Les femmes partout dans les pays en développement comme en transition ( ce que j’appelle les Suds, car il n’y a pas qu’un seul modèle Sud mais plusieurs avec de grandes différences) s’organisent pour résister aux inégalités dues ou exacerbées par la mondialisation, quelquefois isolées, souvent en groupes, anonymes, invisibles, mais opiniâtres. Leurs revendications étant peu prises en compte et défendues dans les groupes mixtes où les hommes continuent à avoir une place prédominante, très souvent elles sont obligées de s’unir entre femmes uniquement pour faire entendre leurs voix. Les stratégies sont multiples. De la résistance sur place pour conserver les terres, la biodiversité, la souveraineté alimentaire et les savoirs traditionnels à la résistance par la migration pour fuir les inégalités et la misère et gagner une émancipation en passant par des luttes liées au travail , à la conservation du patrimoine naturel , à l’accès aux droits humains , voici un panorama des luttes existantes dans les pays des Suds, notamment celles qui ont réussi.

Les femmes paysannes et/ou indigènes

Le secteur agricole a pendant longtemps été le premier bassin d’emploi pour les femmes jusqu’en 2007 où il a été dépassé par le secteur des services, ce qui peut expliquer en partie la crise alimentaire mondiale que nous avons connu cette année. En effet, le travail agricole des femmes n’étant ni reconnu ni rémunéré correctement, ajouté aux politiques des Plans d’Ajustement Structurels du Fond Monétaire International qui les ont chassées des terres fertiles où elles faisaient pousser des cultures vivrières, au profit de cultures d’exportation, ajouté aux délocalisations-externalisations des productions des pays riches , dont l’exemple le plus parlant est celui des zones franches d’exportation, ayant recherché la main d’oeuvre féminine rurale pour leur docilité , leur flexibilité et leur bas salaires, un exode rural féminin constant dans les pays des Suds a eu lieu depuis une dizaine d’années. Il n’est donc pas étonnant que ce soient les paysannes qui aient mené jusqu’à aujourd’hui le plus de combats dans les pays en développement ou en transition. Nous devrions voir dans les prochaines années des luttes plus nombreuses se développer dans les secteurs des services et de l’industrie.

En Asie:

Pour résister à Monsanto et ses collègues, des femmes se sont associées en Thailande (Karen Kitchens depuis 1998),au Bangladesh, en Inde (Diverse Women for diversity, Navdanya depuis 1988) pour préserver les semences de riz notamment, organiser des banques d’échange de semences qui ont permis à plus de 2 millions d’indiens de survivre et d’échapper aux monopoles des transnationales de semenciers.

Navdanya à ce jour a créé 34 banques de semences dans 13 états indiens, promeut l’agriculture biologique et la protection de l’eau en formant plus de 200 000 fermier-e-s aux techniques respectueuses de la Terre, a ouvert à New Delhi 2 magasins de commerce équitable et bio pour écouler les productions des fermier-e-s et des artisan-e-s de l’association, a créé un « slow Food Café ». Par ailleurs, elles se sont rapprochées des fermiers endettés pour les aider par des finances solidaires et une formation à se tourner vers une agriculture soutenable, non OGM et éviter les suicides supplémentaires (150 000 fermiers surendettés par l’achat des pesticides et des semences se sont suicidés en 2006 en Inde)

Au centre de l’Inde dans la région du plateau du Deccan, depuis 25 ans les femmes Dalit intouchables et Adivasi : indigènes ( les plus pauvres de l’Inde) de l’association Decan Development Society Women, se sont unies pour sauver les semences végétales et la biodiversité, ont créé un système de crédit paysan, de promotion d'engrais naturels et d’herbes médicinales….Ces femmes sont devenues les gardiennes d’un savoir ancestral sur les vertus et les caractéristiques des plantes locales qu’elles protègent, multiplient et distribuent. Pour assurer la souveraineté alimentaire, non seulement ces femmes ont cultivé et refertilisé naturellement plus de 10 000 hectares de terres qui étaient dégradées, replanté plus d’un million d’arbres pour stopper la désertification, mais depuis 1996, elles ont organisé leur propre marché de distribution (Alternative Public Distribution System), basé sur trois principes : production locale, stockage local, distribution locale en créant toute une série de « Community Grain Funds »dans 50 villages avec 3000 participantes et de « Community Gene Funds » dans 60 villages pour protéger plus de 80 variétés primaires de semences.

Pour faire connaître leurs actions et faire de l’éducation populaire , tenant compte de l’analphabétisme développé en milieu rural, elles ont créé des vidéos, des films et une radio. En ce sens, elles ont organisé des écoles vertes alliant alphabétisation et enseignement du respect de l’environnement pour enfants et adultes, spécialement pour les fillettes et les femmes, elles ont fait également 30 écoles de nuit pour environ mille enfants travailleurs ou de rue afin de les réinsérer dans le système scolaire. De plus pour libérer les agricultrices de la charge des enfants en bas âge, elles ont créé 25 « balwadies », garderies, crèches pour plus de 700 enfants. Elles ont bâti un refuge pour les femmes victimes de violence domestique. Ni les syndicats, ni les grandes entreprises, ni les gouvernements ne les invitent aux tables de négociation et pourtant elles luttent contre le bio-piratage, en collectant et stockant les semences et en alertant la population contre les OGMs et la main-mise des transnationales au sein d’un collectif appelé Coalition de Défense de la Diversité.

En Malaisie et en Indonésie, leaders mondiaux de production d’agrocarburants à base d’huile de palme, les femmes indigènes se mobilisent pour récupérer et défendre leurs terres et leur souveraineté alimentaire.

En Amérique Latine

Le Movimento da Mulheres Camponesas (MMC) au Brésil, est une organisation qui inclut des travailleuses agricoles, des paysannes, des pêcheuses aussi bien que des femmes sans terre et indigènes. Ce mouvement a permis de faire connaître la situation particulière des femmes en milieu rural et a mené des campagnes nationales pour soutenir leurs demandes. Un de leurs objectifs majeurs est la mise en oeuvre d’une réforme agraire qui garantira les droits sociaux et économiques des travailleuses agricoles.

Dans le mouvement des sans-terre (MST) au Brésil, les femmes se sont largement investies et occupent au même titre que les hommes les fonctions de responsabilité dans l’association et mettent en pratique la réforme agraire que tarde à faire le gouvernement, en occupant des terres non travaillées.

Toujours au Brésil, les agricultrices de Via Campesina, du MST, depuis plusieurs années luttent contre les agissements de la grande entreprise exportatrice de pâte à papier Veracruz, qui occupe plus de 250 000 ha de terrains agricoles, qui permettraient de nourrir des milliers de familles, pour y développer la plantation d’eucalyptus qui assèchent les sols. Ces déserts verts avides d’eau , pollueurs menacent la souveraineté alimentaire et la santé publique, mais reçoivent des subventions publiques , alors que la réforme agraire tarde à se concrétiser. Le 8 Mars 2006 , elles ont détruit plusieurs pépinières et exigé d’être entendues par la FAO en réunion près de Porto Alegre. Quand Aracruz vole les terres des Guarani ou des Tupinikim ou des quilombolas, privatise les terres vivrières, pollue les rivières, épuisent les sources avec la complicité du gouvernement et des médias, seules les paysannes dénoncent le génocide des peuples autochtones sur l’autel du profit maximum , du néolibéralisme et de la mondialisation.

Elles ont reçu en 2007, le soutien des femmes indigènes, victimes d’expropriation et de l’industrialisation de leur forêt, entrainant la disparition de leurs ressources , de leurs savoirs et de leur mode de vie . Ces dernières se sont organisées en commission des femmes indigènes de 36 communautés, pour préserver la forêt primaire, les connaissances traditionnelles et les herbes médicinales et récupérer leurs terres. Les rapports sociaux de genre en ont été bouleversés, les femmes indigènes découvrant qu’elles pouvaient changer leur statut dans leur société d’origine en luttant contre les traditions de domination masculine. Ainsi elles se fortifient mutuellement dans leur lutte contre l’oppression de l’agroindustrie et du patriarcat. Elles appartiennent aujourd’hui à un réseau de mouvements sociaux, d’ongs, pour renforcer leur capacité de résistance.

Elles ont contribué au succès des luttes indigènes contre Aracruz. Le 27 août 2007, le ministre de la Justice, a signé les résolutions ministérielles sur la démarcation des terres indigènes des Tupinikim (14 227 ha) et des Comboios (3 800 ha), en tout 18 027 ha.

Dans ces résolutions, le gouvernement brésilien reconnaît que les terres en question ont été traditionnellement occupées par les Tupinikim et les Guarani et que pendant les 40 dernières années elles ont été illégalement occupées par Aracruz Celulose.

C’est une victoire de la résistance indigène et féminine contre le pouvoir économique et politique de la transnationale et de ses alliés. Une victoire de la vie et une défaite, quoique localisée, de la monoculture et du désert vert. Une victoire également de la solidarité nationale et internationale, qui encourage et remplit d’espoir tous ceux qui luttent pour leurs droits et qui croient en la construction d’une société plus juste et égalitaire.

Les femmes Sarayacu d’Équateur: piliers de la résistance contre l’exploitation pétrolière.

Les activités pétrolières détruisent des millions d’hectares de terres fertiles à travers le monde. En Équateur, cinq millions d’hectares ont été saccagés, dont des zones protégées et des territoires indigènes . Le peuple Sarayacu résiste. depuis neuf ans, s’oppose au projet de la société nord-américaine Burlington. En 2004, les hommes sarayacu en conseil, étaient prêts à abandonner la lutte pour signer une entente avec la firme pétrolière. Les femmes se sont unies et s’y sont opposé en déclarant : « Si vous laissez entrer les entreprises sur nos terres, vous devrez vous trouver d’autres épouses… et d’autres territoires. ». Les femmes affirmèrent qu’elles ne permettraient pas que leurs enfants se convertissent en « peones » et en esclaves des grandes entreprises étrangères. C’est, dirent-elles, une position non négociable.

La société Burlington essaya de créer des conflits intra-communautaires et fit pression sur le gouvernement pour la militarisation des territoires des Sarayacus. Elle alla jusqu’à prétendre que les sentiers sillonnant leur territoire avaient été minés afin de les empêcher de sortir de leurs villages. Les femmes Sarayacus alors marchèrent ensemble sur les sentiers supposés minés, en silence. Il n’y eut aucune explosion et les femmes ont récupéré le droit pour leurs communautés de se déplacer sur leur territoire et de résister aux compagnies pétrolières. Ce n’étaient que quelques pas dans la jungle, ça a l’air insignifiant et pourtant ce furent de grands pas pour leur dignité et leur résistance.

Au Chili, l’Association Nationale des Femmes rurales et indigènes, début Aout 2008 , ont fait irruption dans le Conclave National du Fruit pour dénoncer le modèle agroexportateur développé par la Fédération Nationale des Producteurs de Fruit, qui utilise la main d’oeuvre immigrée pour baisser les salaires des journalières, majoritaires dans la culture et la récolte des fruits au Chili.

En Afrique

Au Maroc, les travailleuses agricoles de Biougra, près d’Agadir, membres de la Fédération Nationale du Secteur Agricole de l’Union Marocaine du Travail, mènent depuis plusieurs mois, en lien avec les syndicats espagnols, une lutte contre une entreprise espagnole qui les emploie pour produire des asperges dans des conditions proches de l’esclavage.

Au Nigéria , dans la région Ogoni, depuis 1998, Les Femmes du Delta du Niger, la Fédération d’Associations des femmes Ogoni pour la Justice, une coalition de plusieurs dizaines d’organisations de femmes nigérianes en majorité des paysannes sont descendues dans les rues de la capitale du Nigeria pour défendre la vie et stopper les ravages des grandes sociétés pétrolières qui ont transformé leur pays en torche géante permanente ( Agip, Chevron, Exxon, Mobil, Shell, Texaco). Leur but était de supprimer les émissions de carbone. Pendant 8 ans, elles ont mené une campagne sans relâche pour obtenir un contrôle démocratique des ressources et ont réussi à expulser les compagnies pétrolières de la région.

Taxées de terroristes par leur Etat en 2005 pour avoir demandé un moratoire sur les torchères de gaz, elles réussirent en Janvier 2006 à obtenir des tribunaux nigérians une ordonnance intimant Shell d’arrêter ses torchères Ce sont les femmes Ogoni surtout qui depuis 10 ans s’opposent à Shell. Non seulement ,elles ont obligé cette grande transnationale à partir sans violence, mais elles ont créé un précédent pour leur pays et tous les autres en empêchant une entreprise pétrolière d’agir à sa guise sans l’accord de la population locale. Leur lutte faite de désobéissance civile, d’occupation de stations de pompage non violente, de tentatives de fermeture des torchères, a duré des semaines et des années, l’état d’urgence fut déclaré par l’Etat, il y eut plus de 50 tué-e-s, des femmes violées, des maisons détruites. Le coût humain fut terrible mais elles ne s’arrêtèrent pas et elles obligèrent leur gouvernement à révoquer le permis d’opération de Shell.

Leur lutte ne s’arrêta pas à la région d’Ogoni et s’étendit à tout le pays, ainsi en 2006, ¼ de la production totale de pétrole du Nigeria a été stoppée. Cela veut dire une réduction massive d’émission de gaz à effet de serre. Les femmes nigérianes ont élargi leur campagne locale pour en faire une campagne mondiale contre les émissions de gaz à effet de serre et la main-mise des transnationales.

Au Ghana, les femmes d’Alipe dans le bassin de la Volta Blanche, au début de cette année, avec l’aide du Regional Advisory and Information Network Systems ont fait stopper la destruction de la couverture végétale des terres communautaires qui leur servaient de plantation de cultures vivrières et qui avaient été cédées illégalement à une entreprise norvégienne de biocarburants Biofuel Africa qui voulaient y planter du jatropha, plante d’Amérique centrale dont l’huile des graines sert à fabriquer du biodiésel.

Les associations de femmes paysannes se réunissent régulièrement internationalement, par exemple du 12 au 13 Juin 2004, 123 associations de 47 pays d’Afrique, Asie, Europe, Amérique, Moyen Orient, Océanie se sont retrouvées à Sao Paulo pour la II Assemblée Internationale des Femmes Paysannes pour proclamer et unir leurs luttes contre l’impérialisme et le patriarcat.

Les femmes ouvrières

Elles sont pour beaucoup entrées dans l’industrie ou les services, à la demande des filiales, ou des sous-traitants des entreprises transnationales qui ont externalisé leur production, souvent dans les zones franches d’exportation. Il y en a plus de 3000 dans le monde employant plus de 43 millions de personnes, la plupart migrantes internes issues de l’exode rural, dont 70% à 90% sont des femmes de 14 à 28 ans, dans les secteurs du textile, de l’électronique, de l’assemblage de fournitures importées. Les multinationales d’abord, puis leurs sous traitants s’installent dans ces zones où ils jouissent d’avantages fiscaux et matériels importants et d’une très grande tolérance sur leurs agissements.

Dans ces zones ont été suspendues les législations du travail, de protection de l’environnement, de la protection sociale et du droit syndical. La précarité y est accentuée par la facilité avec laquelle les usines déménagent dès qu’il y a une velléité de s’organiser pour défendre ses droits (usines papillons). Les salaires y sont bas mêmes s’ils sont au dessus des salaires minima , les conditions de travail pénibles et quelquefois dangereuses, c’est pourquoi le salariat féminin y est le modèle idéal: soumis, docile, endurant, bon marché, pas ou peu syndiqué.

L’entrée massive des femmes des Suds sur le marché du travail est un effet de la globalisation car s’appuyant sur le patriarcat et les schémas sexistes de nos sociétés, les firmes ont recherché préférentiellement le salariat féminin afin de globalement baisser les coûts de production, partout dans le monde. Mais pour beaucoup de ces femmes, ce fut aussi le début de leur émancipation de la tutelle masculine.

D’après le rapport de la Commission de la Condition de la Femme des Nations Unies sur la promotion économique de la femme, présenté en Mars 2006 lors de la 50ième session, le taux de participation des femmes à la vie économique dans le monde n’a cessé d’augmenter depuis 1989, sauf en Europe Orientale et Centrale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord où il reste inférieur à la moyenne mondiale.

Aujourd’hui 70% des femmes du Nord travaillent contre 60% des femmes des Suds , elles sont 40% de la main-d’oeuvre totale. Et pour autant leur statut dans le monde du travail ne s’améliore guère (chômage, inégalités salariales, temps partiel, précarité, emplois les moins qualifiés…).

En Afrique

Les 133 ouvrières Burkinabe de la Gacilienne, filiale d’Yves Rocher , licenciées sans indemnité en 2005 ont obtenu le soutien de syndicats burkinabe et français , d’associations féministes et altermondialistes dont la commission genre d’ATTAC France, et ont fini par obtenir leurs droits et indemnités

Les Marocaines de Rabbat Salé ouvrières du textile, se syndicalisent pour résister aux sous traitants des grandes multinationales et obtenir de meilleures conditions de travail. Malgré le soutien international, des femmes syndicalistes furent licenciées et certaines usines fermées ou délocalisées.

En Amérique Latine

Les Mexicaines des Maquiladoras, zones franches d’exportation créées dans le Nord du Mexique pour que les entreprises soient affranchies des contraintes sociales, fiscales et environnementales, s’organisent en syndicats papillons (réunions clandestines et leaders venant de l’extérieur) pour usines papillons. Elles inventent de nouvelles alliances et créent de nouvelles solidarités, ne comptant pas seulement sur les syndicats majoritairement masculins pour les défendre, mais plus sur les organisations de femmes internationales et les mouvements sociaux anti libéraux.

En Asie

En Chine, d’après Christa Wichterich dans son livre « Fierce, Fair and Unfair competition », premier pays pour les investissements des transnationales et premier exportateur mondial de produits manufacturés depuis son ouverture au marché mondial libéralisé, l’exploitation des ressources humaines et naturelles est inquiétante et les inégalités sociales s’accentuent très rapidement, avec elles la pauvreté des femmes augmente.

Une marée de femmes surtout les jeunes rurales migrèrent dès 1980 vers les zones franches d’exportation (pas de contrat, pas de sécurité sociale, 12 à 14h de travail par jour pour un salaire minimum de 50 euros/mois soit 2 fois moins que les emplois des citadines hors zones franches d’exportation) où leur main d’oeuvre docile et malléable était recherchée par les firmes de confection, textile, chaussures, jouets et électroniques, pendant que fermaient les entreprises publiques ou semi publiques où travaillaient majoritairement les chinoises éduquées ( les femmes furent 60% des 40millions de fonctionnaires licenciés en 15 ans). Ces dernières n’ont pour la plupart retrouvé du travail que dans le secteur informel ou des services notamment les taches domestiques, ou les travaux les moins qualifiés et les moins payés.

Dans un contexte syndical centralisé – il n’existe en Chine qu’une seule fédération syndicale officielle : All China Federation of Trade Union, bras armé du parti au pouvoir, et peu sensible aux revendications des femmes, les femmes ouvrières des zones franches d’exportation, notamment celles du « Pearl River Delta » ont créé un nouvel activisme syndical, radical, local et spontané, contre les indignes conditions de travail imposées par les usines et l’interdiction de se syndiquer. Par des actions massives et rapides, préparées dans le secret des dortoirs communs dans lesquels les confinent leurs patrons, elles s’associent souvent par région d’origine ou langage commun, en Ongs ou coopératives pour faire avancer leurs revendications, organiser des manifestations (18 000 femmes d’un sous-traitant de Nokia manifestèrent à Shenzhen pour un meilleur salaire et une assurance santé en été 2007).

Mais beaucoup furent licenciées, arrêtées et enfermées dans des camps, le gouvernement dévastant leur siège social ou interdisant leur site internet. Les femmes du « Chinese Working Women Network » créé en 1996 après la mort de quelques 80 ouvrières brulées dans l’incendie de l’usine de jouets Zhili dans le Shenzhen, ont mis en place des sessions d’éducation à la santé au travail et de formation sur leurs droits , des comités d’entreprise pour encourager la création et le respect des codes de conduite et la responsabilité sociale des entreprises, ont organisé le soutien aux jeunes migrantes. En 2005 elles ont rejoint le Comité des Femmes Asiatiques (www.caw.org) pour une campagne sur un revenu minimum d’existence, initié par les Thaïlandaises des Zones Franches d’Exportation dans 9 pays d’Asie.

Les femmes de l’économie informelle

L’économie du « sweatshop » usine à sueur, du travail à domicile ou en arrière-cour comptait 200 millions de personnes en 1995, c’est à dire plus de travailleurs, en majorité des femmes, que l’ensemble des zones franches. En bout de chaîne des sous-traitants dans les pays des Suds nous retrouvons les travailleurs à domicile , travailleurs indépendants ou familiaux non rémunérés où les femmes sont majoritaires (entre 60% et 90% des travailleurs du secteur informel selon les sources).

D’après le rapport 2008 du BIT sur les tendances mondiales de l’emploi, les régions les plus touchées par l’emploi vulnérable sont l’Asie du Sud avec 77,2% d’emplois vulnérables dans l’emploi total, l’Afrique Subsaharienne (72,9%), L’Asie du Sud Est et le Pacifique (59,4%), l’Asie de l’Est (55,7%), l’Amérique Latine et les Caraïbes (33,2%), le Moyen Orient (32,2%), l’Afrique du nord (30,7%). En Amérique Latine et aux Caraïbes l’emploi vulnérable a augmenté ces dix dernières années, suivant la hausse de création d’emplois dans les services où les femmes sont majoritaires.

Le travail informel est de la survie, ne fournissant aucune protection sociale, ni assurance maladie, ni garantie de revenus réguliers, ni sécurité d’emploi, ni droit à la retraite. Il est aussi le résultat de la sous-traitance voulue par le secteur formel et ses faibles coûts alimentent les profits des transnationales (ex : couturières à domicile). Les revenus sont très inférieurs à ceux du formel et l’écart de salaires entre Hommes et Femmes y est plus grand. Il a été mis en évidence un lien direct entre travailler dans l’informel et être pauvre. Et plus une région est pauvre, plus les femmes ont de «chance» de faire partie des travailleurs familiaux non rémunérés ou des travailleurs indépendants.

Malgré les difficultés d’organisation des travailleuses à domicile ou de rues , du fait de leur éparpillement, il existe quelques exemples réussis de création de syndicats ou de luttes.

En Asie

L’association « Self Employed Women’s Association » indienne en rassemblant les travailleuses isolées du secteur informel (journalières agricoles, marchandes ambulantes, couturières à domicile, rouleuses de bidies, domestiques…) dans ce mouvement-syndicat, pour les défendre contre les usuriers pour le plein emploi, la sécurité alimentaire et sociale, a réussi en 1996 à pousser le Bureau International du Travail à établir une convention reconnaissant aux personnes travaillant à domicile le droit à un traitement égal aux autres salariés et à un salaire minimum. Aujourd’hui, la lutte continue pour obtenir l’application de cette convention.

En Afrique

L’Association des femmes africaines pour la Recherche et le Développement (AFARD) dénonce les transferts des services d’éducation et de soins des états vers les femmes, à cause des politiques de restriction de budgets imposées par le FMI et la Banque Mondiale. Ainsi, la baisse des subventions publiques a entrainé une réduction du secteur agricole où les femmes représentent 60% à 80% de la force de travail, celles-ci ont alors ouvert de petits commerces de rue, ne bénéficiant ni de crédits, ni de formations. Ce sont alors créés des rassemblements informels de ces femmes qui se sont unies par métier et proximité géographique. Ainsi au Mali, un groupe de vendeuses de rues ont fabriqué des savons qu’elles vendaient à la sauvette pour financer des crèches qui leur permettraient de travailler davantage, gagner plus d’argent et avoir enfin accès au crédit.

Au Sénégal, dès 1987, l’Union des Groupements Féminins a mutualisé les expériences féminines des «tontines», mettant en avant la gestion de l’épargne par les femmes.

En Amérique Latine

Les marchandes de fleurs d’Atenco et de Texcoco au Mexique se sont mobilisées pour garder leur lieu de travail contre l’expropriation foncière en Mai 2006, elles ont mené avec le mouvement zapatiste et le Frente de Pueblos en Défensa de la Tierra et les membres de Otra Campana, une résistance forte . Leur mouvement fut réprimé dans le sang et la violence. Une centaine de personnes furent arrêtées, battues, dont 47 femmes, 26 d’entre elles furent violées par les policiers mais seulement 11 persistent encore aujourd’hui dans leur accusation malgré la pression policière. C’est une association de femmes (FEVIM ) qui les défend et a porté plainte devant la Commission Interaméricaine des Droits Humains.

Les femmes créatrices d’entreprises solidaires

Pour sortir de l’économie informelle, les femmes créent des associations, des coopératives, des entreprises sociales et solidaires. Elles veulent travailler autrement et préfèrent créer des entreprises respectueuses des droits sociaux, culturels et environnementaux, ayant pour grands principes : pas de profit, bénéfices réinvestis, gestion démocratique de l’entreprise. Par exemple les africaines ont su transformer le système traditionnel des tontines pour inventer leur avenir. Au Sénégal à Kaolac, elles ont créé Teranga, une mutuelle de crédits pour les femmes qui soutient des petits et grands projets urbains ou ruraux, elles étudient jusqu’à 60 dossiers par mois. Toujours au Sénégal, en 1990, les femmes créent les Coopératives d’épargne et de crédit, basées sur l’autogestion, la solidarité, la démocratie et l’équité. Ces caisses de crédit et d’épargne ont été légalisées en 1995, reconnaissant ainsi le sérieux et l’engagement de ces femmes.

Elles sont à l’initiative des groupements d’artisans de l’Afrique de l’Ouest, des greniers villageois, des banques de céréales, des caisses villageoises d’épargne et de crédit, des cases de santé de base, des entreprises de récupération et recyclage.

Au Mali de jeunes femmes diplômées au chômage ont créé en 1990, une association la COFESFA: Coopérative des Femmes pour l’Education la Santé Familiale et l’Assainissement, pour ramasser les ordures, recycler les déchets, construire des latrines publiques , sensibiliser la population à l’hygiène et à la santé.

En Amérique latine, elles ont fondé les talleres de produccion (ex : la Cooperativa Arte et Costura de Fortaleza), des systèmes de crédit solidaire, des coopératives de construction d’habitat collectif, des cantines et des crèches communautaires (Pérou, brésil), des coopératives de santé.

En Asie aussi, elles ont développé l’épargne et le crédit solidaires, les banques de semences Et plus que l’apport économique, elles désirent promouvoir l’échange culturel, ainsi s’est créé l’an dernier à Mexico un réseau mondial des femmes indigènes artisannes (Red Mundial de Mujeres Indigenas Artesanas) qui veulent lier l’Art et l‘artisanat et rendre visible la valeur historique et créatrice, culturelle, sociale et matérielle de ces femmes et de leur travail.

Les réseaux internationaux réunissant des femmes de tous milieux et d’activités diverses comme la Red International de Genero y comercio qui comprend 42 associations et collectifs de femmes des 5 continents, pour lutter contre les accords internationaux et le libéralisme , ou comme la Marche Mondiale des Femmes qui réunit des mouvements féministes de tous les continents qui luttent contre le patriarcat et le néolibéralisme.

Les femmes migrantes

Les femmes victimes de l’augmentation des inégalités et de la pauvreté, ayant acquis une certaine indépendance par un premier travail salarié ou par une éducation ou une formation professionnelle cherchent souvent une issue dans la migration vers un pays plus riche ou plus émancipateur. Elles sont aujourd’hui plus de 51% des immigrés dans les pays développés et sont responsables depuis 10 ans de l’augmentation des flux migratoires. Leur migration est surtout une migration de travail, la demande dans le secteur du « care » étant très importante en Occident à cause de l’entrée massive dans la vie active des femmes du Nord et du nonpartage des taches domestiques par les hommes occidentaux.

Ainsi s’est construit la chaine internationale du « care » entrainant des migrations en cascades de femmes. Celles qui viennent seules garder nos enfants ou nos ainés, s’occuper de nos foyers, laissent au pays leurs propres enfants et responsabilités familiales, qui sont alors pris en charge souvent par une autre femme migrante d’un pays ou d’une région plus pauvre, ainsi de suite jusqu’à ce que le revenu de la migrante soit si bas qu’il lui faille laisser ses enfants à la garde de sa famille (grand-mère, tante, cousine…) Quand elles arrivent dans le Nord, elles ne trouvent que des emplois de services, peu qualifiés et peu rémunérés, même si elles sont diplômées. Elles sont femmes de ménage, nounous, infirmières, aides à domicile, serveuses ou cuisinières… Déconsidérées, mal payées, seules loin de leurs enfants.

Elles luttent souvent seules contre la pauvreté dans leur pays d’accueil et surtout dans leur communauté d’origine par les transferts de fonds, qui d’après les Nations Unies est supérieur aux transferts de fonds des hommes bien qu’elles gagnent moins. Ce qui équivaut à plus que l’Aide Publique au Développement de tous les pays riches (les estimations sont de 2 à 3 fois plus) . Elles sont aussi à l’origine de multiples associations de diasporas qui proposent et financent des programmes de développement dans leurs pays d’origine.

Ainsi les femmes mexicaines émigrées au Canada ont créé, en 1994, une organisation de défense des droits des femmes et du droit du travail dans les maquilas appelé : Maquila Solidarity Network. Ce réseau soutient les luttes des travailleuses dans les chaines de montage en Amérique latine et en Asie, pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Leur but principal est de renforcer la capacité de la société civile au Nord comme aux Suds pour contrer les effets négatifs des restructurations industrielles, pour obtenir des emplois dignes, bien payés et sains.

En France les femmes sans-papiers salariées du nettoyage (Ma Net) se sont mises en grève pour leur régularisation en Mai dernier à Paris, soutenues par des syndicats , des partis et des associations féministes et altermondialistes. Ce combat fait suite à celui des femmes de ménage d’Arcade, sous-traitante du groupe Accor, issues de la migration africaine qui se sont battues il y a quelques années pour avoir de meilleurs salaires et la sécurité de l’emploi. Ou comme l’Association des femmes Uruguayennes Lourdes Pinto (AMULP) de Seine Saint Denis qui soutiennent dans leur pays d’origine des programmes de santé, éducation ou formation des femmes. Ou encore l’association marseillaise Shebba de marocaines, qui soutiennent les marocaines en France ou au Maroc. Des luttes méconnues mais exemplaires.

Claudine Blasco, août 2008, intervention lors de l’Université d’été d’Attac

Claudine Blasco est militante féministe et altermondialiste de la solidarité internationale, membre du Conseil Scientifique et de la commission genre d’ATTAC et de la Marche Mondiale des Femmes.


Photos de la VIIe rencontre de la Marche mondiale des femmes à Vigo (Galice), octobre 2008:


Marche mondiale des femmes 2010: Tant que les toutes les femmes ne marcheront pas librement, nous continuerons de marcher!

Soirée de débat organisée par le CADTM, Barricade et la Coordination liégeoise de la Marche mondiale des femmes (CLMMF)

Avec:

Christrine Vanden Daelen (CADTM)

Nicole Van Enis (Barricade - CLMMF)

Où? à Barricade, rue Pierreuse, 15 à 4000 Liège

Quand? le vendredi 21 novembre 2008 à 19H30

Après 2000, après 2005, les femmes se mobilisent à nouveau au niveau mondial. Une réunion importante vient de se dérouler à Vigo (Espagne) pour décider de la stratégie à suivre en 2010. Deux amies belges, Christine et Nicole, présentes à Vigo, nous feront part des débats en cours, des axes de mobilisation, des décisions prises.

Pour nous préparer dès maintenant à une super-mobilisation en Belgique ! A l'heure où des droits supposés acquis pour les femmes (le droit à l'IVG par exemple; avez-vous signé la pétition européenne?) sont remis en cause dans différents pays, à l'heure où la crise financière et ses retombées sur l'économie réelle menacent de frapper les femmes en premier, il est temps de faire entendre à nouveau la voix forte des femmes qui réclament leur émancipation, ici, ailleurs, maintenant, tout de suite et pour toutes; une émancipation qui soit construite sur l'égalité des droits par rapport aux hommes mais aussi sur les alternatives féministes qui réaliseront l'autre monde possible auquel nous aspirons toutes et tous!

Avec le soutien du département d’éducation permanente de la Communauté française

 

 

 

 

 

 

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