Socialismes utopiques d’hier et d’aujourd’hui
Par Daniel Bensaïd le Lundi, 13 Août 2007 PDF Imprimer Envoyer

Lorsque le nécessaire et le possible ne jointent plus, le temps vire à l’utopie. Ainsi voit-on fleurir aujourd’hui l’utopie d’une jungle marchande régulée et tempérée par les théories de la justice et de l’harmonie communicationnelle, celle d’une économie de marché sans « société de marché », celle d’un « patriotisme constitutionnel » affranchi des territoires et des frontières, celle d’un capitalisme philanthropique et compassionnel à visage humain, celle enfin d’expérimentations néo-libertaires renouant à leur insu avec les tâtonnements des mouvements socialistes naissants du 19ème siècle. Les lendemains de grandes défaite sont fertiles en repousses et en effervescences utopiques. Ce fut le cas sous la Restauration.

C’est aussi le cas des dernières décennies, sous les coups de la réaction libérale, où la fermentation utopique est inversement proporitionnelle à l’affaiblissement du potentiel d’émancipation politique. La lecture du troisième chapitre du Manifeste du Parti communiste sur « la littérature socialiste et communiste » montre à quel point les courants passés en revue ont leur équivalent dans les utopies contemporaines.

Moments utopiques

On retrouve, dans certaines d’entre elles – comme « l’écologie profonde » -, les relents de « socialisme féodal », où se mêlaient « jérémiades du passé et grondements sourds de l’avenir ». La démonisation régressive du capitalisme peut alors rejaillir sur des droits acquis de haute lutte, comme celui à l’avortement pour les femmes, au nom des joies naturelles de la maternité et des rapports traditionnels.

Ce socialisme « à la fois réactionnaire et utopique » rêve du retour à un monde artisanal de petits producteurs indépendants et de chaleur familiale, qui ferait tourner à rebours la roue de la division sociale du travail. Dans leurs versions les plus obtuses, certaines théories de la décroissance flirtent avec la nostalgie romantique d’un ordre naturel harmonieux, avec en contrepartie la tentation autoritaire (qui fut souvent de Iamboulis à Campanella le revers de la médaille utopique) de départager à la place des premiers concernés les vrais des faux besoins, le nécessaire du superflu. De même, le rêve d’une « relocalisation générale » de la production comme alternative aux affres de la mondialisation marchande aboutit au mythe réactionnaire d’une autarcie communautaire primitive et à ce que Naomi Klein appelle « un fétichisme de la vie-musée ».

On retrouve aussi dans le jargon de l’authenticité (du bio et du brut), les formes actualisées d’un « socialisme vrai » petit-bourgeois, qui préfèrait le « besoin du vrai » aux « vrais besoins ». Aujourd’hui comme hier, il dissout les antagonismes de classe dans « l’intérêt de l’homme en général ». Il rêve d’une société bourgeoise sans lutte des classes, et, si possible, sans politique. Ainsi, Nicolas Hulot incarne une écologie au-dessus de la mêlée, par delà les antagonismes sociaux et les clivages entre droite et gauche. De même que l’ancien « socialisme vrai » exprimait la vision du monde de la petite-bourgeoisie allemande, le nouveau exprime la vision apeurée des nouvelles classes moyennes, prises dans le tourbillon de la mondialisation marchande. On voit ainsi apparaître des versions actualisées d’un « socialisme bourgeois » conservateur, prêché par des « philanthropes humanitaires », affairés à « organiser la bienfaisance et à protéger les animaux ». Le micro-crédit nobélisé de Muhamad Yunus constitue peut-être un expédient appréciable pour les plus démunis. Mais érigé, par les gérants de la Banque mondiale en panacée pour échapper à la pauvreté et sortir du sous-développement, il devient purement et simplement le micro-paravent de méga-problèmes irrésolus.

En des temps où la charité publique et privée revient en force sur les ruines des solidarités détruites, ce « socialisme » compassionnel se porte bien. Comme ceux brocardés par Marx, les philanthropes à la Soros voudraient bien « la société actuelle sans ses dangers, la bourgeoisie sans le prolétariat », les prouesses du CAC 40 sans le chômage, les fabuleux retours sur investissement sans les licenciements et les délocalisations. Ils voudraient bien convaincre les possédés que les possédants ne le sont que pour leur bien.Certains populistes libéraux ont l’utopie carrément réactionnaire. Expert en urbanisme pour le compte de la Banque mondiale, Hernando de Soto s’est rendu mondialement célèbre en présentant la masse énorme de la population marginalisée des bidonvilles comme une ruche bourdonnante de protocapitalistes avides de droits de propriété formels (sur leur lopin ou leur baraque) dans un espace de compétition non faussée.

On retrouve enfin toutes les variantes modernisées du « socialisme critico-utopique ». En l’absence de conditions matérielles et de forces sociales mûres pour l’émancipation, le proto-communisme des années 1830 préconisait « un ascétisme universel et un communisme grossier ». Ne percevant, du côté d’un prolétariat embryonnaire aucune créativité historique, il lui substituait « une science et des lois sociales » concoctées en laboratoires : « A l’activité sociale, ils substituent leur propre ingéniosité ; aux conditions historiques de l’émancipation des conditions fantaisistes ; à l’organisation graduelle et spontanée du prolétariat en classe une organisation de la société fabriquée de toute pièce par eux-mêmes ». Ils « repoussent donc toute action politique », et s’évertuent à propager le nouvel évangile « par la force de l’exemple et par des expériences miniatures qui échouent évidemment toujours ».

Encore, ces utopies avaient-elles le mérite de la nouveauté et l’ambition de changer le monde. Leur version contemporaine est plutôt au diapason de l’époque : modeste et minimaliste. Ainsi, les auteurs d’un Manifeste pour l’économie solidaire prennent-ils soin de préciser, par souci de ne point effaroucher les marchés : « L’économie solidaire de proximité a l’ambition, non pas bien sûr de remplacer l’économie de marché, mais de s’attaquer aux problèmes des plus démunis et aux besoins individuels et collectifs délaissés par le marché et l’Etat. » L’économie solidaire, ce serait ce qui reste quand les marchés sont rassasiés et les budgets publics asséchés. Autrement dit, un cache-misère.

Corollaire de la macro-globalisation, le micro est à la mode. Les variantes d’utopies minimalistes abondent. On prétend produire directement des valeurs d’usages sans passer par la médiation de la valeur d’échange, au lieu de lutter contre la privatisation du Welfare et pour l’inclusion des services aux personnes (petite enfance et quatrième âge notamment) dans la sphère publique. Le tiers secteur constitue ainsi une aire d’emploi d’une force de travail décontractualisée, précarisée, et sous-payée. Il en résulte un malaise dans la citoyenneté, et une résurgence de statuts privilégiés et de relations semi-féodales de dépendance personnelle.

Utopies néo-libertaires

Dans un livre au titre eloquent – Gramsci est mort - paru en 2005 au Canada, Richard Day, synthétise la nouveauté dont seraient porteurs les mouvements sociaux altermondialistes. Il fournit une bonne description des résurgences utopiques libertaires et des « nouveaux mouvements » apparus depuis une vingtaine d’années [1]. On y trouve pêle-mêle les mouvements pour l’abolition du travail, les associations contre la vidéo-surveillance, les fronts de libération de la terre et des animaux, le mouvement pour la désobéissance électronique civique, les groupes affinitaires (affinity groups), les sans-terre du Brésil, les assemblées de quartier d’Argentine, Reclaim the streets, l’Independent Media Center, Food not Bombs, les Zones autonomes temporaires (TAZ), les associations de défense de l’environnement, les mouvements gays et féministes, et quelques ratons-laveurs.

Ce qui rassemblerait ces mouvements sous une même prétention de nouveauté, ce serait leur refus de totaliser les résistances et de s’inscrire dans une perspective d’utilisation de l’Etat. Ils défieraient la logique de l’alternative caduque entre réforme et révolution. Leur intervention contre des oppressions spécifiques serait une tout autre démarche que de « chercher la reconstruction globale de l’ordre existant par des moyens révolutionnaires ». Il s’agirait de produire des résultats sur un nombre limité de questions, et non « sur toutes les questions à la fois ». Cette démarche se veut distincte du libéralisme comme du post-marxisme, qui viseraient tous deux à améliorer ou à modifier les institutions existantes. Ainsi, la revendication d’intégration des femmes au salariat aboutirait seulement à ajouter l’exploitation à l’oppression, au lieu de la supprimer. Elle illustrerait bien les impasses auxquelles se condamne une ambition d’émancipation radicale lorsqu’elle accepte de se frotter aux institutions.

Pour Richard Day, une « logique affinitaire » est censée faire échec aux formes les plus développées du contrôle bureaucratique post-industriel ou du biopouvoir. La critique des socialismes utopiques n’implique nullement chez Marx le rejet des expériences sociales (coopératives, mutuellistes, etc). Elle combat seulement l’illusion selon laquelle leur extension graduelle et pacifique parviendrait à grignoter peu à peu la domination du capital, en esquivant la question de l’Etat. Elle ne conçoit pas davantage le communisme comme un idéal de société parfaite, mais comme le « mouvement réel qui abolit l’ordre existant ». Ce mouvement commence ici et maintenant, dans la lutte quotidienne. Mais les formes émergeantes du mouvement social s’inscrivent dans une perspective d’ensemble qui, au-delà de l’addition des luttes économiques et revendicatives, fait de la lutte des classes une lutte politique.

Selon la « logique affinitaire », le problème ne serait plus de conquérir le pouvoir d’Etat, mais de développer la puissance de la multitude qui se développe dans un ensemble disparate de nouvelles visions du monde. Ce pluriel n’est pas que grammatical : « C’est toute la question de la différence entre formes hégémoniques et affinitaires, ou entre la volonté de construire un projet de contre-pouvoir cohérent, et le désir de permettre l’incohérence parmi tous ceux qui s’opposent à l’ordre libéral, chacun pour ses propres motifs ». Un tel propos ne fait pas l’unanimité au sein de la nébuleuse libertaire. Certains déplorent l’essor d’un « anarchisme du mode de vie », aux dépens de « l’anarchisme social ». Les nouveaux libertaires flirteraient ainsi avec le nihilisme post-moderne, l’irrationalisme new age, les insurrections personnelles de la micropolitique, et les esquives individualistes et esthétisantes du combat politique.

Richard Day sent bien la contradiction dans laquelle il s’enferme. Il voit dans la plupart des tentatives contre-hégémoniques – qu’il s’agisse du programme keynésien ou des projets révolutionnaires - des aménagements qui ne sortent pas de l’acceptation de « l’hégémonie de l’hégémonie ». Pour échapper à ce cercle vicieux, il faudrait « opérer non-hégémoniquement, plutôt que contre-hégémoniquement » (la distinction fait echo à celle de Holloway entre contre et anti pouvoir). S’évader du piège, faute de pouvoir le détruire ? Le passage du « contre » au « non » est un pur artifice rhétorique. Cette logique qui se veut radicalement hétérogène à celle de la domination se définit comme une logique de « l’affinité pour l’affinité », visant à établir « des rapports non hiérarchiques, non coercitifs, non universalisants, fondés sur des engagements éthiques partagés et réciproques ».

Day prétend contribuer ainsi à une lignée post-anarchiste et marxiste autonomiste, pour comprendre comment, au-delà du dilemme entre réforme et révolution, une politique « pourrait conduire à un changement social progressiste répondant aux besoins et aspirations identitaires disparates, sans chercher à les rassembler dans un projet commun. » L’heure serait désormais à la construction « d’un espace public non-étatique », mais « comment faire pour éviter que ces pratiques de résistance locale ne se transforment en pratiques globales de domination ? », (se) demande Richard Day. Toni Negri ou John Holloway lui répondent : par l’exil et l’exode, loin du système, vers un ailleurs indéterminé, à la manière dont les situationnistes prônaient l’exode individuel hors du travail, sans changer pour autant des rapports sociaux où le travail de presque tous est la condition de l’oisiveté de quelques uns.

Ceux qui partent doivent pourtant bien avoir où aller, et « aucune ligne de fuite ne peut durer éternellement ». Comment reterritorialiser des alternatives durables, sans reconstruire un pouvoir de type étatique, un droit, une administration, des procédures de décision régissant les relations entre majorités et minorités variables selon les litiges ? Day vient buter sur cette question sans réponse. Au-dela de quelques généralités, on devra donc se contenter d’évocations abstraites sur « une économie affinitaire » ou « participative » (EcoPar) de réseaux d’échange décentralisés, formant un « système économique sans classes ».

L’altermondialisme comme utopie globale ? L’une des interprétations les plus représentatives de la phase initiale du mouvement alter-mondialiste est donnée par le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos. A la différence des utopies du 19e et du 20e siècles, sa spécificité utopique apparaît clairement : « plutôt que de trancher entre différentes options, comme ce fut le cas dans le passé, l’utopie nouvelle se contente de proclamer que des alternatives sont possibles et que peuvent exister des formes de globalisation contre-hégémoniques ». Il s’agirait donc d’une utopie « ouverte » ou « vague ». Il serait plus important aujourd’hui « d’affirmer la possibilité d’alternatives que d’en déterminer le contenu précis » [2]. Cette approche veut rompre « avec la tradition des utopies de la modernité occidentale, dont la plupart ont tourné à l’échec ». Boaventura attribue par conséquent pour fonction principale aux Forums sociaux un travail de traduction, en rupture avec la tradition de la pensée politique occidentale.

Ses textes résument bien le moment négatif des résistances à la globalisation marchande, moment de « l’utopie négative » et de « l’universalisme négatif ». Reste à démêler ce qu’un tel moment doit aux tendances lourdes du capitalisme global (à l’heure des technologies de la communication, de la financiarisation de l’économie, de la réorganisation de la division mondiale du travail, de l’état d’exception permanent et de la guerre globale sans limites de temps ni d’espace), de ce qui relève d’une conjoncture réversible et des reculs subis par les mouvements populaires après un quart de siècle de contre-réforme. A s’en tenir aux résistances, sans espoir de contre-attaque, on risque fort d’abandonner l’initiative et la positivité aux mains de dominants. Ce qui représentait hier la conservation et réaction peut ainsi se présenter désormais comme le camp de la réforme et du mouvement, déterminé à tout réformer pour que rien ne change vraiment.

La question commence cependant à se poser, en Amérique latine notamment, des stratégies alternatives requises pour changer un monde impitoyable. Pour que mûrissent des éléments de réponse, un nouveau cycle d’expériences et de tâtonnements et la reconstruction à nouveaux frais de rapports de forces dégradés sont nécessaires. Comme l’écrivait le poète Erich Fried, « des perspectives meilleures s’ouvrent, du seul fait que nous, qui n’en avons par ailleurs pas, commençons à le dire ouvertement ».

Utopies économiques

Le moment utopique actuel reflète « l’illusion sociale » , consistant à croire dans l’auto-suffisance des mouvements sociaux et à se tenir à distance d’une politique salissante et compromettante. Cette illusion sociale se double d’une « illusion économique » pour laquelle une somme d’expériences, plus ou moins soustraites à la logique du marché, pourrait défaire le capital de manière indolore, en esquivant la périlleuse question du pouvoir politique. Dans les mouvances de la nouvelle gauche radicale, le souci d’alternatives économiques « réalistes » a ainsi pris le pas, ces dernières années, sur les stratégies politiques. Ce grand chantier de réflexion, où se croisent les thèmes de l’économie participative, de l’échange équitable, de l’économie solidaire, de la décroissance, de la démarchandisation, du don et de la gratuité, de la redéfinition des services publics et du bien commun, peut être fort utile. A la condition de ne pas accréditer l’idée que la lutte politique se réduirait désormais à une compétition loyale entre modèles économiques rationnels.

Dans Vers un nouvel anticapitalisme , Michel Vakaloulis, Pierre Zarka, et Jean-Marie Vincent sont conscients des limites de mouvements sociaux fragmentés et sporadiques : « Le pragmatisme tend à se substituer à la projection stratégique ; l’action s’éloigne du projet qui permettrait de se situer dans l’espace et dans le temps. Le retour de la question sociale, à partir des grèves de l’hiver 1995, relance incontestablement une réflexion au point mort dans la gauche radicale”. Mais le revendicatif apparaît désormais « supérieur au politique » et il en résulte « une espèce de néo-anarcho-syndicalisme avec ses échelles de valeur qui aggravent de fait l’éloignement de la politique. » Suffit-il d’affubler l’utopie de l’épithète « concrète » pour combler le vide abyssal ainsi souligné ? Les mouvements sociaux intériorisent à leur manière « la relative impuissance du social » et « restent prisonniers d’une négation abstraite du libéralisme ». Ils finissent ainsi par se cantonner dans un rôle de groupes de pression sur un jeu politique inchangé et par « s’adresser aux guichets politiques disponibles ».

Le constat est lucide. La conclusion décevante : il faut qu’il y ait « interruption de la reproduction sociale ». En dehors de rares périodes de crise aigüe, le travail aliéné, le fétichisme de la marchandise, l’inscription de l’idéologie dominante dans les phénomènes moléculaires de la vie quotidienne, concourent au mouvement perpétuel de cette reproduction sociale et à la servitude involontaire de ses agents. Comment briser un cercle aussi vicieux ? Le « nouvel anticapitalisme » annoncé n’échappe pas à cette question cruciale. Plutôt que d’y répondre, ses auteurs semblent privilégier la lutte théorique et idéologique, en laissant dans l’ombre le défi politique. Ce qui fait défaut, ce serait « une culture de combat anticapitaliste ». Le « nouvel anticapitalisme » manque de culture anticapitaliste ? On tourne en rond. Reste à savoir pourquoi et comment il pourrait acquérir cette culture, et ce que les auteurs entendent par une culture dont « la mise au point » (sic !) serait « une tâche urgente ».

Pour Thomas Coutrot, il s’agit, ni plus ni moins, que de mettre en cause les fondements du capitalisme néo-libéral pour « refonder une perspective globale » : « Si l’on veut de vraies réformes, il faut passer par la révolution » [3] Reste à déterminer laquelle, en partant des mouvements sociaux qui « portent en germe » le futur. Coutrot émet « l’hypothèse audacieuse » selon laquelle le mouvement altermondialiste serait capable de « relayer à l’échelle de l’histoire le mouvement ouvrier ». C’est prêter à un mouvement tout juste naissant une consistance sociale et une unité politique qui restent à démontrer. Il est traversé de projets stratégiques distincts ou antagoniques : un libéralisme tempéré à visage humain (réformant les institutions internationales existantes), une orientation de « déglobalisation » ou de « déconnexion » (prônée par Wladen Bello ou Samir Amin), un néo-populisme desarrolliste en Amérique latine, un socialisme internationaliste, et bien d’autres encore. En Amérique latine, la voie « luliste » et la voie « chaviste » ou « castriste », cohabitent de façon conflictuelle au sein des Forums sociaux.

Abordant la question stratégique sous l’angle des orientations économiques, Thomas Coutrot s’appuie sur une citation de Paul Singer, secrétaire d’Etat à l’économie solidaire dans le premier gouvernement Lula (2003-2007) : « Nous avons besoin d’une théorie de la transition à l’économie solidaire comme mode de production dominant. » La formule est aussi belle que vague : quelle est l’économie que cette économie solidaire est censée « dominer » ? S’il s’agit bien, comme il semble logique, de l’économie égoïste concurrentielle, on ne peut éviter de poser l’épineuse question de la propriété. La « transition de l’économie capitaliste à l’économie solidaire » ne saurait alors être une transition économique douce. Pour Coutrot, il s’agit de généraliser la logique autogestionnaire à partir d’un apprentissage à la gestion collective à travers les expériences d’économie solidaire. Cette démarche actualise, dans les conditions du capitalisme mondialisé, une longue tradition d’expériences de contrôle ouvrier et d’autogestion. Les grandes expériences de cette nature sont nées des nécessités mêmes de la lutte, dans des situations de crise sociale et politique ouverte, qu’il s’agisse des conseils ouvriers de Turin en 1919, de l’autogestion en Catalogne en 1936, de la gestion des entreprises abandonnées par leurs propriétaires au Portugal en 1975 ou au Venezuela en 2005, des entreprises autogérées en Argentine après la crise de 2001.

Coutrot, lui, reprend hors du temps le fil d’un débat fondateur du mouvement socialiste. Marx aurait légué à sa postérité une contradiction irrésolue entre une conception étatiste et une conception autogestionnaire, s’alliant tantôt avec Lassalle contre Proudhon, tantôt avec Bakounine contre Lassalle, mais « Marx, puis Engels et la tradition marxiste dominante privilégieront la figure étatique, la nationalisation des moyens de production et la planification centralisée. » Résumer ainsi une pensée dans laquelle les écrits sur les coopératives, sur la Commune de Paris, ou sur la Critique du Programme de Gotha, occupent une place essentielle, c’est escamoter à peu de frais l’idée centrale que la destruction de l’appareil d’Etat coercitif et la perspective de son dépérissement sont un maillon décisif du processus d’émancipation sociale.

La divergence ne porte pas sur l’intérêt des expériences partielles, inscrites dans « le mouvement réel », et visant à abolir l’ordre existant, mais sur leurs limites, aussi longtemps le pouvoir politique continue à verrouiller les rapports de classe. Thomas Coutrot croit voir poindre, dans le mouvement altermondialiste, la forme enfin trouvée de l’articulation entre question sociale et question politique : « Sans grandiloquence, c’est la première fois qu’émerge à l’échelle mondiale un mouvement d’auto-organisation issu de la société civile intervenant à la fois dans des champs économiques et politiques. » Même sans grandiloquence, le diagnostic est outrageusement optimiste. Thomas Coutrot survole les divisions et contradictions du mouvement alter pour saluer avec béatitude l’avènement d’un « mouvement social mondial » capable de proposer des alternatives : « S’esquisse ainsi une possible stratégie de transformation sociale », car ce mouvement est « le creuset où peuvent se confronter et se conforter les multiples mouvements sociaux de résistance et d’alternative ». Cette stratégie « ne présuppose pas de rupture catastrophique mais plutôt une « restriction progressive des droits du capital ». Toute la question est de savoir jusqu’à quel point le capital et la bourgeoisie peuvent tolérer ce grignotage progressif de leurs droits.

Coutrot passe en revue trois grands courants : un « socialisme de marché » ou « socialisme du possible » (feaseable socialism) ; un « socialisme électronique, rêvant d’une économie communicationnelle sans marché ; un « socialisme autogestionnaire », caractérisé par le développement de la propriété sociale, la socialisation des décisions d’investissement, et la « politisation des marchés ». Ces trois modèles se distinguent par « la place respective de la propriété privée du capital, du marché, et de l’autogestion ». A la différence des socialistes de marché ou des utopistes électroniques, Coutrot accorde un rôle décisif à l’autogestion. Cela ne suffit pas à décider si les trois composantes (capital privé, marché, autogestion) pèsent à égalité, ou si l’une des logiques l’emporte, et laquelle. Il peut fort bien exister une autogestion marchande insérée dans la libre concurrence, où les travailleurs s’imposent à eux-mêmes les contraintes de rentabilité dictées par la loi de la valeur. Coutrot fait l’impasse sur cette question décisive de la centralisation démocratique des rapports de pouvoir et de ses formes institutionnelles. En dépit de son souci légitime de coller à la réalité, plutôt que de s’évader dans un futur imaginaire, il rechute ainsi dans l’utopie économique d’un modèle imaginaire coupé de la dynamique politique des antagonismes sociaux.

Coutrot n’oublie certes pas qu’il « y a bien une spécificité de l’instance politique comme lieu de construction de l’intérêt général ». Mais en évitant de s’aventurer sur ce terrain, il se contente de constater l’émergence d’une « véritable stratégie participative pour sortir du capitalisme et construire un socialisme démocratique » : « Je n’ai développé ici que le volet économique de cette stratégie, tout en sachant que l’aspect politique sera aussi décisif. » Une stratégie réduite à son « volet économique » mérite-t-elle encore le nom de stratégie ? Il est fort exagéré de prétendre que, dans le mouvement alter, « une idéologie commune a commencé à émerger autour du refus de la marchandisation et de l’exigence démocratique, sociale et écologiste ».

Quelque chose a commencé à émerger sans doute, en réplique à la privatisation généralisée du monde et à la guerre de tous contre tous. Qui commence par un grand refus : « Le monde n’est pas à vendre ! Le monde n’est pas une marchandise ». De là à conclure à l’existence d’une idéologie commune, il y a un pas infranchissable. Quelle idéologie commune, entre le cosmopolitisme des uns, et le souverainisme des autres ? Entre « la fin du travail » et le droit à l’emploi ? Entre l’appropriation sociale des moyens de production et l’exode hors de la société de consommation ? Entre la critique marxiste de l’économie politique et les nouvelles robinsonnades de la micro-économie ? Coutrot admet que « manque encore un processus d’élaboration politique commune », et qu’il faudrait « mais trouver les formes d’intervention sur la scène politique qui permettraient de commencer à investir l’Etat. »

C’est ici que les choses sérieuses commencent. L’harmonie et « l’idéologie commune » du mouvement altermondialiste viennent se briser sur ces questions laissées en suspens. Il n’est pas vrai qu’il est « trop tôt pour se poser ce genre de questions », et que « le clivage traditionnel » entre réformistes et révolutionnaires n’est « plus opératoire dans la période actuelle ». Le seul clivage pertinent serait pour Coutrot entre ceux qui voudraient aménager l’ordre néolibéral sans contester le pouvoir de la finance, et ceux qui veulent de nouvelles avancées démocratiques : « Néolibéralisme ou démocratie participative, tel est le clivage à court et moyen terme ; mais à long terme, si la stratégie participative s’approfondit, elle obligera probablement l’humanité à choisir entre capitalisme et socialisme »

Probablement, en effet. S’il est « probable », comme l’écrit Coutrot, qu’un approfondissement de la démocratie participative (au delà de quel seuil ?) obligerait l’humanité à choisir entre capitalisme et socialisme, ce choix n’est-il pas déjà inscrit dans la manière de lier le présent à l’avenir, le mouvement au but ? L’alternative est bien « socialisme ou barbarie », et non entre réforme et révolution. Tout depend en effet de la fonction et de la dynamique des réformes : si elles sont destinées à renforcer la conscience et la mobilisation, ou au contraire à les freiner et à les détourner. Le critère, pour en juger, dépend du but visé. C’est ce rapport qui mérite le nom de stratégie. La culture de « l’ici et maintenant », sans ailleurs ni lendemain, risque au contraire de se réduire au pragmatisme gestionnaire de la tambouille politicienne, et le mouvementisme radical de faire bon ménage avec l’opportunisme électoral le plus banal.

Une utopie redistributive : « l’Economie participaliste ». Michaël Albert conçoit l’ « économie participaliste » comme un programme transitoire, destiné à « contribuer à l’élaboration de perspectives à long terme et de programmes à court terme » [4]. Deux lignes de force s’en dégagent. D’une part, déterminer la rémunération du travail non sur la mesure abstraite du temps de travail, mais seulement sur « l’effort et le sacrifice ». D’autre part, « la participation de chacun à la prise de décision à proportion des conséquences qu’elles impliquent pour lui-même ». Ces options fondamentales de l’économie « participaliste » suscitent interrogations et objections. Qui mesure, et selon quels critères, si ce n’est l’arbitrage marchand, « l’effort et le sacrifice », pour les traduire en rémunération ? La rémunération est-elle monétaire ? Quelle part accorder à la rémunération collective (socialisée) sous forme de services publics ou de gratuité ? L’évaluation de l’effort et du sacrifice est-elle confiée à l’expertise technocratique d’ergologues, sociologues, psychologues et autres « logues » ? Ou bien, procède-t-elle de l’auto-évaluation de chaque collectif de travail ?

Les critères de distribution peuvent alors varier à l’infini sans jamais aboutir à une commune mesure valable à l’échelle de la société dans son ensemble. Soit enfin une planification démocratique, centralisée suivant un principe de subsidiarité établirait une comptabilité centrale en temps de travail et une grille de rémunération tenant compte de la nature et de la pénibilité du travail, des priorités sociales, des échanges internationaux. Il ne s’agirait plus alors d’un problème d’économie participative, mais d’un problème bien plus vaste de démocratie et de rapports de forces politiques.

La deuxième piste proposée par Michaël Albert ne permet guère d’avancer. Que chacun participe à la prise de décision, à proportion des conséquences en jeu pour lui-même, peut sembler raisonnable, mais la pondération des voix en fonction de l’échelle de décision reste une formule bien trop vague pour résoudre des arbitrages inévitables entre villes, régions, collectifs de travail. Les décisions à prendre ne sont jamais simplement binaires. Il ne suffit pas de définir, pour une région donnée, un ordre de priorité entre éducation, santé, logement, transports, voirie, etc. Une fois cet ordre établi par consultation populaire, encore faut-il établir des proportions (ce n’est jamais « tout pour l’éducation » et rien pour la santé, et vice versa) et des allocations territoriales.

La démocratie socialiste centralisée permet de rendre l’économie véritablement politique, d’en « dénaturaliser » les contraintes, d’arbitrer entre des options concurrentes à partir de propositions ou de programmes défendus par une pluralité de partis, qui sont une médiation nécessaire entre la démocratie locale et la formation d’un intérêt général. Toute tentative de nier ou d’éluder ce niveau de décision retombe inévitablement dans l’émiettement de la démocratie corporative, dont la centralisation bureaucratique devient vite le corollaire inévitable. Albert reconnaît les limites de sa démarche : « Lorsqu’on nous demande par quoi nous voulons remplacer le capital, nous n’avons rien de valable ou de viable à proposer ».

« L’économie participaliste » propose donc une utopie redistributive égalitaire, plutôt qu’un renouvellement stratégique. Est-ce possible « en laissant les moyens de production aux mains des patrons », s’interroge Albert, conscient que « le participalisme implique une réappropiration populaire des moyens de production, le plus souvent sans le consentement des propriétaires. » Il se rassure à bon compte, en voulant croire possible de « conquérir des avancées, y compris face à des oppositions riches et bien armées ». S’il estime « impensable de se débarrasser de l’armée ou de la police par la force », il croit en revanche concevable de « désarmer les élites en les empêchant d’utiliser les avantages financiers ». A supposer que ce soit le cas, resterait à savoir comment empêcher ces mêmes élites d’utiliser à leur service cette police et cette armée, dont il est « impensable de se débarrasser par la force. » S’en tenant délibérément à l’économie, l’utopie participaliste s’arrête sur le seuil de la question politique. Elle entérine ainsi leur séparation et reproduit le double fétichisme d’une économie dépolitisée et d’une politique désocialisée.

Utopies keynésiennes édentées

En contribuant, au nom de la « troisième voie » blairiste ou du « nouveau centre » de Gerhardt Schröder, au démantèlement de la régulation keynésienne, du secteur public et de la protection sociale, la social-démocratie européenne a scié la branche sur laquelle elle était perchée. Il en résulte une érosion de son électorat populaire et un vertige idéologique devant un vide programmatique difficile à combler.

« Utopie réaliste » contre « utopie chimérique ». Pour reconstruire le compromis social imposé jadis à la bourgeoisie sous l’effet de la seconde guerre mondiale et de sa grande peur face au « péril rouge », il ne suffirait pas de modifier à la marge le partage entre capital et travail, de retrouver le rapport existant à la veille de l’offensive libérale des années 80. Il faudrait redéfinir le cadre et les outils institutionnels de ces politiques. Ceux qui croient pouvoir faire tourner à rebours la roue du monde imaginent un simple retour au volontarisme industriel, à l’intervention étatique, et au protectionnisme national. L’autre tentative, serait celle d’une relance keynésienne européenne, qui généraliserait au niveau continental les modes de régulation fordistes appliqués à l’échelle nationale pendant les Trente glorieuses.

La question n’est pas de pure rationalité économique, mais de rapports sociaux et politiques antagoniques. Une politique keynésienne exigerait une harmonisation des droits sociaux, une réforme fiscale radicale, une reprise en main politique de l’outil monétaire abandonné à la Banque centrale, un grand chantier de services publics européens. Il faudrait s’appuyer pour cela sur des institutions politiques légitimes. Autrement dit, il faudrait une inversion à 180° des politiques suivies par les droites et les gauches gouvernementales, du Marché unique à la tentative avortée de Traité constitutionnel, en passant par le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité. L’ampleur de la tâche et la détermination requise pour affronter les intérêts colossaux du capital confirment la formule radicale selon laquelle « si l’on veut de vraies réformes, il faut passer par la révolution ».

Henri Weber concluait en 2004 sa « lettre recommandée au facteur » par l’opposition entre une « utopie chimérique » dont Olivier Besancenot serait le porte-parole, et une sage « utopie réaliste » : « J’appelle utopie réaliste un projet historique follement ambitieux, certes, mais réalisable si les hommes et les femmes de progrès s’en donnent les moyens : faire l’Europe, et de l’Europe la première démocratie économique et sociale du monde, creuset d’une nouvelle Renaissance et levier d’une autre mondialisation. » [5] L’envolée lyrique s’est brisée sur la question triviale de savoir de quelle Europe il s’agit. Elargi à l’échelle européenne, ce credo néo-keynésien reprend en fait l’affirmation de Lionel Jospin lors d’une Université d’été du Parti socialiste en 1998 : « Nous sommes pour l’économie de marché, mais contre la société de marché ». La logique globale du marché ne s’arrête pourtant pas au marché des biens.

Elle s’étend aux services, au travail (et à son célèbre marché), à l’habitat et à la ville (par le biais de la propriété et de la spéculation foncière), à la santé, à l’éducation, à la loi, à la violence, à l’espace, au vivant, au savoir. La formule creuse d’une « économie sociale de marché », semble résumer le projet socialiste depuis Jospin. Probablement mieux informé des triviales réalités de ce bas monde, Jacques Attali rappelle sobrement : « Démocratie et marché ne forment pas un couple durable ; l’un finit toujours par l’emporter sur l’autre. » Ayant détruit méthodiquement la régulation sociale qu’elle prétend –l’espace d’un matin électoral – rétablir, la social-démocratie convertie au social-libéralisme se trouve aussi dépourvue d’alternative que l’insouciante cigale de la fable. Son utopie néo-keynésienne édentée sert à masquer ce vide, le temps d’un colloque,… ou d’une campagne électorale.

Se fixant pour objectif une alternative de transformation adaptée à la situation présente, Yves Salesse énumère les problèmes à résoudre : Quelle place pour la démocratie ? Quelle maîtrise de l’activité économique ? La mondialisation est-elle une fatalité ? L’appareil d’Etat peut-il servir des politiques alternatives ? « A quel niveau penser la transformation sociale » ? Le questionnaire ne manque pas d’ambition [6]. A l’impuissance attentiste de « l’imprécation prophétique », Salesse oppose le dynamisme des « réformes ici et maintenant » . Son expérience paraministérielle dans le gouvernement Jospin aurait dû lui apprendre que toutes les réformes ne sont pas bonnes à prendre, qu’il en est de transitoires comme il en est de régressives, selon qu’elles contribuent à développer ou à détériorer le rapport de forces.

Quant à question de savoir si l’appareil d’Etat peut - dans quelle mesure, et à quelles conditions - servir des politiques alternatives, c’est là que gît le lièvre. Hic Rhodus, hic salta. Lorsqu’il parle, en toute tranquillité, de réversibilité, Salesse envisage une paisible alternance électorale. Or, si la transformation effective des rapports sociaux, à commencer par les rapports de propriété, est un processus de longue haleine, plein de flux et reflux, elle ne saurait être conçue sur le simple mode d’une alternance de majorités, où l’on privatise un jour ce qu’on a socialisé la veille, et vice-versa. On est là sur le terrain d’antagonismes sociaux acharnés. La légèreté avec laquelle Salesse traite la question a quelque chose à voir avec son approche institutionnelle et administrative du pouvoir. Il admet une supériorité des conseils d’entreprise ou de quartier (et autres formes de démocratie participative) dans une perspective de double pouvoir, mais c’est pour s’en débarrasser aussitôt, au motif que de telles formes (« inventées » dans le feu de l’action !) ne sauraient être répondre durablement au problème de la representation.

D’un côté, Salesse ne conçoit donc d’autre forme institutionnelle durable que parlementaire ; de l’autre, il ne se contente pas de constater la difficulté des formes participatives à se pérenniser, il combat le principe même de leur pouvoir : les formes d’auto-organisation « ne peuvent fonder une forme pérenne du pouvoir démocratique et les ne doivent pas être institutionnalisées », car l’institutionnalisation « limiterait toujours leur champ d’action ». Si toute institutionnalisation est conçue comme une annexion des formes d’auto-organisation à l’appareil d’Etat et à ses rouages, certes. Mais il existe des formes d’institutionnalisation dont le statut juridique importe moins que de leur inscription dans le rapport effectif des forces. Sous prétexte de la préserver de toute tutelle institutionnelle, Salesse limite en fait l’auto-organisation à un rôle subalterne de béquille ou de lobbying subordonné à la seule forme démocratique réellement existante, la forme parlementaire.

Ainsi vont les utopies dans les moments d’éclipse de la raison stratégique. Elle commencent par construire des palais imaginaires, et elles finissent par en solder les pierres et les poutres au marché des réformes en miettes.

[1] Richard Day, Gramsci is Dead, Anarchists currents in the Newest Social Mouvements, Pluto Press, 2005.

[2] Boaventura de Sousa Santos, in Planète altermondialiste, Textuel, Paris, 2006.

[3] Thomas Coutrot, Démocratie contre capitalisme, Paris, La Dispute, 2005.

[4] Michaël Albert, Après le capitalisme. Eléments d’économie participaliste, Agone, Marseille, 2003.

[5] Henri Weber, Lettre recommandée au facteur, Paris, Seuil, 2004, p. 173

[6] Yves Salesse, Réformes et Révolution. Propositions pour une gauche de gauche, Agone, Marseille, 2001.

Nous publions ici le résumé d’une contribution présentée par Daniel Bensaïd, dans le cadre du « cycle stratégie », à l’université d’été de la LCR qui s’est tenue à Port Leucate du 24 au 29 août 2007.

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