France, Portugal, Italie. L'Europe des nouveaux partis anticapitalistes. Avec VIDEO
Par François Sabado, Alda Sousa, Flavia D'Angeli le Samedi, 23 Février 2008 PDF Imprimer Envoyer

France, Portugal, Italie: Trois situations différentes, mais un socle commun: la possibilité existe dans ces trois pays de construire de nouvelles formations anticapitalistes qui dépassent la seule section de la 4e Internationale ou le 0,1% aux élections. Ils obtiennent une légitimité dans les couches populaires et chez les travailleurs. Nous avons interviewé François Sabado (LCR-France), Alda Sousa (Bloc de Gauche, Portugal) et Flavia D'Angeli (la Gauche Critique, Italie).

 

Interviews réalisées par Fred Speelman et Chris Den Hond

François Sabado (LCR-France): "Face au rouleau compresseur libéral, il faut quelque chose de costaud"

Après la fin de tout un cycle historique qui a dominé le cours du 20e siècle, marqué par la révolution russe, marqué par la domination du stalinisme et la social-démocratie sur le mouvement ouvrier, l'effondrement du mur de Berlin et l'effondrement) de l'Union soviétique, nous nous trouvons dans une nouvelle phase historique, une nouvelle période. Face au rouleau compresseur libéral, il faut quelque chose de costaud, quelque chose de solide. Il faut un nouveau socle et donc la construction d'un nouveau parti anticapitaliste sur des bases solides est très importante.

L'idée d'un nouveau parti ne correspondait pas seulement à la nouvelle époque, à une analyse d'une période, mais à l'analyse d'une conjoncture et de possibilités nouvelles. Cette analyse est aussi liée à l'écho de notre campagne avec Olivier Besancenot, à l'émergence d'un courant de sympathie qui a pu organiser, sensibiliser et surtout instaurer un nouveau dialogue entre les militants révolutionnaires et le monde du travail.

Il y a d'autres expériences internationales, qui ont leur spécificité. Il y a l'expérience du Bloc de Gauche au Portugal où il y a eu effectivement la convergence d'anciens maoïstes, de trotskystes, des communistes de gauche pour créer un Bloc de toute la gauche.

Alda Sousa (Bloc de Gauche, Portugal): "L'accord était très sérieux sur les politiques à venir, sur les tâches et sur la volonté de construire une organisation plus large à travers une adhésion individuelle de membres."

Au Portugal, je crois que l'expérience est un peu unique. La formation du Bloc de Gauche date d'à peu près 9 ans. Cela s'est réalisé d'abord avec un accord politique très fort et très solide parmi trois organisations politiques situées à la gauche du parti communiste et du parti socialiste bien sûr. Elles se sont mises d'accord sur un programme et des tâches communes pour les années à venir en tenant compte de la situation en Europe et de la situation globale de la mondialisation.

Il y avait en effet trois courants. Ils n'avaient pas tous la même taille numérique, mais au début de la formation du Bloc de Gauche, ils se sont mis d'accord pour avoir un vrai échange et une participation commune à ce projet. Le premier courant était un courant maoïste, le deuxième lié à la 4e Internationale et le troisième résultant d'une scission du parti communiste. Mais ce qui est le plus important n'est pas tellement l'origine de ces trois organisations – chaque organisation et chaque militant a évidemment sa propre histoire -, mais ce qui était important était le fait que l'accord était très sérieux sur les politiques à venir, sur les tâches et sur la volonté de construire une organisation plus large où il y aurait une adhésion individuelle de membres. Chaque membre d'une organisation existante n'avait ni plus ni moins de droits que les nouveaux membres. Donc nous étions tous égaux, parce que l'adhésion était individuelle.

François Sabado: Et là maintenant, nous avons l'expérience italienne où les camarades de la 4e Internationale ont pris l'initiative avec d'autres de constituer la Sinistra Critica (la Gauche Critique) dans une perspective de construire une organisation anticapitaliste.

Flavia D'Angeli (la Gauche Critique, Italie): "Notre élu ne pouvait pas voter en faveur de la guerre ou pour des lois contre les immigrés"

Il y a quelques années, nous avons participé à une dynamique de résistance avec beaucoup d'autres forces militantes de la gauche italienne. Notre but était d'essayer de construire, avec le parti de la Refondation Communiste, un parti de résistance anticapitaliste face à une dynamique du cadre politique et social du pays qui tournait à droite. Mais ce qui s'est passé, c'est qu'au fur et à mesure, que la situation politique a changé. Il y a eu la formation de ce gouvernement de centre-gauche après la défaite de la droite aux dernières élections. Le groupe dirigeant de Rifondazione Comunista a décidé d'abandonner la possibilité et l'espoir réels de construire une gauche vraiment alternative au système capitaliste et a accepté de participer à un gouvernement qui, en l'occurence, vient de tomber en Italie. C'était un gouvernement qui représentait la continuité au niveau politique et social par rapport au 15 dernières années de politique néolibérale et aux guerres impérialistes.

"Nous avons entamé une dynamique de rupture avec Rifundazione Comunista pour en sauvegarder l'esprit essentiel."

Nous ne pouvions pas accepter ça. Notre élu - en tant que courant de la Gauche critique, nous avons des élus – ne pouvait pas voter en faveur de la guerre, ne pouvait pas voter pour des lois contre les immigrés, pour des expulsions des clandestins etcetera. Le résultat est que nous avons entamé une dynamique de rupture avec Rifundazione Comunista pour en sauvegarder l'esprit essentiel. Nous avons récolté une sympathie et un appui social important, surtout dans les grandes mobilisations sociales en Italie.

Le moment est venu de reconstruire une dynamique nouvelle au niveau européen aussi. Ce que lance la LCR en France est très important et il serait très utile de lancer quelque chose de semblable au niveau européen. Evidemment que la situation politique est différente dans chaque pays, mais après tant d'années de politique néolibérale en Europe, menée par la droite et par le centre gauche, nous avons la responsabilité de créer une alternative anticapitaliste également européenne. Et je pense que c'est ça que les gens nous demandent aussi.


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