Daniel Piron et la FGTB Charleroi persistent et signent : "Il faut un levier politique pour concrétiser les revendications du monde du travail"
Par Daniel Piron & Mauro Gasparini le Dimanche, 24 Février 2013 PDF Imprimer Envoyer

La Gauche : Il y a près d'un an, la FGTB Charleroi Sud-Hainaut lançait un appel à un rassemblement à gauche du PS et d'Ecolo, pour présenter une alternative politique anticapitaliste. Le contexte actuel vous incite-t-il à maintenir le cap?

Daniel Piron : Plus que jamais ! Le contexte ne s'est pas amélioré en un an. Il s'est plutôt détérioré. Il n'y a aucune différence avec la situation qui nous a motivés à lancer cet appel. Même si nous savons qu'il faut prendre le temps de construire une telle alternative politique, nous savons aussi qu'il y a urgence face à la situation politique, sociale et économique. Il y a donc toujours la nécessité de créer une grande force politique, on n'est pas encore au stade du parti, à gauche du PS et d'Ecolo.

Comment juges-tu l'écho de cet appel, quelles réactions avez-vous reçues, notamment de la part d'autres syndicalistes?

Pour l'instant, à l'intérieur de la FGTB, les échos n'ont pas été très nombreux. Il n'y a pas eu beaucoup de réactions. Ce qui est réjouissant, de notre point de vue, c'est la position de Felipe Van Keirsbilck et de ses camarades à la CNE. La CNE, c'est une centrale importante de la CSC, ce n'est pas rien de les voir s'impliquer à leur tour dans le processus. Du côté des militants de la FGTB, à Charleroi nous avons eu de nombreux militants sensibles à cet appel, qui nous ont interpellés et qui voulaient connaître l'avancement du projet. Des militants d'autres régionales de la FGTB ont également réagi positivement, que ce soit à Liège, à La Louvière ou à Verviers par exemple. C'est plus au niveau des structures de la FGTB, des centrales et des régionales, qu'il n'y a pas encore eu, à ce stade-ci, de réelles réponses à cette initiative.

Le communiqué que vous avez diffusé évoque la création d'un comité de soutien avec toutes les organisations de gauche et une première étape: une rencontre de lutte et de débat, avant le premier mai prochain, au cours de laquelle sera adoptée une déclaration commune. Cela vous satisfait?

Pour nous, il s'agit en fait de prendre les choses comme elles viennent. Dès le début, nous avons prévenu que nous ne voulions pas précipiter le processus, aller trop rapidement. Les différentes formations politiques qui ont répondu favorablement à l'appel (NDLR : il s'agit pour le moment du PTB, de la LCT, du MG, du PH, du Front de Gauche de Charleroi, du PSL, du PC et de la LCR) n'ont pas pour habitude de travailler ensemble. C'est pourquoi nous avons été ravis et très satisfaits, avec nos camarades de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut, de voir que l'ensemble de ces forces étaient enfin prêtes à travailler ensemble, ce qui est déjà significatif ! A l'extérieur des participants à la réunion, un certain nombre de personnes ont été agréablement surprises de voir que l'ensemble de la gauche radicale est volontaire pour prendre part à ce comité. On aurait tout à fait pu imaginer que ces organisations se déchirent. C'est déjà un pas en avant, mais l'avenir nous dira comment cela va évoluer. Nous ne voulons pas faire de plans sur la comète, je le répète, mais avancer pas à pas. Nous ne boudons pas notre plaisir avec ce résultat qu'est l'organisation unitaire de la journée de lutte programmée pour la fin avril.

En posant la question du débouché politique et en affirmant que vous voulez contribuer à la résoudre, vous adoptez une démarche  inhabituelle dans le mouvement syndical. Abandonnez-vous l'indépendance syndicale? Comment voyez-vous le rôle respectif du syndicat et des partis?

Pour nous, il ne s'agit en aucun cas d'abandonner notre indépendance syndicale. Le syndicat est un contre-pouvoir, tandis que le parti politique vise la conquête du pouvoir. Cela étant, il y a une grande différence entre l'indépendance syndicale et l'apolitisme. Nous avons la responsabilité de nous prononcer sur ce qui se passe au niveau politique. Nous savons aussi qu'il faut un levier politique pour parvenir à concrétiser les revendications du monde du travail. Un parti anticapitaliste qui atteint une taille critique fait partie des outils pour renverser la vapeur par rapport aux choix dominants actuellement. L'optique que nous défendons est donc celle d'aider à la création d'un relais politique, mais avec lequel nous ne serons pas « cul et chemise » ! En effet, si demain ce grand parti à gauche voit le jour, il ne sera pas nécessairement à l'abri de dérives. Je suis d'ailleurs persuadé que nos camarades de l'époque des débuts du POB à la fin du XIXème siècle se retourneraient dans leur tombe en voyant le PS d'aujourd'hui. Pourtant, ce parti, ils l'ont soutenu et il a contribué à des victoires du monde du travail à l'époque. Donc, nous ne voulons vendre notre âme à qui que ce soit. Nous devons créer des relais vers les partis en phase avec nos revendications. Mais si d'aventure cette future force politique devait faillir, nous serions alors aussi critiques que nous le sommes avec le PS aujourd'hui.

Quel message souhaitez-vous faire passer suite à cette dernière réunion ?

Nous souhaitons tous que ce comité de soutien s'étende et s'élargisse encore et que de nombreux autres le rejoignent. Ceux qui ont la gauche dans leur cœur et sont convaincus que le système capitaliste va droit dans le mur ont toute leur place dans cette démarche et nous serions vraiment heureux de les y accueillir. « Dans le pluralisme et la démocratie la plus large», comme le dit notre communiqué du 22 février !

Propos recueillis par Mauro Gasparini

© photo : LCR-SAP

Daniel Piron sera présent à l'école anticapitaliste de printemps où il participera au débat sur l'alternative politique, le samedi 16 mars après-midi. Voir programme ici

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