L’an un d’un gouvernement antisocial actif !
Par Denis Horman le Jeudi, 27 Décembre 2012 PDF Imprimer Envoyer

Après des mois et des mois de négociations, était finalement constitué, début décembre 2011, le gouvernement Di Rupo 1er. Pour notre 1er ministre socialiste, cette consécration suprême valait bien allégeance des socialistes aux deux autres groupes de cette nouvelle coalition gouvernementale : les libéraux et les sociaux-chrétiens. La note Di Rupo en était le gage. Et elle fut scrupuleusement appliquée.

« Nous avons réalisé 18 milliards d’économies en un an », se félicite le gouvernement « papillon » : l’essentiel sur le dos des salariés et des allocataires sociaux, sur la poursuite du démantèlement des services publics, sur les économies dans les soins de santé, la perte du pouvoir d’achat par le blocage des salaires et la manipulation de l’index, etc. Sans oublier la multiplication des cadeaux aux multinationales, aux financiers et aux banquiers.

Ce que les gouvernements précédents, dirigés par des libéraux et sociaux- chrétiens, n’avaient osé faire, notre premier ministre socialiste s’y est engagé, avec la caution des partis socialistes et les actions canalisées par les directions syndicales.

En cette fin d’année 2012, c’est le moment des bilans, des rétrospectives dans l’actualité politico-sociale.

Nous tenons à épingler tout particulièrement une des mesures, inscrite dans l’accord gouvernemental de fin 2011.

Attaque en règle contre les chômeur-euse-s !

C’est un véritable bain de sang social que le gouvernement Di Rupo a programmé, fin 2011, en limitant, dans le temps, les allocations d’insertion sociale pour les jeunes, qui sortent de l’école, et en planifiant la dégressivité des allocations de chômage pour les trois catégories de chômeur/euse/s (chefs de ménage, isolés et cohabitants), jusqu’à un forfait.

Notre gouvernement s’était engagé, auprès des instances européennes, à sortir de la pauvreté 380 000 personnes, d’ici 2020. C’est qu’en effet, il y a urgence.

Aujourd’hui, en Belgique, plus de 15% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Et, à Bruxelles, ce taux dépasse même les 25%.

4 chômeur/euse/s sur 5, 1 enfant sur 4 et 1 personne pensionnée sur 3 vivent déjà sous le seuil de pauvreté. Seuil qui, actuellement, est fixé à 1.300 euros/mois pour une personne (chef de ménage avec un enfant) et à 1000 euros/mois pour un/e isolé/e.

Selon les premières estimations, à terme (après une période de trois à quatre années), l’addition de cette dégressivité, jusqu’à un forfait, et la suppression des allocations d’attente pour les jeunes va toucher quelque 300 000 personnes, dans l’ensemble du pays. Elle se soldera par un total de 130 000 à 200 000 personnes, poussées dans la pauvreté.

Ce gouvernement n’hésite pas à s’en prendre aux couches déjà les plus fragilisées, sous prétexte que chaque citoyen doit contribuer au redressement des finances publiques. En réalité, ce sont surtout les salarié/e/s et les allocataires sociaux, pourtant en rien responsables de cette crise capitaliste, qui encaissent cette austérité, aux ravages sociaux et aux détresses humaines.

Et, qu’est-ce que cela lui rapporte de faire couler, ainsi, un tel bain de sang social, pour éponger un déficit budgétaire, provoqué par d’énormes cadeaux fiscaux et subsides aux entreprises, ou encore pour réduire un endettement, gonflé par le sauvetage, avec notre argent, de grands banquiers spéculateurs.

Les économies budgétaires, via ces mesures iniques sur le dos des chômeurs, rapporteraient, selon les estimations, à peine quelque 242 millions d’euros en 2015. Une contribution insignifiante pour la réduction du déficit à 0,5% du PIB, qui nécessite une somme de plus de 20 milliards d’euros pour atteindre cet objectif en 2015 !

Par contre, les conséquences sociales et humaines, pour cette couche déjà fragilisée, se passent de commentaires.

Alors, n’y aurait-il pas d’autres motivations à cette attaque inqualifiable du gouvernement, dirigé par un premier ministre socialiste ?

Exclusions et dégressivité des allocations de chômage

Ces nouvelles mesures, prises par le gouvernement Di Rupo, en matière d’allocations de chômage et d’insertion, sont d’une complication –voulue !- impressionnante. Retenons-en l’essentiel !

Suppression des allocations d’insertion au 1er janvier 2015 !

A la sortie de l’école, le stage d’attente (appelé « stage d’insertion ») est allongé de 3 mois. C’est après 12 mois, que le jeune pourra, éventuellement toucher des allocations de chômage. Eventuellement ! Pendant cette première période de 12 mois, il doit déjà faire la preuve d’une recherche intensive de travail, laquelle recherche sera évaluée de 4 mois en 4 mois par un conseiller référent FOREM. Ce n’est qu’après 3 évaluations positives successives que le jeune pourra prétendre à ses allocations d’insertion. Une fois admis au bénéfice de ses allocations, le jeune devra poursuivre sa recherche active d’emploi. Elle sera vérifiée de 6 mois en 6 mois par un contrôle tatillon de l’ONEM, avec l’obligation d’accepter tout emploi « convenable » (contrat précaire, intérimaire, à temps partiel, stage en entreprise…), avec des trajets allongés (passant de 25km à 60km).

Dès le début du « stage d’insertion » (à partir du 1/1/ 2012), le couperet est déjà là, au-dessus de la tête du jeune.

Il s’agit « d’activer » les chômeurs, comme disent si bien, de concert, patrons et gouvernement, pousser les jeunes à trouver du boulot.

Chômeurs fainéants ? Une étude, réalisée par Eurostat, démontre que seulement 0,7% des chômeurs belges ne cherche pas d’emploi.

Et l’emploi ! Certaines estimations parlent d’un emploi vacant pour 7 chômeurs. D’autres vont plus loin : 1 emploi vacant pour 17 chômeurs en région Bruxelles-Capitale et 1 emploi pour 35 chômeurs en Wallonie !

« Activer » les chômeurs, sous peine de sanctions et exclusions (1579 exclusions par l’ONEM au 1er semestre 2012 !), pendant que les entreprises licencient en plein régime !

La nouvelle mesure gouvernementale supprime dorénavant, à partir de la 3e année, les allocations dites « d’insertion ».

Le compteur a démarré, le 1/1/2012, pour les cohabitants « non privilégiés, avec le couperet au 1/1/2015. Pour les cohabitants privilégiés (dont le montant de l’allocation journalière du conjoint ne dépasse pas 31,77 euros), ainsi que pour les isolés et chefs de ménage, le compteur démarre à partir de l’âge de 30 ans. Après l’âge de 33 ans le jeune n’aura plus droit, en principe, à ses allocations d’insertion. Le délai de 3 ans pourra être prolongé, dans des cas précis (période de travail, incapacité de travail…)

Le CEPAG (mouvement d’éducation permanente lié à la FGTB wallonne) donne l’exemple de Pedro cohabitant, 22 ans qui a fini ses études et s’est inscrit au Forem. Il bénéficie actuellement d’une allocation d’insertion de 409 euros/mois. Il perd déjà cette année 3X 409 euros, soit 1.227 euros, car il a dû attendre juillet (12 mois) au lieu d’avril (9 mois), pour toucher cette allocation. Début 2015, il perdra toute allocation- 100% de son revenu-, s’il ne trouve pas du boulot.

Il n’y a pas que les jeunes, sortant des écoles, qui sont visés par la mesure. Un nombre important de travailleurs sans emploi sont restés en allocation « d’insertion » et n’ont jamais travaillé assez longtemps pour percevoir des allocations sur base d’un travail. Chômeurs de longue durée, femmes cohabitantes, femmes seules avec enfants (qui n’ont jamais travaillé le temps nécessaire pour accéder aux allocations de chômage sur base d’un travail) feront les frais de cette mesure inique.

Le CEPAG estime, qu’au premier janvier 2015, 40 000 personnes seront touchées par cette mesure de suppression des allocations d’insertion, dont 30 000 pour la Wallonie.

Dégressivité des allocations de chômage…vers le FORFAIT

Auparavant, le forfait (le seuil plancher) n’existait que pour les cohabitants. Les nouvelles mesures accélèrent la dégressivité des allocations (de même que les sanctions, suspensions et exclusions) et imposent un FORFAIT pour tous les chômeur/euse/s (chef de ménage, isolé, cohabitant), au plus tard, après 4 ans de chômage.

Ce forfait sera de 1090 euros/mois pour les chefs de ménage, de 916 euros pour les isolés, de 484 euros pour les cohabitants (ordinaires) et de 636 euros (cohabitants « privilégiés »). Rappelons que le seuil de pauvreté est situé à 1300 euros/mois pour un-e chef de ménage avec un enfant et à 1000 euros/mois pour un-e isolé-e.

Selon les estimations du CEPAG, la perte de revenu mensuel, pour ces différentes catégories de chômeurs, pourra se situer entre 150 et 200 euros, voir plus de 300 euros pour les cohabitants. Selon les cas, les chômeurs verront leur revenu baisser de 12% à 40%.

Plus de 200 000 personnes risquent d’être touchées par cette dégressivité.

Dégressivité et suppression des allocations d’insertion, en y ajoutant les sanctions et exclusions du chômage, c’est donc plus de 300.000 personnes qui vont se retrouver dans la précarité, et une grande partie d’entre elles, en-dessous du seuil de pauvreté. Elles vont rejoindre les 15%, 16% ou 17% de la population belge, qui a déjà été poussée dans la pauvreté.

Et les CPAS (centres publics d’action sociale), financés à hauteur de 25% à 30% par les communes, se sentent déjà démunis, face à l’afflux des demandes d’aides sociales, qu’ils doivent assumer sans refinancement. Ces nouvelles mesures, couplées à des restrictions budgétaires à tous les niveaux de pouvoir, ouvrent la porte à la multiplication des drames sociaux, au désespoir, à la violence, mais aussi la révolte.

Tous ensemble contre ces mesures intolérables !

Par ces mesures gouvernementales, c’est une pression insupportable qui va s’exercer sur les travailleurs sans emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel boulot, dans n’importe quelles conditions et, ainsi donner entière satisfaction au patronat, qui veut un marché flexible du travail, avec une main d’œuvre la moins chère possible. C’est aussi une pression énorme qui va s’opérer –elle existe déjà- sur les conditions de travail et de salaire chez les travailleurs.

Les patrons peuvent se frotter les mains. De plus, dans le cadre de la « politique de relance économique, menée par un gouvernement, tout à leur service, ils vont continuer à bénéficier de baisses de charges et d’avantages fiscaux, sans contrepartie.

Alors, c’est tous ensemble, travailleurs, allocataires sociaux, mouvement syndical, mouvements associatifs, organisations anticapitalistes, qu’il faut nous mobiliser pour le rejet de ces mesures, pour imposer, par nos luttes, une autre répartition des richesses, des revenus et des salaires dignes d’une vie décente, des emplois de qualité pour tous, la réduction généralisée du temps de travail, sans augmentation de la flexibilité, sans perte de salaires et avec embauche compensatoires, un plan public de création d’emploi…

L’argent existe pour cela. A nous de le prendre là où il est !


Les « pointés du doigt » dans les rues de Liège

Le vendredi 21 décembre, à l’appel du collectif Riposte.cte (chômeurs-travailleurs engagés), des dizaines de personnes, surtout des jeunes, se sont rendus en manifestation, devant les locaux syndicaux de la CSC et de la FGTB, pour terminer, place du Marché , devant l’hôtel de ville.

Le cortège était emmené par la « sinistre de l’emploi, Monika De Koning », munie d’une canne-à-pêche ; et, au bout de la ligne, une carotte nommée « emploi ».

Stop à la limitation des allocations d’insertion dans le temps ! Stop à la dégressivité généralisée des allocations de chômage ! Stop à la chasse aux chômeur-se-s ! « Ces mesures, à elles seules, mériteraient que nous soyons des dizaines de milliers dans la rue, et que des grèves générales soient lancées dans tout le pays », devait déclarer Thierry Müller, membre du collectif Riposte .cte., appelant à « un combat large, unitaire et offensif, impliquant les organisations syndicales ».

S’adressant, devant les locaux de la CSC et de la FGTB, aux animateurs syndicaux des « travailleurs sans emploi », Thierry Müller, a plaidé, au nom du collectif, pour le retrait de la loi sur les mesures prises par le gouvernement : « Nous voulons que les deux syndicats nous disent concrètement ce qu’ils ont prévu comme plan d’action, alors que les mesures contre les chômeurs ont déjà commencé à faire leurs dégâts. L’attaque est lourde, elle appelle une riposte d’envergure ».

L’animateur du collectif Riposte.cte. a fait, aux deux animateurs syndicaux des « travailleurs sans emploi », la proposition d’une débat public, au cours des prochaines semaines. Proposition qui fut bien accueillie.



Une pauvreté programmée : stop !

Le vendredi 14 décembre, c’est à l’initiative de la Formation Léon Lesoil, qu’était organisée, à Liège, une conférence-débat sur les mesures gouvernementales : limitation, dans le temps, des allocations d’insertion et la dégressivité généralisée des allocations de chômage.

Une quarantaine de personnes ont pu entendre et débattre avec trois acteur-ice-s sociaux : Freddy Bouchez, Thierry Müller et Bernadette Schaeck.

Freddy Bouchez, coordinateur de l’asbl d’éducation permanente « CEPRé », de la FGTB de La Louvière, a présenté l’évolution du droit aux allocations de chômage : toute une série de mesures et réformes, depuis le début des années 2000, supprimant le caractère du droit assurantiel des allocations de chômage pour en généraliser la contractualisation, en conditionnant ce « droit » à la recherche « active d’un travail, sous peine de sanctions, exclusions… ; puis les dernières mesures gouvernementales : limitation des allocations et forfait !

Freddy a mis en lumière ce qui se profile derrière ces mesures : « En fait, dans toute l’UE, on veut détruire les droits sociaux et la sécurité sociale, afin que les travailleurs sans emploi acceptent la précarisation du marché du travail (CDD, temps partiel, travail intérimaire…) ; et en même temps, on attaque les conditions de travail et de salaire de tous les travailleurs ».

Freddy a plaidé pour une bataille pour lier la suppression de ces mesures contre les chômeurs à la répartition des richesses et à la création d’emplois de qualité, utiles socialement et écologiquement, en mettant en particulier l’accent sur une réduction généralisée du temps de travail, avec embauches compensatoires, sans perte de salaire ; sur un impôt sur la fortune ; la taxation des plus- values boursières, la suppression des intérêts notionnels, l’annulation de la dette publique.

Thierry Müller, membre du collectif Riposte.cte., a décrit, exemples à l’appui, « la catastrophe sociale, dont on a peine à se rendre compte », découlant des mesures gouvernementales contre les chômeurs et plaidé pour un droit inconditionnel et personnalisé à un salaire de base décent. « Mais, pour l’heure et à court terme, souligne Thierry, nous revendiquons la suppression de ces mesures gouvernementales ; la suppression du statut de cohabitant ; la suppression des contrôles de l’auto-activation, à la recherche d’emplois fantômatiques ; la redéfinition substantielle de la notion d’emploi convenable ; le retour à un financement intégral de la sécurité sociale…

Bernadette Schaeck, qui fut travailleuse sociale en CPAS, et actuellement membre de la DAS (association de défense des allocataires sociaux), a montré, en ce qui concerne les usagers de CPAS-, le parallèle avec les chômeurs (suite aux mesures gouvernementales : « la « disposition au travail », une des conditions de l’octroi du revenu d’insertion sociale (RIS) – l’ancien minimex- est jugée plus sévère, tant par les CPAS que par les Tribunaux et Cours du Travail. Un bénéficiaire peut être amené à fournir des preuves de recherche d’emploi, dont les exigences sont proches de celles de l’ONEM, sous peine d’absence de tout revenu et d’exclusion du système. Ces mesures ont pour conséquences d’obliger les bénéficiaires à accepter des emplois au rabais et faire de la sorte pression à la baisse sur les salaires de l’ensemble des travailleurs ».

Et puis, que va-t-il se passer avec les nouvelles mesures sur le chômage ? « Les demandes d’aide et de RIS vont s’amplifier, et, avec toutes les mesures d’austérité, les moyens des CPAS n suivront plus du tout. Déjà que les montants de base du RIS restent très largement inférieurs au seuil de pauvreté. Alors, allier la rareté des ressources avec l’augmentation explosive des demandes ne pourra qu’aboutir qu’à des refus d’aide et à l’explosion des exclusions ».

Des revendications immédiates, Bernadette en évoque quelques-unes : le minimum, c’est le rehaussement du RIS et de toutes les allocations sociales, au-delà du seuil de pauvreté ; le remboursement à 100%, par l’Etat, du revenu d’intégration sociale aux CPAS ; l’arrêt de la contractualisation…

« De l’argent, il y en a pour renflouer Dexia, à coup de millions d’euros sur notre dos, mais pas pour l’augmentation des allocations sociales », devait encore constater notre oratrice.

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