Les équations truquées du professeur Di Rupo
Par Daniel Tanuro le Mercredi, 15 Février 2012 PDF Imprimer Envoyer

« Les chiffres parlent d’eux-mêmes » ; « C’est une simple question de bon sens » : c’est en ces termes  qu’un Elio Di Rupo ironique et méprisant a tenté une nouvelle fois de justifier sa réforme de la fin de carrière, à l’occasion des mini-ajustements décidés pour désamorcer  la contestation sociale.

Pour le Premier Ministre PS, la nécessité de travailler plus longtemps ne peut même pas se discuter : elle découlerait tout simplement et automatiquement du fait que l’espérance de vie augmente.

« Dans les années soixante, quand le système des pensions a été créé », l’espérance de vie était de 62 ans pour un homme et de 67 ans pour une femme ; elle est aujourd’hui de 77 ans pour un homme et de 83 ans pour une femme. De ces chiffres, un Di Rupo hautain conclut qu’il est « normal que le gouvernement procède aux réformes structurelles qui s’imposent ».

« Je veux bien faire toutes les équations du monde », a ironisé le chef du gouvernement papillon, mais « des mesures doivent impérativement être prises pour faire en sorte que, progressivement, chaque personne qui a entre 50 et 60 ans travaille plus longtemps qu’aujourd’hui », afin de garantir l’avenir de notre sécurité sociale.

Pourtant, en dépit de ses grands airs de Professeur de mathématiques, Di Rupo ment, triche et intoxique honteusement l’opinion publique.

L’espérance de vie a augmenté ? Oui, mais la productivité du travail aussi. Une heure de travail produit davantage de richesses aujourd’hui qu’il y a cinquante ans. Il faut donc comparer la hausse de l’espérance de vie à celle de la productivité pour savoir si le temps de travail doit s’allonger, ou pas.

Pour avoir des séries statistiques comparables, prenons la période 1986-2009. Au cours de ces 23 années, l’espérance de vie des hommes est passée  de 72 à 77 ans et celle des femmes de 78 à 82 ans, soit des augmentations de 7% et 5%, respectivement.

C’est important, certes. Mais, en même temps, la productivité du travail (valeur ajoutée brute par heure travaillée) a augmenté de… 27%.

Le débat n’est donc pas technique, mais politique : c’est un débat sur le partage des gains de productivité. Doivent-ils bénéficier aux travailleur-euse-s ou aux actionnaires ?

Sur base des chiffres, il n’y a pas obligation de travailler plus longtemps : au contraire, on pourrait même remettre à l’ordre du jour la réduction généralisée du temps de travail, sans perte de salaire - à l’échelle de la semaine, de l’année et de la carrière. On devrait le faire, car cela permettrait de résorber le chômage, donc de réduire les sommes versées sous forme d’allocations… et d’augmenter les cotisations de sécurité sociale, garantes de la survie de la Sécu.

Cette « équation»-là, Di Rupo n’en veut pas. Pourquoi ? Parce qu’il est l’ami des patrons et que les patrons veulent un allongement du temps de travail.

Les mesures prises par le gouvernement pour retarder de deux ans la fin de carrière ne sont qu’un premier pas dans cette direction, il faut en être conscient. La méthode de « calcul » de Di Rupo le montre.

En effet, prenons les 50 dernières années, comme lui. Au cours de ce demi-siècle, l’espérance de vie des hommes et des femmes a augmenté dans la même proportion : 24%. Or, la carrière des femmes est de 31 ans en moyenne et celle des hommes de 42 ans. Si l’allongement de la carrière devait être proportionnel à celui de l’espérance de vie, comme Di Rupo le laisse entendre, alors la carrière des femmes devrait être prolongée de 7 ans et demi, et celle des hommes de 10 ans (24% en plus).

Qu’attendent les syndicats pour démasquer les équations truquées du Professeur Di Rupo devant l’opinion publique, et mettre en avant leur alternative – la réduction du temps de travail ? Ce serait plus convaincant que leurs déclarations sur les soi-disant « avancées » dans la « concertation ». Des « avancées » millimétriques, et que le contrôle budgétaire ne tardera pas à remettre en cause !


Voir ci-dessus