De Dexia à Arcelor: Nationaliser sans rachat !
Par Céline Caudron le Dimanche, 16 Octobre 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le gouvernement en affaires courantes a décidé de « sauver » Dexia en rachetant 100% de Dexia Banque Belgique pour un montant de 4 milliards €. De plus, l’ensemble des titres bancaires spéculatifs (dette grecque, italienne, prêts à long terme, etc.) est placé dans une « banque résiduelle » (en clair une banque pourrie !) pour laquelle l’Etat apporte une garantie de 54,45 milliards € (15% du PIB belge !) Selon Didier Reynders, ministre des Finances, le prix payé par l’Etat fédéral est « raisonnable ».

Trois ans plus tôt le même Reynders prétendait qu’en rachetant 100% de Fortis « l’Etat allait y gagner ».  Coût total des opérations: 15,2 milliards € (auxquels il faut encore ajouter quelque 5 milliards € apportés à KBC et à Dexia pour les renflouer). En février 2009, l’Etat cédait 75% de Fortis (qui lui avaient coûté 7,05 milliards € en octobre 2008) contre des actions BNP Paribas pour une valeur de 2,6 milliards €. En quelques mois, au lieu « d ‘y gagner »,  l’Etat fédéral a donc perdu près de 4,5 milliards €.

Dans le cas de Dexia, la situation risque d’être encore plus grave. Car le Crédit communal était la banque des communes. Avec la privatisation du Crédit communal, le holding communal (qui regroupe les communes actionnaires) est devenu propriétaire de 14,14% du groupe Dexia. Aujourd’hui, ce holding est menacé de faillite car il est devenu propriétaire de 14,14%... de la banque pourrie ! Les communes qui détiennent des parts de DEXIA et qui comptaient sur un dividende pour équilibrer leur budget peuvent faire une croix dessus. De surcroît, une faillite du holding communal mettrait certaines communes au bord du gouffre. Des écoles, des crèches, des CPAS, des hôpitaux, tout un réseau d’infrastructures au service de la population et les emplois qu'il génère sont donc menacés.

Privatiser les bénéfices et socialiser les pertes ! Voilà le credo des gouvernements en Europe. Les placements spéculatifs à risque effectués sur les marchés internationaux par les dirigeants du groupe Dexia ont un caractère immoral car il s’agissait bien souvent de profiter de la détresse de la population de pays précarisés, tels que la Grèce, pour engranger de juteux profits. L’indemnisation des gros actionnaires, lors du rachat de 4 milliards €, est doublement immorale car elle transfère sur le budget public une dette générée par un groupe privé.

Il est difficile d’estimer avec précision l’aggravation de  la dette publique belge à la suite du rachat de Dexia et des garanties données sur la banque pourrie. Mais les chiffres du passé donnent une indication. En 2007, avant le « sauvetage » de Fortis, KBC et Dexia, la dette publique s’élevait à 84,2% du PIB. En 2009, elle était passée à 96,2% du PIB. Car bien entendu l’Etat ne disposait pas de cash et a dû emprunter auprès des banques, avec intérêts, et alourdir ainsi le poids de sa dette.

Ainsi, ce ne sont pas seulement les infrastructures au service de la population, des communes et des institutions locales qui risquent de devoir faire les frais de la folie des spéculateurs. C’est l’ensemble de la population qui, demain, devra éponger les dégâts par une hausse de la fiscalité, une réduction drastique des dépenses publiques, un blocage (voire une baisse) des salaires, un allongement de la carrière, une baisse des allocations de chômage et des pensions, une coupe dans les dépenses de soins de santé,…

Dans le même temps, alors que nous bouclons cette édition, Arcelor Mittal annonce la fin de toute la phase à chaud à Liège. Au-delà des différences de situation, c’est la même logique capitaliste de privatisation des bénéfices et de collectivisation des pertes qui est à l’œuvre.

C’est inacceptable. Un changement de cap radical est nécessaire, sans quoi nous retournerons tout droit au 19e siècle.

Au lieu de faire payer la dette à la population, il faut exiger l’ouverture des livres de compte et annuler les dettes illégitimes. Au lieu de racheter Dexia sans nationaliser, il faut nationaliser Dexia sans indemniser les gros actionnaires. De plus, ceux-ci doivent rembourser les 3 milliards € qui leur ont été octroyés par l’Etat en 2008 et garantir les titres douteux qu’ils ont achetés dans le passé et qui stagnent aujourd’hui dans la banque pourrie. Au lieu de ramper devant Mittal, il faut saisir tous ses avoirs en Belgique.

Céline Caudron, porte-parole de la LCR. Editorial de La Gauche n°54, oct-nov 2011

Voir ci-dessus