Nucléaire: l'après-Fukushima en débat
Par T. Molinero le Lundi, 06 Juin 2011 PDF Imprimer Envoyer

Ce 17 mai 2011 se tenait au Mundaneum de Mons une soirée conférence/débat sur le nucléaire de l'après-Fukushima avec notamment la participation de Daniel Tanuro, membre de la LCR. Partie d'une initiative citoyenne, cette soirée était une grande réussite: 130 personnes ont répondu présent à l'invitation lancée. Cette participation massive montre le besoin d'information que ressentent les citoyens par rapport à cette technologie.

L'accident à la centrale de Fukushima a clairement marqué une étape dans l'utilisation du nucléaire comme source d'énergie. Au même titre que Tchernobyl, cette catastrophe n'est pas inquiétante uniquement pour la population habitant près de la centrale. L'inquiétude passe un delà des frontières et oblige le monde entier à se repositionner par rapport au nucléaire civil. Les débats sur le thème de la sécurité dans nos centrales se multiplient et démontrent la perte de confiance du peuple dans cette source d'énergie. Le but de la soirée était de présenter les éléments objectifs nécessaires à la compréhension de la problématique du nucléaire. Ce débat n'avait pas pour but de confronter les arguments polémiques mais bien de réunir autour d'une même table les spécialistes de différents secteurs concernés.

Quatre spécialistes sont intervenus:

  • Claude Semay, professeur à l'Université de Mons, chef de service du laboratoire de physique nucléaire. Le prof. Semay nous a présenté l’énergie nucléaire d'un point de vue théorique et très concret.
  • Michel Wautelet, également professeur à l'Université de Mons, membre de l'association pour l'étude du pic de pétrole (ASPO), et auteur du livre « Sciences, technologies et société ». Le prof. Wautelet a abordé plus particulièrement le thème du panier énergétique en Belgique et dans le monde, ainsi que les défis et solutions technologiques pour l'énergie de demain.
  • Daniel Tanuro, citoyen engagé, membre de la Ligue communiste révolutionnaires (LCR), membre fondateur de l'association « Climat et justice sociale », et auteur du livre « L'impossible capitalisme vert ». Il a abordé les conséquences de la catastrophe de Fukushima ainsi que les enjeux géopolitiques et économiques du nucléaire à l'échelle mondiale.
  • Olivier Deleuze, chef de groupe Ecolo à la chambre et secrétaire d'état à l'énergie et au développement durable de 1999 à 2003. Il nous a parlé du nucléaire en Belgique, des risques environnementaux et des enjeux économiques.

De ce débat, il en ressort une vraie prise de conscience au sein de la classe politique et scientifique sur la sortie du nucléaire. Le nucléaire est loin d'occuper les premières places dans le panel énergétique. Au niveau mondial, cela ne correspond qu'à 6% de la production énergétique (81% d'énergie fossile carbonée et 6% d'énergie renouvelable). Même si la Belgique possède un fort taux de production nucléaire (22% de la production énergétique belge), cela ne correspondant qu’à 55% de la production d'électricité, les solutions technologiques pour remplacer le nucléaire par du renouvelable existent déjà.

Mais la sortie du nucléaire fait face à un contexte global difficile qui réunit les problématiques du réchauffement climatique, du pic de pétrole mais également des catastrophes telles que Fukushima, ainsi que le pic d'Uranium disponible (horizons 2060). Le nucléaire reste la réponse des gouvernements mondiaux face à la fin du pétrole et face aux émissions de gaz à effets de serre. Il permet de maintenir un système centralisé de distribution d'énergie. Les risques catastrophiques liés aux centrales sont impunément pris pour garantir la survie du système actuel et maintenir l'espoir d'une croissance de production matérielle. Au delà des risques actuels, l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) prévoient même le passage de 500 à 1500 réacteurs nucléaires dans le monde (soit le triple de la quantité actuelle), ce qui ne pourra se faire sans conséquences dangereuses pour la santé humaine et environnementale.

Jusqu'à présent, afin de garantir la sécurité internationale, les centrales nucléaires sont construites dans des pays réputés comme stable. Mais personne n'ose songer aux conséquences d'une installation nucléaire dans un pays instable, impliqué dans une guerre (militaire ou civile), ou soumis aux attentats terroristes. Il est malheureusement impossible d'effectuer les « stress tests » sur ce type d'accidents, par nature imprévisibles. Un accident en Belgique ne peut être exclu totalement. Si l'on devait être confronté à un Fukushima belge, il s'agirait d'évacuer un million de personnes d'une zone contaminée et inhabitable pour plusieurs siècles.

La fin de l'utilisation des énergies carbonées et la sortie du nucléaire doivent être réalisées de pair. Elles sont nécessaires pour la survie de l'environnement. La lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas faire accepter le risque d'une explosion nucléaire toute aussi nocive à l'échelle internationale. Il s'agit aussi d'une implication dans la société car, hors du cadre environnemental, le pic du pétrole et le pic d'uranium doivent nous faire penser à court et moyen termes à des sources d'énergies alternatives. Il est plus que temps d'agir, de développer la part d'énergie renouvelable sur notre réseau.

Cela nous oblige également à repenser notre mode de consommation. Nous pouvons augmenter considérablement la part de renouvelable, même en Belgique, mais cela ne peut se faire sans une réduction significative de la production matérielle et des transports. Profiter au maximum de l'énergie solaire, éolienne, hydraulique, et géothermique implique le passage à un système énergétique décentralisé. L'énergie produite localement doit être redistribuée localement, mais la classe politique gouvernante n'est pas prête à assumer ce changement de système. Tout comme elle n'est pas encore prête à assumer la diminution du niveau de consommation.

La « Loi 2003 » qui prévoit la sortie nucléaire pour 2025, doit être respectée. Les récentes déclarations du Ministre de l’Énergie quant à la fermeture des deux plus vieux réacteurs de la centrale de Doel doivent être appliquées afin d'encourager la transition énergétique. Les promesses technologiques du nucléaire ne sont encore aujourd'hui qu'une utopie scientifique. La fusion nucléaire espérée pour 2050 et attendue pour sauver ce secteur reste très loin d'être applicable et exploitable. Elle ne reste avantageuse que dans sa théorie.

Il serait irraisonnable de compter et miser sur cette technologie pour subvenir aux besoins de demain. Cycliquement, les accidents nucléaires forcent la remise en question de nos choix de société. Nous avons l'espoir que le nucléaire devienne, depuis Fukushima, une énergie du passé.

Illustrations de Serdu, dessinateur.  Commentaires dessinés en direct lors de la soirée:

Pour les fissures, ils ont paré au plus pressé...


Je m'occupe de la sécurité "nucléaire". / Tu tiens les plans à l'envers!


Centrale "thermodynamique nucléaire" / Cuis mons oeuf!


Electrable / Uranium enrichi


Simplissime?


Voir ci-dessus