Crise politique: Stratégie du choc à la belge
Par Daniel Tanuro le Mercredi, 12 Janvier 2011 PDF Imprimer Envoyer

Dans son ouvrage « Stratégie du choc », la militante altermondialiste canadienne Naomi Klein montre avec brio comment le modèle néolibéral a été imposé par une série de chocs qui ont permis de contourner la démocratie parlementaire bourgeoise, tout en prenant les mouvements sociaux par surprise. Certains chocs ont pris des formes extrêmement brutales, comme les dictatures qui se sont succédées en Amérique latine à partir du coup d’Etat de Pinochet au Chili, en 1973. Dans le cas des « tigres asiatiques » (Corée du Sud, Philippines,…), le scénario a été plus soft : des mouvements de panique boursière ont permis au Fonds Monétaire International de dicter son programme néolibéral à des sociétés qui n’en voulaient pas.

On peut craindre qu’une stratégie de ce genre soit appliquée en Belgique. On voit se multiplier les avertissements : si la Belgique ne prend pas rapidement des mesures d’austérité pour boucher le trou de 25 milliards creusé par le sauvetage des banques, les agences de notation considèreront que notre pays n’est plus un emprunteur fiable, et « les marchés » imposeront des taux plus élevés. « La dette de la Belgique est aussi risquée que celle de l’Italie », titrait récemment l’Echo. Certains agitent les spectres de l’Irlande et de la Grèce, que « les marchés » contraignent à payer des taux prohibitifs… en détruisant les acquis sociaux.

La classe dominante a ainsi deux fers au feu : soit un gouvernement est enfin constitué qui lance sans tarder une violente offensive contre la sécurité sociale, le secteur public et les revenus des salarié-e-s (dans le cadre d’un transfert accru de compétences aux régions) ; soit le chantage des marchés force la mise sur pied d’un gouvernement d’urgence aux priorités socio-économiques.

La crise de régime favorise une « stratégie du choc » à la belge. Le désarroi de la population est total. Personne n’y comprend plus rien. Voter semble n’avoir plus de sens. Cette situation donne des idées aux partisans d’un hold up contre les acquis sociaux. Ces forces sont certes divisées sur le communautaire, mais une poussée spéculative pourrait les rassembler pour une « guerre éclair » contre le monde du travail, et une victoire sur ce plan les aiderait à trouver un accord communautaire par la suite.

La « révolution copernicienne » de Bart De Wever - une combinaison de nationalisme et d’ultra-libéralisme - peut emprunter divers chemins. L’essentiel est que la NV-A est en train de créer un climat de confusion au sein duquel les projets capitalistes les plus agressifs pourraient se concrétiser, et pas seulement en Flandre. Les déclarations au Soir du patron de la chaîne Mestdagh en attestent : « Je préfère un accord défavorable aux francophones que le blocage actuel. Cela forcerait au moins les Wallons à se bouger. A parler des sujets tabous comme le contrôle des chômeurs, le niveau des allocations de chômage, le travail au noir… ».L’ingérence du roi sur la scène politique constitue une autre menace dans ce cadre.

Convertie au néolibéralisme, la social-démocratie ne songe qu’à rester au pouvoir. Dans cette situation, les syndicats ont grand tort d’attendre la formation d’un gouvernement auquel ils remettront leur mémorandum… Cette démarche routinière est totalement inappropriée face à la stratégie du choc qui risque d’émerger soudainement du chaos actuel. Il faut au contraire préparer les troupes au combat, par une Opération Vérité portant notamment sur les causes de l’endettement. « Les marchés seront impitoyables » avertissait récemment Albert Frère. En effet. Ils seront impitoyables parce qu’ils ne sont rien d’autre que l’alliance de patrons qui, à l’instar de Frère, salivent à l’idée de piller la collectivité en mettant le grappin sur le secteur public et de payer encore moins d’impôts ou de cotisations sociales.

Face à ces sangsues impitoyables, le mouvement ouvrier n’a d’autre solution que de préparer la résistance la plus opiniâtre.

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