Déclaration de la 3e conférence européenne de la gauche anticapitaliste
Par Yvan Lemaître le Vendredi, 05 Novembre 2010 PDF Imprimer Envoyer

Les 16 et 17 octobre s’est tenu à Paris la troisième conférence anticapitaliste européenne. Si les deux premières avaient été initiées par le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste, France), cette troisième conférence était organisée avec la SWP britannique. Elle a réuni 22 organisations de 16 pays. Le fait qu’elle ait lieu au cœur du mouvement contre la réforme des retraites en France venait souligner la nécessité de coordonner les luttes au niveau européen et, plus modestement, celle pour les anticapitalistes de coordonner leur propre intervention. C’est ce dont ont voulu témoigner les participants en interrompant leurs travaux pour participer un moment à la manifestation parisienne, un camarade polonais, un de l’Etat espagnol et un grec prenant la parole au point fixe du NPA.

Trois points étaient à l’ordre du jour de cette conférence : La crises, ses conséquences politique et les résistance des travailleurs, les réponses à la crise avancées par les anticapitalistes, Nos interventions et perspectives communes et leur coordination.

Le premier point introduit par Alex Callinicos du SWP a permis un riche échange. Sans revenir sur les différents mécanismes à l’œuvre dans le développement de la crise un large accord se dégageait pour souligner son caractère profond et durable, non un simple épisode cyclique mais un tournant profond qui donnait leur importance au politique d’austérité engagées par tous les Etats européens. Il s’agit bien d’une remise en cause des acquis sociaux qui ne peut connaître d’autre limite que la résistance des travailleurs et des classes populaires. Il entraîne une crise de l’idéologie libérale, loin d’apporter democratie et progrès, l’économie de marché s’identifie avec la régression sociale qu’accompagne la montée des idées réactionnaires portée par une nouvelle extrème-droite.

Les différentes interventions ont illustré la grande diversité des résistances ouvrières. Et aussi les conséquences politiques paradoxales de la crise comme dans l’Etat espagnol où l’effondrement de la gauche au pouvoir laisse le champ libre à la droite malgré le succès de la grève générale. Le renouveau de l’activité ouvrière reste globalement faible même si en Grèce l’agitation sociale et politique persiste. De façon générale, pour les anticapitalistes, se pose la question d’agir dans le sens de l’unité à travers une politique de front unique tout en défendant des perspectives anticapitalistes, en agissant pour que les travailleurs dirigent leurs luttes, à la base, sans s’en remettre aux bureaucraties, en faisant vivre la démocratie au sein des mouvements. Plusieurs camarades ont insisté sur l’importance du mouvement en France qui est regardé avec espoir au-delà des milieux militants.

Le deuxième point introduit par Yvan Lemaitre à partir du document « Nos réponses à la crise » soumis à la discussion du congrès du NPA a montré un large accord sur les exigences des travailleurs pour refuser de faire le frais de la crise, sur la nécessité aussi d’appréhender collectivement la question au niveau européen pour mieux intégrer cette dimension dans notre politique. Même si l’arène nationale demeure le cadre des luttes de classes, il ne faudrait pas sous-estimer leur dimension européenne qui s’est manifesté le 29 septembre à Bruxelles et qui, de fait, est très présente. La discussion sur la question du mot d’ordre sur la sortie de l’euro en a été l’illustration. Cette discussion est très présente dans le mouvement ouvrier grec où le sentiment que la Grèce a été soumis au dictat de l’UE et du FMI se reconnaît dans ce mot d’ordre d’autant que le mouvement n’a pu s’opposer aux attaques du gouvernement PASOK. La sortie de l’euro apparaît comme une réponse « possible ». C’est une illusion, la seule sortie de crise, la seule réponse est celle de l’intervention des travailleurs pour refuser de payer les frais de la crise et postulant au pouvoir pour rompre avec les institutions bourgeoises, nationaliser les banques et créant un organisation unique de crédit et, alors, rompre avec l’Europe capitaliste mais en agissant dans le sens d’une autre Europe, celle des travailleurs et des peuples. La discussion n’est pas close, elle en est même à ses débuts…

La nécessité d’approfondir cette discussion sur les perspectives anticapitalistes était une des principales conclusions de cette conférence, conclusions introduites et développées par Vanina Giudicelli. Il s’agit de saisir chaque occasion pour agir ensemble, manifester l’existence d’un courant anticapitaliste européen, à l’occasion du contre-sommet de Lisbonne en novembre contre l’OTAN ou contre la future réunion du G20 en France, éditer un matériel commun, favoriser les interventions dans les meetings, manifester la solidarité internationalistes avec les luttes comme aujourd’hui avec le mouvement en France…Les tâches pratiques et concrètes ne manquent pas. Pour l’ensemble des participants, cette troisième conférence marque une étape, incontestablement un pas en avant de part la qualité des relations que des discussions et cela malgré le manque de préparation en amont. La tenue de deux conférences par an a été décidée avec la préoccupation de nous donner les moyens de mieux les préparer. La question d’une coordination plus structurée a été discutée, elle n’a pas rencontré l’unanimité des participants et nous nous en sommes tenues à l’idée d’une coordination souple. Une déclaration finale a été discutée, amendée formulant les points essentiels de la démarche qui nous rassemble.

Yvan Lemaitre


Déclaration de la conférence anticapitaliste des 16 et 17 octobre à Paris

L’Europe capitaliste, l’Europe de la BCE, des traités de Maastricht et de Lisbonne, de « la concurrence libre et non faussée », instrument de l’offensive des multinationales et de leurs Etats contre les travailleurs et les peuples, est en crise.

Après avoir ouvert largement les fonds publics pour sauver le système financier et les banques suite à la crise des subprimes de 2007-2008 et, ainsi, accentuer les déficits budgétaires, tous les gouvernements d’Europe, après avoir dicter leur volonté à la Grèce, invoquent ces déficits pour imposer à la population rigueur et austérité. Les profits des banques repartent de plus belle, mais ce serait au monde du travail de payer la note.

La cause de ces déficits est connue, évidente, c’est la politique de subvention des Etats en faveur du patronat et des riches. D’une main ils leur distribuent leurs largesses, de l’autre ils les exonèrent de l’impôt. Et, en prime, pour financer le déficit ainsi créé, c’est aux mêmes qu’ils empruntent ! Les finances des Etats sont ainsi privatisées.

Le bilan est clair, la reprise annoncée n’a pas eu lieu et déjà les nouveaux craquements de leur système se font entendre. Le chômage s’accroît partout, sauf pour une part en Allemagne, les salaires stagnent où baissent, les services publics sont démantelés et bradés au privé. A l’échelle internationale la guerre des monnaies fait rage, une nouvelle crise financière menace.

Pour tenter de détourner la colère des classes populaires les gouvernements flattent les préjugés xénophobes et racistes avec des lois qui refusent de reconnaître les immigrés comme des citoyens, cherchent à diviser les travailleurs, désignent l’immigration ou les Roms en France comme des boucs émissaires. Ils font ainsi le lit d’un nouveau populisme d’extrême-droite qui partout progresse.

Une fois de plus, les femmes font largement les frais de cette crise, dont les effets viennent de greffer sur des profondes inégalités de genre. A la précarité généralisée du travail féminin, aux plus bas salaires et aux discriminations s’ajoutent maintenant la menace du chômage et une pression accrue en faveur d’un « retour au foyer ». La dégradation des services publics et la pénurie des équipements vouent des millions de femmes à l’esclavage domestique.

La faillite de la politique des classes dominantes et de leurs Etats ruine les conditions de vie d’une fraction sans cesse croissante de la population, elle menace aussi les droits démocratiques conquis par elle. Il y a urgence à mettre un coup d’arrêt à cette fuite en avant dangereuse et destructrice, à unir les forces du monde du travail pour inverser le rapport de force sans nous laisser divisés par des frontières dépassées.

Déjà, les politiques d’austérité engagées à travers toute l’Europe ont provoqué une large résistance. Le moment le plus fort a eu lieu en Grèce – en particulier avec la grève quasi insurrectionnelle du 5 mai- mais les derniers mois ont vu des protestations de masses, en France, dans l’Etat espagnol et dans d’autres pays, d’autres sont à venir. La première tâche de la gauche anticapitaliste est de construire ces luttes sur la base la plus large et la plus militante possible et de chercher à s’assurer qu’elles ne soient pas sapées par les tentatives de la bureaucratie syndicale et les politiciens sociaux-démocrates pour les limiter et les contrôler. Il est également important de soutenir les appels d’unité syndicale, de favoriser qu’ils se fassent à l’échelle européenne comme le 29 septembre à Bruxelles.

C’est la même politique qui nous frappe, c’est ensemble qu’il nous faut la combattre, c’est ensemble qu’il nous faut nous coordonner au niveau de l’Europe pour populariser les mesures d’urgence sociale, démocratique, écologique indispensables pour que nous ne fassions pas les frais de leur crise.

Refuser de payer les frais de leur crise

  • Pour en finir avec le fléau du chômage et de la précarité, il faut répartir le travail entre tous pour garantir à chacun un emploi et un salaire, imposer l’embauche massive dans les services publics.
  • Contre la pauvreté et les inégalités, revaloriser l’ensemble des salaires, garantir le droit à une retraite digne.
  • Le droit au logement, à la santé, à l’éducation passe par l’arrêt du sabotage des services publics et leur renforcement, sous le contrôle de la population.
  • L’unité des exploitées et des opprimés ne connaît ni les frontières ni les discriminations, toutes celles et ceux qui vivent et travaillent sur les territoires de l’Europe sont des citoyens à part entière, des papiers pour tous !
  • Pendant que les Etats imposent cyniquement des sacrifices à la population ils engloutissent des milliards dans les dépenses d’armement et la guerre en Afghanistan dans le seul but de défendre leurs intérêts impérialistes. Il faut en finir avec ce gaspillage, mettre fin à cette sale guerre. Il faut en finir avec l’OTAN et les dépenses militaires
  • La crise met aussi en lumière le caractère prédateur du système de profit, à coup d’exploitation sans frein des ressources naturelles, d’anéantissement de l’agriculture paysanne, de destruction des écosystèmes et du réchauffement de la planète. Comme jamais dans le passé, justice et autogestion, projets émancipateurs et horizon socialiste deviennent consubstantiels du combat écologiste.
  • Pour satisfaire ces exigences populaires fondamentales, il faut annuler la dette publique illégitime, c'est-à-dire en finir avec la soumission volontaire des gouvernements aux banques et aux fonds de placement financier. Il faut mettre ces derniers hors d’état de nuire en les expropriant pour socialiser complètement le crédit.

Conquérir la démocratie, le droit et les moyens de décider et contrôler

Cette rupture avec le capitalisme nécessite une mobilisation croissante et soutenue de millions de personnes, qui élève la conscience de la puissance du mouvement ouvrier et ouvre la conquête d’une démocratie permettant aux travailleurs et à la population de développer tout ce qui leur permet d’intervenir directement dans la gestion de la société, dans les entreprises, les services publics, les collectivités publiques.

Elle nécessite un bouleversement démocratique, l’organisation de la population pour qu’elle soit en mesure d’assurer son contrôle à tous les niveaux de la vie économique et sociale. Ce bouleversement signifie une rupture avec des institutions vouées à la défense des classes privilégiées, la mise en place à travers les mobilisations sociales et politiques qui naîtront de l’approfondissement de la crise, d’un gouvernement issu de ces mobilisations, placé sous leur contrôle, capable d’imposer le respect des droits du monde du travail.

Pour faciliter cela, il faut défendre la participation politique des travailleurs/ses et l’exigence d’unité dans les luttes des forces qui se réclament ouvrières et de gauche contre la droite et le programmes néolibéraux.

Rompre avec l’Europe des financiers, construire l’Europe des travailleurs et des peuples

Nous voulons avancer dans la voie de la coordination des luttes à l’échelle européenne, travailler ensemble à en formuler les exigences et les perspectives, les mettre en œuvre pour, dés maintenant ouvrir la voie vers cette Europe des travailleurs et des peuples que nous voulons.

Il s’agit dès aujourd’hui de préparer l’avenir. Les richesses et les moyens de les produire existent. Le chômage, la précarité, la misère et le cortège de souffrances et de violences sociales qui en résultent ne sont que la conséquence d’une organisation sociale injuste, un système d’exploitation qui se perpétue sur la base de la propriété privée capitaliste, dont la crise met au grand jour l’absurdité.

L’avenir appartient au socialisme, à l’appropriation sociale de tous les grands moyens de production, dont le fonctionnement est d’ores et déjà basé sur la coopération de milliards de femmes et d’hommes à l’échelle internationale.

Gauche anticapitaliste ( Suisse), Izquierda anticapitalista (Etat espagnol), LCR-SAP ( Belgique), POR (Etat espagnol), Bloco de Esquerda (Portugal), SEK ( Grèce), ISL ( Allemagne), En Lucha (Eta espagnol), DSIP ( Turquie), SWP (UK), Red-green Alliance (Dk) Internationale Socialisten (NL), People before profit (Irl), Swp (Irl), Okde spartakos ( Grèce), Polska Partia Pracy ( Pologne) Sinistra critica (Italie), Mouvement pour le socialisme ( Suisse), Solidarité (Suisse), The red party (Norvège), Parti socialiste (Suède), NPA (France).

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