Dossier: Israël et la Flottille pour Gaza. Stop à l'impunité: levée du blocus et sanctions immédiates!
Par Michel Warschawski, Julien Salingue, IVe Internationale, NPA le Dimanche, 06 Juin 2010 PDF Imprimer Envoyer

Le monde a été surpris et choqué de la violence avec laquelle l’armée israélienne s’en est prise à la Flottille pour Gaza. Les commandos israéliens se sont rendus coupables, devant le monde entier, d’un acte de piraterie, et n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur des civils désarmés. La thèse de « l’opération d’arraisonnement qui a mal tourné » semble l’emporter. Avec un peu de recul, elle est pourtant plus que contestable.

Victimes – Israël et la Flottille pour Gaza

Par Michel Warschawski

Alors que le monde entier est encore sous le choc des (rares) images de l’arraisonnage sanglant du Marmara, le peuple israélien, dans sa grande majorité, se sent une fois de plus victime. Victime de l’antisémitisme mondial, victime de la haine d’Israël, victime des circonstances, victime de la malchance. Victime et donc aussi brutal et agressif envers les quelques milliers de Juifs israéliens qui refusent de se joindre à l’hystérie collective et au sentiment victimaire: sur la plage d’Ashdod, où nous attendions les navires capturés par l’héroïque marine israélienne, nous avons dû nous replier devant la violence des habitants et, quelques heures plus tard, à Jerusalem où les passants ont tenté, à plusieurs occasions, de s’en prendre aux quelque quatre cents manifestants venus exprimer leur rage contre ce qu’on peut légitimement appeler un massacre prémédité. À Tel Aviv, par contre, un millier de manifestants ont pu protester dans le calme.

Comme c’est le cas chaque fois que l’État hébreu se piège et provoque l’ire internationale, la population fait front et s’aligne derrière ses dirigeants : comme le dit la chanson, «le monde entier est contre nous, c’est pas grave, on fera front ». Si les médias expriment des critiques, celles-ci sont essentiellement opérationnelles: le manque de préparation des soldats, l’équipement mal adapté à la mission etc. D’autant plus qu’il s’agit de l’unité d’élite numéro un de l’armée israélienne qu’Ehud Barak – toujours lui – envoie contre quelques centaines de civils non armés. Et les Rambos de Barak de se faire proprement rosser, en particulier par les nombreux Turcs qui se trouvent sur le pont.

Sur le fond, très peu de critiques: Israël, disent-ils en substance, avait le droit, voire le devoir d’empêcher cette violation de sa souveraineté, feignant d’oublier que Gaza n’est pas sous souveraineté israélienne, mais un territoire à la fois occupé et sous blocus. C’est d’ailleurs un des effets positifs de l’opération Free Gaza et de son dénouement tragique que de rappeler au monde entier que le million et demi d’habitants de Gaza sont les victimes innocentes d’un blocus qui dure maintenant depuis quatre ans, ce que n’a pas manqué de rappeler Catherine Ashton au nom de l’Union européenne.

Il reste à voir ce que l’Union européenne est prête à faire pour traduire ses positions de principe en actes et en pressions sur le gouvernement israélien. La récente entrée d’Israël dans l’OCDE semble indiquer que dans le monde des actes, c’est plutôt le soutien à l’État criminel israélien qui est de mise, d’où l’importance accrue de la campagne civile internationale pour le boycott, le désinvestissement et des sanctions envers Israël (BDS).

Le dénouement sanglant de l’opération porte le sceau du ministre de la Défense, tueur en série de la classe politique israélienne, celui-là même qui, comme Premier Ministre, avait été responsable du massacre d’octobre 2000. Ehud Barak doit être persona non grata sur le continent européen, et dans les pays où la compétence universelle est appliquée, traduit en justice dès qu’il met ses pieds sur le sol national. Cet abject personnage doit être mis au ban de tout ce qui se prétend être civilisé, parce qu’il représente un danger public au niveau planétaire.


Déclaration du Bureau exécutif de la IVe Internationale: Attaque de la flottille de Gaza : en finir avec l’impunité des crimes de l’État d’Israël!

Le gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahu et d'Avigdor Lieberman a démontré une fois de plus sa capacité d’aller au delà des précédents gouvernements israéliens en piétinant le droit international et les fondements mêmes de la décence. Son attaque meurtrière de la Flottille de la liberté de Gaza dans les eaux internationales exige une forte réponse du mouvement de la solidarité et de l’opinion publique mondiale.

Du fait de la présence du Parti travailliste au sein du gouvernement extrémiste de Netanyahu, c’est toute l’élite politique sioniste qui est complice de cet outrage. Le travailliste Ehud Barak, ministre de la Défense, a déclaré que le gouvernement a consciemment accepté les conséquences de son acte. C’est-à-dire qu’il escompte que les gouvernements du monde entier se limiteront aux paroles : quelques communiqués diplomatiques et quelques phrases de désapprobation adressées aux ambassadeurs israéliens. Comme d’habitude. Mais cette fois il faut que ce soit différent : une effusion de protestations doit forcer les gouvernements de passer des mots aux actes.

Barack Obama et Ben Ki-mon ont déjà parlé d’investigation. Mais sur quoi veulent-ils enquêter ? Le gouvernement israélien ne nie pas qu’il a lancé une attaque illégale dans les eaux internationales ; il le proclame. L’armée israélienne dit elle-même que neuf militants ont été tués. Le porte-parole des militaires israéliens lui-même ne parle pas de plus de quatre Israéliens blessés pour justifier ces meurtres. Le correspondant d’Al-Jazeera, présent sur le bateau, rapporte qu’un drapeau blanc a été hissé et que c’est alors que les Israéliens ont ouvert le feu. De même qu’ils ont donné l’assaut, sans provocation. Tout ceci indique un choix délibéré du recours « disproportionné à la force », comme en 2008-2009, et certainement pas un cas « d’autodéfense ».

L’assaut contre la Flottille de la liberté a été une prolongation logique du blocus de Gaza, contre lequel la flottille protestait et qu’elle défiait. Il est difficile de trouver dans le monde un gouvernement, en dehors de celui d’Israël, pour justifier ce blocus qui est un cas flagrant de punition collective illégale infligée à une population civile. Pourtant, pas un gouvernement n’a soulevé un doigt pour y mettre fin. Et de manière cynique, les relations publiques israéliennes osent recommander aux journalistes un restaurant chic à Gaza pour qu’ils se rendent compte des effets du blocus.

Certainement l’auteur de ce communiqué de presse se souvient que des bons restaurants sont restés ouverts dans le Ghetto de Varsovie alors que les Juifs mouraient de faim dans les rues ! Non, il n’y a pas de famine généralisée à Gaza aujourd’hui ; tout arbitraire et capricieux que soit le blocus israélien, il a été calibré de manière à éviter ce degré de dévastation. Il ne produit « que » la malnutrition massive, « que » le traumatisme des dizaines de milliers d’enfants, « que » le chômage de masse qui touche 80 % de la population qui compte 1,5 millions de personnes, « que » l’impuissance d’une population essayant de survivre dans les ruines laissées par l’agression israélienne de 2008-2009, qui se voit refuser tous les moyens de reconstruction, « que » le décès de 28 Palestiniens en attente de l’autorisation de sortie pour un traitement médical d’urgence.

Les protestations contre l’attaque dont fut victime la flottille — qui fut le couronnement du blocus — sont plus que justifiés. Les rassemblements et les manifestations devant les ambassades et les consulats doivent se poursuivre. Mais ils doivent aller au-delà, viser les gouvernements dans chacun de nos pays qui ont rendu possible et qui continuent à rendre possible les outrages israéliens.

► Aux États-Unis, qui restent sous l'administration Obama le principal soutien d’Israël, les protestations doivent exiger et obtenir l’arrêt immédiat des trois milliards de dollars d’aide annuelle qui finance les crimes du gouvernement israélien.

► Dans les pays de l’Union européenne, qui il n’y a que quelques mois ont décidé de tisser des liens plus étroits avec Israël, les protestations doivent exiger et obtenir la mise en œuvre immédiate de la clause des droits de l’Homme dans l’accord de libre-échange UE-Israël, suspendant les privilèges commerciaux qui fournissent à Israël une aide économique.

► Dans les pays arabes qui maintiennent des relations avec Israël, la fureur des peuples devrait forcer leurs gouvernements à mettre fin à cette complicité — et tout particulièrement le gouvernement égyptien dont le rôle est indispensable dans le blocus criminel de Gaza.

► En Israël, où des protestations ont également eu lieu, il faut renforcer la résistance face au gouvernement d’extrême droite.

► Partout, où le mouvement de solidarité n’est pas encore assez fort pour obliger le gouvernement à rompre avec l’État d’Israël, il faut prendre les choses en main en renforçant massivement la campagne de Boycott-Désinvestissement-Sanction (BDS).

Finalement, ce nouveau crime israélien devrait susciter une nouvelle vague de discussion et de réflexion sur la faillite du « processus de paix » censé d’établir un mini-État palestinien dans les territoires occupés en 1967, à côté d’un État sioniste intact. Aujourd’hui le gouvernement israélien sera « puni » pour son agression contre la flottille par une nouvelle suspension du processus anémique de pourparlers indirects avec l’Autorité palestinienne — un processus qui évidemment ne conduit à rien de plus qu’à le distraire occasionnellement de ses efforts visant à établir des faits accomplis. Les mouvements pacifistes et de solidarité devraient se préoccuper d’avantage maintenant du besoin d’une alternative, conduisant vers une paix véritable, c’est-à-dire une autodétermination sans conditions du peuple palestinien, le droit de retour pour la population des réfugiés de 1948 (qui composent quatre cinquièmes de la population de la Bande de Gaza), le démantèlement de l’État sioniste et une solution politique qui permettre aux peuples Palestinien et Juif d’Israël de vivre ensemble en bénéficiant des droits égaux.

Bureau exécutif de la IVe Internationale, Paris, le 1 juin 2010


Flottille de Gaza : rapides réponses à certains arguments israéliens

Par Julien Salingue

Un certain nombre d’arguments visant à justifier l’assaut sanglant contre la Flottille sont répétés en boucle depuis lundi. Comme on va le voir, ils ne résistent guère à l’examen :

1) Israël était dans son bon droit en arraisonnant les bateaux, y compris violemment

2) Les soldats israéliens ont été agressés et n’avaient pas d’autre choix que de « se défendre »

3) Les objectifs de la flottille n’étaient pas humanitaires : certains passagers étaient armés, il y aurait pu y avoir des armes à destination de Gaza

4) La Flottille a des liens avec le Hamas

5) L’aide humanitaire entre à Gaza par Israël

1) L’assaut s’est produit dans les eaux internationales. Les eaux territoriales sont limitées à 12 miles nautiques des côtes, limite que les bateaux étaient loin d’avoir atteinte. Qui plus est, la situation ne pouvait en aucun cas justifier l’emploi de la violence armée : l’article 51 de la Charte des Nations Unies définit de manière précise le droit à la légitime défense : « dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée ». Or il n’y avait aucune menace militaire qui planait sur Israël.

2) Effectivement, certaines images montrent que des soldats israéliens ont pris des coups lors de l’assaut. Et alors ? C’est l’armée israélienne qui a attaqué les navires, pas l’inverse. Des commandos armés investissent un bateau par la force, en violation du droit international : n’est-il pas logique que les passagers du bateau, qui sont dans leur bon droit, se défendent ? Pour faire une comparaison, c’est comme si un pirate de l’air auquel l’équipage résisterait physiquement prétendait que c’est l’équipage qui l’a agressé. Qui plus est, comme l’ont fait remarquer nombre de commentateurs israéliens, le choix de faire débarquer de nuit, un par un, 14 membres d’une unité d’élite lourdement armés, ne pouvait que déboucher sur des incidents.

3) Israël n’a pu, à l’heure actuelle, montrer aucune arme à feu. Les seules images que l’on a pu voir, en boucle, ce sont quelques couteaux, des lance-pierres, des bâtons et des objets métalliques (barres, haches) comme on en trouve sur tous les bateaux… On peut facilement faire le pari qu’Israël ne trouvera pas d’armes à feu, à moins d’en déposer : les bateaux ont été fouillés de fond en comble à Chypre, qui n’aurait jamais laissé partir des armes, pour éviter tout incident avec Israël ; les militants de la Flottille savaient qu’il était très probable qu’ils soient arraisonnés et n’auraient jamais pris le risque de transporter des armes ; enfin, auraient-ils fait une telle publicité autour de la Flottille s’ils avaient voulu livrer clandestinement des armes ?

4) Evidemment! La Flottille avait prévu de débarquer à Gaza. Or, jusqu’à preuve du contraire, le Hamas est l’organisation politique majoritaire au Parlement palestinien et c’est lui qui administre la Bande de Gaza : il est logique et conforme au droit international de s’adresser aux autorités locales et de se coordonner avec elles. Et juste une question : avec qui l’Etat d’Israël discute-t-il pour tout ce qui concerne Gaza, ou encore Gilad Shalit ? La Flottille a donc fait comme tous ceux qui se rendent à Gaza ou qui veulent s’y rendre, qu’il s’agisse d’ONG, de représentants de l’ONU ou de parlementaires européens : elle a pris contact avec le Hamas.

5) Israël laisse, depuis quelques semaines, « un peu plus » d’aide humanitaire pénètre dans la Bande de Gaza. Mais, pour une population de 1.5 million d’habitants, les quantités sont dérisoires ! Le Haut Commissaire de l’ONU pour les Droits de l’homme, Navi Pillay, déclarait le 31 mai : « Les augmentations marginales dans le volume des marchandises autorisées à entrer à Gaza sont de loin insuffisantes pour permettre à la population de mener une vie normale et digne ».

Depuis 2007, ce sont 95% des entreprises qui ont fermé et 98% des emplois du secteur privé qui ont été détruits. Les centrales électriques fonctionnent par intermittence. Les restrictions drastiques sur les importations de ciment et de nombreux produits chimiques empêchent la reconstruction des infrastructures détruites lors des bombardements, qu’il s’agisse des maisons ou des stations de traitement des eaux usées, avec les conséquences sanitaires que l’on imagine.

Les derniers chiffres de l’ONU indiquent que 70% des Gazaouis vivent avec moins de 1 dollar par jour, que 80% de la population dépend des aides alimentaires internationales, ou encore que plus de 60% des habitants de Gaza n’ont pas accès à l’eau courante. Israël prétend que les produits humanitaires peuvent pénétrer à Gaza, mais a interdit tous ceux qui peuvent être « détournés à d’autres fins »… Selon les diverses estimations, 80% de l’économie de Gaza dépend des tunnels souterrains qui relient l’Egypte et la Bande de Gaza, dans lesquels au moins 150 Palestiniens sont morts depuis 2007.

Conclusion : Israël n’avait pas le droit d’intervenir là où il l’a fait, rien ne pouvait justifier une telle violence, les passagers n’ont fait que se défendre avec des armes de fortune. La Flottille entendait transporter de l’aide pour une population qui en a besoin et briser symboliquement un blocus illégal et criminel, dénoncé par nombre d’ONG et d’agences de l’ONU. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle a voulu agir en toute transparence, n’avait aucune intention belliqueuse et s’est logiquement coordonnée avec les autorités palestiniennes locales.


Israël : l’impunité doit cesser !

UN CARNAGE ASSUMÉ

Le monde a été surpris et choqué de la violence avec laquelle l’armée israélienne s’en est prise à la Flottille pour Gaza. Les commandos israéliens se sont rendus coupables, devant le monde entier, d’un acte de piraterie, et n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur des civils désarmés. La thèse de « l’opération d’arraisonnement qui a mal tourné » semble l’emporter. Avec un peu de recul, elle est pourtant plus que contestable.

Les premières déclarations des officiels israéliens sont éloquentes. Danny Ayalon, vice-ministre israélien des Affaires étrangères, affirme que «l’armée a agi en état de légitime défense» et que les organisateurs de la Flottille «ont des liens avec les organisations terroristes internationales». Ehud Barak, ministre («travailliste») de la Défense, explique qu’Israël n’a fait que «répondre à une provocation politique ». Le Premier ministre Netanyahu assure l’armée israélienne de son « soutien total ».

En un mot comme en cent, les choses sont claires: le gouvernement israélien assume totalement le carnage. Pour celles et ceux qui suivent l’actualité de la question palestinienne, la violence de l’armée et la position des autorités israéliennes ne sont malheureusement pas une surprise. A-t-on oublié le passé? A-t-on oublié la tragique situation du peuple palestinien ? A-t-on surtout oublié la nature du gouvernement israélien?

Le gouvernement israélien actuel a été caractérisé comme «le plus à droite de l’histoire d’Israël ». Y cohabitent la droite dure, l’extrême droite, les ultras religieux et les « travaillistes ». Le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, qualifié de «fasciste » par nombre de commentateurs israéliens, raciste notoire, y évolue comme un poisson dans l’eau. Ehud Barak, qui avait supervisé en tant que ministre de la Défense les massacres de Gaza en 2008-2009, y figure en bonne place. Peut-on attendre de ces sinistres individus autre chose que violence, haine et cynisme?

Ce gouvernement est entré en fonction, l’an passé, peu de temps après les tueries de Gaza, promettant d’adopter… une attitude plus ferme que ses prédécesseurs à l’égard des Palestiniens. Il est en fait la face la plus visible de la fuite en avant d’Israël dans sa guerre coloniale contre les Palestiniens, qui se traduit aujourd’hui par une répression systématique, une poursuite effrénée de la colonisation et une amplification de la ghettoïsation de la population palestinienne dans des enclaves en Cisjordanie et à Gaza.

La Bande de Gaza, contre laquelle le gouvernement Netanyahu s’acharne en espérant la mettre à genoux, est très majoritairement peuplée de familles de réfugiés qui ont été expulsés de leur terre en 1947-1949. Ce petit bout de terre, berceau de la Première Intifada, bastion de la résistance armée, est un miroir qui renvoie l’image de la véritable nature d’Israël et des contradictions inhérentes au projet d’établissement d’un État juif en Palestine: l’expulsion, la répression et l’enfermement, consubstantielles à l’établissement et à la survie de l’État d’Israël, ne peuvent faire disparaître un peuple et ses aspirations.

La radicalisation de la politique israélienne est l’expression de la nécessaire fuite en avant d’Israël face à ses contradictions: Israël est né de la négation des droits du peuple palestinien et ne peut dès lors survivre qu’en continuant de les nier, chaque jour avec davantage de violence. Il est donc essentiel d’aller au-delà de l’émotion et de comprendre: le sanglant assaut du 31 mai n’est pas un accident mais s’inscrit dans une logique d’ensemble. La légitime indignation suscitée par le massacre de la Flottille pour Gaza ne doit pas nous faire oublier que c’est à cette logique d’ensemble que nous devons nous opposer. Sans quoi d’autres massacres ne manqueront pas de se produire.

GAZA : UNE SITUATION INTOLÉRABLE, UN BLOCUS INHUMAIN

N’en déplaise à Israël et à nombre de ses défenseurs, le but de la Flottille pour Gaza n’était pas d’affronter les forces armées israéliennes. Sur le site du Free Gaza Movement, les objectifs sont clairs : « Nous voulons briser le siège de Gaza. Nous voulons réveiller la conscience internationale sur la fermeture de la Bande de Gaza qui est devenue comme une prison. Nous voulons pousser la communauté internationale à revoir sa politique de sanctions et à mettre fin à son soutien à la continuelle occupation israélienne ».

Car oui, la Bande de Gaza est une véritable prison à ciel ouvert, dans laquelle une tragédie se déroule, depuis plusieurs années, dans un silence assourdissant. Gaza est soumise à un blocus inhumain, entamé en 2005 après le retrait-bouclage israélien, et renforcé en septembre 2007 lorsqu’Israël a déclaré la Bande de Gaza «entité hostile ». L’embargo est alors presque total, et un simple coup d’œil à la liste des produits interdits à Gaza permet de mesurer l’acharnement israélien : livres, thé, café, allumettes, bougies, semoule, crayons, chaussures, matelas, draps, tasses, instruments de musique…

La situation se dégrade encore un peu plus après l’offensive de 2008-2009. En l’espace de deux ans, 95% des entreprises ont fermé et 98% des emplois du secteur privé ont été détruits. Les centrales électriques fonctionnent par intermittence.

L’interdiction d’importer du ciment et de nombreux produits chimiques empêche la reconstruction des infrastructures détruites lors des bombardements, qu’il s’agisse des maisons ou des stations de traitement des eaux usées, avec les conséquences sanitaires que l’on imagine.

Malgré la levée de quelques restrictions, autour de laquelle Israël fait beaucoup de publicité, la tragédie se poursuit. Les derniers chiffres de l’ONU indiquent que 70% des Gazaouis vivent avec moins de 1 dollar par jour, que 80% de la population dépend des aides alimentaires internationales, ou encore que plus de 60% des habitants de Gaza n’ont pas accès à l’eau courante. Israël prétend que les produits humanitaires peuvent pénétrer à Gaza, mais a interdit tous ceux qui peuvent être «détournés à d’autres fins »… Selon les diverses estimations, 80% de l’économie de Gaza dépend des tunnels souterrains qui relient l’Égypte (complice du blocus) et la Bande de Gaza.

Le blocus contre Gaza est illégal au regard du droit international, et a été dénoncé par de nombreuses agences de l’ONU et ONG peu suspectes de parti pris. Cette punition collective, infligée à 1, 5 million de personnes, s’inscrit au cœur de la politique israélienne: il s’agit de mettre les Gazaouis et leurs organisations politiques à genoux, et de les contraindre à se résigner à abandonner leurs droits et leur lutte. Les Palestiniens de Gaza n’ont pas renoncé, mais ils ont plus que jamais besoin d’un soutien international dans leur combat. Comme l’ont affirmé, au péril de leur vie, les passagers de la Flottille pour Gaza, le blocus doit immédiatement cesser!

BOYCOTT, DÉSINVESTISSEMENT, SANCTIONS !

L’acte ignoble perpétré au large de Gaza par l’armée israélienne souligne une fois de plus l’actualité de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS). Devant la lâcheté de la «communauté internationale», c’est aux populations du monde entier d’agir afin d’isoler l’État d’Israël, d’en faire un État infréquentable. La Campagne BDS a été initiée en juillet 2005 par une coalition regroupant l’ensemble des forces politiques, sociales et associatives palestiniennes représentatives (172 organisations signataires). Cette coalition inclut les trois composantes du peuple palestinien: Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, Palestiniens d’Israël, réfugiés des camps de l’extérieur.

Sa finalité est simple: développer une campagne internationale, populaire, de solidarité avec le peuple palestinien, autour d’axes, de mots d’ordre et de modes d’action très concrets. Il s’agit, à l’instar de ce qui s’était passé avec l’Afrique du Sud, de multiplier les pressions politiques, sanctions économiques et diplomatiques contre Israël tant que les droits des Palestiniens ne seront pas respectés.

«Nous, représentants de la société civile palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israël tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos États respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix.

Ces mesures de sanction non violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international. »

La campagne BDS se décline principalement sous trois aspects :

- boycott : à un niveau populaire, voire institutionnel (municipalités, par exemple), encourager le boycott des marchandises et produits fabriqués en Israël;

- désinvestissement : exiger des entreprises qu’elles cessent leurs investissements en Israël et/ou leurs partenariats économiques avec des entreprises israéliennes ;

- sanctions : exiger des gouvernements qu’ils prennent des sanctions (diplomatiques, économiques...) contre Israël.

Le NPA a décidé de s’inscrire dans la campagne BDS. Il s’agit en effet de se donner tous les moyens pour faire pression sur Israël, pour isoler l’État colonial, tant que les droits fondamentaux du peuple palestinien ne seront pas respectés. Plus que jamais, le BDS doit se poursuivre et se développer !

Plus d’informations sur www.bdsmovement.net et www.bdsfrance.org

UNE LONGUE LISTE DE MASSACRES

Les soutiens d’Israël s’obstinent à présenter l’armée de l’État sioniste comme « la plus morale du monde ». Et pourtant… Un simple coup d’œil dans les rétroviseurs permet de se rendre compte que l’assaut criminel perpétré contre la Flottille pour Gaza s’inscrit dans longue série de massacres impunis, parmi lesquels (la liste est loin d’être exhaustive):

- Deir Yassin, 9 avril 1948 les milices sionistes Lehi et Irgoun investissent le village palestinien de Deir Yassin. Ces deux groupes sont dirigés par deux futurs Premiers ministres d’Israël: Menahem Begin et Itzhak Shamir. Face à la résistance des Palestiniens, les milices se livrent à un véritable massacre: le village est rasé, les civils massacrés dans leurs maisons et les prisonniers exécutés un à un. Selon les sources, entre 120 et 250 morts.

- Khan Younis, 3 novembre 1956 lors de l’offensive consécutive à la nationalisation, par Nasser, du Canal de Suez, l’armée israélienne occupe la Bande de Gaza, alors sous autorité égyptienne. La ville et le camp de réfugiés de Khan Younis sont le théâtre d’un nouveau massacre. D’après l’ONU, 275 morts.

- Abbassieh, 17 mars 1978 durant l’invasion militaire du Sud-Liban, l’armée israélienne bombarde sans relâche le village d’Abbassieh. La population ne peut s’enfuir et plusieurs centaines d’habitants se réfugient dans la mosquée, qu’Israël bombarde à son tour. 125 morts, dont 80 dans la mosquée.

- Sabra et Chatila, 16-17 septembre 1982 au lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste et nouveau président du Liban, Bachir Gemayel, l’armée israélienne occupe Beyrouth-ouest et encercle les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. L’armée israélienne laisse entrer dans les camps des miliciens phalangistes, qui se livrent à une véritable boucherie. Une commission d’enquête israélienne établira la « responsabilité indirecte » des forces israéliennes et du ministre de la Défense de l’époque, Ariel Sharon. Selon les sources, de 1000 à 3000 morts.

- Qana, 18 avril 1996 Israël bombarde une fois de plus le Sud-Liban, officiellement pour «contraindre le Hezbollah à un cessez-le-feu ». Le village libanais de Qana est pris pour cible par les avions israéliens : une fois de plus, les habitants n’ont aucune chance de s’enfuir. Plus de 100 morts.

- Jénine, avril 2002 l’armée israélienne occupe la Cisjordanie et ratisse villes, villages et camps de réfugiés pour écraser la résistance palestinienne. Les Palestiniens du camp de Jénine opposent une farouche résistance aux troupes israéliennes, qui vont utiliser tanks, bulldozers, hélicoptères et mitrailleuses lourdes au cœur d’une zone ultra-densément peuplée. 52 morts.

- Liban, juil.-août 2006 après un accrochage avec le Hezbollah au cours duquel trois soldats israéliens sont tués et deux autres capturés, les avions israéliens bombardent sans relâche le Liban durant 33 jours. 1 million de Libanais sont contraints de fuir. Plus de 1 million de sous-munitions sont larguées sur le Sud-Liban, ainsi que des bombes au phosphore. 1300 morts.

- Gaza, décembre 2008/ janvier 2009 durant trois semaines, l’armée israélienne mène une offensive sans précédent contre la Bande de Gaza. Bombardements, opérations au sol… La Bande de Gaza est totalement bouclée et les Palestiniens n’ont aucun refuge. Maisons, hôpitaux, écoles de l’ONU sont pris pour cible. Plus de 1400 morts.

GRÈVE GÉNÉRALE DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS

À l’appel de l’Autorité palestinienne, trois jours de grève générale ont été déclarés dans l’ensemble des territoires occupés. Cela dit, l’entourage du président Mahmud Abass n’a pas annoncé un gel des négociations indirectes concoctées par l’administration américaine, alors que c’est le minimum qu’attend la majorité de la population de ces territoires de la part de celui qui reste, jusqu’à nouvel ordre… et à la date indéterminée des prochaines élections, son président.

LA COLÈRE DES PALESTINIENS D’ISRAËL

Manifestations massives, confrontations de jeunes avec la police – la population palestinienne d’Israël n’est pas en reste dans l’indignation qui traverse l’ensemble du monde musulman et au-delà. En particulier dans la ville d’Um el Fahem dont l’ancien maire, le Cheikh Raed Salah, a été blessé puis arrêté sur le Marmara. La grève générale est largement suivie et l’on attend ce samedi des manifestations de masse dans toutes les villes palestiniennes d’Israël. La police a reçu l’ordre de maintenir à tout prix les axes routiers ouverts, mais de permettre aux habitants de manifester au sein de leurs localités.

NPA. Paru dans Hebdo TEAN 58 (03/06/10).

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