Opel Anvers: Les travailleurs ne sont pas des Kleenex!
Par David Dessers le Samedi, 26 Septembre 2009 PDF Imprimer Envoyer

Pour Opel Anvers la perspective devient de plus en plus sombre. Le repreneur Magna veut supprimer 11.000 des 46.000 emplois et de toutes les déclarations des négociateurs on peut déduire que l’usine Opel du port d’Anvers sera sacrifiée. Les gouvernements européens ont joué la surenchère. Si l’on tient compte du milliard et demi d’euros de subvention allemande, on comprend de suite mieux les priorités de Magna. L’Union Européenne est construite fondamentalement sur base des mécanismes de la concurrence et du marché : il ne faut donc pas trop s’étonner quand tous ces gouvernements pro-UE font primer leur intérêt national quand le besoin se fait sentir et sont prêt à surenchérir les uns contre les autres jusqu’à s’égorger mutuellement.

Il est autant plus dramatique de voir que les syndicats des métallos des pays respectifs ont été infecté par le même virus: ils n'ont eu de cesse de mettre en avant la productivité « supérieure » de leur implantations pour maintenir l’emploi chez eux. C'est ainsi que l'on divise les ouvriers au lieu des les unir par delà les frontières, c'est ainsi que l'on alimente la peur parmi les travailleurs et qu'on les pousse à démontrer que leur usine produit plus et plus vite que celle de l'autre côté de la frontière. Et ce scénario se perpétue jusqu'à ce que le rideau tombe car, tôt ou tard, quels que soient les « sacrifices » consentis, il tombera inévitablement. C’est cette logique de mort de la compétitivité qu'il faut battre en brèche et y opposer au contraire la solidarité européenne des travailleurs car elle est indispensable face aux multinationales capitalistes.

Les syndicats auraient dû arriver à une stratégie européenne commune depuis longtemps déjà pour défendre l’emploi et maintenir les travailleurs en place partout. Les sommets syndicaux en Belgique ne sont mis à parler du partage du travail sur les différentes implantations que depuis que « leur » cause nationale semble à moitié perdue. Il n’est bien sûr jamais trop tard pour bien faire, mais il semble ardu de changer de fusil d’épaule dans le dernier tournant avant la ligne d’arrivée. Dès qu’un syndicat entame le jeu de « l’implantation la plus productive, c’est nous!», il ne fait par là que se mettre la corde au cou, à s'offrir inexorablement pieds et poings lié aux diktats patronaux pour lesquels il y a aura toujours des perdants et des gagnants. Et les perdants ne sont pas très crédibles lorsqu'ils découvrent subitement et un peu tard toute l'importance de la solidarité internationale.

Une seule usine ne peut jamais gagner cette bataille. Au moment même où un négociateur de GM avait énoncé clairement lors de la reprise par Magna que l’usine d’Anvers devait fermer, les syndicats belges continuaient à clamer qu’une grève était la pire des choses qui pouvait arriver à Anvers, vu que cela allait prendre la nouvelle direction à rebrousse-poil car tant qu’il n’y a pas de stratégie commune, une grève offre l’excuse rêvée au nouveau propriétaire de fermer les portes... C’est justement pour cela qu’il ne fallait pas se laisser diviser et qu’il ne faut pas jouer le jeu patronal!

A Opel-Anvers, il y a encore 2.700 travailleurs. On peut ajouter plusieurs milliers d’emplois dans les usines sous-traitantes. Un scénario de fermeture serait catastrophique pour des milliers de ménages dans la région d’Anvers. Dans une période de crise généralisée, ces travailleurs trouveront d’autant plus difficilement une nouvel emploi convenable que, par exemple, leurs collègues de Renault il y a plus de dix ans. On ne peut pas enterrer la lutte et les syndicats doivent engager tous les moyens nécessaires pour sauver ces emplois. Encore une fois: au lieu de marcher bras dessus, bras dessous avec les ministres flamands, les syndicats devraient se ranger résolument dans le camp de leurs camarades européens. Cela dépasse d’ailleurs largement la responsabilité des équipes syndicales d'Opel Anvers, qui tentent de défendre les travailleurs dans des circonstances très difficiles. Il s’agit de la responsabilité des syndicats métallos belges, de leurs secrétaires, de leur direction et des structures syndicales européennes. Elles peuvent et doivent élaborer un plan de lutte pour le maintien de l’emploi chez Opel et elles doivent opter pour une stratégie combative si les patrons ne veulent pas les entendre.

Si les syndicats européens ne sont pas prêt à une telle lutte commune, les syndicats belges et la délégation d’Opel Anvers peuvent organiser la lutte et exiger le sauvetage de l’usine par les autorités belges par la nationalisation sous contrôle des salariés. L’année passée, le gouvernement belge a dépensé des milliards d'euros pour sauver les banquiers de leur propre faillite. Pourquoi de tels moyens ne sont donc pas utilisé lorsqu'il s'agit de sauver une usine menacée de fermeture et qui peut être transformé en un centre de production utile socialement et écologiquement à peu de frais.

Si Opel Anvers fermait brutalement, la démonstration sera faite, une fois de plus, de la « culture Kleenex » capitaliste. Une énorme quantité de savoir-faire, de connaissances, de technologie sera gaspillée, ouvrant un nouveau chancre industriel. A l’heure où tous chantent dans les médias les louanges de la transformation écologique de notre tissu industriel, les capacités des travailleurs d’Opel Anvers pourraient s’avérer très utiles. L’usine pourrait rapidement commencer à produire des bus, des trains, des trams, des wagons et même des matériaux d’isolation, afin de participer au renouvellement et à l’extension du transport public. Avec les investissements nécessaires, elle pourrait se trouver dans les premiers rangs pour la recherche et le développement des moyens pour une mobilité soutenable. Les travailleurs de l’automobile sont des ouvriers hautement qualifiées. Ils seraient ravis de pouvoir mettre leurs immenses capacités au service d’une telle production socialement et écologiquement utile. Opel Anvers ne peut pas fermer, les emplois doivent être sauvés!

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